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Prévôt des marchands de Paris

Sous l'Ancien Régime, le prévôt des marchands de Paris, assisté de quatre échevins, s'occupait de l'approvisionnement de la ville, des travaux publics, de l'assiette des impôts et avait la juridiction sur le commerce fluvial. Il était élu tous les deux ans et son rôle était l'équivalent de celui de maire de Paris dans l'ancien régime.

Georges Lallemant, Le Prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris (1611), Paris, musée Carnavalet.
Assemblée de la prévôté des marchands de Paris, fac-similé d'une gravure sur bois des Ordonnances royaux de la juridiction de la Prévosté des marchands et eschevinage de la ville de Paris, 1528.

Cette institution succède sous Saint Louis à une corporation, la Hanse parisienne des marchands de l'eau, laquelle toutefois subsiste au sein de la nouvelle jusqu'en 1652.

La prévôté des marchands de Paris a été instituée sous Philippe Auguste, mais le premier prévôt dont le nom nous soit connu est Evrard (ou Evrouin) de Valenciennes, mentionné sous Saint Louis, dans un texte d'[1]. Le poste a été supprimé après la prévôté d'Étienne Marcel et la révolte des Maillotins, en 1383. Rétabli en 1412, il n'a plus joué de rôle politique jusqu'à sa disparition en 1789.

Histoire

Naissance de la prévôté des marchands

Moulage du sceau des marchands de l'eau de Paris de 1210, Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales.
Étienne Marcel marque l'apogée de la prévôté.

Au Moyen Âge, les marchands formaient une association, la hanse parisienne des marchands de l'eau, et s'étaient donné un règlement dont ils débattaient dans le parloir des marchands et qu'ils chargèrent un prévôt de faire appliquer. La puissante corporation, détentrice depuis 1170 du monopole de l'approvisionnement par voie fluviale, constitua progressivement la municipalité de Paris, sans avoir été investie de la charge par le roi de France.

La corporation des nautes « les marchands de l’eau » avait obtenu une juridiction installée en 1250 près du Grand Châtelet au lieu-dit « la vallée de la misère » sur le quai de la Mégisserie dans une maison à l'enseigne du bénitier puis transférée au début du XIIIe siècle au « parloir aux bourgeois », à l'emplacement de l'actuel no 20 de la rue Soufflot[2]. Les bourgeois obtinrent un prévôt des marchands dont les compétences étaient limitées au domaine commercial, par opposition à celles du prévôt de Paris, qui était un officier royal, dont la juridiction s'étendait sur Paris et sa « vicomté » (sa banlieue)[1].

Le roi Saint Louis décida de réformer la municipalité parisienne : les jurés des marchands de l'eau devinrent des échevins et leur chef prit le titre de prévôt des marchands de Paris. Ainsi, en 1263, la hanse parisienne élut une première municipalité composée d'un prévôt des marchands, Évrard de Valenciennes, assisté de quatre échevins.

La compétence du prévôt des marchands était théoriquement limitée aux affaires de la marchandise, mais la charge acquit progressivement un rôle politique en raison de ses forts liens avec la bourgeoisie parisienne dont il défendit les privilèges auprès de la royauté.

L'élection du prévôt des marchands et des échevins avait lieu le 16 août de chaque année[3], le prévôt étant élu pour deux années non renouvelables, et les échevins renouvelés par moitié chaque année (le troisième échevin devenant le premier, et le quatrième devenant second).

Apogée de la prévôté de Paris

La prévôté d'Étienne Marcel (1354-1358), qui installa le siège de la municipalité dans la maison des Piliers sur la place de Grève (à l'emplacement de l'Hôtel de Ville actuel), marqua l'apogée du rôle politique du prévôt. Après son échec, les pouvoirs de la prévôté furent diminués, puis, en 1383 après la révolte des Maillotins, celle-ci fut supprimée et unie à la prévôté de Paris sous Audouin Chauveron ; les juridictions des métiers étaient alors dissoutes.

Fin de la prévôté de Paris

Plaque commémorative au 52 rue de Sévigné, posée pour le bicentenaire de la Révolution, marquant l'emplacement de l'hôtel de Flesselles (d) où résidait le dernier prévôt des marchands.

Rétablie en 1412, la prévôté restera dès lors subordonnée au roi. Les prévôts seront de plus recrutés parmi les officiers royaux, chez des gens de justice ou de finance. Le 18 août 1450, une assemblée décida "qu'on n'élirait point d'autre sujet que des gens natifs de la Ville de Paris"[4]

De 1533 à 1551 est édifiée la partie nord de l'Hôtel de Ville ; la construction, interrompue par les guerres de religion, est reprise sous Henri IV (1605) et achevée en 1628. Elle correspond à la partie centrale de l'édifice actuel (mais celui-ci a été entièrement reconstruit après les incendies de la Commune en mai 1871).

Par un édit de janvier 1577, Henri III accorda la noblesse aux Prévôts des marchands, Échevins et Procureurs du roi de la ville de Paris, avec la qualité de chevalier donnée aux Prévôts. Ces privilèges furent confirmés par Louis XIV en 1659 et novembre 1706[5].

En 1588 (le 12 mai), le prévôt Nicolas-Hector de Péreuse fut arrêté avec les échevins par la section dite des Seize, et ils furent remplacés de force par d'autres. "L'ancienne forme fut rétablie le 18 octobre 1590" [6] , mais l'élection de 1592 fut retardée jusqu'au 9 novembre, à cause que "le Duc de Mayene y vouloit être présent". Après le siège de la ville par Henri IV, qui y entra solennellement le 22 mars 1594, Jean Luillier fut remplacé (avec les échevins) par Martin Langlois dès le 28 mars[7].

Le dernier prévôt des marchands, Jacques de Flesselles, fut assassiné le par les révolutionnaires qui prirent l'hôtel de ville, instaurèrent la première commune de Paris et désignèrent pour le remplacer Jean-Sylvain Bailly avec le titre de maire.

Élection du prévôt des marchands

L'élection a lieu le lendemain de l'Assomption, le . Le prévôt des marchands et les échevins ont demandé aux seize quarteniers de convoquer les dizainiers et cinquanteniers de leur quartier, ainsi que six notables du quartier. Chaque assemblée de quartier désigne, chacune, quatre représentants en son sein. Le prévôt, les échevins, et les quarteniers suivent alors une messe solennelle du Saint-Esprit puis s'assemblent dans la grande salle de l'hôtel de ville. De chacun des seize groupes (un par quartier) sont tirés au sort, dans un chapeau, deux personnes parmi les quatre représentants. Ces trente-deux notables, ajoutés au prévôt, aux quatre échevins, aux vingt-quatre conseillers et aux seize quarteniers, composent une assemblée de soixante-dix-sept votants. C'est ce corps électoral qui choisit, à bulletin secret, dans l'après-midi, le prévôt des marchands et les échevins.

Une fois élu, le prévôt des marchands demande audience au roi, se rend au Louvre en carrosse avec les échevins, vêtus de robes de cérémonie. Il est donné lecture au roi du procès-verbal de l'élection puis le prévôt nouvellement élu prête serment « entre les mains de Sa Majesté »[8].

Liste des prévôts des marchands de Paris

no Portrait Nom Début du mandat Fin du mandat Notes
1 Évrard de Valenciennes 1263 1268
2 Jehan Augier 1268 1270
3 Raoul de Pacy 1270 1276
4 Guillaume Pisdoe 1276 1280
5 Guillaume Bourdon 1280 1289
6 Jean Arrode 1289 1293
7 Jean Popin 1293 1296
8 Guillaume Bourdon 1296 1298
9 Étienne Barbette 1298 1304
10 Guillaume Pisdoe 1305 1314
11 Étienne Barbette 1314 1321
12 Jean Gencien 1321 1328
13 Jean La Pie 1328 1330
14 Jean Pisdoe 1343 1352
15 Jean de Pacy 1352 1354
16 Étienne Marcel 1354 1358
17 Tristan Gencien 1358 1358
18 Jean Culdoë 1358 1359
19 Jean Desmarets 1359 1364
20 Jean Culdoë le Jeune 1364 1371
21 Jean Fleury 1371 1381
22 Guillaume Bourdon 1381 1383
23 Jean Juvénal des Ursins 1388 1412
24 Pierre Gencien 1412 1413
25 André d'Espernon 1413 1413
26 Pierre Gencien 1413 1415
27 Philippe de Breban 1415 1417
28 Étienne de Bonpuits 1417 1417
29 Guillaume Cirasse 1417 1418
30 Noël Marchand 1418 1420
31 Hugues Le Coq 1420 1429
32 Guillaume Sanguin 1429 1431
33 Hugues Rapiout 1431 1434
34 Hugues Le Coq 1434 1436
35 Michel de Lallier ou Michel de Laillier 1436 1438
36 Michel des Landes 1438 1444
37 Jean Baillet 1444 1450
38 Jean Bureau 1450 1452
39 Dreux Budé 1452 1456
40 Mathieu de Nanterre 1456 1460
41 Henri de Livres 1460 1466
42 Michel de La Grange 1466 1468
41 Nicolas de Louviers 1468 1470
42 Denis Hesselin 1470 1474
43 Guillaume Le Comte 1474 1476
44 Henri de Livres 1476 1484
45 Guillaume de La Haye 1484 1486
46 Jean du Drac 1486 1490
47 Pierre Poignant 1490 1492
48 Jacques Piédefer 1492 1494
49 Nicolas Viole 1494 1496
50 Jean de Montmirel 1496 1498
51 Jacques Piédefer 1498 1499
52 Nicolas II Potier 1499 1502
53 Germain de Marle 1502 1504
54 Eustache Luillier 1504 1506
55 Dreux Raguier 1506 1508
56 Pierre Le Gendre 1508 1508
57 Robert Turquain ou Turquant 1508 1512
58 Roger Barme 1512 1514
59 Jean Brûlart (1456-1519) 1514 1516 seigneur de Héez, et Courtieux-en-Aignets, baron d'Aignets, conseiller au Parlement de Paris
60 Pierre Cleutin 1516 1518
61 Pierre Lescot 1518 1520 père de l'architecte Pierre Lescot
62 Antoine Le Viste 1520 1521
63 Guillaume Budé 1522 1523 humaniste
64 Jean Morin 1524 1525
65 Germain de Marle 1526 1527
66 Gaillard Spifame 1528 1529
67 Jean Luillier 1530 1531
68 Pierre Viole 1531 1533
69 Jean Tronson 1533 1537
70 Augustin de Thou 1537 1540
71 Étienne de Montmirail (1540-1542) 1540 1542
72 André Guillart (1542-1544) 1542 1544
73 Jean Morin (1544-1546) 1544 1546
74 Louis Gayant (1546-1548) 1546 1548
75 Claude Guyot (1548-1552) 1548 1552
76 Christophe de Thou (1552-1554) 1552 1554
77 Nicolas de Livres (1554-1556) 1554 1556
78 Nicolas Perrot (1556-1558) 1556 1558
79 Martin de Bragelongne (1558-1560) 1558 1560
80 Guillaume de Marle (1560-1564) 1560 1564
81 Claude Guyot (1564-1568) 1564 1568
82 Nicolas III de Neufville (1566-1570) 1566 1570
83 Claude Marcel (1570-1572) 1570 1572
84 Jean Le Charron (1572-1576) 1572 1576
85 Nicolas Luillier (1576-1578) 1576 1578
86 Claude d'Aubray (1578-1580) 1578 1580
87 Augustin II de Thou (1580-1582) 1580 1582
88 Étienne de Neuilly (1582-1586) 1582 1586
89 Nicolas Hector (1586-1588) 1586 1588
90 Michel Marteau (1588-1589) 1588 1589
91 Jean Drouart (1589) 1589 1589
92 Michel Marteau, seigneur de la Chapelle (1589-1590) 1589 1590
93 Charles Boucher (1590-1592) 1590 1592
94 Jean Luillier (1592-1594) 1592 1594
95 Martin Langlois (1594-1598) 1594 1598
96 Jacques Danès (1598-1600) 1598 1600
97 Antoine Guyot (1600-1602) 1600 1602
98 Martin de Bragelongne (1602-1604) 1602 1604
99 François Miron (1604-1609) 1604 1609
100 Jacques Sanguin (1609-1612) 1609 1612
101 Gaston de Grieu (1612-1614) 1612 1614
102 Robert Miron (1614-1616) 1614 1616 Président du Tiers-État aux états généraux de 1614
103 Antoine Bouchet de Bouville (1616-1618) 1616 1618
104 Henri de Mesmes (1618-1622) 1618 1622
105 Nicolas de Bailleul (1622-1628) 1622 1628
106 Christophe Sanguin (1628-1632) 1628 1632
107 Michel Moreau (1632-1638) 1632 1638
108 Oudart Le Féron (1638-1641) 1638 1641
109 Christophe Perrot (1641) 1641 1641
110 Macé Boulanger (1641-1644) 1641 1644
111 Jean Scarron (1644-1646) 1644 1646
112 Hiérome Le Féron (1646-1650) 1646 1650
113 Antoine Le Fèvre (1650-1654) 1650 1654
114 Alexandre de Sève (1654-1662) 1654 1662
115 Daniel Voisin (1662-1668) 1662 1668
116 Claude Le Peletier (1668-[676) 1668 1676
117 Auguste Robert de Pomereu (1676-1684) 1676 1684
118 Henri de Fourcy (1684-1692) 1684 1692
119 Claude Bosc (1692-1700) 1692 1700
120 Charles Boucher, seigneur d'Orsay (1700-1708) 1700 1708
121 Jérôme Bignon (1708-1716) 1708 1716
122 Charles Trudaine (1716-1720) 1716 1720
123 Pierre Antoine de Castagnères de Châteauneuf (1720-1725) 1720 1725
124 Nicolas Lambert (1725-1729) 1725 1729
125 Michel-Étienne Turgot (1729-1740) 1729 1740 Père du ministre de Louis XVI.
126 Félix Aubery (1740-1743) 1740 1743
127 Louis Basile de Bernage (1743-1758) 1743 1758
128 Jean-Baptiste de Pontcarré de Viarmes (1758-1764) 1758 1764
129 Armand-Jérôme Bignon (1764-1772) 1764 1772
130 Jean-Baptiste-François Delamichodière (1772-1778) 1772 1778
131 Antoine-Louis Lefebvre de Caumartin (1778-1784) 1778 1784
132 Louis Le Peletier de Morfontaine (1784-) 1784 1789
134 Jacques de Flesselles (-) 1789 1789

Odonymie

Plusieurs voies publiques de Paris portent le nom de l’un des prévôts des marchands de Paris[9] :

Notes et références

  1. Arié Serper, « L'administration royale au temps de Louis IX », Francia 7, 1979, p. 124, cité dans : Jacques Le Goff, Saint Louis, Gallimard 1996, p. 233.
  2. Jean Favier, Le bourgeois de Paris au Moyen-Âge, Paris, Taillandier, , 667 p. (ISBN 978-2-84734-845-3), p. 94
  3. M.A. Dufour, Histoire du siège de Paris sous Henri IV en 1590 d'après un manuscrit, 1881.
  4. Beaumont, Armorial de la Ville de Paris (1741) ; réédition Paris, Contrepoint, 1977, préface de René Héron de Villefosse, page 45.
  5. Beaumont, Armorial (1977), p 211. Ayant été abolis en août 1715, ces privilèges furent rétablis par Louis XV en juin 1716
  6. Beaumont, Armorial (1977), p 121
  7. Beaumont, Armorial (1977), p 123.
  8. Louis Batiffol, La Vie de Paris sous Louis XIII, Éditions Calmann-Lévy, 1932, pp. 90-91.
  9. Alfred Fierro, « Les représentants de ma municipalité » in: Histoire et mémoire du nom des rues de Paris, Parigramme, 1999, pp. 33-34 (ISBN 2-84096-116-4).
  10. http://www.v2asp.paris.fr/commun/v2asp/v2/nomenclature_voies/Voieactu/8934.nom.htm : notice « quai Saint-Michel » du site officiel de la Ville de Paris. Consulté le .
  11. Alfred Fierro, op. cit.. Est mentionné p. 191 au sein de la section « La « viviruification » : personnages honorés de leur vivant », pp. 190 et suivantes : « Bignon (prévôt des marchands, 1769 ».

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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