Mohammed Bello
Mohammed Bello nĂ© vers 1781, est le deuxiĂšme souverain du Sultanat de Sokoto[1]. Il a rĂ©gnĂ© de 1817 Ă 1837, Ă la suite de son pĂšre le Shehu Ousman dan Fodio, fondateur du sultanat de Sokoto et son premier sultan[2]. CâĂ©tait un savant et un lettrĂ© musulman qui a consacrĂ© une grande majoritĂ© de ses Ă©crits Ă lâhistoire, Ă la poĂ©sie, et aux Ă©tudes islamiques. Au cours de son rĂšgne, Mohammed Bello a ĆuvrĂ© Ă la propagation et Ă la rĂ©gĂ©nĂ©ration de lâislam dans la rĂ©gion, il a encouragĂ© lâĂ©ducation Ă la fois des hommes et des femmes et la mise en place de juridictions islamiques dans le sultanat. Ă sa mort, le 25 octobre 1837, son petit frĂšre Abu Bakr Atiku lui succĂšde.
Sultan de Sokoto |
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Sultan |
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Naissance | |
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DĂ©cĂšs | |
Ăpoque |
XVIIIe - XIXe |
Nationalité | |
Activité | |
PĂšre |
Ousman dan Fodio |
Enfant |
Ali Babba bin Bello (en) |
Biographie
Mohamed Bello est nĂ© dans une famille peule, appelĂ©e les Toronkawa/TorodbĂ©, qui se donne des origines arabe et toucouleur (du Fouta-Toro)[3]. Dans ses Ă©crits, son oncle Abdullahi dan Fodio, frĂšre de Ousman dan Fodio fait remonter leur gĂ©nĂ©alogie Ă Uqba ibn Naffi, revendiquant ainsi une ascendance prophĂ©tique[4]. Selon lui, Uqba ibn Naffi aurait Ă©pousĂ© une femme peule appelĂ©e Bajjumangbu de laquelle descendrait la famille TorodbĂ©. Le sultan Mohammed Bello a mentionnĂ© dans son Ćuvre InfÄq al-maysĆ«r (1812), son appartenance Ă la famille du prophĂšte Mahomet par sa grand-mĂšre maternelle dĂ©nommĂ© Hawa (mĂšre de Ousman dan Fodio).
Les Toronkawa/TorodbĂ© Ă©taient un lignage de clercs et de savants musulmans connus Ă travers toute lâAfrique de lâOuest aux XVIIIe et XIXe siĂšcles, qui Ă©tait marquĂ© par la volontĂ© de transmettre la religion et de purifier lâislam pratiquĂ© dans la rĂ©gion. Les Torodbe/Toronkawa ne revendiquent pas particuliĂšrement une identitĂ© peule au moment du jihad, ils sont de langue peule, mais affirme aussi une identitĂ© arabe et mĂšnerons leur jihad en terres haoussa[5]. Les clans Torodbe/Toronkawa accueillaient des membres de toute la sociĂ©tĂ©, particuliĂšrement des personnes des milieux pauvres[6], et des personnes dâorigines diverses notamment des Peuls, Wolofs, MandĂ©s, Haoussa et Touaregs, pour faire partie de leur cercle de clercs. Ils parlaient tous le peul, se mariaient dans des familles peules et sont devenus une caste de lettrĂ©s peuls[7].
Famille
Muhamed Bello est le fils de la quatriĂšme femme dâOusman dan Fodio, Hawa[8]. Comme tous ses frĂšres et sĆurs, il suit les enseignements de son pĂšre Ă Degel dans les annĂ©es 1780, jusquâĂ ce que la famille choisisse de sâexiler en 1804 lorsque son pĂšre lance le jihad. Plusieurs membres de la famille sont de grands savants, comme sa sĆur Nana Asmaâu, poĂšte et enseignante[9], et Abou Bakr Atiku qui est devenu son successeur Ă la tĂȘte du Califat de Sokoto[10]. Mohammed Bello lui-mĂȘme est un savant et produit de nombreux ouvrages dont le cĂ©lĂšbre InfÄq al-maysĆ«r.
Sultanat
Mohammed Bello sâinstalle Ă Sokoto qui en 1809 devient la capitale du sultanat fondĂ© par Ousman dan Fodio aprĂšs le jihad (1804-1810)[8]. Le sultanat de Sokoto devint lâun des plus grands Ătats dâAfrique au dĂ©but du XIXe siĂšcle, regroupant diffĂ©rentes populations, notamment peules et haoussas, mais pas uniquement. Lâun des objectifs du jihad Ă©tait de supprimer les systĂšmes de gouvernement haoussas considĂ©rĂ©s comme corrompus, prĂ©dateurs et ne respectant pas les lois de lâislam, mais le sultanat finit par reproduire certains de ses fonctionnements[8]. Ousman dan Fodio se retira de lâadministration de lâĂtat en 1815 et en confia une partie du territoire Ă son fils Mohamed Bello et une deuxiĂšme Ă son frĂšre Abdullahi dan Fodio. Bello prĂ©sidait notamment les Ă©mirs de Wurno Ă cĂŽtĂ© de Sokoto.
DĂšs avant de devenir sultan, Mohammed Bello avait montrĂ© une approche plus pragmatique que son pĂšre sur la pratique de lâesclavage qui Ă©tait largement la base du systĂšme Ă©conomique du sultanat. En effet, les historiens Paul Lovejoy et Mohammed Bachir Salau considĂšrent le sultanat de Sokoto comme un Ătat esclavagiste dans lesquels le travail servile Ă©tait utilisĂ© dans toutes les parties de lâĂ©conomie[11]. Dans son ouvrage intitulĂ© Infaq al-maysur (1812), Mohammed Bello donnait une description dĂ©taillĂ©e des rĂ©gions du Sahel et du Sahara, en expliquant qui est considĂ©rĂ© comme musulman et qui ne lâĂ©tait pas Ă partir de leur situation gĂ©ographique par rapport au sultanat, produisant ainsi un discours permettant la mise en esclavage dâun grand nombre de populations voisinent de Sokoto en les dĂ©crivant comme non-musulmane[12]. Au moment de la mort dâOusman dan Fodio en 1816, le califat se retrouve plongĂ© dans une crise importante, notamment en raison de la concurrence entre les deux prĂ©tendants au titre de Sultan, Mohamed Bello et son oncle Abdoulahi dan Fodio. Selon plusieurs rĂ©cits, au moment de lâannonce de la dĂ©cision, les supporters de Mohamed Bello encerclent la ville et empĂȘchent dâautres notables prĂ©tendants au titre dây rentrer, dont Abdoulahi dan Fodio[13]. Mohammed Bello succĂšde finalement Ă son pĂšre et le sultanat est divisĂ© en plusieurs parties plus ou moins autonomes afin de satisfaire les factions[14]. Le rĂšgne de Mohammed Bello consolide la politique du sultanat de Sokoto[15]. La plupart des Ă©mirs qui avaient proclamĂ© leur allĂ©geance Ă Ousman Dan Fodio restent loyaux envers Mohammed Bello, notamment ceux de villes et de communautĂ©s qui avaient beaucoup dâautonomie et pouvaient fonctionner sans lâaide du sultanat Sokoto.
Le sultanat de Sokoto est un ensemble politique qui englobe plusieurs villes et territoires dont certains sont aujourdâhui au Cameroun, au Burkina Faso, au Niger et au Nigeria. Mohammed Bello comme son pĂšre prend le titre de AmÄ«r al-muâ minÄ«n (chef suprĂȘme des musulmans) et rĂšgne sur plusieurs Ă©mirats qui lui versent un tribut annuel. Au sein de la cour, des fonctionnaires attitrĂ©s sâoccupent du fonctionnement administratif, judiciaire et financier du territoire et veillent au fonctionnement des tribunaux judiciaires, Ă la collecte de taxes, Ă la supervision des marchĂ©s, et Ă la conception de systĂšmes de purification sanitaire pour la ville de Sokoto notamment[12]. Rapidement les formes de gouvernement adoptĂ©es par la cour de Mohammed Bello reprennent les formes de celle de la sarauta haoussa critiquĂ©e au moment du Jihad, en tant que sultan dâun vaste empire, le maintien dâune cour plĂ©thorique lui permet dâaccorder plus de postes aux Ă©mirs, ainsi de satisfaire tous les groupes en compĂ©titions et de sâassurer de leur loyautĂ©[12].
Le sultan Bello fait face trĂšs tĂŽt Ă des oppositions de dissidents issus de lâaristocratie. Ă la diffĂ©rence de son pĂšre, son administration Ă©tait plus tolĂ©rante Ă lâĂ©gard des systĂšmes politiques et culturels qui existaient avant le jihad[16]. En ce qui concerne les populations pastorales peules et touarĂšgues, Mohamed Bello les encourage Ă se sĂ©dentariser autour des ribats, câest-Ă -dire les fortifications construites autour des villes du califat[17]. Le systĂšme de ribats du sultanat Ă©tait inspirĂ© des centres urbains du monde musulman comme Basra, et Al-FustÄt qui avaient dâabord Ă©tĂ© des forteresses placĂ©es Ă la limite de ce qui Ă©tait considĂ©rĂ© comme le monde musulman. Selon Mohamed Bello, un mode de vie urbain Ă©tait plus souhaitable pour les populations du sultanat, la vie nomade nâĂ©tant pas, selon lui, compatible avec la sociĂ©tĂ© musulmane urbaine quâil construisait Ă Sokoto. Les ribats participent ainsi dâune politique dâexclusion des populations nomades des projets du sultanat[18]. Les ribats fondĂ©s par Muhammad Bello sont devenus des centres urbains cosmopolites, des centres commerciaux et dâenseignements importants et sont restĂ©s sous le contrĂŽle de membres de la famille du sultan Bello ou de gouverneurs quâil avait lui-mĂȘme choisis[19]. En 1820, Muhammad Bello compose un court traitĂ© intitulĂ© Tanbih al-sahib âala akhÄm al makhĂŁsib dans lequel il Ă©voque les meilleures façons de mener sa vie dans une sociĂ©tĂ© islamique, au sommet de cette hiĂ©rarchie figure le jihad, car « il est bĂ©nĂ©fique universellement pour prĂ©venir la destruction de lâordre social islamique » et lâĂ©levage se trouve relĂ©guĂ© en bas de celle-ci[20]. AprĂšs avoir rencontrĂ© des rĂ©sistances au dĂ©but de son rĂšgne, Mohamed Bello se concentre sur la consolidation de lâadministration, du systĂšme judiciaire et sur la construction de lieux dâenseignement, comme les Ă©coles ou les mosquĂ©es. Un aspect important du rĂšgne de son pĂšre quâil souhaite poursuivre est de dĂ©velopper lâaccĂšs Ă lâĂ©ducation. Sa sĆur Nana Asmaâu joue un rĂŽle crucial dans cette politique en devenant, elle-mĂȘme, enseignante et en travaillant Ă encourager les femmes des milieux ruraux Ă suivre des Ă©tudes[21].
Pendant le rĂšgne de Mohamed Bello, al-Hajj Oumar Tall, futur fondateur de lâempire Toucouleur, a sĂ©journĂ© Ă Sokoto en revenant de son pĂšlerinage Ă la Mecque en 1822 et a Ă©tĂ© grandement influencĂ© par Mohamed Bello, comme le montrent les mentions rĂ©guliĂšres dans ses Ă©crits[22]. Pour consolider leur alliance, al-Haji Oumar Tall Ă©pouse lâune des filles de Mohamed Bello. Pendant son sĂ©jour Ă Sokoto, il exerce en tant que cadi (juge) et comme commandant dans lâinfanterie du sultan jusquâĂ la mort de Mohammed Bello. Lâexplorateur britannique Hugh Clapperton a aussi visitĂ© la cour de Mohammed Bello Ă deux reprises, en 1824 et en 1826 et a laissĂ© de nombreuses descriptions du sultanat Ă cette pĂ©riode. Le sultan et lui nouent une relation intellectuelle et il louera dans ses Ă©crits la gĂ©nĂ©rositĂ© et lâintelligence du sultan[23]. Clapperton remarque lors de sa seconde visite que le sultan est plus richement habillĂ©[24]. Clapperton est intĂ©ressĂ© par les Ă©crits du sultan et impressionnĂ© par sa maĂźtrise de la gĂ©opolitique internationale, notamment sur la colonisation britannique en Inde[25]. Au cours de son second voyage, Clapperton tombe malade et meurt en 1826[25]. Plusieurs dirigeants dissidents comme Abd al-Salam et Dan Tunku continuent Ă rĂ©sister Ă lâautoritĂ© de Mohammed Bello tout au long de son rĂšgne. Dan Tunku, vizir de lâĂ©mirat de Kazaure, sâĂ©tait battu aux cĂŽtĂ©s dâUsman dan Fodio au moment du jihad, mais sâest opposĂ© Ă Mohammed Bello lorsquâil nomma Ibrahim Dado Ă©mir de Kano en 1819 organisant une forte rĂ©sistance. En 1836, le royaume du Gobir se rĂ©volte contre le sultanat et Mohammed Bello rassembla ses forces pour Ă©craser la rĂ©bellion le 9 mars 1836 lors de la bataille de Gawakuke, sans parvenir Ă Ă©teindre complĂštement la rĂ©sistance du Gobir[26].
Au cours de son rĂšgne, il dĂ©veloppe lâĂ©ducation se concentrant principalement sur lâenseignement de lâhistoire, de la poĂ©sie et des sciences islamiques. Il Ă©crit des centaines de textes sur ses sujets de prĂ©dilection au cours de sa vie[10]. Mohammed Bello dĂ©cĂšde de mort naturelle, Ă lâĂąge de 58 ans, le 25 octobre 1837 Ă Wurno[27]. Son frĂšre Abu Bakr Atiku lui succĂšde, reprenant une politique plus rigoureuse. NĂ©anmoins le modĂšle de gouvernance tolĂ©rant de Mohammed Bello a eu une influence durable sur la construction du sultanat de Sokoto lui permettant de se maintenir dans la durĂ©e et de jouir dâune importante aura culturelle et symbolique dans la rĂ©gion[28].
Notes et références
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- (en) Paul Naylor, From Rebels to Rulers : Writing Legitimacy in the Early Sokoto State, James Currey, (ISBN 978-1847012708), p. 95
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- (en) Paul Naylor, From Rebels to Rulers : Writing Legitimacy in the Early Sokoto State, James Currey, (ISBN 978-1847012708), p. 123
- (en) Murray Last, The Sokoto Caliphate, Longman, (lire en ligne), p. 64-65
- (en) Murray last, The Sokoto Caliphate, Longman, (lire en ligne), p. 66
- (en) Murray Last, The Sokoto Caliphate, Longman, (lire en ligne), p. 63
- (en) Paul Naylor, From Rebels to Rulers : Writing Legitimacy in the Early Sokoto State, James Currey, (ISBN 978-1847012708), p. 128
- (en) Murray Last, « A Note on Attitudes to the Supernatural in the Sokoto Jihad », Journal of the Historical society of Nigeria,â , p. 3-13
- (en) Paul Naylor, From Rebels to Rulers : Writing Legitimacy in the Early Sokoto State, James Currey, (ISBN 978-1847012708), p. 136
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- (en) Paul Naylor, From Rebels to Rulers : Writing Legitimacy in the Early Sokoto State, James Currey, (ISBN 978-1847012708), p. 14
- (en) Jean Boyd, « Education: Premodern, Pre-Nineteenth Century: Sub-Saharan Africa: West Africa », Encyclopedia of Women and Islamic Studies,â (lire en ligne )
- (en) Shareef Muhammad, The Revival of the Sunna and Destruction of Innovation (ThĂšse de doctorat en Histoire de l'Afrique), Sankore Institute of Islamic and African Studies International, (lire en ligne)
- (en) Paul Naylor, From Rebels to Rulers : Writing Legitimacy in the Early Sokoto State, James Currey, (ISBN 978-1847012708), p. 125
- (en) Paul Naylor, From Rebels to Rulers : Writing Legitimacy in the Early Sokoto State, James Currey, (ISBN 978-1847012708), p. 127
- (en) Steeve Kemper, A Labyrinth of Kingdoms : 10,000 Miles through Islamic Africa, W.W. Norton & Company, (ISBN 978-0393079661)
- (en) Murray Last, The Sokoto Caliphate, Longman, (lire en ligne), p. 74-75
- (en) John Renard, Tales of God's Friends: Islamic Hagiography in Translation, University of California Press, (ISBN 9780520253223)
- (en) Paul Naylor, From Rebels to Rulers : Writing Legitimacy in the Early Sokoto State, 2021, James Currey, (ISBN 978-1847012708), p. 147
Voir aussi
Bibliographie
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