Oumar Tall
Oumar Tall, de son vrai nom Omar Foutiyou Tall (ou Oumar Seydou Tall), appelé aussi El Hadj Omar ou encore Al-Fouti, est un souverain, chef de guerre, érudit musulman et dirigeant de la congrégation soufie de la Tijaniyya.
NĂ© Ă Halwar dans le Fouta-Toro, dans lâactuel SĂ©nĂ©gal, entre 1794 et 1797, il a fondĂ© un empire toucouleur musulman sur le territoire de ce qui est aujourd'hui la GuinĂ©e, le SĂ©nĂ©gal, la Mauritanie et le Mali[1].
Des son jeune Ăąge il a embrassĂ© la Tijaniyya et a donc jouĂ© un rĂŽle majeur dans la propagation de cette derniĂšre[2] au Niger, au Mali, en Mauritanie et au SĂ©nĂ©gal (il sâattribua d'ailleurs le titre de khalife de la tariqa en Afrique sub-saharienne). Il a disparu mystĂ©rieusement dans la falaise de Bandiagara (actuel Mali) le [3] - [4].
Biographie
Enfance
NĂ© entre 1794 et 1797 Ă Halwar, il est le fils de Saidou Tall et de Sokhna Adama AĂŻssĂ© Thiam. Il est le quatriĂšme fils de son pĂšre. Peul Toroodo[5] issu dâune grande famille de notables et chefs religieux, il a commencĂ© Ă approfondir sa connaissance de lâislam grĂące Ă Abd el-Karim, lettrĂ© musulman originaire du Fouta-Djalon, membre de la confrĂ©rie Tijaniyya.
Voyages
Ă partir de 1827 et pendant dix-huit ans, Oumar Tall entreprend plusieurs voyages. Il se rend Ă Hamdallaye sur le Niger oĂč il rencontre Cheikhou Amadou, le fondateur de l'empire thĂ©ocratique du Macina, puis sĂ©journe plusieurs mois Ă Sokoto Ă la cour de Mohammed Bello. Il traverse ensuite le Fezzan et se rend au Caire avant dâatteindre La Mecque oĂč il reçoit, de la part de Muhammad Al GhĂąlĂź[6], les titres dâEl Hadj et de calife de la confrĂ©rie soufi tidjane pour le Soudan (1828). Il rejoint ainsi la confrĂ©rie Tidjaniya en 1833, par lâintermĂ©diaire de Mohammed el-Ghali Boutaleb, originaire de FĂšs, quâil avait rencontrĂ© et frĂ©quentĂ© Ă la Mecque.
Il sĂ©journe ensuite Ă lâuniversitĂ© al-Azhar du Caire, puis chez le sultan du Bornou dont il Ă©pouse une fille, Ă la cour de Mohammed Bello dont il Ă©pouse Ă©galement une fille, enfin de retour Ă Hamdallaye chez Cheikhou Amadou. En 1845, il passe une journĂ©e Ă MĂ©lakh et prend l'initiative d'y construire un village[7].
Pendant treize ans, il prĂȘche lâislam sunnite Ă travers la doctrine asharite, la jurisprudence malikite et la spiritualitĂ© de la Tijaniyya, dâabord au Fouta-Djalon, puis Ă Dinguiraye (actuelle GuinĂ©e) en 1848.
Djihad
Ă Dinguiraye, il prĂ©pare le djihad (guerre sainte). Il acquiert une rĂ©putation de saint et rassemble de nombreux disciples qui formeront les cadres de son armĂ©e. Son armĂ©e, Ă©quipĂ©e dâarmes lĂ©gĂšres europĂ©ennes reçues de trafiquants britanniques de Sierra Leone, sâattaque aux noirs non musulmans, Ă partir de .Avec l'aide des MalinkĂ©s et Maures, il occupe les territoires de SerĂšres, Wolofs, SoninkĂ©s, KhassonkĂ©s, et du Bambouk (), puis attaque les Bambaras Massassi dont il prend la capitale Nioro (). En , il annexe le royaume bambara du Kaarta et rĂ©prime sĂ©vĂšrement les rĂ©voltes.
Luttant contre lâarmĂ©e coloniale française, il fait construire un tata (une fortification) Ă Koniakary (77 km Ă lâouest de Kayes). En , il dĂ©clare la guerre contre le royaume du Khasso et assiĂšge le fort de MĂ©dine, qui sera libĂ©rĂ© par les troupes de Louis Faidherbe le .
Entre et , El Hadj Oumar Tall sâattaque aux royaumes bambaras de Kaarta et de SĂ©gou (bataille de Ngano). Le , il conquiert SĂ©gou quâil confie un an plus tard Ă son fils Ahmadou pour partir Ă la conquĂȘte dâHamdallaye, capitale de lâempire peul du Macina qui tombera le aprĂšs trois batailles faisant plus de 70 000 morts. ObligĂ© de se rĂ©fugier dans les grottes de DeguembĂ©rĂ©, prĂšs de Bandiagara, il a disparu mystĂ©rieusement dans la grotte.
Son neveu Tidiani Tall sera son successeur et installera la capitale de lâempire Toucouleur Ă Bandiagara. Son fils Ahmadou Tall rĂšgne Ă SĂ©gou, Nioro et commandait le Niger de Sansanding Ă Nyamina, une partie des Bambaras du Beledougou, le Bakhounou, le Kaarta[8] jusquâĂ la conquĂȘte française en [9]. Un autre de ses fils, Aguibou Tall, fut roi du Dinguiraye avant d'ĂȘtre nommĂ© sultan du Macina par les Français en 1892[10].
Ătat thĂ©ocratique et esclavagiste
MĂ» par lâidĂ©ologie universaliste de lâislam et par un projet de rĂ©novation Ă©galitaire de la sociĂ©tĂ©, El Hadj Oumar encourage le libĂ©ralisme du sunnisme via la confrĂ©rie Tidjaniya, dont il est le reprĂ©sentant de lâĂ©poque, et se promet dâimposer une « fraternitĂ© transcendante » aux peuples du Soudan occidental.
El Hadj Oumar gouverne ses Ătats comme une thĂ©ocratie, assistĂ© par un conseil comprenant quelques grands marabouts, certains de ses frĂšres et des compagnons de pĂšlerinage. La loi coranique est le principe fondamental du gouvernement. Sur le plan administratif, El Hadj Oumar sâinspire du modĂšle Ă©gypto-turc avec division du pouvoir entre un gouverneur civil (pacha) et un gouverneur militaire (bey). Chaque province dispose dâune puissante forteresse (tata) commandĂ©e par un chef militaire dirigeant une importante garnison.
Câest, Ă l'instar de la colonisation peule conduite par Modibbo Adama dans l'Adamaoua, le fondateur d'un Ătat prospĂ©rant essentiellement par le trafic d'esclaves[11].
ĂpopĂ©e dâEl Hadj Oumar
Lâun des amis dâOumar Tall, Mohamadou Allou Tyam, couche par Ă©crit lâhistoire de sa vie dans un rĂ©cit, la Kacida, quâil rĂ©dige en `ajami, câest-Ă -dire en peul notĂ© avec lâalphabet arabe[12]. Ce rĂ©cit est traduit en français pour la premiĂšre fois par Henri Gaden en 1935, puis plusieurs autres Ă©ditions et traductions plus proches du texte original, dont une en français par Samba Dieng en 1983[12]. LâĂ©popĂ©e dâEl Hadj Oumar connaĂźt dans le mĂȘme temps une ample diffusion orale parmi les populations peules, notamment au SĂ©nĂ©gal et au Mali, et devient un mythe fondateur de lâislamisation de lâAfrique de lâOuest, lâĂ©popĂ©e prĂ©sentant El Hadj Oumar comme un messie annonçant les grands cheikhs musulmans de la rĂ©gion pour les dĂ©cennies suivantes quâallaient ĂȘtre Mbaba Diakhou (fondateur dâune thĂ©ocratie au Rip) ou Malick Sy, ou encore Ibrahim Niasse son successeur Ă la tĂȘte de la tariqa tidjane.
Notes et références
- Lapidus, Ira M. A History of Islamic Socities. 3rd ed. New York, NY: Cambridge University Press, 2014. pg 472-473
- Paul E. Lovejoy, « Les empires djihadistes de lâOuest africain aux XVIIIe-XIXe siĂšcles », Cahiers dâhistoire. Revue dâhistoire critique, no 128,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- Ăric Milet, Jean-Luc Manaud, Mali : Magie d'un fleuve aux confins du dĂ©sert, Olizane, , 316 p. (ISBN 978-2-88086-351-7 et 2-88086-351-1, lire en ligne), p. 50
- Yves-Jean Saint-Martin, Le Sénégal sous le second Empire : naissance d'un empire colonial (1850-1871), Paris, KARTHALA, , 671 p. (ISBN 2-86537-201-4, lire en ligne), p. 303
- Botte, Boutrais et Schmitz, Figures peules, Paris, Karthala, , 541 p. (ISBN 978-2-86537-983-5 et 2-86537-983-3, lire en ligne), p. 211-237.
- Robinson 1988, p. 98.
- « Le village de Mélakh et son baobab mythique contés par un habitant », Agence de Presse Sénégalaise, 27 avril 2008
- « La conquĂȘte française du Soudan. », sur www.cosmovisions.com (consultĂ© le )
- Pour en savoir plus, voir les pages sur El Hadj Omar Tall et ses enfants Tidjane, Amadou, Maki, Nourou, Dahé, Bachir
- Martin Klein, Slavery and Colonial Rule in French West Africa, Cambridge, Cambridge University Press, .
- Ira Lapidus, History of Islamic Societies, p. 472-473, CUP, New York, 2014.
- « L'épopée d'El Hadj Oumar : la guerre sainte de l'empereur toucouleur », article de Bassirou Dieng dans L'ùme de l'Afrique, Le Point Références no 42, novembre-décembre 2012, p. 54.
Voir aussi
Bibliographie
- GĂ©rard Chenet, El Hadj Omar (Chronique de la guerre sainte), University of Michigan, Ădition :P. J.Oswald, Collection thĂ©Ăątre africain, 1968
- GĂ©rard Chenet, El Hadj Omar, La grande Ă©popĂ©e des Toucouleurs, LâHarmattan, 2009, (ISBN 2296240216)
- (ar)(fr) : DhikrĂĄ murĆ«r miÊŸatay sanah Ê»alĂĄ mÄ«lÄd al-shaykh al-កÄjj Ê»Umar al-FĆ«tÄ« TÄll, 1797-1998 : nadwah dawlÄ«yah 14-19 Djanbir 1998, DakÄr - al-SÄ«nighÄl - Bicentenaire de la naissance du cheikh El Hadj Oumar al-Futi Tall, 1797-1998 : colloque international, 14-, Dakar - SĂ©nĂ©gal, Actes du colloque, Rabat, MaÊ»had al-DirÄsÄt al-IfrÄ«qÄ«yah, 2001, 2 vol. (vol. 1 en arabe ; vol. 2 en français (ISBN 9981370223), (ISBN 3022379981) Ă©ditĂ© erronĂ©)
- Samba Dieng, Une approche de lâĂ©popĂ©e omarienne dâaprĂšs la chronique de El Hadj Mamadou Abdoul Niagane, Dakar, UniversitĂ© de Dakar, 1978, 252 p. (MĂ©moire de MaĂźtrise)
- Samba Dieng, LâĂ©popĂ©e dâElhadj Omar. Approche littĂ©raire et historique, Dakar, UniversitĂ© de Dakar, 1984, 2 t., t.I, 1-299, t.II, 300-606. (ThĂšse de 3e cycle)
- Elikia M'Bokolo, Afrique Noire, Histoire et civilisations, Paris, Hatier-AUF, 2004 (2e Ă©dition), 587 p. (ISBN 2218750503)
- M. Puech, Le livre des Lances (RimĂ h) dâEl Hadji Omar (1845), Dakar, UniversitĂ© de Dakar, 1967, (DiplĂŽme dâĂtudes SupĂ©rieures)
- David Robinson, La guerre sainte d'Al-Hajj Umar. Le Soudan occidental au milieu du XIXe siĂšcle, Paris, Karthala, , 425 p. (ISBN 2-86537-211-1, lire en ligne), p. 96-98
- David Robinson et Jean-Louis Triaud (sous la direction de), Le Temps des marabouts. Itinéraires et stratégies islamiques en Afrique occidentale française vers 1880-1960, Paris, Karthala, 1997, 583 p. (ISBN 2865377296)
- Alassane Wélé, Le Fergo omarien et ses prolongements, Dakar, Université de Dakar, 1976, 308 p. (Mémoire de maßtrise)
- Ciré Ly, La Légende de Cheikh El Haj Oumar Tall, 1979
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (en) « African kings and queens. Ancient African legends »
- (en) Carte de lâEmpire Toucouleur
- (wo) Chant de louange dâOumar Tall en wolof (fichier audio RealAudio)
- Histoire dâEl Hadj Omar Tall et de ses enfants