Accueil🇫🇷Chercher

Nostalgie (sentiment)

La nostalgie est un sentiment de regret des temps passés ou de lieux disparus ou devenus lointains, auxquels on associe des sensations agréables, souvent a posteriori. Ce manque est souvent provoqué par la perte ou le rappel d'un de ces éléments passés, les deux éléments les plus fréquents étant l'éloignement spatial et le vieillissement qui représente un éloignement temporel. Enfin, ce sentiment peut renvoyer à un regret vis-à-vis d'un désir insatisfait.

Dies Praeteritos ! (les jours passés), gravure de 1798 dans Anecdotes of Distinguished Persons.

Étymologie et définition

Étymologiquement, le terme « nostalgie » provient du grec ancien nóstos (retour) et álgos (douleur) ; soit, le mal du pays[1].

Le dictionnaire Le Petit Larousse définit la nostalgie comme un « état de langueur causé par l'éloignement du pays natal »[2]. Le site du CNRTL la définit comme un « Regret mélancolique d'une chose, d'un état, d'une existence »[3], tout en précisant deux occurrences importantes pour qualifier l'objet du regret, celui :

  • « que l'on a eu ou connu » (désir d'un retour dans le passé),
  • « que l'on n'a pas eu ou pas connu » (désir insatisfait).

De manière générale, la nostalgie réfère à un sentiment agréable lié à un souvenir passé. Ce sentiment est commun à toute personne qui a passé un certain âge dont ce fond nostalgique évoque clairement des souvenirs clairs.

Origines du concept

La nostalgie, qui se présente étymologiquement comme le mal du pays, désigne souvent une mélancolie accompagnée d'un envoûtement par rapport à des souvenirs liés aux lieux de l'enfance, qu'on évoque à travers une jouissance qui est douloureuse.

Le psychiatre et psychanalyste André Bolzinger, lauréat de l’Académie nationale de médecine, a retracé l'histoire de ce concept créé en 1688 par Johannes Hofer, un médecin alsacien de 19 ans, qui lui consacra une thèse secondaire à l'université de Bâle[4]. La nostalgie est la formulation scientifique du Heimweh, le mal du pays des mercenaires suisses de l'armée de Louis XIV, torturés par le souvenir du Heimat en entendant le Ranz des vaches[5], un chant traditionnel des armaillis de leur pays[6]. Cette thèse a connu un grand retentissement.

Créé dans un sens à connotation médicale, le terme nostalgie va évoluer sémantiquement dans un sens conventionnel qui désigne ce terme comme une simple émotion[7].

Le mot « nostalgie » entre dans le dictionnaire de l'Académie française en 1835 avec la définition : « Maladie causée par un désir violent de retourner dans sa patrie. ». Durant la Révolution française, Pierre-François Percy, chirurgien dans l'armée républicaine, relève les mêmes symptômes chez les Bas-Bretons[8]. Pour Chateaubriand, vers 1840, il ne s'agit plus d'une maladie mais d'un regret : « La nostalgie est le regret du pays natal »[9].

De la nostalgie au passéisme

L'historien Raoul Girardet a analysé le caractère amplement mythique de ce dernier thème, que l'on nomme souvent la nostalgie des origines.

La nostalgie peut être caractérisée par plusieurs termes : par exemple les expressions « le bon vieux temps », « la belle époque », ou bien encore l'expression « c'était mieux avant ». La nostalgie évoque donc une vision du passé bien souvent assez peu objective et relève toujours d'un sentiment qui prétend que le passé était toujours mieux ou plus agréable que la situation actuelle et fait abstraction des éléments négatifs.

Le passéisme qui est une attitude empreinte de nostalgie du passé, d'attachement aux mœurs et aux valeurs du passé (en référence au « bon vieux temps »), peut entraîner un repli et un véritable désir profond de retourner vers les actions du temps passé.

Le "Stalinobus" à Saint-Pétersbourg , décoré avec des images relatives à la Grande guerre patriotique relève de la nostalgie de l'Union soviétique

Par exemple, on nomme ostalgie, par jeu de mots, le regret par plusieurs habitants d'Europe de l'Est de certaines des caractéristiques de leur vie sous le régime communiste (sécurité de l'emploi, du logement…) en dépit du style de vie plus terne qui accompagnait celui-ci. La trame du film Good Bye, Lenin! est, en grande partie, fondée sur ce contexte. Cette forme de nostalgie qui existe également dans la nostalgie de l'Union soviétique relève d'une forme de passéisme.

Différents points de vue

D'un point de vue sociologique, la concentration de certaines sociétés sur leur passé peut devenir particulièrement manifeste quand les évocations d'un âge d'or passé se font de plus en plus fréquentes. Au-delà du mythe grec, l'âge d'or est la vision d'un passé heureux et lointain qui s'éloigne de plus en plus avec le temps qui passe.

D'un point de vue culturel et artistique (notamment poétique et musical) chaque civilisation a ses variantes : blues américain, saudade portugaise, скучать(skoutchat) russe, dor balkanique, où la nostalgie se mêle de manque, de désir, de regret.

D'un point de vue médical, la nostalgie est aujourd'hui de plus en plus prise en compte comme symptôme possible de la dépression ou d'anxiété.

Terme dérivé

Le terme solastalgie désigne la nostalgie d'un lieu disparu, notamment pour les lieux de vie ayant disparu à cause de bouleversements climatiques.

La nostalgie dans les arts

En littérature

Avec la Ballade des dames du temps jadis, écrite en 1461, François Villon, en se demandant où sont passées les femmes célèbres disparues, évoque déjà une forme de nostalgie (mais où sont les neiges d'antan ?). Joachim du Bellay, poète français né vers 1522, exprime dans son recueil intitulé Les Regrets, publié en son amour de son pays natal. Le sonnet « Heureux qui, comme Ulysse », qui figure dans ce recueil, souvent utilisé dans la chanson française, est considéré comme l'archétype du texte évoquant la nostalgie.

Au début du XXe siècle, Marcel Proust a écrit de 1906 à 1922, correspondant à une publication de 1913 à 1927, un roman en sept tomes intitulé À la recherche du temps perdu. Cette œuvre présente une intense réflexion sur la littérature, sur la mémoire et sur le temps[10].

Au XXIe siècle, l'écrivain tchèque naturalisé français Milan Kundera considère l’Odyssée d'Homère et le personnage d'Ulysse comme « l’épopée fondatrice de la nostalgie »[11].

La romancière belge Amélie Nothomb évoque dans son roman La Nostalgie heureuse, paru en 2013, son retour au Japon, où elle a vécu durant son enfance. Dans ce livre, elle revisite les lieux qu'elle a connus et se confronte à ses souvenirs.

Sous un aspect plus philosophique, l'écrivain et philosophe français Albert Camus définit ce sentiment dans Le Mythe de Sisyphe en écrivant « La pensée d'un homme est avant tout sa nostalgie. »

L'actrice Simone Signoret a publié en 1975 son autobiographie sous le titre La nostalgie n'est plus ce qu'elle était, ouvrage dans lequel on peut lire : « Je ne peux pas jurer que j'ai été d'une sincérité totale en affirmant que je n'ai pas de nostalgie. J'ai peut-être la nostalgie de la mémoire non partagée… »[12].

Le saudosismo, parfois nommé « nostalgisme » en français, est un mouvement littéraire et philosophique apparu au Portugal dans le premier quart du XXe siècle. Inspiré d'une vision du monde fondée sur le sentiment de saudade, il exprime un sentiment complexe où se mêlent mélancolie, nostalgie et espoir.

  • Joachim Du Bellay.
    Joachim Du Bellay.
  • Marcel Proust.
    Marcel Proust.
  • Amélie Nothomb.
    Amélie Nothomb.

Dans la chanson

Liste, non exhaustive, de chansons dont le contenu est explicitement lié au thème de la nostalgie :

  • Paul McCartney.
    Paul McCartney.
  • Julio Iglesias.
    Julio Iglesias.
  • Serge Gainsbourg.
    Serge Gainsbourg.
  • Guy Marchand.
    Guy Marchand.
  • Renaud.
    Renaud.
  • Michel Delpech.
    Michel Delpech.

Au cinéma

Victor Tourjansky.

Dans les autres domaines

Au niveau médiatique, une station de radio créée en 1983, puis un réseau de radiodiffusion porte le nom de Nostalgie et diffuse essentiellement des chansons sur une période qui va des années 1960 jusqu'aux années 1990[13]. Il existe également une chaîne de télévision thématique des réseaux câblés russes fondée en 2004 se dénomme Nostalguïa (russe : Ностальгия) et plus communément désignée sous le nom de Nostalgia.

L'émission française radiophonique diffusée du France Culture, intitulée Le Cours de l'histoire, dans sa série « Histoire des sensibilités », présente un épisode consacrée à la nostalgie et intitulé L'impossible retour, la nostalgie à l'épreuve du temps, animée par l'historien Xavier Mauduit[14].

Dans le domaine de la science, certaines sciences physiques et naturelles présentent des traits nostalgiques dans leur objet d’étude. Contrairement aux sciences prédictives comme la chimie ou la biologie moléculaire, les sciences postdictives (paléontologie du Quaternaire, préhistoire, etc.) ont une composante de nostalgie d’un passé lointain qui ne reviendra pas[15]. Dans le domaine de l'astronomie, l'astéroïde (3162) Nostalgie, est un astéroïde de la ceinture principale d'astéroïdes. Il fut nommé d'après ce sentiment.

Colloques et expositions

Le colloque international du laboratoire de recherche 3L.AM, géré par un comité scientifique, qui s'est déroulé les 13 et à l’université d'Angers avait comme thème : « La nostalgie au cinéma »[16].

En 2017, l'université de Lorraine (site de Nancy) a organisé un colloque international de trois jours (30 novembre, 1 et 2 décembre) avec comme titre de sujet : « La Nostalgie dans tous ses états »[17].

Notes et références

  1. Site universalis, page sur le mot "nostalgie", consulté le 9 octobre 2018.
  2. Site Larousse, page sur la définition du mot "nostalgie", consulté le 7 octobre 2018.
  3. Site CNRTL, page sur la définition du mot "nostalgie", consulté le 8 octobre 2018.
  4. André Bolzinger, Histoire de la nostalgie, Paris, CampagnePremière, .
  5. [vidéo]Bernard Romanens – Ranz des vaches (1977), Le Ranz des vaches à la Fête des vignerons de 1977, Les archives de la RTS, 2 décembre 2016.
  6. Guy Serge Métraux, Le Ranz des vaches : du chant de bergers à l'hymne patriotique, Éditions 24 Heures, , 159 p., p. 19.
  7. google livre "La nostalgie comme sentiment" De Piero Galloro et Antigone Mouchtouris, consulté le 11 octobre 2018.
  8. Yves-Marie Bercé, François Lebrun (dir.) et Roger Dupuy (dir.), Les Résistances à la Révolution : actes du Colloque de Rennes (17-21 septembre 1985), Imago, , 478 p., « Nostalgie et mutilations : psychoses de la conscription », p. 175.
  9. François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, 3 L29 Chapitre 1, page 367 dans l'édition en ligne de la BNF [lire en ligne].
  10. Site nospensees.fr, page "Marcel Proust, biographie de l'écrivain de la nostalgie".
  11. site fabula.org, article "La nostalgie dans tous ses états ", publié le 2 avril 2017.
  12. Site de l'éditeur Seuil, page sur le livre "La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était", consultée le 09 octobre 2018.
  13. « NRJ Global - Nostalgie », sur nrjglobal.com (consulté le ).
  14. Site radiofrance.fr, podcast de l'émission Au cours de l'Histoire.
  15. (en) Hortolà, P., « The underlying emotional background of Quaternary palaeontology: nostalgia and Ubi sunt in a postdictive science », Studia Antiqua et Archaeologica 26 (2), , p. 139–147 (lire en ligne).
  16. Site afea.fr, page "CFP : "La nostalgie au cinéma", consulté le 24 janvier 2020.
  17. « Colloque «La nostalgie dans tous ses états » | lis.univ-lorraine.fr », sur lis.univ-lorraine.fr (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Dominique-Jean Larrey, « Mémoire sur le siège et les effets de la nostalgie », Recueil de mémoires de chirurgie, .
  • Auguste Benoist de La Grandière, De la nostalgie ou mal du pays, 1873.
  • Vladimir Jankélévitch, L'Irréversible et la Nostalgie, Éditions Flammarion, 1974, 319p. (1983, 2e éd.)
  • Jean-Pierre Keller, La Nostalgie des avant-gardes, Éditions de l'Aube, 1991.
  • André Bolzinger, Histoire de la nostalgie, Éditions Campagne Première, 2007.
  • La revue Sigila a consacré son no 27 (2011) au thème de la nostalgie.
  • Barbara Cassin, La Nostalgie, Éditions Autrement, 2013.
  • Katharina Niemeyer (ed.), « Media and Nostalgia. Yearning for the past, present and future », Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2014.
  • Jacopo Masi, Ce Sentiment qui nous rappelle : Déclinaisons de la nostalgie chez Giorgio Caproni, Philip Larkin, Claude Esteban et Seamus Heaney, Paris, Le Manuscrit, 2018.
  • Thomas Dodman, Nostalgie : Histoire d'une émotion mortelle, Éditions du Seuil, , 320 p. (ISBN 9782021460612).

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.