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Red Ball Express

Lors de la Seconde Guerre mondiale, le Red Ball Express est un important système de convoyage routier mis en œuvre par les forces alliées après la percée marquant la fin de la bataille de Normandie. Il reposait sur un itinéraire en boucle à sens unique entre Cherbourg et Chartres puis, avec l'avancée du front, étendu en deux branches vers le nord et l'est de la France. Ce système a fonctionné du au et la remise en service du port d'Anvers. Le terme Red Ball provient du vocabulaire ferroviaire américain et s'applique aux trains prioritaires. Le nom de Red Ball Express est parfois utilisé dans un sens plus étendu en faisant référence à l'ensemble des transports routiers militaires alliés en Europe de l'Ouest.

Panneau routier du Red Ball Express

Contexte

Le rĂ©seau ferroviaire dans le nord-ouest de la France ayant Ă©tĂ© dĂ©truit par les bombardements alliĂ©s avant et au dĂ©but de la bataille de Normandie pour freiner le renforcement des forces allemandes, il ne restait plus aux AlliĂ©s que la solution du transport routier, afin de pourvoir aux Ă©normes besoins des armĂ©es en mouvement. La fin de la bataille de Normandie marquait le dĂ©but de la rapide avancĂ©e alliĂ©e sur le front de l'Ouest. Il s'agissait donc de transporter des vivres, des munitions et surtout de grandes quantitĂ©s de carburant. Chacune des 28 divisions alliĂ©es engagĂ©es, pour mener Ă  bien ses opĂ©rations offensives, avait besoin d'environ 700 Ă  750 tonnes de ravitaillement par jour, soit un total de 20 000 tonnes.

Fonctionnement

Des GMC CCKW du Red Ball Express derrière un dépôt de jerricans.

Deux itinéraires furent tracés en suivant des routes nationales ou secondaires existantes entre Cherbourg et Chartres où était installée une grande base logistique américaine. La route la plus au nord était empruntée par les camions chargés de marchandises, qui revenaient à vide par celle du sud. Afin de fluidifier le trafic, de limiter les accidents et les attaques aériennes, des règlementations spéciales furent instaurées :

  • Circulation interdite aux vĂ©hicules civils
  • Convois de 5 camions minimum, encadrĂ©s par des jeeps
  • Camions espacĂ©s de 60 mètres
  • Interdiction de doubler
  • Vitesse unique limitĂ©e Ă  40 km/h (25 milles par heure)
  • Pause obligatoire les 10 dernières minutes de chaque heure[1].

Le trafic Ă©tait ininterrompu, de jour comme de nuit.

Les camionneurs ne devaient pas s'arrêter, même pour aider un autre camionneur en panne. Ce dernier devait attendre une des équipes de réparation[1] puis, une fois dépanné, être intégré à un convoi passant.

Les routes du Red Ball Ă©taient balisĂ©es par des panneaux grand format, inspirĂ©s des panneaux publicitaires amĂ©ricains. Ils Ă©vitaient aux conducteurs de se perdre et indiquaient Ă©galement les objectifs de tonnage journalier atteints, afin de les motiver. Plus de 25 000 panneaux furent posĂ©s[1].

Des ateliers de rĂ©parations se trouvaient environ tous les 50 km[1]. Une zone de bivouac fut amĂ©nagĂ©e au milieu du parcours pour procĂ©der au repos et au changement de chauffeurs et faire le plein d'essence[1]. Des points de contrĂ´le existaient dans les principales villes traversĂ©es[1]. Ils servaient Ă  l'enregistrement des mouvements, au pointage des marchandises et pour une bonne information sur les ateliers de rĂ©paration et les stocks d'essence disponibles sur la route ou pour signaler d'Ă©ventuels vĂ©hicules en panne[1].

Du fait de la densitĂ© de la circulation, et pour faire respecter les règles, 3 bataillons de police militaire, un rĂ©giment d'infanterie et de nombreux policiers français furent mobilisĂ©s[1]. Des unitĂ©s de corps du gĂ©nie furent Ă©galement affectĂ©es au maintien en Ă©tat des routes.

Près de 75 % des chauffeurs du Red Ball Express étaient des soldats afro-américains[2]. En effet, interdits dans les unités combattantes pour cause de ségrégation raciale, ces derniers, sauf rares cas, se retrouvaient incorporés dans des unités de soutien.

Le système a utilisĂ© 5 958 vĂ©hicules et a transportĂ© quotidiennement jusqu'Ă  12 500 tonnes de marchandises.

Les principaux problèmes rencontrĂ©s sur le Red Ball Express Ă©tant les pannes, l'Ă©puisement des conducteurs et l'usure du matĂ©riel, qui Ă  la longue ont fini par multiplier les accidents et le coĂ»t de fonctionnement. De 2 500 grosses rĂ©parations sur la première semaine de septembre, elles avaient doublĂ©, Ă  5 750, rien que deux semaines plus tard[1]. Les crevaisons Ă©taient aussi frĂ©quentes. Ainsi pour le pneu le plus utilisĂ©, le 750 x 20, 55 000 furent changĂ©s en [1].

Tracés

Borne commémorative du Red Ball Express dans le village de La Queue-lez-Yvelines (Yvelines)

Le tracĂ© Ă©tait long de 500 kilomètres puis Ă©tendu Ă  1 200 km[1]. Le Red Ball Express connut plusieurs tracĂ©s. Ainsi du au .

Saint-Lô sert de point de regroupement, certains camions arrivant des plages de débarquement d'Utah Beach et d'Omaha Beach. Vire est le seul endroit où la route n'est pas à sens unique[1].

L'itinĂ©raire Ă©volua : ainsi le trajet initial passait très au sud, en raison des opĂ©rations militaires qui venaient de se dĂ©rouler Ă  Argentan[1]. Un nouvel itinĂ©raire plus au nord donc plus court fut mis en place Ă  partir du  :

Ă€ partir du , avec l'avancĂ©e rapide du front, le Red Ball Express fut rallongĂ© de deux boucles :

La Red Ball Express et les autres routes logistiques alliées
25 août 1944
10 septembre 1944
16 septembre 1944
20 septembre 1944
10 octobre 1944
16 octobre 1944
30 novembre 1944
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Conséquences

Le Red Ball Express a fourni une aide dĂ©cisive aux armĂ©es alliĂ©es en attendant la reconquĂŞte de nouveaux ports et la rĂ©paration d'autres infrastructures de transport. Il fonctionnera d'ailleurs ensuite pendant un temps en parallèle de la voie de chemin de fer et de l'olĂ©oduc construit par les AlliĂ©s[1]. Entre le et le , 410 000 tonnes de marchandises furent transportĂ©es[1]. MalgrĂ© cela et face Ă  la rapide avance alliĂ©e dans l'est, cela se rĂ©vèlera encore insuffisant, un bref pont aĂ©rien sera mĂŞme mis en place entre l'aĂ©rodrome de Cherbourg-Querqueville et celui de Reims pour transporter du carburant en septembre 1944.

Postérité

Le Red Ball Express, pendant son fonctionnement, fut popularisé dans différentes journaux destinés aux troupes ainsi qu'aux actualités. Il sera le thème d'une comédie musicale, Call Me Mister (en), créée à Broadway au printemps 1945[1]. Un film, Les Conducteurs du diable (Red Ball Express) tourné en 1952 et réalisé par Budd Boetticher avec Sidney Poitier retrace cet épisode de la guerre. En 1973, CBS diffusa une comédie de douze épisodes intitulée Roll Out (en) racontant les aventures d'une compagnie de transport afro-américaine sur la Red Ball Express. La série utilisa ce cadre pour parler de la ségrégation raciale[3].

Autres routes similaires

  • Green Diamond Highway : de Cherbourg Ă  Dol de Bretagne du 14 au [1],
  • Lions Express (par les Britanniques) : de Bayeux Ă  Bruxelles en septembre et [1],
  • White Ball Express : du Havre Ă  Reims via Beauvais Ă  la fin 1944,
  • ABC Highway : d'Anvers Ă  Liège avec plusieurs embranchements, de fin 1944 Ă  dĂ©but 1945[1].

Notes et références

  1. Cherbourg, port de la liberté : la bataille logistique de la Libération de Robert Lerouvillois, éditions Isoete, 2009 (ISBN 978-2905385109)
  2. (en)African Americans Gain Fame as World War II Red Ball Express Drivers par Rudi Williams, American Forces Press Service, sur le site du Département de la Défense des États-Unis.
  3. The Road to Civil Rights : World War II - The Red Ball Express sur le site de la Federal Highway Administration.

Bibliographie

En français
  • Nicolas Aubin, Les routes de la LibertĂ©, 2014, Paris, Histoire&Collections, 224 pages, (ISBN 978-2-35250-319-4).
En anglais
  • Pat Ware, Red Ball Express, 2007, Ian Allan Publishing Ltd.
  • John A. Lynn (dir.), Feeding Mars, Logistics in western warfare from the Middle Ages to the present, 1993, Westview, 334 pages, (ISBN 978-0813318653).
  • Martin Van Creveld, Supplying War, from Wallenstein to Patton, 1977, Cambridge University Press.
  • Roland G. Ruppenthal, Logistical Support of the Armies, 2 vol., 1953 & 1959, Washington DC, Office of Chief Military History, DoD.
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