La Cigale et la Fourmi (La Fontaine)
La Cigale et la Fourmi est la première fable du Livre I des Fables de La Fontaine située dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en mars 1668. Les vers sont en heptasyllabes. Il s'agit d'une réadaptation d'une fable d'Ésope qui a inspiré d'autres auteurs. La Fontaine a pris connaissance de la version d'Ésope à travers les travaux d'Aphthonios.
La Cigale et la Fourmi | |
Illustration par Grandville de La Cigale et la Fourmi (1838-1840). | |
Auteur | Jean de La Fontaine |
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Pays | France |
Genre | Fable |
Éditeur | Claude Barbin |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | 1668 |
Chronologie | |
Cette fable, très connue de générations d'écoliers, est celle qui a fait l'objet du plus grand nombre de commentaires, d'autant que La Fontaine ne prend pas parti et que la morale conclusive n'est pas explicitée[1]. L'absence de morale permet à La Fontaine de valoriser l'un et l'autre des personnages en renvoyant dos à dos l'esprit matérialiste, individualiste et bourgeois de la Fourmi et le comportement aristocratique, artiste et bohème incarné par la Cigale[2].
Cependant, une analyse plus approfondie du texte, en particulier de son fonctionnement rythmique (à commencer par l'insistance sur le deuxième vers, « Tout l'été », dont la brièveté fait que la rime ainsi rapprochée doit être très sonore), permet de mettre en évidence une comparaison subtile entre le poète et la Cigale. Cela va à l'encontre de l'interprétation traditionnelle, qui ne tient pas compte du sens précis des mots au XVIIe siècle et des effets de rythme (fondés sur la versification et sur les jeux de sonorités) : par exemple, les deux premiers vers sont fréquemment lus comme s'il n'y en avait qu'un, ce qui détruit d'emblée l'effet textuel pourtant spectaculaire. La virtuosité poétique de la première fable du recueil est en effet la démonstration d'un talent unique, adressée au mécène pour souligner avec humour la différence entre une Cigale qui n'a pas su choisir le bon mécène (elle chante bêtement « à tout venant », donc pour n'importe qui) et La Fontaine qui a quant à lui dédié ses vers à la famille royale (« à Monseigneur le Dauphin »), donc entre une mauvaise payeuse comme « La Fourmi » et un roi (Louis XIV) appelé à être l’antithèse implicite de ce personnage ridicule[3].
Jean-Jacques Rousseau déconseillait d'apprendre la fable aux enfants, la considérant comme ambiguë et trop difficile à interpréter[4].
Texte de la fable
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue[5] :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prĂŞter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'Ă la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'Oût[6], foi d'animal,
Intérêt et principal. »
La Fourmi n'est pas prĂŞteuse :
C'est là son moindre défaut[7].
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle Ă cette emprunteuse[8].
— Nuit et jour à tout venant[9]
Je chantais, ne vous déplaise.
— Vous chantiez ? J’en suis fort aise.
Eh bien ! Dansez maintenant. »
Sources possibles de la fable
Ésope en fournit une version (La Cigale et la Fourmi) à laquelle il donne une morale explicite : il faut se garder de la négligence, pour éviter les chagrins[10].
Illustrations
- Illustration de l'Imprimerie-librairie Quantin (Paris) (XIXe siècle).
- Dessin préparatoire de Gustave Doré vers 1868.
- Image d’Épinal, estampe de E. Phosti (1895).
- Illustration de Benjamin Rabier (1906).
- Illustration en silhouettes d'Henri Avelot (1932).
Éditions
- 1668 : Ă©dition de Claude Barbin, Paris ;
- 1838 : édition Louis Hachette, dessins de Gustave Doré (1832-1883), gravés par Louis Édouard Fournier (1857-1917).
Adaptations cinématographiques
- 1909 : La Cigale et la Fourmi, film muet français réalisé par Louis Feuillade ;
- 1910 : La Cigale et la Fourmi, film muet français réalisé par Georges Monca ;
Mise en musique, interprétations et adaptations
La fable a été mise en musique par
- Jacques Offenbach en 1842,
- Camille Saint-Saëns en 1850 (?),
- Benjamin Godard en 1872, Charles Gounod en 1882,
- Charles Lecoq en 1885,
- LĂ©opold Dauphin en 1898,
- André Caplet en 1919, Dmitri Chostakovitch en 1921,
- Maurice Delage en 1931,
- Marcelle de Manziarly en 1935, Francis Poulenc en 1940, Joseph Jongen en 1941,
- Paul Hindemith en 1942,
- par Charles Trenet et Django Reinhardt (qui l'ont interprétée) en 1941,
- puis Ferenc Farkas en 1977,
- Antal Doráti en 1981,
- par Xavier Benguerel (1998).
De nombreux humoristes ont parodié le texte de la fable : Pierre Perret, Pierre Repp, Pierre Péchin, Pit et Rik (La Cicrane et la Frourmi).
Autour de la fable
Jean-Henri Fabre a relevé les erreurs de comportement des protagonistes : la cigale ne mange pas de mouches ou de vers et meurt à la fin de l'été ; elle ne peut donc « crier famine » auprès d'une fourmi qui, elle, dort l'hiver et, carnivore, n'amasse pas de grain[11]. Néanmoins, cette dernière erreur peut être remise en cause puisqu'il existe des fourmis granivores.
Notes et références
- « La Cigale et la Fourmi - La Fontaine - Commentaire »
- Par Amélie Vioux, « La cigale et la fourmi, La Fontaine : analyse », sur commentaire composé
- « Quel est le vrai sens de "La Cigale et la Fourmi" de La Fontaine ? », sur Culture-expression.fr (consulté le )
- « Lecture analytique de La Cigale et la Fourmi »
- Quand la bise fut venue : c'est-Ă -dire l'hiver, quand le vent sec et froid (la bise) souffle du nord ou du nord-est.
- Oût : mois d'Août.
- La Fourmi n'a pas le défaut d'être prêteuse, elle ne commet pas l'imprudence de dilapider ses biens (pour la Fourmi, prêter est un défaut).
- Emprunteuse : Richelet souligne que le féminin a une connotation burlesque.
- À tout venant : à tous ceux qui venaient, qui passaient.
- (fr + grk) « LA CIGALE ET LES FOURMIS », sur archive.org
- « fable Jean de La Fontaine : la cigale et la fourmi »
Articles connexes
Liens externes
- La Cigale et la Fourmi, Musée Jean-de-La-Fontaine à Château-Thierry.
- Fiche de la Cigale et la fourmi (78 tours numérisé) , deux interprétations (une interprétation avec la Cigale sympathique et une autre interprétation avec la Fourmi sympathique) par Georges Berr (audio : 2 minutes 10 secondes) sur le site de la Médiathèque musicale de Paris
- La cigale et la fourmi (78 tours numérisé) (audio : 55 secondes), interprétée par Jacques Charon sur le site de la Médiathèque Musicale de Paris
- La cigale et la fourmi (78 tours numérisé) (audio : 49 secondes), interprétée par François Périer sur le site de la Médiathèque Musicale de Paris
- La cigale et la fourmi (78 tours numérisé) (audio : 45 secondes), interprétée par Berthe Bovy sur le site de la Médiathèque Musicale de Paris
- Le loup et l'agneau - La cigale et la fourmi (fables en argot à la manière de Boby Forest) racontées par Yves Deniaud (78 tours numérisé / audio : 2 minutes 12 secondes) sur le site de la Médiathèque Musicale de Paris
- La besace ; La cigale et la fourmi et Le loup et l'Agneau (audio : 2 minutes 45 secondes ; 3 minutes 11 secondes), fables lues par Paul Œttly sur le site de la Bibliothèque Nationale de France
- La cigale et la fourmi et Le corbeau et le renard ; Le loup et l'agneau et La mort et le bûcheron (audio : 2 minutes 13 secondes ; 3 minutes 06 secondes) lues par Andrée de Chauveron et par M. Delbost sur le site de la Bibliothèque Nationale de France.