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Migrations serbes

Les migrations serbes dans les Balkans revêtent une grande importance politique, linguistique et culturelle dans l'histoire des Serbes. Ces migrations ont été motivées par diverses raisons : certaines, massives mais ponctuelles, sont conséquence de la politique d'occupation turque, comme la grande migration de 1690 ; d’autres, plus diffuses mais sur des périodes plus longues, parfois des siècles, furent des déplacements causés par la surpopulation ou par des problèmes environnementaux (déforestation, sécheresse) de certaines régions.

Migration des Serbes de Serbie Blanche dans l'Empire byzantin VIIe siècle

Les territoires peuplés par les Serbes après qu'ils ont chassé les Avars, selon De Administrando Imperio

Au VIIe siècle, lorsque l’Empereur romain d'Orient Héraclius demanda l’aide des Slaves du nord pour refouler les Avars hors de l’Empire byzantin, Procope de Césarée et Théophylacte Simocatta relatent que des Serbes de la Serbie blanche (dont les descendants actuels sont les Sorabes de l'Allemagne orientale) vinrent s'installer entre le Danube, l'Urbanus, la Narenta, la mer Adriatique et la Margus, notamment en Dioclée (qui prit plus tard le nom de Zeta, et encore bien plus tard Monténégro), en Bosnie et dans les régions côtières de Paganie (également dénommée Narentanie), de Zachlumie (correspondant toutes deux, aujourd'hui, à la Dalmatie orientale) et de Travounie (approximativement le sud-ouest de l'actuelle Herzégovine) ; ils passèrent ensuite progressivement de la mythologie slave (fidèles de Péroun, Domovoï, Korochoun et autres dieux slaves) au christianisme byzantin[1].

Migration de 976

Selon Jean Skylitzès[2], un échange de populations aurait eu lieu entre l'Empire byzantin et le royaume slave de Grande-Moravie en 976 : une partie des Serbes de la Serbie blanche (dont les descendants actuels sont les Sorabes de l'Allemagne orientale) vinrent s'installer dans le bassin d'un affluent du Danube, le Margos, qu'ils nomment Morava, tandis que les Valaques de cette région, ayant résisté à la conquête byzantine de l'empereur Basile II qui avait confisqué leurs terres, partent s'installer en Moravie septentrionale, où ils forment la Valaquie morave[3]. Pour les protochronistes, les Valaques de Moravie descendent en droite ligne des Volques, un peuple celte qui, selon eux, aurait été d'abord romanisé, ensuite slavisé sur place.

Les migrations serbes sous l’occupation turque du XVe au XIXe siècle

Les régions :

Ce sont des régions montagneuses où les Turcs n’ont jamais pu établir une autorité forte, elles ont donc conservé intacte la culture serbe dont elles étaient d’ailleurs l’une des sources. La plus grande dynastie serbe, les Nemanjić donc, sont originaires de cette région, ainsi que de la Rascie.

De plus, ces régions bénéficient d’une vie saine et agréable, elles n’étaient pas touchées par les épidémies et assuraient aux Serbes, une bien moindre mortalité infantile, ainsi qu'une longévité plus importante. Très vite un excès de population se produisit, obligeant ses habitants à la migration. Pendant 4 siècles, du XIVe au XVIIIe siècle, les sources historiques définissent, huit migrations principales de ce genre[4], les auteurs de l'époque n'ont pas relevé les migrations mineures qui prises une à une, devaient être plus importantes en nombre que les huit réunies.

Le principal courant de migration se dirigea vers la Šumadija qui était à l’époque, une vaste et dense forêt, qui assurait aux Serbes une certaine sécurité vis-à-vis des Turcs et leur permettait aussi de faire une guerre de guérilla vis-à-vis des Ottomans grâce à ses Haïdouks. De plus, régulièrement, les Autrichiens libéraient de vastes régions pendant une certaine période de l’occupation turque, ils encourageaient les migrations serbes, car les montagnards serbes étaient de robustes gaillards souvent de haute taille, ils fournissaient à l’empire autrichien le gros de son armée.

Les migrations débouchaient aussi sur le cours de la Morava et même encore plus à l’est en pays Valaque mais en nombre inférieur car ces régions étaient surtout des régions de transition car trop sous contrôle turc à l’époque. Le cours de la Morava servait surtout comme couloir de migration vers la Krajina, la Slavonie, le Banat et surtout la Syrmie. Après la Grande Migration de 1690 la Syrmie qui après portera le nom de Voïvodine sera le centre culturel des Serbes.

Très vite, la Krajina, la Slavonie et la Syrmie furent, elles aussi, surpeuplées, renforcées régulièrement par de nouveaux migrants venant des régions mères, citées plus haut. Des Serbes ainsi que des Croates franchirent alors la Drave pour coloniser toute la Hongrie occidentale, la Slovénie, ils arrivèrent jusqu’à Vienne et même jusqu'à la Moravie tchèque[5].

La grande Migration de 1690

La Grande Migration de 1690 s'est effectuée au cours de la deuxième guerre austro-turque qui eut lieu de 1683 à 1699. Elle opposa les chrétiens d'Europe centrale coalisés à l'Empire ottoman. L'alliance chrétienne était composée de :

Cette guerre débuta par la Bataille de Vienne. Au cours de la contre-offensive au second siège de Vienne, l'Autriche libéra de l'occupation turque, la Hongrie, la Serbie et la Macédoine.

Parmi l'armée autrichienne on compte de nombreux Serbes, qui mobilisèrent leurs compatriotes encore sous le joug turc. Cela fonctionna admirablement. Les Serbes libérèrent seuls la région de la Macva, la Serbie orientale ainsi que Sjenica et la région de Novi Pazar. Devant autant de succès, les Serbes décidèrent de demander à l'Autriche de les aider à organiser leur royaume. Mais les Autrichiens ne tenaient pas à créer une Serbie indépendante, ils voulaient garder au sein de leur Empire ses territoires serbes.

Pendant les négociations entre Serbes et Autrichiens, les Turcs avaient rassemblé leurs forces de Roumélie. La contre-offensive turque reprit aux Habsbourg la Macédoine et s'engagea vers le sud du Kosovo. En plus de ces premières défaites, la France avait déclaré la guerre à l'Empire des Habsbourg dans l'ouest. C'en était trop pour l'Autriche, première défaite devant les Turcs, menace de la France sur les possessions de l'ouest, risque de création d'une Serbie indépendante. Devant toutes ces menaces, l'Autriche décida de se replier aux nord du Danube afin de sauvegarder au moins une partie de ses conquêtes.

Autonomie des Serbes au sein de l'empire d'Autriche

À Belgrade, une assemblée se réunit. Il fut décidé de demander à l'empereur Léopold Ier du Saint-Empire d'assurer la sécurité de ses alliés serbes. L'empereur accepta d'accueillir sur les terres récemment libérées au nord de Belgrade, sur la rive gauche du Danube, « tous les Serbes qui étaient prêts à se battre contre les Turcs ». Il leur offrit des « avantages et des passe-droit importants », comprenant la liberté de culte (les Serbes sont chrétiens orthodoxes), la liberté de justice et la liberté dans l'éducation de leurs enfants. Ils recevaient des armes pour pouvoir défendre l'Empire contre les Ottomans ; ils pouvaient attaquer seuls les Ottomans dans une guerre d'usure mais devaient répondre aux ordres de mobilisation de l'empereur. L'empereur, et seulement lui, détenait une autorité sur les Serbes qui formaient son armée personnelle.

Tous ces avantages accordaient quasiment aux Serbes une autonomie au sein même de l'Empire.

Arsenije III Čarnojević, le patriarche de l'Église orthodoxe serbe, satisfait des avantages promis par l'empereur, organisa l'une des plus grandes migrations de l'histoire serbe, entre 1690 et 1694 de 40 000[6] à plus de 200 000 Serbes quittèrent rien que le Kosovo (chiffre énorme pour l'époque un peu moins de 4 fois la population de Londres), pour trouver refuge en Voïvodine, Slavonie et Krajina, on appelait ces régions les frontières militaires (Vojne Krajine)[7], exode plus que massif compte tenu de la population de l'époque. Sachant que les Turcs avaient déjà réprimé durement les Serbes qui s'étaient alliés aux Autrichiens, ils craignaient que le retour des Ottomans au Kosovo, qui était le foyer central de la révolte serbe, ne provoque un massacre général de la population.

À la fin de la migration, le Kosovo avait perdu une grande partie de sa population chrétienne, ainsi que la région de Rascie futur Sandjak. Les Serbes du Kosovo s'installèrent dans les régions actuelles de :

  • Voïvodine aujourd'hui en Serbie,
  • Slavonie aujourd'hui en Croatie,
  • et même jusque dans la ville hongroise de Szentendre, où ils grossirent les rangs de la communauté serbe.

Ces déplacements de population depuis la conquête ottomane transforment l'identité ethnique du Kosovo, à majorité albanaise malgré une histoire liée de près à celle des Serbes, ceux-ci ayant occupé la région en grand nombre pendant plusieurs siècles.

La grande Migration de 1737

En 1737, l'Autriche déclara la guerre aux Turcs, mais la préparation des Autrichiens était insuffisante. Elle fut provoquée par la Russie qui intervenait de plus en plus dans l'Europe du Sud-est. Afin d'éviter une trop grande influence de l'Empire russe dans cette partie de l'Europe qu'elle considérait comme étant sa chasse gardée, l'Autriche pensait qu'elle devait au plus vite abattre les Turcs avant que les Russes ne le fassent.

L'empereur d'Autriche rencontra le patriarche serbe Arsenije IV Jovanović Šakabenta et lui demanda de pousser à la rébellion les Serbes sous domination turque. La révolte serbe libéra les villes de Niš, Pirot, Novi Pazar. Mais les Serbes insuffisamment soutenus par les Autrichiens, les Turcs reprirent les villes libérées et après la victoire de Grocka en 1739, il récupérèrent aussi les gains territoriaux de la guerre précédente. Les Serbes furent massacrés en représailles par les Turcs, cela poussa à la migration un grand nombre d'entre eux vers la région de Syrmie, en Slavonie croate aujourd'hui.

Immigration du XIXe siècle à 1946

L'émigration serbe à cette époque s'oriente surtout vers les grands centres urbains et les bassins miniers, en France, Belgique, Allemagne, États-Unis et Canada. Les populations agricoles cherchaient à améliorer leur quotidien dans les grandes villes du monde développé. L'émigration est due à des raisons économiques.

À partir de 1918, l'émigration ralentit et elle se diversifie, elle devient aussi culturelle, La France par sa culture attire des intellectuels serbes pour faire leurs études. L'alliance Franco-Serbe et plus tard Franco-Yougoslave fait aussi de Paris le centre de formation militaire du royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Les mouvements artistiques s’intéressent aux tendances artistiques qui parcourent Paris. À leur retour, les artistes créent des mouvements correspondants, comme le surréalisme en Serbie ou l’École de Paris dans la peinture.

Cependant, lors de la Seconde Guerre mondiale, le Kosovo est rattaché a l'Albanie, sous domination italienne fasciste. Environ 10 000 Serbes, Juifs et Roms sont tués et entre 80 000 et 100 000 sont chassés du Kosovo[8]

Immigration de 1946 à 1991

Dans un premier temps jusqu'au début des années 1960 en fait, l'émigration serbe en France est due à l'instauration du régime communiste en Yougoslavie. Les résistants royalistes qui ont combattu les nazis ainsi que les communistes de Tito trouvent refuge en partie en France, aux États-Unis, Canada, et aussi en Australie.

L'installation en France est aussi due à l'amitié de Draža Mihailović et Charles de Gaulle. De Gaulle encouragera leur installation en France.

À partir des années 1960, la détérioration de l'économie yougoslave et le risque de révolte en Yougoslavie vis-à-vis du régime titiste pousse le régime à organiser une émigration massive « provisoire » selon le régime titiste dans le but de donner une expérience à l'étranger à leurs ressortissants. Un million de Yougoslaves quitteront le pays entre 1965 et 1975, et cela en toute légalité, la Yougoslavie ayant signé des accords sur l'emploi avec la majorité des pays d'Europe occidentale.

Les Yougoslaves étaient d'ailleurs des salariés très recherchés, en raison de leur niveau d'études très élevé. En effet selon une étude faite à l'époque, le niveau de leur scolarisation acquis en Yougoslavie est le plus élevé de tous les migrants interrogés :

  • 35 % ont plus de 9 ans de scolarité,
  • 30,9 % ont plus de 7-8 ans,
  • 5,4 % ont moins d’un an de scolarité, ce qui est très peu à l'époque et même aujourd'hui
  • 99,3 % savent lire et écrire dans leur langue (contre 74,2 % pour l’ensemble des migrants).

Seul point noir, n'étant pas issus d'un pays colonisé par la France, comme la majorité des immigrés, ils avaient une faible connaissance du français.

Immigration de 1991 à aujourd’hui

Expulsion des Serbes de la République serbe de Krajina

Pendant et après l'opération tempête, 500 000 Serbes ont été expulsés de Croatie. Slobodan Milosevic a voulu les installer au Kosovo mais très peu d'entre eux acceptèrent de s'installer dans la province méridionale de la Serbie, en raison de la menace albanaise. La grande majorité des Serbes de Croatie s'installa en Voïvodine et à Belgrade. Un nombre important d'entre eux s'installèrent aussi en république serbe de Bosnie. Les plus défavorisés immigrèrent, en Allemagne, Autriche, Suède, Suisse, France, Grande-Bretagne. D'autres s'installèrent en Australie, Nouvelle-Zélande, et États-Unis d'Amérique.

Mouvement des populations serbes en Bosnie pendant la guerre et après les Accords de Dayton

Les territoires peuplés par les Serbes dans l'espace yougoslave en 2008

Expulsion des populations serbes du Kosovo

L'expulsion des Serbes du Kosovo débute lors de l'installation ottomane (au Moyen Âge) dans la région, les turcs favorisèrent l'installation de population albanaise islamisée et exhortèrent les Serbes de la région à adopter la religion des nouveaux maîtres. Les populations chrétiennes du Kosovo qu'ils soient serbes ou albanais pour une partie se convertirent à l'Islam pour une seconde partie restèrent au Kosovo tout en gardant leur religion et pour une troisième partie fuirent la région, la plupart des Serbes s'installèrent dans les confins militaires et au Monténégro alors que les Albanais émigrèrent en Italie du Sud en Sicile (où ils devinrent des

Arbëresh mais aussi certains d'entre eux suivirent les Serbes dans les confins militaires.

Les Serbes au Kosovo et les Albanais en Serbie centrale en 2012

Sources

  • Encyclopédie Universalis, article pays ruches.
  • Dusan Batkovic, "Histoire du peuple serbe", éditions L'âge d'homme (ISBN 282511958X)

Notes et références

  1. Constantin Porphyrogénète, “Les cités désertées“ in De administrando imperio, cité dans Stelian Brezeanu : Toponymie et réalités ethniques sur le bas-Danube au Xe siècle ; Vladislav Popović, “La descente des Koutrigours, des Slaves et des Avars vers la mer Égée : le témoignage de l'archéologie“, in|Comptes-rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, volume 12, 1978, pp. 596-648 sur et Jordanès, Getica : “…Sclavini a civitate nova et Sclavino Rumunense et lacu qui appellantur Mursianus…“ sur : De rebus Geticis citant le manuscrit de Vienne.
  2. Chronique de Skylitzès de Madrid
  3. C'est l'hypothèse de T.J. Winnifruth : Romanized Illyrians & Thracians, ancestors of the modern Vlachs, Badlands-Borderland 2003, page 44, (ISBN 0-7156-3201-9), mais sur place, en Moravie, il n'y a ni mention écrite, ni preuve archéologique de cet épisode, et sur le plan linguistique le dialecte aujourd'hui slave des Valaques de Moravie, également influencé par les langues slovaque et tchèque, comprend un lexique latin d'origine daco-roumaine et surtout pastorale comme dans bača (roum. „baci”: berger), brynza (roum. „brânză” : fromage, mot passé aussi en slovaque et en tchèque), cap (roum. „țap”: bouc), domikát (roum. „dumicat”: produit laitier), galeta/geleta (roum. „găleată” : baratte), pirt’a (roum. „pârtie”, chemin de transhumance), kurnota (roum. „cornută”: cornue) ou murgaňa/murgaša (roum. „murgașă” : brebis noire). C'est pourquoi les spécialistes tchèques supposent que des groupes de bergers roumains partis de l'actuelle Roumanie (Transylvanie, Banat) ou de l'actuelle Serbie orientale, se seraient installés en Moravie orientale plus tard, du XVe siècle au XVIIe siècle : cf.: Jan Pavelka, Jiří Trezner (dir.): Příroda Valašska, Vsetín 2001, (ISBN 80-238-7892-1).
  4. Encyclopédie Universalis, article pays ruches
  5. Encyclopédie Universalis 2008, article pays ruches
  6. (en) Dennis P. Hupchick, The Balkans : From Constantinople to Communism, Palgrave Macmillan, coll. « History », , 512 p., Broché (ISBN 978-1-4039-6417-5), p. 179
  7. Catherine Lutard, Géopolitique de la Serbie-Monténégro, Paris, éditions Complexe, coll. « Géopolitique des États du monde », , 143 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-87027-647-8), p. 17 (BNF 36997797).
  8. (en) Serge Krizman, « Massacre of the innocent Serbian population, committed in Yugoslavia by the Axis and its Satellite from April 1941 to August 1941 ». Map. Maps of Yugoslavia at War, Washington, 1943.

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