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Rapport eau-ciment

Le rapport eau-ciment (rapport e/c, encore appelé rapport massique eau-ciment ou facteur eau-ciment, f) est le rapport entre la masse de l'eau (e) et la masse de ciment (c) utilisées pour préparer un mélange de béton frais :

Mélange de béton à la main

Les valeurs typiques de ce rapport f = e⁄c sont gĂ©nĂ©ralement comprises dans l'intervalle situĂ© entre les valeurs limites de 0.40 et 0.60.

Le rapport eau-ciment du mĂ©lange de bĂ©ton frais est un des principaux facteurs, si pas le plus important, dĂ©terminant la qualitĂ© et les propriĂ©tĂ©s du bĂ©ton durci, car il affecte directement la porositĂ© du bĂ©ton, et un bon bĂ©ton est toujours le bĂ©ton le plus compact et le plus dense possible. Un bon bĂ©ton doit donc ĂȘtre prĂ©parĂ© avec le moins d'eau possible, mais avec suffisamment d'eau pour hydrater les minĂ©raux du ciment et le manipuler correctement.

Une valeur plus basse de ce rapport confĂšre une rĂ©sistance et une durabilitĂ© plus Ă©levĂ©es au bĂ©ton durci, mais peut rendre le mĂ©lange de bĂ©ton frais plus difficile Ă  manipuler et Ă  mettre en place. L'ouvrabilitĂ© du bĂ©ton Ă  l'Ă©tat frais peut ĂȘtre amĂ©liorĂ©e par l'addition de plastifiants ou de superplastifiants. Une valeur plus haute de ce rapport donne un bĂ©ton frais plus fluide et plus facile Ă  couler, mais qui finalement rĂ©sultera dans un bĂ©ton durci plus poreux et donc de moindre qualitĂ©, diminuant ainsi sa rĂ©sistance mĂ©canique et rĂ©duisant sa durĂ©e de vie.

Souvent, le concept de rapport e/c fait référence au rapport eau/matériaux cimentaires, e/cm. Les matériaux cimentaires comprennent le ciment et les matériaux cimentaires supplémentaires (MCS) tels que le laitier sidérurgique broyé (S), les cendres volantes (V), la fumée de silice (SF), les pouzzolanes naturelles, le métakaolin (MK), ou la cendre de balle de riz trÚs riche en silice (régions productrices de riz). La plupart des matériaux cimentaires supplémentaires sont des sous-produits d'autres industries et présentent des propriétés intéressantes comme liant hydraulique. AprÚs réaction avec les alcalis (activation du laitier de haut fourneau) et la portlandite (Ca(OH)2), ils forment également des silicates de calcium hydratés (en anglais : calcium silicate hydrates, abrégés en C-S-H), la "colle" de la pùte de ciment durcie. Ces C-S-H supplémentaires colmatent la porosité du béton et contribuent ainsi à le renforcer. Les MCS permettent également d'abaisser la teneur du ciment en clinker et donc d'économiser de l'énergie et de réduire les coûts, tout en recyclant des déchets industriels autrement destinés à l'enfouissement en décharge.

L'effet du rapport eau-ciment (e/c) sur la rĂ©sistance mĂ©canique du bĂ©ton a Ă©tĂ© dĂ©couvert pour la premiĂšre fois par RenĂ© FĂ©ret (1892) en France. Duff A. Abrams (1918) (Ă©galement l'inventeur de l'essai d’affaissement au cĂŽne d’Abrams) est arrivĂ© aux mĂȘmes conclusions aux États-Unis, et Jean Bolomey (1929) les a confirmĂ© plus tard en Suisse en raffinant la formule de FĂ©ret.

Le code de construction uniformisĂ© aux États-Unis (Uniform Building Code, États-Unis) de 1997 spĂ©cifie un rapport e/c de maximum 0,5 lorsque le bĂ©ton est exposĂ© au gel et au dĂ©gel dans des conditions humides ou aux sels de dĂ©neigement, et un maximum de 0,45 pour le bĂ©ton dans des conditions d'attaque sulfatiques sĂ©vĂšres ou trĂšs sĂ©vĂšres.

La prise et le durcissement du bĂ©ton sont dus Ă  des rĂ©actions chimiques d'hydratation des minĂ©raux du clinker (le principal constituant du ciment Portland) avec dĂ©gagement concomitant de chaleur (rĂ©actions exothermiques). Pour chaque quantitĂ© (masse, kg) de ciment (c), environ 0,35 fois la quantitĂ© (masse, kg) d'eau (e) est nĂ©cessaire pour permettre les rĂ©actions d'hydratation[1]. Le besoin chimique (quantitĂ© stƓchiomĂ©trique nĂ©cessaire) en eau requis par l'hydratation des minĂ©raux du clinker exige un rapport e/c minimum de 0,25, tandis que la quantitĂ© d'eau physiquement adsorbĂ©e Ă  la surface des phases minĂ©rales du bĂ©ton reprĂ©sente un rapport e/c de l'ordre de 0,10.

Cependant, un bĂ©ton frais avec un rapport e/c de 0,35 peut ĂȘtre difficile Ă  malaxer et manquer de fluiditĂ© pour ĂȘtre correctement placĂ© et remplir tous les vides des coffrages, surtout si le rĂ©seau d'armatures du bĂ©ton armĂ© est trĂšs dense. On utilise donc souvent plus d'eau qu'il n'est chimiquement et physiquement nĂ©cessaire pour rĂ©agir avec le ciment. Des rapports e/c compris entre 0,40 et 0,60 sont couramment utilisĂ©s. Pour du bĂ©ton Ă  plus haute rĂ©sistance, des rapports e/c plus bas sont nĂ©cessaires, ainsi que l'addition d'un plastifiant ou d'un superplastifiant pour augmenter la fluiditĂ© du bĂ©ton frais et augmenter la rĂ©sistance mĂ©canique Ă  l’état durci.

Il convient de ne pas dĂ©passer un rapport e/c de 0,60 car le bĂ©ton frais devient alors trop liquide[2], ce qui donne une porositĂ© trop Ă©levĂ©e et un bĂ©ton durci trop peu rĂ©sistant. Le Prof. Gustave Magnel (1889-1955, de l'UniversitĂ© de Gand en Belgique) l'avait d'ailleurs fait remarquer de façon assez imagĂ©e lors d'une allocution publique tenue devant un parterre d'entrepreneurs amĂ©ricains de travaux publics: "les amĂ©ricains font de la soupe, pas du bĂ©ton"[3]. Gustave Magnel avait prononcĂ© cette phrase mĂ©morable Ă  l'occasion d'une de ses visites aux États-Unis dans les annĂ©es 1950 pour y construire le tout premier pont en bĂ©ton prĂ©contraint sur le continent amĂ©ricain : le Walnut Lane Memorial Bridge Ă  Philadelphie ouvert Ă  la circulation en 1951[4] - [5] - [6] - [7]. Gustave Magnel avait alors vertement rĂ©agi face aux rĂ©ticences des entrepreneurs amĂ©ricains auxquels il demandait de rĂ©aliser un bĂ©ton Ă  rapport e/c trĂšs bas et Ă  affaissement nul au cĂŽne d'Abrams, comme il avait coutume de le prĂ©parer dans l'atelier de son laboratoire lorsqu'il y coulait les premiĂšres poutres en bĂ©ton prĂ©contraint suivant la technique inventĂ©e par EugĂšne Freyssinet.

Lorsque l'excÚs d'eau ajouté pour améliorer l'ouvrabilité du béton frais, et non consommé par les réactions d'hydratation, s'évapore aprÚs le durcissement du béton, cela augmente la porosité du béton et la proportion de vides qu'il contient dans sa microstructure. Une porosité plus élevée réduit la résistance du béton à la compression car l'air contenu dans les pores est compressible et la microstructure du béton résiste moins bien à l'écrasement.

En outre, une porosité plus élevée augmente également la conductivité hydraulique (K, m/s) du béton et les coefficients de diffusion effectifs (De, m2/s) des solutés et des gaz dissous dans la matrice de béton. Cela accroßt la perméabilité du béton à l'eau, accélÚre sa dissolution (lixiviation du calcium), favorise les réactions chimiques internes expansives néfastes (réaction alcali-granulat (RAG), réaction sulfatique interne (RSI) et externe (RSE), toutes grandes consommatrices d'eau) et facilite le transport des espÚces chimiques indésirables telles que les chlorures (corrosion par piqûres des armatures) et les sulfates (attaques sulfatiques du béton mentionnées ci-dessus).

Lorsque l'on a recours à des matrices cimentaires pour immobiliser et encapsuler des métaux lourds toxiques ou des radionucléides (conditionnement des déchets radioactifs), un rapport eau/ciment le plus faible possible est essentiel afin de diminuer la porosité du béton ainsi que les coefficients de diffusion effectifs des substances toxiques mobiles encore dissoutes dans l'eau interstitielle. Un rapport e/c peu élevé permet ainsi de limiter la lixiviation et la migration des éléments toxiques hors de leur matrice d'immobilisation.

Une porositĂ© trop Ă©levĂ©e facilite Ă©galement la diffusion des gaz dans la microstructure du bĂ©ton. Une diffusion plus rapide du CO2 atmosphĂ©rique dans la porositĂ© du bĂ©ton augmente sa vitesse de carbonatation. Lorsque le front de carbonatation atteint les armatures d'acier, le pH de l'eau interstitielle du bĂ©ton au contact de l'acier diminue. À un pH infĂ©rieur Ă  10,5, l'acier au carbone n'est plus passivĂ© par un pH alcalin et commence Ă  se corroder (corrosion gĂ©nĂ©ralisĂ©e). Une diffusion plus rapide de l'oxygĂšne atmosphĂ©rique (O2) dans la microstructure du bĂ©ton accĂ©lĂšre Ă©galement la corrosion des armatures.

Qui plus est, à long terme, un béton préparé avec trop d'eau subira plus de fluage et de retrait de dessiccation au fur et à mesure que l'eau ajoutée en excÚs disparaßt. Ceci provoque la formation de fissures et réduit la résistance mécanique du béton.

Finalement, l'eau ajoutée en excÚs facilite aussi la ségrégation des granulats fins et grossiers (sables et graviers) dans le mélange frais et provoque la formation de nids de gravier dans les voiles en béton ou autour des armatures. En cas de ressuage d'eau (en anglais : "bleeding") à la surface des dalles ou des radiers, aprÚs son évaporation, la surface obtenue est poussiéreuse.

Pour toutes ces raisons, il est strictement interdit d'ajouter de l'eau dans un camion de bĂ©ton prĂȘt Ă  l'emploi lorsque le dĂ©lai de livraison est dĂ©passĂ© et que le bĂ©ton commence Ă  ĂȘtre difficile Ă  mettre en oeuvre en raison de sa prise. Un tel bĂ©ton perd toute certification (p. ex. Afnor) et la responsabilitĂ© de l'entrepreneur qui accepte pareille pratique est Ă©galement engagĂ©e. Dans le pire des cas, un ajout de superplastifiant est autorisĂ© pour rĂ©augmenter l'ouvrabilitĂ© du bĂ©ton et sauver le chargement du camion malaxeur Ă  condition toutefois que le dĂ©lai maximum de livraison ne soit jamais dĂ©passĂ©.

Références

  1. Shan Somayaji, Civil Engineering Materials, Upper Saddle River, Prentice Hall, , 129 p. (ISBN 0-13-083906-X) :
    « The water-to-cement ratio is the ratio between the weights of water and cement in a concrete mix. For proper hydration, this ratio (commonly called the w/c ratio) should be about 0.30, assuming no contribution to hydration from external water sources. »
  2. (nl) De Boevere, « Carpe Diem – Gustaaf Paul Robert Magnel », carpediem-toenennu.nl, (consultĂ© le ) : « Prof. Gustave Magnel famous quote: Americans make soup, not concrete »
  3. Engineering News Record, 1954, February 25
  4. (en) Taerwe, « Contributions of Gustave Magnel to the development of prestressed concrete. Presentation SP-231-1 at the Ned H. Burns Symposium 2015 - PDF Free Download », docplayer.net, (consulté le )
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  6. Zoliman, « Dynamic American engineers sustain Magnel's momentum. In the special issue: Reflections on the Beginnings of Prestressed Concrete in America », Prestressed Concrete Institute (PCI) Journal, vol. 23, no 3,‎ , p. 34 (ISBN 0-937040-18-5, lire en ligne)
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