Louis Hackspill (académicien)
Louis-Jean-Henri Hackspill, né le dans le 3e arrondissement de Paris et mort le à Neuilly-sur-Seine[1], est un chimiste français, d'abord professeur à la faculté des sciences de Strasbourg, puis à celle de Paris. Ce patron chercheur, directeur de l'institut de Chimie de Strasbourg puis de Paris, a été élu à l'académie des sciences, d'abord dans la section des membres libres le 20 novembre 1944 avant de devenir tardivement son président en 1961.
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Émile Georges Barrillon (d) |
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(Ă 83 ans) Neuilly-sur-Seine |
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Biographie
Sa famille alsacienne et lorraine a émigré après le traité de Francfort, car son père Louis, officier d'infanterie de confession catholique né en Moselle, avait épousé en 1879 Marguerite Salomé Franck, qui avait quitté sa Ribeauvillé protestante natale[2]. Elève au lycée Hoche de Versailles, il obtient son baccalauréat en 1898, accède en classe de mathématiques élémentaires, puis étudie à la faculté des sciences de Paris. Ainsi, il peut suivre les cours du jeudi du professeur Louis Troost à la Sorbonne et entre en 1900 à l'institut de chimie appliqué de Paris[3]. Il en sort ingénieur ICA, c'est-à -dire diplômé de l'institut de chimie appliqué de Paris, en 1903, tout en poursuivant ses études de chimie à la Faculté de Paris. Il est licencié es sciences en 1906[4].
Préparateur à la paillasse et élève du grand physico-chimiste Henri Moissan de 1903 à 1907, il devient un chimiste expérimenté en chimie minérale, en particulier par ses préparations de métaux alcalins très purs, notamment du Rb et du Cs, qui constitue le thème de sa thèse d'université en 1907[5]. En 1912, l'ancien préparateur précaire au laboratoire du professeur Péchard de décembre 1907 à juillet 1911, spécialiste des montages en verre sous vide poussé, soutient à la faculté des sciences une thèse de doctorat d'état es sciences sur les préparations et propriétés physiques des métaux alcalins. Il reçoit en 1911 la médaille Berthelot au titre de son travail de laboratoire et de recherche. Le jeune docteur en sciences obtient non sans difficulté une place de chargé de cours de chimie industrielle à la faculté des sciences de Nancy en novembre 1913, tout en gardant le poste de préparateur à la Faculté des sciences de Paris obtenu en juillet 1911.
Mobilisé le 2 août 1914, le lieutenant de réserve Louis Hackspill s'exerce à commander une section, puis une compagnie de mitrailleuses au début de la Grande Guerre[6]. Ce n'est qu'à la mi-juin 1915 qu'il intègre l'établissement central du matériel chimique de guerre, mettant au point divers fumigènes efficaces et rationalisant divers procédés de fabrication chimique. Ce germanophone est envoyé après l'Armistice en Allemagne, découvrir les procédés industriels pour comprendre l'étonnante résistance de l'industrie d'armement du Reich au blocus maritime, induisant une synthèse artificielle de l'ammoniac. Affecté à l'état-major de la huitième armée de janvier à juillet 1919, détaché au ministère de la Reconstruction industrielle, le chimiste est chargé du contrôle de l'usine d'ammoniac d'Oppau, avant de diriger la rédaction et la publication des divers rapports sur l'industrie chimique allemande[7]. Ses services militaires et techniques lui valent et la croix de guerre en 1916 et la légion d'honneur à titre militaire en juin 1920. En octobre 1919, il est nommé professeur de chimie minérale à l'Université de Strasbourg, participant en second sous la direction de Paul-Thiébaut Müller à la création de l'institut de chimie de Strasbourg. Il succède à son patron en 1929.
Le professeur Hackspill épouse tardivement le 17 décembre 1927 à Paris XVIe Marie-Thérèse Haizet[8]. Le couple a deux fils, le cadet Christian et Denys l'aîné, ne le 24 mai 1921, futur capitaine, mais élève aussi le premier fils de Marie-Thérèse, né d'un précédent mariage.
En 1932, il reçoit une seconde fois la médaille Berthelot. En novembre 1932, il quitte un laboratoire alsacien fort actif pour enseigner en maître de conférence PCB à la Sorbonne et continuer ses recherches à l'institut de chimie de Paris, n'obtenant une chaire de chimie minérale qu'en mars 1939[9]. En 1939, il est directeur de l'institut de chimie de Paris, en charge de la direction de l'enseignement pratique de la chimie. Mais, lieutenant-colonel de réserve, il rejoint sur sa demande, avec le grade de colonel, le poste de commandant de la place d'armes de Haguenau le 23 août 1939[10]. L'Armistice de 1940 le laisse démobilisé le 5 juillet 1940 à Riom, ce qui le renvoie, à la fois dépité et en pleine santé, dans son laboratoire parisien. Le soldat défait abhorre d'emblée le régime collaborationniste maintenu en partie à Vichy, qui s'installe après l'Armistice. Il respecte comme une guigne les lois d'exemptions sous l'occupation allemande. Après 1942, il fait partie d'un réseau clandestin qui aide notamment les étudiants français à échapper au STO.
Directeur de l'Institut de Chimie de Paris de 1938 à 1950, l'ancien résistant est envoyé à la fin de la Guerre en Allemagne occupée pour intégrer ce qui reste du conseil scientifique de l'IG Farben. Le secrétaire d'état à la production industrielle, sollicité par sa section des recherches techniques concernant les affaires allemandes, le mandate comme observateur expert des unités du Palatinat en novembre 1945[11]. Il est élu membre de l'Académie des sciences le (division des académiciens libres). Il est surtout reconnu pour ses expérimentations liées aux réactions à températures élevées et à la préparation des métaux alcalins ultrapurs et de nombreux dérivés ou composés obtenus à partir de ceux-ci. Il s'est illustré dans la chimie d'un grand nombre d'éléments chimiques, comme le bore, les alcalins Li, Na, K.., les alcalino-terreux Ca, Sr, Ba... et de composés en particulier des hydrures, deutérures, des phosphures, des combinaisons césium-oxyde de carbone. La déshydratation des sels métalliques, en particulier des hydrates d'aluminium, les réactions électrochimique au contact des électrodes l'ont occupé. Les méthodes fines de dosage volumétrique et d'étude gazométrique sont sa contribution à la chimie analytique. Ses recherches ont été publiées dans les Comptes rendus de l'académie des sciences, la revue de Chimie minérale et le Bulletin de la Société chimique de France.
Membre dès 1905 de la Société Chimique de France, il est vice-président en 1938, avant d'accéder à la présidence à partir de 1946. Après son retrait, il est nommé président d'honneur en 1958.
Admis à la retraite le 20 juillet 1948, le directeur de l'école nationale de chimie reste dans ses principales fonctions jusqu'au 3 mai 1951, apparemment faute de remplaçant[12]. En gardant sous son autorité un laboratoire après sa retraite légale en 1951, le chercheur émérite exerce une activité scientifique jusqu'au terme de sa vie, en gardant autant une grande vivacité d'esprit qu'un tour de main de chercheur. Il devient la même année directeur de publication de la quatrième section des collections scientifiques Euclide aux Presses universitaires de France, ce qui l'oblige à l'art délicat des préfaces. La section de chimie minérale du CNRS lui offre sa présidence pendant de nombreuses années.
Il préside l'Académie des sciences en 1961. De cette illustre institution, il avait reçu le prix Cahours en 1911 pour son travail sur les alcalins, le prix Houzeau en 1926 pour ses diverses contributions à l'enseignement de chimie industrielle et le prix La Caze en 1932 pour ses recherches strasbourgeoises spécifiquement en chimie minérale.
Il s'est éteint paisiblement dans la nuit du 7 au 8 octobre 1963 au cours de sa 84e année[13]. Fervent catholique, la messe avant son enterrement est célébrée à l'église saint Thomas d'Aquin.
Ouvrages d'Ă©tudes et d'enseignement
- Sur la réduction de quelques chlorures métalliques par le calcium et sur une nouvelle préparation du rubidium et du césium, Thèse d'université de 1907.
- Recherches sur les métaux alcalins (Thèse de la Faculté des sciences de Paris, n° 1475) in octo, Gauthier-Villars, Paris, 1912, 97 pages.
- L'azote, 1922 (fruit, concerté avec les autorités, des découvertes sur le monde caché de la chimie industrielle allemande).
- Petite industrie chimique, en collaboration avec l'ingénieur-chimiste I.C.N. P. Remy-Genneté, grand in octo, 1926, 834 pages, 124 figures.
- Articles sur le rubidium et le césium, Traité de chimie minérale de Paul Pascal, 1933, réédition complétée en 1957
- Les industries de l'azote, 1941.
- Combinaisons de l'hydrogène et de l'oxygène avec les métalloïdes, 1951.
- Les acides minéraux et quelques-uns de leurs sels, 1953.
- Traité de chimie minérale, in 16, PUF, Paris, 1958, 911 pages (en collaboration avec Jean Besson et Albert Hérold)
Préface
- Centre de perfectionnement technique, Cinquante ans de perfectionnement technique, in quarto, Presses documentaires, imprimerie A. Sirot, Paris, 1952, 380 p., fig. Préface de Louis Hackspill.
- Guy Emschwiller, Chimie physique 1, Thermodynamique chimique, Ă©quilibres gazeux, in 16, collection Euclide, Presses universitaires de France (VendĂ´me, Imprimerie des Presses universitaires de France), 1959, 439 pages
- Henri Guérin, Chimie industrielle. I, Les industries du soufre et de ses composés : la grande industrie chimique, collection Euclide Chimie (quatrième section dirigée par louis Hackspill, membre de l'institut), Presses Universitaires de France, Paris, 1962, 420 pages, préface de Louis Hackspill.
Bibliographie
- L'Ingénieur-chimiste, périodique mensuel du Syndicat professionnel des ingénieurs-chimistes français, juin 1926. page 8 en ligne sur gallica
- Notice sur la vie et l'œuvre de Louis Hackspill (1880-1963), membre de la division des académiciens libres, déposée en la séance du 14 février 1966 par M. René Lucas, membre de l'académie des Sciences, Académie des Sciences, notices et discours de 1966. (notice de 8 pages avec des aspects scientifiques et techniques).
- Claude Viel, « Louis Hackspill (1880-1963) », in Laurence Lestel (dir.), Itinéraire des chimistes, 1857-2007, 150 ans de chimie en France avec les présidents de la SFC, EDP Sciences, Paris, 2008, p 239-243. (Biographies de chimistes influents par la Société Chimique de France, avant le changement de nom de la Société Française de Chimie).
- Note biographique Hackspill (Louis, Jean, Henri) par Christophe Charle et Eva Telkès, in Les Professeurs de la faculté des sciences de Paris, 1901-1939. Dictionnaire biographique (1901-1939), Publications de l'Institut national de recherche pédagogique, année 1989, N°25, pp. 146-148. Disponible sur Persée.
Notes et références
- Archives de Paris 3e, acte de naissance no 845, année 1880 (avec mention marginale de décès)
- Ses parents Louis François Céleste Hackspill (1832-1919), fils d'officier d'infanterie, chef de bataillon en 1880, puis colonel, et sa mère, Marguerite Salomé Franck (1839-1925), une riche propriétaire dont le père était ingénieur du corps des mines de Saint-Étienne avant de partir en Alsace, sont quadragénaires lorsqu'ils se rencontrent dans les environs de Paris. Il sera le fils unique et catholique de ce couple atypique par d'autres biais, sa mère n'ayant eu d'une précédente union qu'une fille de plus de 20 ans son aînée.
- Les études pionnières de Troost sur le lithium et ses développement expérimentaux sur la perméabilité des métaux à hautes températures sont une incontestable source de sa vocation de chimiste.
- Christophe Charle et Eva Telkès, opus cité.
- Son maître Henri Moissan décède en février 1907. Il figure parmi ses derniers élèves, comme il aimait le rappeler à son auditoire. L'adaptation ultérieure de ce procédé technique lui permet de fabriquer du potassium pur.
- Issu d'une famille marquée par la vie militaire, lui-même ardent patriote, Louis accomplit son service militaire de novembre 1901 à octobre 1902. Il poursuit ces périodes de réserve avec rigueur, avant comme après la Grande Guerre.
- Il est resté longtemps fasciné par les effets des catalyseurs des divers procédés Haber.
- Marie Thérèse Eugénie Haizet, fille de Félix Eugène Haizet, clerc de notaire est née dans le septième arrondissement de Paris. Son père est ensuite notaire versaillais. Le premier mari de Marie-Thérèse se nomme Pierre André Jacques Poulin.
- Il est professeur sans chaire à la Faculté des Sciences de Paris dès le 1er juillet 1933. En 1934, il est chargé d'un cours de chimie minérale appliquée dans l'institut de chimie qui l'a formé. En 1936, il est chargé de cours à l'école normale supérieure, et en 1938, chargé de cours à l'école normale supérieure de Sèvres.
- Dans l'armée de réserve, l'officier est nommé chef de bataillon le 2 juillet 1926, puis promu lieutenant-colonel ou chef de corps le 24 décembre 1935. Pendant la drôle de guerre, il est aussi major de cantonnement militaire derrière la ligne Maginot. Le 16 juillet 1940, il organise et coordonne un vain repli stratégique méridional, sur ordre de l'état-major de la 20e région militaire, de ses troupes, en essayant d'empêcher le pillage de Haguenau.
- La moisson est maigre, bien inférieure à la découverte de 1919.
- Christophe Charle, Eva Telkès, opus cité. En décembre 1951, il est professeur honoraire à l'école de chimie.
- Notice de René Lucas, opus cité.
Liens externes
- Ressource relative Ă la recherche :
- Ressource relative aux militaires :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Notice sur la vie et l'œuvre de Louis Hackspill, consulté le
- Biographie concise de Mathilde Brini, rédactrice pour la Fédération des Sociétés d'Histoire et d'archéologie d'Alsace.
- Notice Louis Hackspill (1880-1963), ancien chargé de cours de chimie industriel à la Faculté de sciences de Nancy, du dictionnaire commun AHP-PReST UMR 7117 CNRS / Université de Lorraine / Université de Strasbourg.