RĂ©animation cardiopulmonaire
La réanimation cardiopulmonaire (RCP) ou réanimation cardiorespiratoire (RCR ; parfois CPR, de l'anglais cardiopulmonary resuscitation) est un ensemble de manœuvres destinées à assurer une oxygénation des organes lorsqu'une victime a fait un arrêt cardiorespiratoire (ACR) : son cœur ne bat alors plus, privant de sang les organes, et il faut donc pratiquer la RCP pour y suppléer[1].
Lorsque la circulation du sang s'arrête, les organes, dont le cerveau et le cœur lui-même, ne sont plus alimentés en oxygène et commencent à mourir : c'est l'hypoxie. Des lésions cérébrales apparaissent dès la troisième minute, et les chances de survie diminuent de 10 % par minute sans réanimation et sont donc quasiment nulles après dix minutes d'arrêt circulatoire sans réanimation[2]. Le fait d'oxygéner artificiellement le sang et de le faire circuler permet d'éviter ou de ralentir cette dégradation, et donc d'accroître les chances de survie.
Description sommaire
La réanimation cardiopulmonaire est séparée en réanimation cardiopulmonaire de base (réalisable par tout le monde) et réanimation spécialisée (réalisée par les professionnels de santé formé à ce type de réanimation).
Elle est basiquement composée de l'association de :
- compressions thoraciques ou « massage cardiaque externe » (MCE) pour remplacer la circulation sanguine interrompue par l'absence de contraction du cœur ;
- Ventilation artificielle pour l'oxygénation des organes non réalisée en l'absence de respiration.
Le concept a été inventé par Peter Safar, à qui l'on doit l'acronyme en anglais ABC :
- A pour airway, libération des voies aériennes ;
- B pour breathing, ventilation artificielle ;
- C pour circulation, assurer la circulation du sang par le massage cardiaque externe.
La réanimation cardiopulmonaire doit se pratiquer sur toute personne en état de mort apparente, c'est-à -dire :
- inconsciente : la personne ne bouge pas spontanément, elle ne réagit pas au toucher ni à la parole ;
- et qui ne respire pas : après libération des voies aériennes ainsi que l'élévation du menton (dégrafage des vêtements pouvant gêner la respiration, mise en bascule prudente de la tête), on ne voit aucun mouvement respiratoire et on ne sent pas d'air sortir par le nez ou la bouche.
À moins d'y avoir été formé, il ne faut pas chercher à prendre le pouls de la victime[3]. Cette opération n'est fiable que si elle est réalisée par une personne entraînée et retarde d'autant la réanimation. Les cas d'arrêt respiratoire sans arrêt cardiaque sont rares et ne sont que temporaires. La conduite à adopter, pour le grand public, est la réanimation.
Les cas typiques de mort apparente sont la mort subite (la personne s'écroule sans raison apparente), la noyade et le choc électrique. Il peut aussi y avoir une origine traumatique autre, comme une asphyxie, une chute de hauteur ou un accident de la circulation. La mort apparente peut être aussi due à une perte de sang importante (il faut alors d'abord stopper l'hémorragie).
Dans tous les cas, la priorité reste la protection. Le sauveteur doit repérer et éliminer tout danger, par exemple l'appareil électrique dans le cas de la victime électrocutée.
Dans le cas d'un adulte qui s'effondre sans raison, et lorsqu'on est seul (sauveteur isolé), la priorité est l'arrivée des secours, il faut donc alerter les secours avant de commencer la RCP. Celle-ci améliore les chances de survie en attendant les secours.
Lorsque la victime est un enfant de moins de huit ans, si aucun témoin n'est disponible, on pratique la RCP deux minutes avant d'aller alerter les secours car l'apport rapide d'oxygène aux cellules peut améliorer l'état de la personne. Au contraire, dans le cas de l'arrêt spontané chez l'adulte, seule une défibrillation rapide et une intervention rapide des secours permet de sauver la personne.
Si un témoin est présent, le sauveteur lui demande d'alerter les secours et d'apporter un défibrillateur (DSA ou DAE), puis commence immédiatement la réanimation.
Principes de la réanimation cardiorespiratoire
La réanimation cardiorespiratoire fait intervenir deux mécanismes.
Oxygénation du sang
Le sang sert entre autres à transporter l'oxygène vers les organes, leur permettant de fonctionner (la respiration cellulaire leur fournit de l'énergie). La respiration s'étant arrêtée, il faut la suppléer par la ventilation artificielle.
La ventilation artificielle consiste à envoyer de l'air dans les poumons de la victime. On pratique une ventilation dite « à pression positive » : on souffle (avec sa bouche ou avec un dispositif) de l'air, la pression de l'air fait gonfler les poumons. Là , les échanges gazeux se produisent, et la victime expire passivement (le poids de la poitrine et des viscères appuient sur les poumons, qui se dégonflent).
Lorsque l'on pratique la ventilation artificielle sans matériel (bouche-à -bouche, bouche-à -nez, bouche-à -bouche-et-nez sur le nourrisson), on envoie un air qui, bien qu'étant expiré après respiration du sauveteur, est encore assez proche de l'air que l'on respire (il contient 16 % de dioxygène) : en effet, une partie de l'air provient de la « tuyauterie » (bronches, trachée, bouche) et est similaire à l'air respiré, et l'air provenant des poumons, s'il est appauvri en dioxygène, en contient encore. Mais le fait de pratiquer des compressions thoraciques permet de mettre en mouvement la colonne d'air de la trachée et de ventiler un air à 21 % d'O2, ce qui pourrait suffire.
Lorsque l'on utilise un ballon insufflateur (avec un masque ou un embout buccal), on envoie de l'air pur (21 % de dioxygène). Si on branche une bouteille de dioxygène médical, on augmente encore la fraction inspirée de dioxygène (FiO2), et l'on peut aller jusqu'à insuffler du dioxygène pur lorsque l'on utilise un ballon de réserve.
L'air que l'on insuffle passe vers les poumons, mais aussi vers l'estomac. Celui-ci se gonfle au fur et à mesure, et si jamais il se dégonfle, il risque d'entraîner avec lui son contenu acide (suc gastrique) qui vont venir détériorer les poumons (syndrome de Mendelson) et compromettre gravement la survie de la victime. Il faut donc souffler sans excès, régulièrement sur deux secondes, et s'arrêter dès que l'on voit la poitrine se soulever.
Il n'est pas certain que la mise en route d'une ventilation artificielle, du moins en dehors d'un milieu de réanimation, soit totalement profitable au patient en arrêt cardiorespiratoire, car la réalisation de celle-ci se fait parfois aux dépens du temps consacré au massage cardiaque. Les méthodes de réanimation par massage seul (sans ventilation) semblent avoir au moins d'aussi bons résultats que la technique habituelle associant massage et ventilation[4], et apparaissent dans les recommandations américaines publiées en 2008[5]. Cependant, chez le sujet jeune (moins de 20 ans) ou lorsque la prise en charge de l'arrêt est tardive, la mise en route d'une ventilation pourrait conserver des bénéfices[6].
Circulation sanguine
Le sang au niveau des poumons ayant été oxygéné, il faut ensuite le faire circuler dans le reste du corps. Ceci se fait grâce aux compressions thoraciques, appelées aussi massage cardiaque externe. Cela consiste à appuyer sur le milieu du thorax afin de comprimer la poitrine :
- sur l'adulte et l'enfant de plus de huit ans, le sternum doit descendre de 5 Ă 6 cm ;
- sur l'enfant entre un et huit ans, le sternum doit descendre de 1/3 de l'Ă©paisseur du thorax (la RCP se fait avec une main) ;
- sur le nourrisson de moins d'un an, le sternum doit descendre de 1/3 de l'Ă©paisseur du thorax (la RCP se fait avec deux doigts).
En comprimant la poitrine, on comprime les vaisseaux sanguins ce qui chasse le sang vers le reste du corps (comme une éponge). On a longtemps cru que l'on comprimait le cœur ; il semble qu'il soit situé trop profondément, et qu'il ne joue qu'un rôle de régulation du sens de circulation par ses valves.
Pour que la compression thoracique soit efficace, il faut que la victime soit sur un plan dur ; en particulier, si la victime est allongée sur un lit, il faut la déposer à terre avant de commencer les manœuvres de réanimation.
La position des mains est importante si l'on veut avoir des compressions efficaces en minimisant les risques de fracture des côtes (notez que ce risque de fracture est négligeable par rapport au risque de décès si l'on ne fait rien).
Il faut aussi s'attacher à faire des compressions régulières, à laisser la poitrine reprendre sa forme initiale entre deux compressions, et à ce que le temps de relâchement soit égal au temps de compression. En effet, le relâchement de la poitrine permet le retour veineux, capital pour la bonne circulation.
Le rythme de massage doit être suffisant pour faire circuler le sang, mais pas trop rapide sinon la circulation n'est pas efficace (on crée des turbulences qui s'opposent à l'écoulement du sang). Le rapport compressions/insufflations a changé au fur et à mesure des études. Depuis 2005, il est recommandé à tout sauveteur seul d'alterner 30 compressions et 2 insufflations chez un adulte et de 15 compressions pour 2 insufflations chez un enfant. Le rythme des compressions doit être compris entre 100 et 120 par minute. À titre comparatif, cela correspond au rythme de la chanson Stayin' Alive des Bee Gees[7].
Afin d'adopter un rythme régulier et de respecter l'égalité temps de compression/temps de relâchement, et pour être sûr de bien faire le bon nombre de compressions successives, il est conseillé de compter à voix haute, sous la forme :
- chiffre (durant la compression) - et (durant le relâchement)
ainsi, on comptera Ă voix haute :
- « un-et-deux-et-trois-…–et–vingt-neuf–et–trente »
Cas particulier : femme enceinte
Dans le cas d'une femme visiblement enceinte, il convient de surélever le flanc ou la fesse droite pour améliorer le retour veineux, en libérant la veine cave inférieure du poids du fœtus[8]. Cela peut se faire en mettant un linge plié sous la fesse droite. On peut aussi laisser la victime strictement plat-dos et demander à une personne de pousser le fœtus vers la gauche.
DĂ©fibrillation
Lorsque l'arrêt cardiaque est dû à une fibrillation ventriculaire (le cœur bat de manière désorganisée), cas majoritaire de la mort subite de l'adulte, le seul espoir de sauver la victime consiste à défibriller le cœur, c'est-à -dire à resynchroniser le cœur par un choc électrique. Ceci peut se faire par un non-médecin avec un défibrillateur automatique externe, disponible dans l'ensemble des lieux publics[9], ou par un médecin avec un défibrillateur manuel.
Pratique de la RCP
Chronologie : la chronologie suivante part du principe que la personne est en arrêt circulatoire. Si ce n'est pas le cas, un des éléments du bilan l'indiquera, il ne faut alors pas faire de réanimation cardiopulmonaire.
- protection ;
- bilan : reconnaître l'arrêt cardiorespiratoire ; appeler « À l'aide ! » dès la constatation de l'inconscience, et à chaque étape du bilan ;
- alerte : envoyer quelqu'un prévenir les secours, où si l'on est isolé, aller prévenir soi-même les secours en appelant le 15 ou le 112
- envoyer quelqu'un chercher un défibrillateur automatique externe s'il y en a un de disponible (ne pas y aller soi-même car la réanimation est prioritaire) ; le mettre en œuvre dès que possible ;
- réanimation cardiopulmonaire ;
- faire 30 compressions thoraciques en comptant à voix haute « un–et–deux–et–(…)–et–vingt-neuf–et–trente » (ce qui permet de donner un rythme efficace de 100 à 120 compressions par minute) ;
- Si le sauveteur sait réaliser le bouche à bouche et seulement dans ce cas[3], faire 2 insufflations de 2 à 3 secondes stoppées dès que la poitrine se soulève (ne pas continuer de souffler si la poitrine se soulève, ce qui risquerait de faire vomir la victime et de lui obstruer ses voies aériennes). Ne pas oublier que seul, le fait de changer de position fatigue et ne permet pas d'assurer un massage cardiaque efficace très longtemps, or ce sont bien les compressions thoraciques qu'il faut privilégier afin de permettre une perfusion des tissus nobles avec l'oxygène qui reste dissous dans le sang (en attendant les secours) ;
- continuer l'alternance de compressions thoraciques et d'insufflations jusqu'à l'arrivée des secours ;
- dès qu'un défibrillateur est disponible, il faut le mettre en place sur la victime (soit par vous même, soit par l'autre sauveteur dans ce dernier cas n’arrêtez pas la RCP), en suivant les instructions vocales. Le défibrillateur donne en effet des instructions à haute voix — mais uniquement si ses électrodes ont été posées sur le thorax dénudé de la victime : il demande alors de pratiquer la réanimation lorsque c'est utile. Il est fait pour être très simple d'emploi, il ne faut donc pas hésiter à le mettre en place sur la victime même si l'on n'y a pas été formé.
On effectue ainsi un cycle de RCP en environ 24 secondes, soit cinq cycles en 2 minutes (donc 75 compressions et 5 ventilations artificielles par minute en moyenne).
Tous les 5 cycles (donc toutes les 2 minutes) ou après chaque « Choc non recommandé » du DAE les secouristes contrôlent l'absence de pouls. Si la victime a un pouls, le secouriste contrôle la reprise d'une respiration spontanée supérieure à 6 respirations/minute. Si elle respire, la victime est tournée en position latérale de sécurité. Si elle ne respire pas les secouristes effectuent 10 insufflations avant de refaire un contrôle du pouls et de la respiration. Après un choc effectué par le DAE, les secouristes effectuent 5 cycles de RCP avant de contrôler le pouls.
- Cas particulier
- Dans le cas d'un enfant (c'est-à -dire avant le début de la puberté), comme la cause de l'arrêt est probablement respiratoire, on pratique 5 insufflations avant de commencer les compressions thoraciques.
Les compressions thoraciques pratiquées lors de la réanimation cardiopulmonaire, de par leur effet mécanique sur les poumons, assurent une ventilation minimale. Le massage cardiaque, sans bouche-à -bouche, semble aussi efficace, si ce n'est plus efficace que le massage cardiaque avec bouche-à -bouche, du moins chez l'adulte[10]. Ce dernier n'est donc plus enseigné dans les formations courtes à destination du grand public [3].
L'arrivée de la défibrillation en préhospitalier a ajouté un D à l'acronyme mnémotechnique de Safar qui devient donc ABCD : airways, breath, circulation, defibrillation.
Il existe une technique de réanimation à un seul secouriste en utilisant le ballon insufflateur, ce qui permet de bénéficier de l'apport en oxygène et de libérer un secouriste. Dans ce cas, le secouriste se place à la tête et effectue les compressions de cette position, en se penchant au-dessus du visage[11]. L'efficacité de cette manœuvre est cependant sujette à caution[12].
Planches descriptives
- VĂ©rification des fonctions respiratoires : le secouriste Ă©coute la respiration, essaye de sentir l'air sur sa joue, regarde si la poitrine monte et descend, et sent les mouvements de la poitrine.
- Insufflation au bouche-à -bouche La tête du patient est rejetée en arrière. Le secouriste ferme le nez du patient d'une main, tout en maintenant la bouche du patient ouverte en lui tenant le menton.
- Placement de la main avant la CPR La main se place, chez un adulte Ă deux doigts en haut du plexus solaire.
- Position pour la CPR Les bras sont maintenus tendus, les compressions viennent du mouvement des Ă©paules.
- Contrôle du pouls carotidien (n'est plus enseigné dans les formations courtes à destination du grand public[3] ; remplacé par l'appréciation du souffle respiratoire de la poitrine et de la bouche en 8-10 secondes)
- Vue de l'opérateur du défibrillateur Un secouriste est à genoux à la tête de la victime et lui administre de l'oxygène. Si la tête de la victime est entre ses genoux, elle n'est pas serrée. Les électrodes de défibrillation sont collées.
Historique des procédures
Les procédures ont varié au cours du temps, en raison des progrès de la médecine (évolution des connaissances, évolution du traitement médical). Elles ont fait l'objet de recommandations faite par des sociétés savantes internationales :
- entre 1991 et 2000 :
- un sauveteur seul alternait 15 compressions thoraciques et 2 insufflations sur un adulte ou un enfant de plus de 8 ans ; les compressions se faisaient au rythme de 60 par minute,
- pour un nourrisson, il effectuait 4 insufflations initiales (2 lors du bilan, puis 2 après le passage de l'alerte) et alternait 5 compressions thoraciques et 1 insufflation,
- un sauveteur isolé et sans moyen d'appel pratiquait la RCP durant une minute avant d'appeler les secours,
- deux sauveteurs ou secouristes alternaient 5 compressions et 1 insufflation, sur un adulte comme sur un nourrisson,
- en 2000 :
- on abandonne le terme « massage cardiaque » pour « compression thoracique »,
- les rythmes de compression sont unifiés, 100 par minute quel que soit l'âge,
- on ne fait plus que 2 insufflations initiales sur le nourrisson,
- un sauveteur isolé et sans moyen d'appel passe désormais l'alerte immédiatement, sauf dans le cas d'un enfant de moins de huit ans, ou dans le cas d'une noyade ou d'une intoxication où l'alerte est passée après une minute de RCP,
- Ă deux secouristes, on garde l'alternance 15:2,
- en 2005 :
- on abandonne la distinction entre un et plusieurs secouristes pour la RCP de l'adulte,
- on passe à 30 compressions thoraciques alternées avec 2 insufflations en commençant par les compressions thoraciques,
- on admet que le défibrillateur est un maillon indispensable de la chaîne de survie[13],
- en 2010[14] - [15] :
- les insufflations ne sont plus systématiquement recommandées.
La RCP médicale
La réanimation cardiopulmonaire spécialisée (RCPS) par une équipe médicale ou paramédicale est le dernier maillon de la chaîne de survie avant admission à l'hôpital. Dans le cas idéal, les gestes spécialisés sont pratiqués dans les dix minutes qui suivent l'arrêt cardiaque, après la défibrillation.
La victime est intubée (connexion d'un respirateur artificiel aux voies respiratoires du patient par l'intermédiaire d'un tuyau que l'on glisse dans la trachée). Une voie d'abord veineuse est mise en place, soit périphérique (veines du bras) soit intra-osseuse (via un dispositif spécifique de ponction intraosseuse) et exceptionnellement par voie centrale (veine jugulaire, sous-clavière ou fémorale en cas d'impossibilité d'abord périphérique), tout en poursuivant les compressions thoraciques, y compris lors des insufflations : l'étanchéité du ballonnet de la sonde d'intubation empêche le dioxygène de ressortir lors des compressions.
Un capnomètre est mis en place : il mesure la quantité de dioxyde de carbone expiré, c'est-à -dire l'efficacité de la réanimation. En effet, si le patient expire du CO2, c'est que le dioxygène est bien arrivé aux cellules, et que les cellules l'ont consommé, donc qu'elles vivent.
On lui associe également l'administration de médicaments : adrénaline ou équivalents, isoprénaline si le cœur est trop lent, liquides de remplissage vasculaire ou d'alcalinisation suivant les cas. L'intérêt de l'administration systématique de médicaments reste cependant discuté : à très court terme, ils semblent améliorer le taux de retour à un rythme cardiaque mais n'améliore pas la survie à la sortie de l'hôpital[16]. Le défibrillateur du Samu peut être couplé à un stimulateur cardiaque externe si le cœur est trop lent.
Sur une femme manifestement enceinte, si le fœtus est potentiellement viable mais que la réanimation est inefficace, il faut envisager une césarienne d'urgence[8].
La pratique française veut que le patient ne soit transporté qu'à partir du moment où la situation hémodynamique est à peu près stable (pouls présent avec une pression artérielle existante). La réanimation cardiopulmonaire est donc poursuivie sur place jusqu'à échec (on n'arrive pas à réanimer le patient et celui-ci est déclaré décédé) ou succès. C'est la méthode dite du stay and play (« rester et jouer », c'est-à -dire agir sur place).
Cela diffère avec les pratiques américaines qui préconisent le transport le plus rapidement possible vers un centre spécialisé, quel que soit l'état du patient. C'est la méthode du scoop and run (charger et courir). Cette différence s'explique en partie par l'absence de médicalisation des premiers secours, fonctionnant sur des paramedics, des secouristes paramédicaux pouvant faire des gestes infirmiers et médicaux (intubation, pose d'une voie veineuse et administration de médicaments) sur protocole.
Si de nombreuses études scientifiques ont montré l'intérêt de la RCP par un témoin et d'une défibrillation précoce (dans les 8 minutes suivant l'arrêt cardiaque) sur la survie, l'intérêt de la pratique de soins médicaux sur place est moins évident en ce qui concerne les taux de survie. Cependant, outre le fait que cela soulage les services d'urgence hospitaliers, les équipes médicales (ou paramédicales) formées aux soins pré-hospitaliers avancés de maintien des fonctions vitales (SAMFV), peuvent prendre en charge les infarctus en cours de formation, et l'on enregistre alors une nette amélioration en termes de survie[17].
La durée d'une réanimation, sans reprise d'un rythme cardiaque, est largement empirique. Elle ne dépasse cependant guère trente minutes[18].
La RCP en situation de combat
La doctrine française, inspirée par le Tactical combat casualty care américain[19] (TCCC) et le Battlefield advanced trauma life support britannique (BATLS), est la suivante[20].
En situation de combat, on distingue typiquement trois lieux :
- le lieu exposé au feu ;
- le « nid de blessé », présentant une protection (par exemple un pan de mur) ;
- le point de regroupement et d'Ă©vacuation ;
et trois types d'intervenants :
- le combattant, ayant une formation minimale en secourisme ;
- l'auxiliaire sanitaire ;
- le professionnel de santé : infirmier ou médecin militaire.
On considère que sous le feu, il est dangereux pour le sauveteur, et inutile pour le blessé, de pratiquer une réanimation cardiopulmonaire. Au nid de blessé, on ne considère que les arrêts cardiaques survenus secondairement (la victime respire encore lorsqu'elle arrive) ; son traitement spécifique, hors compressions thoraciques et ventilation, est du ressort de l'auxiliaire de santé ou du professionnel de santé. En raison du contexte traumatique, l'arrêt cardiaque est souvent dû :
- soit à une asphyxie, auquel cas la priorité est la libération des voies aériennes supérieures, ce qui peut inclure la pose d'une canule de Guedel, une intubation ou une coniotomie ;
- soit à un pneumothorax compressif, qui impose une exsufflation voire un drainage de la plèvre ;
- soit à une hypovolémie, ce qui impose un remplissage vasculaire (perfusion de liquide pour compenser la perte de sang) associé à un vasoconstricteur.
Là encore, on estime « [qu'en] fonction des circonstances et des délais d’évacuation, il faut savoir économiser ses moyens devant des situations désespérées. »
RĂ©sultats
Le but de la réanimation cardiopulmonaire est de sauver des vies, mais aussi de réduire, autant que possible, les séquelles neurologiques.
Le temps écoulé entre la survenue de l'arrêt cardiaque et la prise en charge de celui-ci (massage cardiaque externe) est appelé communément « no-flow » (absence de débit). Celui entre le début de la prise en charge et le retour à une circulation sanguine spontanée (permettant l'arrêt du massage) est appelé « low flow » (débit faible). Le pronostic dépend naturellement de ces deux paramètres.
La proportion de personnes sortant vivantes de l'hôpital après un arrêt cardiorespiratoire n'excède pas 15 % mais peut atteindre un tiers des patients si la cause de l'arrêt est un trouble du rythme ventriculaire[21]. Le pronostic, vital aussi bien que fonctionnel dépend également de la durée de la réanimation nécessaire pour retrouver un débit cardiaque spontané (« low flow ») : si, réalisée dans des conditions optimales, elle excède un quart d'heure, les chances de récupérations sont très faibles[22]. Chez l'enfant, la probabilité de récupération est cependant supérieure, même en cas de massage cardiaque prolongé[23].
Méthodes périmées ou discutées
Dans le cadre de la prise en charge médicale, il a été proposé de pratiquer une thrombolyse systématique[24] - [25] : la présence d'un caillot de sang dans les artères est une des principales causes de l'arrêt cardiaque (infarctus du myocarde et embolie pulmonaire) et par ailleurs l'arrêt cardiaque s'accompagne de la formation de caillots minuscules dans le cerveau (microthrombi cérébraux), qui, en gênant une bonne oxygénation de certaines parties du cerveau lors des manœuvres de réanimation et en cas de reprise d'une activité cardiaque, vont entraîner des souffrances neurologiques. Le but de la thrombolyse (ou fibrinolyse) est de détruire ces caillots et donc d'améliorer les chances de survie sans séquelle.
Ce traitement ne fait toutefois pas l'unanimité en raison des risques d'hémorragie (la thrombolyse s'oppose à la coagulation du sang), notamment, lors des compressions thoraciques, il peut se produire des fractures des côtes qui peuvent provoquer des saignements; la thrombolyse est par ailleurs contre-indiquée dans certains cas comme la dissection de l'aorte (fissuration de l'artère aorte) ou un accident vasculaire cérébral hémorragique comme la rupture d'anévrisme. Elle n'a pas prouvé son efficacité[26].
L'association de la ventilation artificielle avec les compressions thoraciques est apparue relativement récemment (sans doute dans les années 1960). D'autres méthodes existaient auparavant, qui étaient peu efficaces, voir totalement inefficaces ou même nuisibles.
La légende urbaine de la toux salvatrice
En cardiologie, on demande parfois aux patients de tousser afin de réguler le rythme cardiaque ; en effet, la toux provoque une augmentation de la pression de l'air dans les poumons, qui appuie sur les vaisseaux sanguins parcourant les poumons et provoque donc un pic de pression artérielle.
Partant de là , certains ont proposé de tousser lorsque l'on « sent arriver » l'arrêt cardiaque. Cette idée a été reprise et largement diffusée, notamment par l'Internet, et est devenu une légende urbaine.
Ce geste est en effet totalement inutile[27] car d'une part on ne sent pas arriver l'arrêt cardiaque, lorsqu'il survient, l'inconscience est immédiate, aucun muscle ne peut agir, on ne peut pas tousser. Et lorsque l'on ressent des signes pouvant laisser penser à un infarctus du myocarde, les seuls gestes utiles sont d'appeler à l'aide et faire prévenir les secours, et de s'allonger par terre ou s'asseoir contre un mur. En particulier, si l'on conduit un véhicule, il faut absolument se garer au plus vite, en sécurité, et si possible à proximité d'autres personnes qui auront ainsi la possibilité de prévenir les secours (le 15 pour le SAMU ou le 112 en Europe) si l'on devient incapable d'appeler soi-même. Il faut aussi déverrouiller les serrures afin que les secours n'aient pas à forcer les portes du véhicule.
Notes et références
- « Arrêt cardiaque - Réanimation », sur Édition professionnelle du Manuel MSD (consulté le ).
- à température « normale » (20 °C) ; les basses températures protègent le cerveau et augmentent les chances de survie, ainsi, en cas de noyade ou d'hypothermie, il est possible de récupérer une victime malgré un arrêt circulatoire de plusieurs dizaines de minutes (notion de « mort apparente »)
- Recommandations relatives à l’initiation du grand public à la prise en charge de l'arrêt cardiaque et à l'utilisation de défibrillateurs automatiques externes, [http://www.interieur.gouv.fr/content/download/36642/277086/file/AC_grand_public_VF.pdf Ministére Français de l'intérieur, Consulté le 13/12/2013
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Voir aussi
Bibliographie
- (en) Dr Ian Stiell. New England Journal of Medicine,
Articles connexes
Liens externes
- Fédération française de cardiologie
- Réanimation des arrêts cardiorespiratoires de l'adulte, conférence d'expert, Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar), , 17 pages [PDF]
- (en) European Resuscitation Council (ERC)
- (en) 2005 International consensus on cardiopulmonary resuscitation and emergency cardiovascular care science with treatment recommandations, Circulation, vol. 112, supplément au no 22,
- (en) The European Resuscitation Council Guidelines for Resuscitation 2005