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Marceline Loridan-Ivens

Marceline Loridan-Ivens, nĂ©e Rozenberg[1] le Ă  Épinal et morte le Ă  Paris 12e[2] - [3], est une scĂ©nariste, rĂ©alisatrice, productrice et Ă©crivaine française[4]. Elle est une survivante de la Shoah, et compagne de dĂ©portation de Simone Veil.

Marceline Loridan-Ivens
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Marceline Loridan-Ivens (Ă  droite), la reine Beatrix et Joris Ivens en 1989.

Elle rĂ©alise plusieurs films dans le contexte de la dĂ©colonisation, sur l'AlgĂ©rie et le ViĂȘtnam. Elle a Ă©galement rĂ©alisĂ© le long-mĂ©trage La petite prairie aux bouleaux, sur son expĂ©rience de la dĂ©portation, et rĂ©alisĂ© avec son Ă©poux Joris Ivens une sĂ©rie de films sur la Chine maoĂŻste[3]. Elle apparaĂźt dans le film Chronique d'un Ă©tĂ© (1961), un des premiers tĂ©moignages filmĂ©s de la dĂ©portation durant la Seconde Guerre mondiale.

Elle a rédigé plusieurs essais autobiographiques dont Et tu n'es pas revenu (Grasset, 2015)[3].

Biographie

Enfance et déportation

Marceline Rozenberg est nĂ©e de parents juifs polonais Ă©migrĂ©s en France depuis 1920[5]. Son pĂšre Rozenberg Szlama petit industriel fabricant de textile nĂ© Ă  Slupia Nowa (Pologne) le 7 mars 1901, Ă©pouse Frymet Gruszkowicz nĂ©e Ă  Lodz le 1er avril 1898, commerçante[6]. Le pĂšre s'installe d'abord Ă  Belfort en octobre 1920, puis dĂ©mĂ©nage, en 1925, avec le reste de la famille Ă  Épinal oĂč ils rĂ©sident jusqu'en 1931, c'est lĂ  que naĂźtra Marcelline le 19 mars 1928. En 1931, la famille s'installe Ă  Nancy[7] oĂč naitront Suzanne Jacqueline en 1932[5] et Michel en 1937. Peu aprĂšs la naissance de Michel Ă  la suite de mauvaises affaires la famille retourne s'installer Ă  Épinal.

De 1933 Ă  1937, elle frĂ©quente avec sa grande sƓur Chaja-Rojza[5] dite Henriette le lycĂ©e Jeanne d'Arc, lycĂ©e de jeunes filles du centre-ville de Nancy. Elle quitte le lycĂ©e en 7e quand sa famille retourne Ă  Épinal.

A Épinal, elle fait du scoutisme au sein de la FĂ©dĂ©ration française des Éclaireuses, comme « petite aile » (branche des 8-12 ans)[8] - [9]. D'origine juive, elle n'est pas croyante[6].

Au début de la Seconde Guerre mondiale, sa famille s'installe dans le Vaucluse. La famille vit alors au Domaine de Gourdon à BollÚne dans le Vaucluse[10].

À 15 ans, elle est arrĂȘtĂ©e en tant que juive par la Milice française et la Gestapo en mĂȘme temps que son pĂšre, ShloĂŻme Rozenberg[11] - [12].

Elle est dĂ©portĂ©e Ă  Auschwitz-Birkenau par le convoi 71 du , le mĂȘme que celui de son pĂšre[10], de Simone Veil[13] - [14], avec laquelle la liera une amitiĂ© « indĂ©fectible[15] », de Ginette Kolinka[16] - [17] - [18] et de Anne-Lise Stern. Elle est ensuite transfĂ©rĂ©e Ă  Bergen-Belsen, et finalement au camp de concentration de Theresienstadt. Elle recouvre la libertĂ© Ă  la libĂ©ration du camp, le [19] par l'ArmĂ©e rouge.

Jeunesse engagée à Paris

À son retour en France, elle apprend la stĂ©notypie et la dactylographie[6]. Elle Ă©pouse Francis Loridan, jeune ingĂ©nieur en travaux publics, engagĂ© sur des chantiers lointains. Ils divorcent des annĂ©es plus tard mais elle souhaite conserver son nom[20].

Elle adhÚre au Parti communiste français en 1955 et le quitte un an plus tard. Elle croise alors des « déviationnistes », comme le philosophe Henri Lefebvre ou le sociologue Edgar Morin[21], tape des manuscrits pour des intellectuels dont Roland Barthes, travaille au service reprographie d'un institut de sondage, est « porteuse de valises » pour le FLN[6] et fréquente les nuits parisiennes de Saint-Germain-des-Prés[22]. En 1971, elle est signataire du Manifeste des 343 pour la dépénalisation de l'avortement[23].

CarriÚre de cinéaste

En 1961, Jean Rouch et Edgar Morin la filment dans Chronique d'un été ; elle y apparaßt dans des plans devenus célÚbres par un monologue sur sa déportation et le vide laissé par la disparition de son pÚre[6]. Elle entre par le biais de ce film dans le monde du cinéma.

Elle se consacre initialement à des documentaires sur des peuples en lutte. En 1962, elle réalise avec Jean-Pierre Sergent un premier documentaire, Algérie année zéro, sur les premiers pas du pays aprÚs l'indépendance[24]. Le film est interdit en France et en Algérie, et reçoit le Grand Prix du festival de Leipzig en 1965[25].

En 1963, elle rencontre et épouse le réalisateur de documentaires Joris Ivens, de trente ans son aßné. Ils forment ensemble un couple de cinéastes soudés[6]. En fonction des films, elle l'assiste ou coréalise avec lui. Ils réalisent notamment ensemble Le 17e parallÚle en 1968[26], pour lequel ils s'immergent dans les combats de la guerre du Vietnam. Au Vietnam, ils sont reçus par HÎ Chi Minh[22], qui leur donne l'autorisation de se déplacer sur les lignes de front.

De 1972 Ă  1976, pendant la rĂ©volution culturelle dĂ©clenchĂ©e par Mao Zedong, elle travaille en Chine et rĂ©alise avec son Ă©poux Joris Ivens la sĂ©rie de douze documentaires Comment Yukong dĂ©plaça les montagnes[27], ayant obtenu un laisser-passer du Premier Ministre Zhou En-lai pour circuler librement[6]. CritiquĂ©s par Jiang Qing, Ă©pouse de Mao, ils doivent quitter prĂ©cipitamment la Chine[28]. Les deux rĂ©alisateurs rĂ©sistent aux demandes de coupes formulĂ©es par le gouvernement chinois[28]. À sa sortie en France, le film est largement critiquĂ© comme un support de propagande, dans le contexte d'une prise de distance occidentale avec la Chine maoĂŻste.

Elle prend plus tard de la distance avec cette démarche cinématographique, la qualifiant de « simpliste et naïve »[24] et parlant d'« héroïsation de la révolution »[26].

En 2003, à 75 ans, elle réalise son premier film de fiction, La Petite Prairie aux bouleaux, avec Anouk Aimée, trÚs inspiré de son parcours dans les camps, qui évoque aussi les différentes facettes de sa mémoire en tant que survivante[29]. Le titre est la traduction du nom polonais Brzezinka, germanisé en Birkenau.

TĂ©moin de la Shoah

Tombe de Joris et de Marceline Loridan-Ivens au cimetiĂšre du Montparnasse (division 12).

Elle Ă©crit plusieurs essais autobiographiques, avec l'appui de journalistes, oĂč son expĂ©rience de la dĂ©portation apparaĂźt perpĂ©tuellement en toile de fond. Elle affirme que « on ne vit pas aprĂšs Auschwitz, on vit avec en permanence (...) La vie quotidienne vous confronte tout le temps au souvenir. Cela pĂ©nĂštre profondĂ©ment votre vie. (...) Et je me suis souvent comportĂ©e aprĂšs les camps comme si j’y Ă©tais encore. »[30].

L'essai Et tu n'es pas revenu revient sur son expérience de la déportation et sur sa conviction que la France n'a pas regardé en face son rÎle dans la Shoah[4]. Il est écrit sous forme de lettre à son pÚre, mort en déportation[30]. L'essai Ma vie balagan est consacré davantage à sa vie au retour des camps, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés puis à ses choix de cinéaste. Dans L'Amour aprÚs, elle explore la difficulté de reconstruire son rapport à son corps, à l'amour et à la sexualité aprÚs la déportation, et revient sur ses relations amoureuses notamment avec Georges Perec[31].

Jusqu'à la fin de sa vie, elle donne des conférences et témoigne dans les collÚges et les lycées sur la Shoah[22].

Elle estime que l'antisĂ©mitisme reste vivace en France, s'alarme de la faiblesse des rĂ©actions publiques Ă  ce sujet, et estime que les leçons qui auraient du ĂȘtre tirĂ©es de la Shoah ne l'ont pas Ă©tĂ© en France[32] - [33].

À ses obsùques, le , au cimetiùre du Montparnasse à Paris, la rabbine Delphine Horvilleur prononce son oraison funùbre[34].

Filmographie partielle

RĂ©alisatrice

Actrice

Scénariste

Dans la culture populaire

Distinctions et hommages

RĂ©compenses

DĂ©corations

Hommages

Plaque de la place en son nom Ă  Montreuil.

Publications

Notes et références

  1. DĂ©cret du 13 juillet 2010 portant promotion et nomination.
  2. État civil sur le fichier des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es en France depuis 1970
  3. « L’écrivaine et cinĂ©aste Marceline Loridan-Ivens, ancienne dĂ©portĂ©e Ă  Auschwitz, est morte », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  4. (en-US) Alissa J. Rubin, « Marceline Loridan-Ivens, 90, Dies; Wrote of Holocaust’s Enduring Toll », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Archives départementales de Meurthe et Moselle (54) cote 6 M 554
  6. Chapelain Brigitte, « Marceline Loridan-Ivens (1928-2018). Matricule 78 750, la fille de Birkenau
 », HermĂšs, La Revue, 2019/1 (n° 83), p. 267-276. URL : https://www.cairn-int.info/revue-hermes-la-revue-2019-1-page-267.htm
  7. Archives départementales Meurthe et Moselle cote 6 M 554 page 2
  8. « Marceline Loridan-Ivens, déportée à 15 ans : « Je suis une petite fille de 86 ans » », sur Elle, (consulté le )
  9. « Marceline Loridan-Ivens (née Rozenberg) - Grands Entretiens Patrimoniaux - Ina.fr », sur Marceline Loridan-Ivens (née Rozenberg) - Grands Entretiens Patrimoniaux - Ina.fr (consulté le )
  10. Voir Klarsfeld 2012.
  11. NĂ© le 7 mars 1901 Ă  Slupia. Voir Klarsfeld 2012.
  12. Voir (en) Steven Erlanger, « Books. Jewish Deportee on Persecution, Past and Present », The New York Times,‎ (lire en ligne).
  13. Voir Klarsfeld 1978.
  14. Catherine Durand, « Marceline Loridan-Ivens : Simone Veil, ma jumelle contradictoire », Marie Claire,‎ (lire en ligne).
  15. « Mort de la cinĂ©aste et Ă©crivaine Marceline Loridan-Ivens, une vie pour tĂ©moigner », Franceinfo,‎ (lire en ligne).
  16. Ginette Kolinka et Marion Ruggieri, Retour Ă  Birkenau, Paris, Grasset, , 112 p. (ISBN 978-2-246-82070-3 et 2-246-82070-7), Marceline, qui a fait le trajet avec moi depuis Marseille et qu'on distingue facilement Ă  sa criniĂšre rousse, aussi..
  17. CĂ©lia HĂ©ron, « Ginette Kolinka: «Il ne faut pas retourner Ă  Birkenau au printemps» », Le Temps,‎ (lire en ligne).
  18. Florence Gotschaux, « Ginette Kolinka, rescapĂ©e d'Auschwitz, tĂ©moigne Ă  Loriol », France Bleu,‎ (lire en ligne).
  19. « Interview de Marceline Loridan-Ivens », France Inter,‎ (lire en ligne).
  20. Loridan, Marceline, 1928-, Ma vie balagan, Paris, Laffont, , 261 p. (ISBN 978-2-221-10658-7, OCLC 262426758, lire en ligne), page 171.
  21. « La clĂ© des camps  », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne).
  22. Jacqueline Remy, « La vie est belle », Vanity Fair, no 56,‎ , p. 78-85.
  23. « "Je suis nĂ©e tout de suite rousse, gauchĂšre et juive !" - Ép. 1/5 - Marceline Loridan-Ivens, l'intĂ©grale en cinq entretiens (2012) », sur France Culture (consultĂ© le )
  24. (en-US) Steven Erlanger, « Jewish Deportee on Persecution, Past and Present (Published 2016) », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le ).
  25. (en) « Algérie, année zéro (Marceline Loridan-Ivens, Jean-Pierre Sergent, 1962) », sur Le site de la CinémathÚque française (consulté le ).
  26. «  Marceline la tornade  », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  27. « CANNES CLASSICS — « —, regards sur la Chine en mutation » », .
  28. « Marceline Loridan a filmĂ© la Chine de Mao « Je fus dupĂ©e par mon Ă©poque » », Rue89,‎ (lire en ligne).
  29. « "La Petite Prairie aux bouleaux" : le retour Ă  Birkenau d'une survivante en quĂȘte de mĂ©moire », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  30. « Marceline Loridan-Ivens : « Il fallait montrer les images des camps » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  31. « Marceline Loridan-Ivens : « Le rapport Ă  mon corps a Ă©tĂ© totalement ravagĂ© par les camps » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  32. « Marceline Loridan-Ivens : « Si le motif antisĂ©mite du meurtre est avĂ©rĂ©, Mireille Knoll a vĂ©cu la Shoah dans son appartement » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  33. « A réécouter : les propos chocs de Marceline Loridan-Ivens, ancienne déportée, sur France Inter », sur Télérama (consulté le )
  34. Delphine Horvilleur, « Hommage Ă  MDI », Tenou'a,‎ (lire en ligne).
  35. DĂ©cret du 15 mai 2015 portant promotion et nomination
  36. « ArrĂȘtĂ© du 9 juillet 2014 portant nomination et promotion dans l'ordre des Arts et des Lettres », .
  37. « Parc des Rives de Seine : une promenade dédiée à la mémoire de Marceline Loridan-Ivens », sur Ville de Paris, .

Voir aussi

Bibliographie

  • Serge Klarsfeld, Le MĂ©morial de la DĂ©portation des Juifs de France, Beate et Serge Klarsfeld, 1978 ; nouvelle Ă©dition : Association des Fils et Filles des DĂ©portĂ©s Juifs de France (FFDJF), 2012
  • FrĂ©dĂ©rique Berthet, dans La Voix Manquante (Paris, Ă©ditions P.O.L, 2018, 304 p. ( (ISBN 978-2-8180-4321-9), Prix CNC 2018 du livre de cinĂ©ma), fait de l’apparition de Marceline dans Chronique d’un Ă©tĂ© un Ă©vĂšnement en soi, et Ă©claire l’analyse sensible du film par une enquĂȘte historique au prĂ©sent sur les lieux de la dĂ©portation de la petite Rozenberg.

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