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Phallisme

Le phallisme fait référence au culte rendu au sexe de l'homme, le phallus. Des éléments de phallisme ont été trouvés dans de nombreuses cultures, par exemple en GrÚce antique, en Inde, à Sumer...

Fresque de Priape, Casa dei Vettii à Pompéi.
Fresque de Priape, Casa dei Vettii à Pompéi. Le dieu est représenté pesant son phallus contre un sac d'or.

Étymologie

Phallisme dĂ©rive de phallus : sexe masculin en Ă©rection, terme prĂ©sent sous cette forme ou aprĂšs adaptation dans beaucoup de langues. Il est repris tel quel du latin, qui l’a empruntĂ© au grec φαλλός (phallĂłs), lui-mĂȘme issu de l’indo-europĂ©en commun *bhel- (« enfler, grossir »).

Signification

Le terme mĂȘme de phallus est symbolique et liĂ© Ă  une reprĂ©sentation de nature religieuse. Le TLF le dĂ©finit ainsi : « ReprĂ©sentation de l'organe sexuel masculin en Ă©rection en tant que symbole de puissance gĂ©nĂ©sique, faisant l'objet d'un culte dans diverses sociĂ©tĂ©s »[1].

Le culte rendu au phallus a traversĂ© les Ăąges. Il n’est pas certain qu’il faille le relier directement Ă  la phallocratie, ou valence diffĂ©rentielle des sexes[2], prĂ©sentes Ă  toutes ces Ă©poques. L’origine du phallisme est plutĂŽt Ă  rechercher dans la sacralisation du sexe pour son rĂŽle dans le mystĂšre de la procrĂ©ation[3]. Jacques-Antoine Dulaure, en 1805, croyait pouvoir associer son apparition Ă  l’entrĂ©e du soleil dans les constellations du Taureau et du Bouc Ă  l’équinoxe de printemps, les sexes de ces espĂšces devenant les emblĂšmes de puissance vitale[4].

La reprĂ©sentation du sexe n’est donc pas obscĂšne dans les cultures premiĂšres et antiques : il est sacrĂ©, Ă©tant l’instrument de la fĂ©conditĂ©. Cette sacralisation peut concerner les deux sexes on non. Le phallus est reprĂ©sentĂ© ou symbolisĂ© par le bĂąton, la pierre, la colonne, la main au majeur levĂ© ou tout autre objet dressĂ© ; le sexe ou le pubis fĂ©minin par le triangle, une coupe, une corbeille ou la main faisant la figue, et la croix elle-mĂȘme apparaĂźt comme la schĂ©matisation de l’envers d’une statue aux jambes fermĂ©es[5]. Mais jusqu’au XIXe siĂšcle, le masculin, dans beaucoup de cultures sinon dans toutes, est considĂ©rĂ© comme apportant la semence, et le fĂ©minin comme le vase passif dans lequel elle pouvait s’épanouir.

Deux phallus devant le sanctuaire de Dionysos Ă  DĂ©los.
Deux phallus devant le sanctuaire de Dionysos Ă  DĂ©los.

À l’inverse, l’image de la vierge mĂšre est paradoxalement prĂ©sente dans nombre de mythes sur tous les continents : Égypte, GrĂšce, christianisme, bouddhisme, Chine, AmĂ©rindiens[6]
 Ainsi, dans le Popol-Vuh des Mayas, un ossement crache-t-il de la salive dans la main de « Celle du sang », vierge du sĂ©jour des morts, et « aussitĂŽt, seulement par la salive, des enfants naquirent dans son ventre »[7].

Le culte du phallus, hĂ©ros de la perpĂ©tuation des peuples anciens, mystĂ©rieux par son pouvoir, nous est connu par des statues aux sexes apparents, par des phallus dĂ©mesurĂ©s reprĂ©sentĂ©s seuls, par la reprĂ©sentation d’actes de copulations, sous les formes et sur les supports les plus variĂ©s[3].

Certains objets, dĂ©tournĂ©s par le christianisme et transmis jusqu’à nos jours, seraient en rĂ©alitĂ© la survivance des cultes immĂ©moriaux : « le cierge pascal, signe de la rĂ©gĂ©nĂ©ration de la nature au printemps, les flambeaux de l’hymĂ©nĂ©e, l’anneau de mariage se rapportent bien Ă©videmment aux cĂ©rĂ©monies du culte de la gĂ©nĂ©ration », Ă©crit Charles Lejeune alors que Freud est encore inconnu hors de Vienne[3].

En revanche, les ex-votos phalliques ne relĂšvent pas du phallisme, ce sont des offrandes Ă  un dieu en demande d'une grĂące ou en remerciement pour la guĂ©rison d’un problĂšme liĂ© Ă  l’organe[8].

On peut se demander si les gravures licencieuses, notamment en vogue au XVIIIe, et la pornographie aujourd’hui, friandes de braquemarts Ă©normes, sont une expression du masculinisme ou une rĂ©miniscence des cultes phalliques


Portée

La préhistoire

Phallus de Schelklingen, (27-30 000 ans).

Moins nombreuses peut-ĂȘtre que celles de vulves (triangles pubiens, comme Ă  la grotte Chauvet) ou de VĂ©nus (comme celle de Willendorf), les reprĂ©sentations de phallus sont trĂšs prĂ©sentes dans les peintures, gravures et sculptures dĂšs leur apparition au PalĂ©olithique supĂ©rieur. Elles y avaient sans doute un rĂŽle magique ou religieux autant qu'esthĂ©tique.

Parmi elles, on peut relever le phallus poli de la grotte Hohle Fels, prĂšs de Schelklingen (Bade-Wurtemberg), du Gravettien (27 000 Ă  30 000 BP) ; le phallus gravĂ© de la grotte des Trois-FrĂšres, en AriĂšge[9] ; ceux de l'abri Blanchard en Dordogne[10] ; le double phallus dĂ©corant un bĂąton en T en bois de rennes de la grotte de Gorge d’enfer, aux Eyzies-de-Tayac (Dordogne), du MagdalĂ©nien (17 000 Ă  12 000 BP)[11] ; le curieux phallus Ă  tĂȘte humaine du roc de Marcamps (Gironde) de la mĂȘme Ă©poque[12].

Le culte phallique pourrait avoir Ă©tĂ© associĂ© Ă  celui du soleil, lui aussi considĂ©rĂ© comme source de vie, et les pierres verticales des sites mĂ©galithiques (menhirs, centre des cercles
) peuvent ĂȘtre des symboles phalliques dressĂ©s vers lui[13].

Les cultures européennes

Le phallus du temple d'Apollon (Ăźle de Delos, GrĂšce)
Le phallus du temple d'Apollon (Ăźle de Delos, GrĂšce)

GrĂšce antique

Dans la mythologie grecque traditionnelle, HermÚs, dieu du commerce, gardien des routes et des carrefours, est considéré comme une divinité phallique. Il est représenté sur des piliers et des statues comportant un phallus[14]. Il n'y a pourtant pas de consensus sur cette description et ce serait pure spéculation de considérer HermÚs comme un dieu de la fertilité.

Pan, fils d'HermÚs, est souvent représenté avec un énorme pénis en érection.

Priape est un dieu grec de la fertilitĂ© dont le symbole est un phallus de taille exagĂ©rĂ©e. Il est fils d'Aphrodite et de Dionysos ou d'Adonis, selon les versions du mythe original. C'est le protecteur des jardins et des troupeaux[15]. Son nom, qui a donnĂ© en grec πρÎčαπÎčσΌός (« Ă©rection ») est Ă  l'origine de la dĂ©nomination mĂ©dicale du « priapisme », affection dans laquelle ne retrouve pas durablement sa flacciditĂ© aprĂšs une Ă©rection.

Rome antique

Amulette en bronze en forme de "phallus volant".
Amulette en bronze en forme de « phallus volant » du 1er siÚcle avant J.-C. Elle était suspendue devant la porte d'une maison ou d'un magasin pour éloigner les mauvais esprits (Musée archéologique national, Naples).

Les Romains portaient des bijoux phalliques pour se protĂ©ger du mauvais Ɠil[16]. La reprĂ©sentation du phallus accompagnĂ© des testicules Ă©tait appelĂ©e fascinus ou fascinum (« charme », « malĂ©fice »). Il Ă©tait notamment utilisĂ© comme amulette portĂ©e au cou par les enfants, pour les protĂ©ger des mauvais sorts[17].

Les phallus sont pour cette raison nombreux Ă  Pompei, plusieurs faisaient office de colonne dans de petits temples en bas-relief.

Mutunus Tutunus est l'avatar de Priape dans la mythologie romaine.

Scandinavie

Le dieu nordique Freyr, divinité phallique, représente la fertilité masculine et l'amour[18].

La nouvelle du XIVe siĂšcle Völsa ĂŸĂĄttr dĂ©crit une famille norvĂ©gienne vĂ©nĂ©rant un pĂ©nis de cheval[19].

Baltes et Slaves

Les Baltes et les Slaves rendaient lors des rites de fertilité printaniers un culte à un couple divin de la beauté et à la fertilité : Lada et son fils ou époux, Lado, dieu phallique[20], mentionnés par des textes monastiques russes du XVe au XVIIIe siÚcle.

Les cultures orientales

Min, dieu égyptien de la fertilité et de la reproduction.
Min, dieu égyptien de la fertilité et de la reproduction.

Ancienne Égypte

Les Égyptiens associaient le culte du phallus Ă  Osiris : selon le mythe d'Osiris, quand son corps a Ă©tĂ© coupĂ© en treize morceaux, Seth les a dispersĂ©s dans toute l'Égypte et sa femme, Isis, les a tous retrouvĂ©s sauf un : son pĂ©nis, avalĂ© par un poisson.

Le phallus y est le symbole de la fertilité, et le dieu Min est souvent représenté avec un pénis en érection (ithyphallique)[21]. Selon les légende, BÚs serait un dieu phallique[22].

Un phallus momifiĂ© a mĂȘme Ă©tĂ© retrouvĂ© dans le tombeau d'une femme de Memphis[23]

Le sous-continent indien

Pulleiar indien
Pulleiar indien, emblÚme de la fécondité représentant les deux sexes: les lingams (phallus) repose sur des vasques représentant le sexe féminin.

Inde

Dans le Tantrisme, le lingam symbolise Shiva. Le lingam est souvent situé dans un yoni (symbolisant Shakti) pour indiquer un équilibre entre les énergies créatrices mùle et femelle[24].

Bhoutan

Drukpa Kunley, moine bouddhiste tibĂ©tain du XVe, serait Ă  l’origine du rĂŽle protecteur du phallus contre le mauvais Ɠil au Bhoutan[25].

Japon

Céramique représentant Kurupi
Céramique représentant Kurupi.

Daikokuten est un dieu japonais phallique[26]. Les festivals, tels que Danjiri matsuri (en), à Kishiwada (préfecture d'Osaka), comportaient des adorations de pénis, largement répandues.

Le tombeau de Mara Kannon (éș»çŸ…èŠłéŸł)) Ă  Nagato, prĂ©fecture de Yamaguchi[27], est un des nombreux « tombeaux de la fertilitĂ© » existant toujours au Japon.

L'Amérique précolombienne

La céramique amérindienne accorde une grande place à la copulation et aux attributs sexuels. La céramique mochica, sur la cÎte nord-péruvienne, représente notamment des scÚnes de coït et des phallus surdimensionnés en abondance.

Kokopelli, personnage mythique issu de la mythologie des Anasazi et/ou Hohokams, dans le Sud-Ouest des États-Unis, est un symbole de fertilitĂ©, de joie, de fĂȘte, de longue vie. Il est parfois reprĂ©sentĂ© avec un attribut mĂąle d’une taille exagĂ©rĂ©e[28].

Kurupi est l'un des principaux personnages lĂ©gendaires de la mythologie des Guaranis d'Amazonie[29]. Son pĂ©nis est censĂ© pouvoir passer sous les portes, les fenĂȘtres et autres ouvertures des maisons pour fĂ©conder les femmes endormies.

Références

  1. Trésor informatisé de la langue française, entrée phallus, lire en ligne, consulté le .
  2. Françoise Héritier, Masculin/Féminin I. La pensée de la différence. Paris, Odile Jacob, 1996 ; Masculin/Féminin II. Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob, 2002.
  3. Charles Lejeune, « La représentation sexuelle en religion, art et pédagogie », Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, 1901, Tome 2, lire en ligne, consulté le .
  4. Jacques-Antoine Dulaure, Des divinités génératrices, ou du culte du phallus chez les anciens et les modernes, Paris, Dentu, 1805, lire en ligne, consulté le .
  5. Lejeune, ibidem p. 472.
  6. Lejeune, ibidem p. 466.
  7. Popol Vuh, Le livre des indiens Mayas Quichés, traduction Valérie Faurie, Albin Michel, 1991.
  8. (en) John H. Elliott, Beware the Evil Eye Volume 2: The Evil Eye in the Bible and the Ancient World--Greece and Rome, Wipf and Stock Publishers, (ISBN 978-1-4982-0499-6, lire en ligne).
  9. Éric BĂ©gouĂ«n et Marie-Brune BĂ©gouĂ«n, « DĂ©couverte d’un grand phallus gravĂ© magdalĂ©nien dans la grotte des Trois-FrĂšres (AriĂšge) », Bulletin de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, vol. 110, no 1,‎ , p. 127–129 (DOI 10.3406/bspf.2013.14235, lire en ligne, consultĂ© le ).
  10. « Abri Blanchard - Castelmerle - Vallon des roches - Visite - Hominidés », sur www.hominides.com (consulté le ).
  11. Paul Girod et Élie MassĂ©nat, Les stations de l'Ăąge du renne dans les vallĂ©es de la VĂ©zĂšre et de la CorrĂšze, Librairie J.-B. BaillĂšre et fils, Paris, 1900, lire en ligne, consultĂ© le .
  12. Alain Roussot et Jean Ferrier, « Le Roc de Marcamps (Gironde). Quelques nouvelles observations », Bulletin de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, vol. 67, no 1,‎ , p. 293–303 (DOI 10.3406/bspf.1970.4198, lire en ligne, consultĂ© le ).
  13. Lejeune, ibidem, p. 467.
  14. « Phallus », sur EncyclopÊdia Universalis (consulté le ).
  15. « Mythologie grecque: Priape », sur mythologica.fr (consulté le ).
  16. wiseowl themes, « Roman Phallic Amulet », sur Ancient & Oriental (consulté le ).
  17. (en) Charlton T. Lewis et Charles Short, A Latin Dictionary, entrée fascinum, Clarendon Press, Oxford, 1879.
  18. « Freyr », sur www.fafnir.fr (consulté le ).
  19. Herbert S. Joseph, « Völsa Þattr: A Literary Remnant of a Phallic Cult », Folklore, vol. 83, no 3,‎ , p. 245–252 (ISSN 0015-587X).
  20. (en) Joanna Hubbs, Mother Russia: The Feminine Myth in Russian Culture, Indiana University Press, (ISBN 978-0-253-11578-2).
  21. « Mythologie égyptienne: Min », sur mythologica.fr (consulté le ).
  22. « Bes », sur Ancient History Encyclopedia (consulté le ).
  23. Lejeune, ibidem, p. 465.
  24. « Lingam. », sur www.cosmovisions.com (consulté le ).
  25. Ha Lasne Ferrarini, « Au Bhoutan, le phallus est sacrĂ© », Rue89,‎ (lire en ligne).
  26. (en) Bernard Faure, Protectors and Predators: Gods of Medieval Japan, Volume 2, University of Hawaii Press, (ISBN 978-0-8248-5772-1).
  27. Association des conventions et du tourisme de la ville de Nagato, « Mara Kannon » (consulté le ).
  28. « Kokopelli le joueur de flute - Guide de voyage Usa Ouest américain - Arizona Dream », sur Arizona Dream - Guide de voyage Usa Ouest américain (consulté le ).
  29. « Ateneo de Lengua y Cultura Guarani », sur web.archive.org, (consulté le ).

Bibliographie

  • Hargrave Jennings, Phallism. A Description of the Worship of Lingam-yoni in Various Parts of the World, and in Different Ages, with an Account of Ancient & Modern Crosses, Particularly of the Crux Ansata (or Handled Cross) and Other Symbols Connected with the Mysteries of Sex Worship, 1889.
  • Jacques-Antoine Dulaure, Des DivinitĂ©s gĂ©nĂ©ratrices : ou du culte du Phallus chez les anciens et les modernes, des cultes du dieu de Lampsaque, de Pan, de VĂ©nus, etc., Paris, Dentu, 1805, 428 p. (BNF 30371604)

Voir aussi

Articles connexes

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