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Maladie Ă  corps de Lewy

La maladie à corps de Lewy (MCL), appelée aussi démence à corps de Lewy (DCL), est un type de démence partageant des caractéristiques avec la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson. Plus précisément, ce sont la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson qui partagent des caractéristiques avec la MCL, rendant difficile la distinction diagnostique entre ces deux derniÚres maladies. Un patient atteint de la maladie de Parkinson ou d'un syndrome parkinsonien peut aussi développer une MCL en parallÚle (risque quatre fois plus important dans ce cas).

Maladie Ă  corps de Lewy
démence à corps de Lewy
La présence de corps de Lewy (indiquée par la flÚche) est une caractéristique de cette maladie.
Classification et ressources externes
CIM-10 G31.8
CIM-9 331.82
OMIM 127750
DiseasesDB 3800
eMedicine neuro/91
MeSH D020961

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

La MCL se manifeste par des troubles cognitifs d'évolution progressive et fluctuante, associés à des hallucinations visuelles et à un syndrome extrapyramidal.

De toutes les démences répertoriées dans le corps médical, y compris celles incluant les hallucinations rencontrées dans les délires paranoïaques ou schizophrÚnes, la MCL est la plus lourde et la plus sévÚre. Elle réunit aussi souvent les caractéristiques et manifestations de toutes les autres démences.

Elle s'accompagne aussi de nombreux troubles psychomoteurs, et comme pour la maladie de Parkinson ou les syndromes parkinsoniens, les malades sont atteints de dystonies ainsi que de dysautonomie (tachycardie, hypotension orthostatique, hypertonie musculaire, etc.). Si l'intitulé de cette maladie attire l'attention sur la démence, elle n'en est pas la seule manifestation. Cette maladie est polymorphe et recouvre un certain nombre de dysfonctionnements corporels.

La MCL est anatomiquement caractérisée par la présence de corps de Lewy, constitués d'amas d'alpha-synucléine et d'ubiquitine, dans les neurones du cerveau. Le traitement est uniquement symptomatique.

Histoire

Frederic Lewy (1885-1950) a été le premier à découvrir les dépÎts anormaux de protéines caractéristiques de cette pathologie, nommés corps de Lewy, au début des années 1910.

La premiÚre description de la MCL a été faite en 1961 à propos de deux cas clinicopathologiques de « démence progressive et quadriplégie en flexion » associée à des « inclusions circonscrites, polychromes, argyrophiles » dans le cortex cérébral (les corps de Lewy corticaux)[1].

La MCL a commencĂ© Ă  ĂȘtre diagnostiquĂ©e dans le milieu des annĂ©es 1990 avec la dĂ©couverte de la coloration de l'alpha-synuclĂ©ine qui mettait en Ă©vidence les corps de Lewy dans le cortex des sujets autopsiĂ©s. DĂ©couverte rĂ©cemment, la MCL n'est pas reconnue dans le DSM-IV de 1994 mais est rĂ©pertoriĂ©e dans le DSM-IV-TR publiĂ© en 2000.

La premiÚre conférence de consensus concernant la démence à corps de Lewy date de 1996[2] ; les critÚres diagnostiques y ont été précisés.

Causes

Les causes de la dĂ©mence Ă  corps de Lewy (DCL) sont mal connues, mais un lien avec le gĂšne PARK11 (en) a Ă©tĂ© dĂ©crit[3]. Comme pour la maladie de Parkinson et d’Alzheimer, la plupart des cas de DCL apparaissent sporadiquement. Il n'y a pas de raison de penser que le caractĂšre hĂ©rĂ©ditaire soit fort. Comme pour la maladie d'Alzheimer, le risque de DCL est augmentĂ© par transmission de l'allĂšle Δ4 de l'apolipoprotĂ©ine E (APOE)[4]. D'autres gĂšnes semblent impliquĂ©s comme le LRRK2[5], le GBA[6] ou le SNCA[7].

Le rĂŽle des inclusions de Lewy comme cause ou consĂ©quence de la maladie n'est pas Ă©tabli. Il est des cas oĂč la prĂ©sence de ces corps n'est corrĂ©lĂ©e avec aucun symptĂŽme[8].

Anatomopathologie

Macrophotographies des régions de la substance noire d'un patient montrant des corps de Lewy sous différents grossissements.

La dĂ©mence Ă  corps de Lewy (DCL) est caractĂ©risĂ©e par le dĂ©veloppement dans tout le cerveau d'inclusions cytoplasmiques de protĂ©ines alpha-synuclĂ©ine, les corps de Lewy[9]. Ces inclusions sont proches des classiques corps de Lewy retrouvĂ©s en sous-cortical dans la maladie de Parkinson. On observe une perte des neurones producteurs de dopamine dans la substance noire proche de celle constatĂ©e dans la maladie de Parkinson, et une perte des neurones produisant l'acĂ©tylcholine proche de celle constatĂ©e dans la maladie d'Alzheimer. Des sĂ©ries autopsiques ont montrĂ© que la DCL Ă©tait souvent concomitante avec des lĂ©sions retrouvĂ©es dans la maladie d'Alzheimer, surtout avec des atteintes de l'hippocampe : plaques sĂ©niles avec dĂ©pĂŽts de protĂ©ines bĂȘta-amyloĂŻdes et dĂ©gĂ©nĂ©rescences granulovacuolaires (dĂ©pĂŽts granuleux Ă  l'intĂ©rieur des neurones de l'hippocampe avec une zone plus claire autour). Les enchevĂȘtrements neurofibrillaires (protĂ©ines tau anormalement phosphorylĂ©es) sont moins frĂ©quents dans la DCL, bien que dĂ©crits. Des anomalies des astrocytes ont aussi Ă©tĂ© dĂ©crites[10] - [11] - [12] - [13].

Il n'est pas déterminé si la MCL est une variante de la maladie d'Alzheimer ou une maladie spécifique[9] - [14] - [15]. Contrairement à la maladie d'Alzheimer, le cerveau examiné grossiÚrement peut sembler normal, sans signe visible d'atrophie[16].

Diagnostic

Clinique

Le diagnostic de la maladie à corps de Lewy (MCL) s'appuie sur les recommandations de la conférence de consensus de 2017[17].

Les symptĂŽmes pouvant Ă©voquer le diagnostic de MCL sont :

  • une atteinte des fonctions cognitives associĂ©es Ă  une perte d'autonomie ;
  • ainsi qu'au moins 1 (MCL possible) Ă  2 (MCL probable) des symptĂŽmes suivants :
    • des fluctuations du fonctionnement cognitif et de la vigilance,
    • un syndrome extrapyramidal avec au moins un symptĂŽme parmi ces trois : lenteur physique (ou akinĂ©sie), rigiditĂ©, tremblement. Les tremblements sont cependant moins frĂ©quents que dans la maladie de Parkinson,
    • des hallucinations essentiellement visuelles (retrouvĂ©es chez 75 % des patients) — ce sont souvent des visions de personnes ou d'animaux, des paramnĂ©sies rĂ©duplicatives et d'autres troubles de la perception (double vision) ou de l'interprĂ©tation ; les patients peuvent considĂ©rer ces hallucinations comme normales ou au contraire les critiquer[18] - [19],
    • un syndrome de Capgras [20]: la personne malade est convaincue que son aidant a Ă©tĂ© remplacĂ© par un sosie. Elle est anxieuse face Ă  cet intrus et s'inquiĂšte de la santĂ© de son aidant qui a Ă©tĂ© remplacĂ©.
    • des troubles du comportement en sommeil paradoxal (TCSP) : le patient pourra dĂ©crire des cauchemars ou des rĂȘves vivaces. Les proches dĂ©criront que la ou le patient(e) a tendance Ă  vivre ses rĂȘves ;
  • une intolĂ©rance aux neuroleptiques et apparentĂ©s (antiĂ©mĂ©tiques) avec risque d'une forme de catatonie proche du syndrome malin des neuroleptiques[21] ;
  • une apparition de troubles moteurs et cognitifs dans la mĂȘme annĂ©e ;
  • des chutes rĂ©pĂ©tĂ©es.

La MCL a un profil neuropsychologique différent de la maladie d'Alzheimer[22] :

  • syndrome sous-corticofrontal avec un ralentissement intellectuel et atteinte des fonctions exĂ©cutives ;
  • troubles visuospatiaux majeurs ;
  • troubles mnĂ©siques explorĂ©s par le test des 5 mots de Dubois[23] avec un rappel libre altĂ©rĂ© (le sujet ne parvient pas Ă  rĂ©pĂ©ter les 5 mots appris prĂ©cĂ©demment de façon spontanĂ©e), mais il y a une amĂ©lioration Ă  l'indiçage (indices sĂ©mantiques donnĂ©s au sujet, permettant de tester l’encodage mĂ©moriel, exemple : « Quel Ă©tait le nom de la boisson ? » pour le mot limonade). Ce trouble est parfois absent en dĂ©but de maladie. Dans la maladie d’Alzheimer, le rappel libre est fortement altĂ©rĂ© et n’est pas amĂ©liorĂ© par les indices sĂ©mantiques ;
  • retentissement sur l'autonomie ;
  • pas de syndrome aphaso-apraxo-agnosique.

Examens complémentaires

L'α-synuclĂ©ine peut ĂȘtre dosĂ©e dans le sang ou dans le liquide cĂ©rĂ©brospinal. Le taux de cette molĂ©cule est significativement plus bas dans une dĂ©mence Ă  corps de Lewy que dans une maladie d'Alzheimer[24].

L'électroencéphalogramme peut montrer des anomalies, en particulier la présence d'ondes lentes, sans que cela soit discriminant[25].

Un scanner cĂ©rĂ©bral ou une imagerie par rĂ©sonance magnĂ©tique doit ĂȘtre effectuĂ© dans le cadre du bilan d'une dĂ©mence, mais ne montre pas d'anomalie spĂ©cifique chez un individu atteint d'une DCL.

La tomographie par émission de positons ou la tomographie d'émission monophotonique démontre un hypométabolisme occipital discriminant par rapport à la maladie d'Alzheimer[26].

La scintigraphie à la 123I-métaiodobenzylguanidine montre une diminution du captage du traceur au niveau cardiaque, laquelle n'est pas retrouvée dans la maladie d'Alzheimer[27].

La tomographie d'Ă©mission monophotonique utilisant du 123I-FP-CIT comme traceur peut montrer Ă©galement une hypofixation de ce dernier[28].

Diagnostic différentiel

La maladie Ă  corps de Lewy regroupe des aspects cliniques de la maladie d'Alzheimer et de la maladie de Parkinson tout en Ă©tant plus proche de cette derniĂšre[9]. Le diagnostic est difficile et la maladie est trĂšs souvent confondue avec cette derniĂšre[29].

Alors que la maladie d'Alzheimer apparaßt en général de façon graduelle, la MCL a tendance à progresser plus rapidement[30].

La MCL doit ĂȘtre distinguĂ©e de certaines formes dĂ©mentielles qui apparaissent dans la maladie de Parkinson par le dĂ©lai d'apparition de la dĂ©mence aprĂšs les symptĂŽmes extrapyramidaux[31]. La maladie de Parkinson avec dĂ©mence apparaĂźt la plupart du temps aprĂšs plus d'un an d'Ă©volution du syndrome extrapyramidal, alors qu'un diagnostic de MCL peut ĂȘtre envisagĂ© lorsque les troubles cognitifs apparaissent en mĂȘme temps que le syndrome extrapyramidal.

Elle doit Ă©galement ĂȘtre distinguĂ©e de l'atrophie corticale postĂ©rieure (ou syndrome de Benson). La maladie Ă  corps de Lewy[32] et le syndrome de Benson[33] partagent comme caractĂ©ristique commune de comporter des troubles de nature postĂ©rieure et notamment visuelle (agnosie visuelle associative, apraxies diverses en stade avancĂ©, etc.). En revanche, des deux maladies, seule la dĂ©mence Ă  corps de Lewy est susceptible d'engendrer un syndrome extrapyramidal, une atteinte exĂ©cutive (cognitive et comportementale), une atteinte de la mĂ©moire antĂ©rograde (ici principalement par dĂ©ficit de la rĂ©cupĂ©ration sans atteinte de l'encodage) ou encore des hallucinations. De plus, l'anosognosie et l'anosodiaphorie semblent plus spĂ©cifiques de la maladie Ă  corps de Lewy.

Traitement

La prise en charge a fait l'objet de la publication de recommandations par un consortium international en 2005[34].

Il n'existe pas à l'heure actuelle de traitement curatif de la MCL. Les traitements disponibles permettent une prise en charge symptomatique de faible efficacité.

Prise en charge médicamenteuse

Le traitement spécifique des troubles moteurs par de la L-Dopa a des résultats modestes sur la rigidité parkinsonienne et peut aggraver les troubles psychiques (hallucinations, agitation...)[35].

Concernant les troubles cognitifs, l'effondrement des taux d'acĂ©tylcholine corticaux peut suggĂ©rer une efficacitĂ© des anticholinestĂ©rasiques. Le donĂ©pĂ©zil, la rivastigmine et la galantamine peuvent ĂȘtre recommandĂ©s[30]. Des Ă©tudes rapportent que la DCL serait plus rĂ©ceptive au donĂ©pĂ©zil que la maladie d'Alzheimer[36]. La mĂ©mantine peut Ă©galement ĂȘtre utile[37].

Une prudence extrĂȘme est de rigueur quant Ă  l'utilisation de neuroleptiques, mal tolĂ©rĂ©s dans le contexte de cette pathologie. En cas de troubles psychotiques majeurs, la clozapine peut ĂȘtre utilisĂ©e[38].

Il est également conseillé de s'assurer de l'absence d'iatrogénie médicamenteuse pouvant aggraver les symptÎmes (en particulier avec les traitements ayant une action anticholinergique).

Prise en charge non médicamenteuse

Il s'agit d'adapter l'environnement, l'habitat, d'organiser un programme avec des activités et des échanges pour s'adapter aux diminutions des capacités cognitives et aux symptÎmes parkinsoniens[18]. Au cours de l'évolution de la maladie, il faut insister sur l'importance de la stimulation cognitive, de la kinésithérapie et des thérapies comportementales. Il faut sans cesse s'assurer de l'absence d'iatropathologie (effets indésirables dus à la prise de médicaments) et lutter contre tout facteur pouvant entraßner une confusion ou perturber le comportement (fécalome, rétention d'urine, infection). L'information aux familles et aux proches est essentielle pour que tous comprennent la maladie et que l'accompagnement du patient se déroule le plus sereinement possible.

ÉpidĂ©miologie

Environ 5% à 22% des troubles neurocognitifs importants (appelées aussi démences) sont de type à corps de Lewy[17]. La MCL est légÚrement plus fréquente chez les femmes que chez les hommes : ainsi dans une étude française sur plus de 10 000 patients atteints de MCL, 54,7% étaient des femmes[39].

En France, 150 000 Ă  250 000 personnes seraient atteintes par cette maladie dont 67 % qui ne sont pas diagnostiquĂ©es[40]. La maladie Ă  corps de Lewy atteint 1,3 million de personnes aux États-Unis.

Aidants et malades Ă  corps de Lewy

La maladie à corps de Lewy étant une maladie neurodégénérative qui atteint le physique et le psychisme du malade, c'est, selon une aidante, « une maladie dévastatrice tant pour le malade que pour son aidant et dont personne ne sort indemne »[41].

En conclusion de son tĂ©moignage, cette Ă©pouse d'un malade rapporte qu'en dĂ©pit de ses doutes une certitude lui reste de son expĂ©rience de la maladie Ă  corps de Lewy, qu'elle confie Ă  d'autres aidants au sein de l'association dont elle fait partie : « DerriĂšre l’ĂȘtre Ă©trange que deviendra le malade avec l’évolution de sa maladie (corps martyrisĂ©, dĂ©formĂ©, fonctions vitales non maĂźtrisĂ©es, parole inexistante), son esprit, ses sentiments, sa compassion pour vous, l’aidant, resteront toujours prĂ©sents en lui ; tout au long des jours il ne fera que s’absenter de lui-mĂȘme »[41].

L'Association des aidants et malades Ă  corps de Lewy (A2MCL) est Ă  mĂȘme de constater que les malades, dans leur trĂšs grande majoritĂ© vivent Ă  la maison (88%), quelques-uns sont dans des EHPAD (8%) ou Ă  l'hĂŽpital (4%)[42]. « Les malades au sujet desquels on nous contacte sont majoritairement des hommes », est-il prĂ©cisĂ©[42].

Références dans la culture populaire

Télévision et cinéma

  • Le personnage principal Tom Kane jouĂ© par Kelsey Grammer, maire de Chicago dans la sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e Boss, souffre d'une MCL au stade prĂ©coce.
  • Dans la sĂ©rie japonaise Ghost Hound, le psychiatre Atsushi Hirata envoie un courriel avec des numĂ©risations de son IRM cĂ©rĂ©brale Ă  son collĂšgue neurologue Reika ƌtori, qui diagnostique une DCL.
  • Le comĂ©dien Robin Williams en a Ă©tĂ© atteint, ce qui a pu contribuer Ă  son suicide[43].

Personnalités atteintes de la maladie à corps de Lewy

Voir aussi

Bibliographie

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    • Philippe de Linares, « L’expĂ©rience de la maladie Ă  corps de Lewy », Topique, vol. 150, no. 3, 2020, p. 27-31, [lire en ligne].
    • Marie-Suzanne, « DĂ©couvrir la maladie Ă  corps de Lewy (MCL) », Topique, vol. 150, no. 3, 2020, p. 33-35, [lire en ligne].
    • Association des aidants et malades Ă  corps de Lewy (A2MCL), « Qui nous contacte et pourquoi ? », Topique, vol. 150, no. 3, 2020, p. 37-42, [lire en ligne].
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    • « Les dĂ©ments parlent donc ? », GĂ©rontologie et sociĂ©tĂ©, vol. vol. 26 / 106, no. 3, 2003, p. 129-145 [lire en ligne].
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Liens externes

Notes et références

Notes

    Références

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