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K2

Le K2 (aussi connu sous les noms de Qogir Feng, Chogori, Ketu/Kechu et historiquement mont Godwin-Austen) est un sommet du massif du Karakoram ou Karakorum (d'oĂč la lettre K utilisĂ©e pour le dĂ©signer), qui est situĂ© sur la frontiĂšre sino-pakistanaise dans la rĂ©gion autonome du Gilgit-Baltistan (district de Skardu). Avec une altitude officielle de 8 611 m, c'est le deuxiĂšme sommet du monde aprĂšs l'Everest. Il est surnommĂ© « montagne Sauvage » en raison de la difficultĂ© de son ascension, ou « montagne sans pitiĂ© »[1].

K2
Le K2
Le K2
GĂ©ographie
Altitude 8 611 m
Massif Baltoro Muztagh (Karakoram)
CoordonnĂ©es 35° 52â€Č 53″ nord, 76° 30â€Č 49″ est
Administration
Pays Drapeau de la RĂ©publique populaire de Chine Chine
Drapeau du Pakistan Pakistan
RĂ©gion autonome
Zone
Xinjiang
Gilgit-Baltistan
Préfecture
District
Kachgar
Shigar
Ascension
PremiĂšre par Achille Compagnoni et Lino Lacedelli
Voie la plus facile ArĂȘte des Abruzzes
GĂ©olocalisation sur la carte : Chine
(Voir situation sur carte : Chine)
K2
GĂ©olocalisation sur la carte : Pakistan
(Voir situation sur carte : Pakistan)
K2
GĂ©olocalisation sur la carte : Xinjiang
(Voir situation sur carte : Xinjiang)
K2

Sa premiÚre ascension est réussie en 1954 par Achille Compagnoni et Lino Lacedelli et la premiÚre hivernale est réussie en 2021 par une équipe népalaise menée par Nirmal Purja et Mingma Sherpa.

Les pentes du K2 et le camp de base de la voie normale ont été nettoyés par une équipe de Mountain Wilderness en 1990, opération ayant mis en évidence la dégradation des sites les plus reculés de l'Himalaya par une trop importante fréquentation d'alpinistes en trÚs grande majorité étrangers.

Toponymie

Dessin original de Montgomerie avec la notation « K2 ».

L'oronyme K2 est dĂ©rivĂ© de la notation utilisĂ©e par la Great Trigonometric Survey. Thomas George Montgomerie fit la premiĂšre enquĂȘte dans le Karakoram, en partant du mont Haramukh, et en descendant de 210 km au sud, et dessina les six pics les plus importants, les nommant de K1 Ă  K6[2].

La politique de la Great Trigonometric Survey Ă©tait d'utiliser le plus possible des noms locaux pour les montagnes[3] et le K1 fut renommĂ© Masherbrum en rĂ©fĂ©rence au nom local. Le K2, cependant, ne semblait pas avoir un nom local, probablement en raison de son isolement. La montagne n'est pas visible d'Askole, le dernier village au sud, ni de la ville la plus proche, au nord, et n'est entrevue qu'Ă  la fin du glacier Baltoro, au-delĂ  duquel peu de gens locaux se sont aventurĂ©s[4]. Le nom Chogori, dĂ©rivĂ© des mots balti, chhogo (« grand ») et ri (« montagne ») a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© comme nom local[5], mais les preuves de son utilisation Ă  grande Ă©chelle sont rares. Ce mot peut simplement ĂȘtre un nom composĂ© inventĂ© par les explorateurs occidentaux[6] ou simplement une rĂ©ponse perplexe Ă  la question « Comment ça s'appelle ? »[4]. Ce mot est nĂ©anmoins Ă  l'origine du nom chinois Qogir (chinois simplifiĂ© : äč”戈里 ćł° ; chinois traditionnel : äč”戈里 ćł° ; pinyin : QiĂĄogēlǐ Feng), par lequel les autoritĂ©s chinoises dĂ©signent officiellement le pic. D'autres noms locaux furent suggĂ©rĂ©s, y compris Lamba Pahar (« haute montagne » en ourdou) et Dapsang, mais ne sont pas beaucoup utilisĂ©s[4].

En l'absence d'un nom local, le nom de mont Godwin-Austen fut suggĂ©rĂ©, en l'honneur de Henry Godwin-Austen, un des premiers explorateurs de la rĂ©gion, et, bien que le nom fĂ»t rejetĂ© par la Royal Geographical Society[4], il a Ă©tĂ© et continue d'ĂȘtre utilisĂ© sur plusieurs cartes[7] - [8].

« K2 » continue donc Ă  ĂȘtre le nom sous lequel la montagne est gĂ©nĂ©ralement connue. Il est dĂ©sormais Ă©galement utilisĂ© dans la langue balti, prononcĂ© Kechu ou Ketu[6] - [9] (ourdou : کے Ùčو). L'alpiniste italien Fosco Maraini a fait valoir dans son rĂ©cit de l'ascension du Gasherbrum IV que, bien que le nom de K2 doive son origine au hasard, le nom au son « coupant » correspond bien Ă  la nature impressionnante et difficile de la montagne. Il conclut qu'il Ă©tait[10] :

« 
 seulement le squelette d'un nom, tout de roche, de glace, de tempĂȘte et d'abĂźme. Il ne fait aucune tentative pour paraĂźtre humain. Il est atomes et Ă©toiles. Il est nu comme le monde avant le premier homme - ou la planĂšte en cendres aprĂšs le dernier. »

GĂ©ographie

Le K2 est situé dans le nord-ouest du massif du Karakoram, dans la région du Gilgit-Baltistan. Le bassin du Tarim borde le massif au nord et l'Himalaya inférieur est au sud. L'eau de fonte des vastes glaciers, notamment au sud et à l'est du K2, nourrit l'agriculture des vallées.

Le K2 n'est que le 22e sommet sur Terre par ordre de proéminence[11].

Histoire

Exploration

Le K2 a été exploré pour la premiÚre fois par une équipe européenne en septembre 1856, dirigée par le topographe Thomas George Montgomerie, qui nomma le K2[12]. Sa position est fixée par Henry Haversham Godwin-Austen en 1861[13].

PremiĂšre ascension

La premiĂšre tentative sĂ©rieuse d'ascension du K2 fut organisĂ©e et entreprise en 1902 sur l'arĂȘte nord-est par Oscar Eckenstein, accompagnĂ© notamment d'Aleister Crowley et de Jules Jacot-Guillarmod qui participe Ă  l'expĂ©dition comme mĂ©decin ; l'altitude de 6 600 mĂštres est atteinte[14]. Cependant, aprĂšs cinq tentatives sĂ©rieuses et coĂ»teuses, aucun membre de l'Ă©quipe ne parvient Ă  atteindre le sommet. Cet Ă©chec est probablement dĂ» Ă  la fois Ă  une mauvaise prĂ©paration physique, Ă  des conflits de personnalitĂ© et aux conditions mĂ©tĂ©orologiques — sur un total de 68 jours passĂ©s sur le K2 (alors record de temps passĂ© Ă  une telle altitude) seulement huit offrirent une mĂ©tĂ©o correcte.

D’autres tentatives suivirent en 1909, 1937, 1938, 1939 et 1953[14]. L'expĂ©dition de 1909, menĂ©e par le prince italien Louis-AmĂ©dĂ©e de Savoie, duc des Abruzzes, avec notamment Vittorio Sella, a atteint le col baptisĂ© « selle de Savoie » Ă  l'altitude de 6 666 mĂštres[15]. Les membres de l’expĂ©dition firent alors demi-tour sur ce qui est maintenant connu sous le nom d'Ă©peron des Abruzzes (ou arĂȘte des Abruzzes)[14] - [15]. Elle fait dĂ©sormais partie de la voie normale de l’ascension. La mĂȘme annĂ©e une seconde expĂ©dition dirigĂ©e cette fois par le duc de SpolĂšte, neveu du duc des Abruzzes, Ă©choue Ă  cause du mauvais temps. L'expĂ©dition se concentre alors sur les travaux scientifiques. Il en ressortira de nombreuses photographies de grande qualitĂ© et une prĂ©cision des repĂ©rages qui constitueront une importante source d'enseignement, notamment sur l'Ă©volution de certains glaciers et plus particuliĂšrement le glacier du Baltoro.

En 1939, Pasang Lama Lawa monte avec Fritz Wiessner jusqu'Ă  8 370 m, sans appareil respiratoire[14].

Finalement c’est une autre expĂ©dition italienne qui rĂ©ussit Ă  gravir le sommet du K2 le , aprĂšs quatre tentatives et 70 jours d'assaut. L'expĂ©dition fut menĂ©e par Ardito Desio. Les deux premiers hommes Ă  atteindre le sommet furent Lino Lacedelli et Achille Compagnoni. Un membre pakistanais faisait partie de l’équipe, le colonel Muhammad Ata-ullah. Celui-ci avait fait partie d'une expĂ©dition amĂ©ricaine en 1953 qui Ă©choua Ă  la suite de la mort d’un des membres clĂ© de l’équipe, Art Gilkey, lors de l’assaut final. AprĂšs la victoire de 1954, les conditions du succĂšs firent l'objet d'une polĂ©mique violente entre les deux vainqueurs et le jeune Walter Bonatti : Lacedelli et Compagnoni accusaient Bonatti d'avoir hypothĂ©quĂ© leur succĂšs en utilisant l'oxygĂšne qui leur Ă©tait destinĂ© tandis que Bonatti, qui dĂ©nonçait ce mensonge, leur reprochait de l'avoir contraint, avec le Hunza Amir Madhi, Ă  un trĂšs dangereux bivouac improvisĂ© Ă  plus de 8 000 mĂštres d'altitude ; cette polĂ©mique ne s'est Ă©teinte que cinquante ans plus tard quand le Club alpin italien donna raison Ă  Bonatti.

Ascensions notables

Le , 23 ans aprĂšs l'expĂ©dition italienne, Ichiro Yoshizawa emmena la deuxiĂšme expĂ©dition Ă  atteindre le sommet[16]. Parmi les membres de l’expĂ©dition, Ashraf Amman fut le premier grimpeur d’origine pakistanaise Ă  fouler le point culminant de son pays. L'expĂ©dition japonaise monta par la voie de l'Ă©peron des Abruzzes, tracĂ©e par les Italiens[16]. Ils eurent recours Ă  plus de 1 500 porteurs pour atteindre leur objectif.

La troisiĂšme ascension du K2 eut lieu en 1978, via un nouvel itinĂ©raire, la longue route par la corniche est (la partie sommitale de l’itinĂ©raire traverse la face est sur la gauche pour Ă©viter le dernier mur vertical et rejoint la derniĂšre partie de l'arĂȘte des Abruzzes). Ce tracĂ© fut rĂ©alisĂ© sans oxygĂšne par une Ă©quipe amĂ©ricaine, menĂ©e par l’alpiniste James Whittaker ; Louis Reichardt, James Wickwire, John Roskelley, et Rick Ridgeway atteignirent le sommet. Wickwire endura un bivouac d'une nuit Ă  environ 150 mĂštres du sommet, reprĂ©sentant le record d’altitude de l’époque.

Cet exploit sans oxygÚne fut renouvelé par la cordée Reinhold Messner et Michael Dacher en 1979 en style semi-alpin.

Une autre ascension japonaise notable fut celle de la difficile arĂȘte nord, sur le versant chinois en 1982. Une Ă©quipe de l'Association d'Alpinisme du Japon menĂ©e par Isao Shinkai et Masatsugo Konishi conduisit trois membres au sommet le ; Naoe Sakashita, Hiroshi Yoshino et Yukihiro Yanagisawa. Cependant Yanagisawa fit une chute mortelle lors de la descente. Quatre autres membres de l'Ă©quipe atteignirent le sommet le jour suivant[17].

En 1986, le Français Benoßt Chamoux réalise une ascension en moins de 24 heures en compagnie de cinq autres alpinistes.

En 1991, Pierre Beghin et Christophe Profit effectuent la premiĂšre de l’arĂȘte Nord-Ouest.

En 2004, Edurne Pasaban réussit à redescendre du sommet avec succÚs, puis en 2006 l'Italienne Nives Meroi et la Japonaise Yuka Komatsu sont, respectivement, la septiÚme et la huitiÚme femmes à atteindre le sommet du K2. Le , Gerlinde Kaltenbrunner réussit une ascension sans oxygÚne et sans porteur.

AprĂšs une premiĂšre tentative avortĂ©e en 2017, le Polonais Andrzej Bargiel effectue une nouvelle ascension le sans oxygĂšne. Il atteint le sommet le et chausse ses skis pour la descente. Contrairement aux prĂ©cĂ©dents alpinistes ayant tentĂ© la descente Ă  skis, le Polonais ne suit pas une seule voie mais alterne entre quatre voies diffĂ©rentes. Il se voit contraint de s'arrĂȘter pendant une heure et demie en raison d'un Ă©pais brouillard. AprĂšs sept heures de descente, il atteint le camp de base sur le glacier Godwin-Austen devenant ainsi le premier homme Ă  rĂ©aliser la descente du K2 Ă  skis[18].

PremiĂšre hivernale

Le Team National russe a entamĂ© une tentative d'hivernale au K2 en , avortĂ©e le , Ă  la suite du dĂ©cĂšs de Vitaly Gorelik. En , une Ă©quipe polonaise effectue une nouvelle tentative[19], mais celle-ci est interrompue temporairement ; deux des alpinistes (Denis Urubko et Adam Bielecki) en pleine phase d'acclimatation se dĂ©routent pour porter secours Ă  Élisabeth Revol et Tomasz Mackiewicz en difficultĂ© sur les flancs du Nanga Parbat tout proche. Cette tentative polonaise reprend aprĂšs le sauvetage d'Élisabeth Revol, mais Ă©choue, principalement par manque de cohĂ©sion de l’équipe. Les Polonais sont pourtant rĂ©putĂ©s pour les hivernales Ă  plus de 8 000[20]. L'annĂ©e suivante, toujours en janvier, des Ă©quipes de divers pays sont Ă©galement prĂ©sentes, russe, polonaise, espagnole mais aucune n'accĂšde jusqu'au sommet ; les tentatives compliquĂ©es de sauvetage du Britannique Tom Ballard (it) et de l’Italien Daniele Nardi (it) sur le Nanga Parbat, relativement proche, modifient les plans de certaines Ă©quipes, ainsi que les conditions de vents sur le K2[21].

DĂšs la fin 2020, plusieurs Ă©quipes internationales, de diffĂ©rents niveaux ou expĂ©rience[22] - [23] - [24], sont en lice pour gravir le K2 l'hiver[25] - [26] - [27]. Environ 150 personnes restent attendues au camp de base[28] reprĂ©sentant 17 nationalitĂ©s[24], dont une soixantaine de grimpeurs[20], malgrĂ© les difficultĂ©s Ă  rĂ©aliser cette ascension[22] en cette pĂ©riode courte ; les spĂ©cialistes considĂ©rant que l'hiver dure de dĂ©but dĂ©cembre, au 28 fĂ©vrier ou Ă  mi-mars sur ce sommet. Statistiquement, il existe deux crĂ©neaux plus favorables dans la calendrier hivernal de ce sommet, pour tenter l'ascension : une fenĂȘtre comprise entre fin dĂ©cembre et mi-janvier ainsi qu'une seconde dĂ©but mars[29]. Parmi ces Ă©quipes de toutes nationalitĂ©s, deux sont composĂ©es de sherpas nĂ©palais. Nirmal Purja (Nims Dai) emmĂšne Geljen Sherpa, Pem Chhiri Sherpa, Dawa Temba Sherpa, Kili Pemba Sherpa et Dawa Tenjing Sherpa (11 fois l'Everest pour ce dernier). D'un autre cĂŽtĂ©, Mingma Gyalje Sherpa, chef de la seconde Ă©quipe, envisage de monter au sommet sans oxygĂšne. Il part avec deux autres sherpas, Mingma Tenzi Sherpa et Mingma David Sherpa[30] et sera rejoint par Sona Sherpa qui fait partie d'une autre organisation (l'organisateur Seven Summit Treks avec pour chef Chhang Dawa Sherpa)[31].

Le , alors que la mĂ©tĂ©o est trĂšs claire toute la journĂ©e, sans nuages et avec une tempĂ©rature au sommet d'environ −45 °C, un groupe de 10 sherpas nĂ©palais[32], rĂ©sultant de la fusion des deux Ă©quipes distinctes, rĂ©ussit la premiĂšre ascension de l'histoire du K2 en hiver. Le sommet est atteint aux alentours de 17 h (heure locale)[33]. Une partie de la premiĂšre Ă©quipe, arrivĂ©e Ă  10 mĂštres sous le sommet avant la seconde, dĂ©cide d'attendre l'arrivĂ©e du reste du groupe pour rejoindre leur but ensemble[26] ; ces deux groupes ainsi que Sona Sherpa s'Ă©taient dĂ©jĂ  rejoints[34] aux alentours du vers 7 350 m, au niveau d'un camp, avant de poser les cordes fixes plus haut[20]. Le descente, Ă©tape cruciale, se passe bien jusqu'au camp de base[35] - [34]. En parallĂšle de cette ascension historique, l'alpiniste Sergi Mingote (faisant Ă©quipe avec Chhang Dawa Sherpa, dirigeant de Seven Summit Treks, au camp de base[36]) qui tentait lui aussi d'atteindre le sommet cet hiver avec une autre Ă©quipe, est mort aprĂšs une chute[20].

Accidents mortels

La lĂ©gende a par le passĂ© attribuĂ© au K2 une « malĂ©diction sur les femmes ». La premiĂšre femme Ă  atteindre le sommet fut la Polonaise Wanda Rutkiewicz, en 1986, avec la Française Liliane Barrard. Les cinq premiĂšres ont toutes succombĂ© Ă  un accident mortel dans l'Himalaya, dont trois lors de la descente (Liliane Barrard, Julie Tullis et Alison Hargreaves). Rutkiewicz elle-mĂȘme est morte sur les pentes du Kangchenjunga en 1992, et Chantal Mauduit est morte en 1998 sur les pentes du Dhaulagiri[37] - [38].

Au moins cinquante-six personnes sont mortes lors d’une tentative[39] ; dont treize appartenant Ă  diffĂ©rentes expĂ©ditions en 1986 lors de la tragĂ©die au K2[40], sous une violente tempĂȘte. Six alpinistes meurent le , Ă  nouveau lors d'une tempĂȘte. Le , onze hommes appartenant Ă  la mĂȘme expĂ©dition sont morts dans la redescente, ce qui porte ce nombre Ă  plus de quatre-vingts[41].

Mesure de l'altitude

Durant l'Ă©tĂ© 1986, le professeur d'astronomie George Wallerstein, de l'universitĂ© de Washington, accompagne une expĂ©dition amĂ©ricaine sur l'arĂȘte Nord du K2, menĂ©e par l'alpiniste Lance Owens, avec un rĂ©cepteur Doppler d'une trentaine de kilos, pour acquĂ©rir les signaux d'un satellite de l'US Navy, et permettant de dĂ©terminer avec une prĂ©cision mĂ©trique la position et l'altitude. À cause de la tempĂȘte qui cause la mort de treize alpinistes pendant l'Ă©tĂ© dans le versant sud de la montagne, l'Ă©quipe d'alpinistes ne parvient pas au sommet[42]. Le rĂ©cepteur reste au camp de base et, faute de temps et Ă  la suite d'un problĂšme de batterie, Wallerstein n'acquiert qu'un seul passage du satellite (alors qu'en principe 10 Ă  12 sont nĂ©cessaires pour confirmer les rĂ©sultats)[43]. Les signaux sont cependant propres, et il obtient ainsi une rĂ©fĂ©rence altimĂ©trique Ă  partir de laquelle il fait des mesures de triangulation gĂ©odĂ©sique classiques, sur des sommets environnants)[44]. De retour aux États-Unis, il constate que ses rĂ©sultats sont plus hauts que ceux rĂ©alisĂ©s en 1937 par l'explorateur anglais Michael Spender, qui avait pris comme rĂ©fĂ©rence une altitude du K2 fixĂ©e Ă  8 611 m ; Wallerstein en dĂ©duit que l'altitude du K2 avait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© sous-estimĂ©e et serait entre 8 859 et 8 909 m, donc peut-ĂȘtre supĂ©rieure Ă  celle de l'Everest[45]. Ces rĂ©sultats, qualifiĂ©s de prĂ©liminaires, sont annoncĂ©s en mars 1987 dans le New York Times[46]. Cette annonce fait un certain bruit, notamment en Italie, les premiers hommes sur le toit du monde devenant Lino Lacedelli et Achille Compagnoni le ; selon Jon Krakauer : « En plus des Italiens, beaucoup d'alpinistes un peu partout dans le monde (Ă  l'exception peut-ĂȘtre de ceux qui avaient escaladĂ© l'Everest) mettaient de grands espoirs dans le K2, ayant le sentiment que cette montagne, qui est Ă  la fois plus belle et plus difficile, mĂ©ritait d'ĂȘtre la plus haute[47] ». AussitĂŽt, une expĂ©dition italienne menĂ©e par Ardito Desio (qui avait dirigĂ© l'expĂ©dition victorieuse au K2 en 1954) et Alessandro Caporali, part faire des mesures utilisant le GPS au K2 et Ă  l'Everest et annonce, en , 8 616 m pour le K2 et 8 872 pour l'Everest, qui reste donc le plus haut sommet du monde[48] - [49].

Ascension

Principales voies sur la face sud.

L'ascension du K2 est considĂ©rĂ©e comme bien plus difficile que celle de l'Everest, pourtant plus Ă©levĂ©, en particulier Ă  cause des conditions mĂ©tĂ©orologiques et des difficultĂ©s techniques[n 1]. En 2016, seules 378 personnes l'avaient rĂ©alisĂ©e contre plus de 5 000 personnes ayant atteint le sommet de l'Everest, et 85 personnes ont trouvĂ© la mort sur ses pentes[51], ce qui fait un dĂ©cĂšs pour quatre personnes rĂ©ussissant l'ascension[52]. Les annĂ©es les plus meurtriĂšres furent 1986 (treize disparus), 1995 (six morts dans une tempĂȘte le ) et 2008 (onze victimes d'une chute de sĂ©rac le ). Le sommet est presque aussi dangereux Ă  la descente (40 % des morts) qu'Ă  la montĂ©e (60 % des morts). Sur les autres sommets de plus de huit mille mĂštres, la proportion est plutĂŽt de 80 % des morts Ă  la montĂ©e et 20 % Ă  la descente. DĂ©sormais le sommet a Ă©tĂ© atteint par presque toutes ses arĂȘtes.

Pour la majeure partie de l’histoire de son ascension, le K2 fut grimpĂ© en pur style alpin ; les grimpeurs n’ont en gĂ©nĂ©ral pas recours Ă  l’oxygĂšne artificiel, et les expĂ©ditions sont souvent restreintes et lĂ©gĂšrement Ă©quipĂ©es. Cependant la saison 2004 a vu une forte augmentation de l'utilisation de l'oxygĂšne : vingt-huit des quarante-sept rĂ©ussites y ont eu recours. L’utilisation massive de l’oxygĂšne artificiel, de mĂȘme que l’installation rĂ©pĂ©tĂ©e de cordes fixes et le recours Ă  une colonie de porteurs, devient de plus en plus un sujet de controverse dans l’himalayisme, aussi bien au K2, qu’à l’Everest ou les autres sommets de plus de 8 000 mĂštres[53].

Il y a plusieurs voies pour atteindre le sommet du K2, de caractĂšres diffĂ©rents, mais elles comportent toutes un passage clĂ© et des difficultĂ©s intrinsĂšques aux sommets de plus de 8 000 m. La premiĂšre difficultĂ© est la haute altitude et la diminution de la pression partielle en oxygĂšne : il y a une pression en oxygĂšne deux tiers infĂ©rieure au sommet du K2 qu’au niveau de la mer. D’autre part les conditions mĂ©tĂ©orologiques Ă  cette altitude sont extrĂȘmes et changent rapidement. De violentes tempĂȘtes s’abattent sur la montagne et ont dĂ©jĂ  bloquĂ© des expĂ©ditions pendant plusieurs jours, causant la mort de nombreux alpinistes. Les vents sont quasi omniprĂ©sents. Enfin le K2 est rĂ©putĂ© pour ĂȘtre le sommet de plus de 8 000 m le plus difficile techniquement. AjoutĂ© Ă  la fatigue et Ă  l’altitude, cela rend la descente et les retraites au cours d’une tempĂȘte particuliĂšrement dangereuses.

ArĂȘte des Abruzzes

L'arĂȘte des Abruzzes est l'arĂȘte sud-est du K2 (Ă©peron des Abruzzes). Cette voie d'accĂšs est la moins difficile et la plus frĂ©quentĂ©e pour atteindre le sommet mais elle reste dangereuse notamment Ă  cause de ses chutes de sĂ©racs, qui ont tuĂ© 11 personnes le [54].

ArĂȘte Nord

L'arĂȘte nord est l'une des voies les plus dures pour atteindre le sommet. Elle est empruntĂ©e en 2011 par l’expĂ©dition internationale constituĂ©e, entre autres, de Gerlinde Kaltenbrunner.

Autres voies

  • ArĂȘte nord-ouest (rejoignant l'arĂȘte nord), premiĂšre ascension en 1991 par Pierre BĂ©ghin et Christophe Profit.
  • ArĂȘte ouest, 1981.
  • Pilier sud-ouest ou Magic Line, techniquement difficile, 1986.
  • Face sud ou Polish Line, (particuliĂšrement exposĂ©e et dangereuse) premiĂšre et unique ascension en 1986.
  • Dent sud-sud-ouest (rejoignant la voie des Abruzzes ; variante possible plus sĂ»re), 1994.
  • ArĂȘte nord-est (voie longue sur corniche, rejoignant la voie des Abruzzes sur la partie sommitale), 1978.
  • Face nord-ouest, 1990.
  • ArĂȘte nord - Couloir des Japonais, 2011.

Dans la culture

  • K2 : The Ultimate High (1991) est un film dramatique Ă  propos d'une Ă©quipe amĂ©ricaine fictive tentant l'ascension du K2.
  • Dans Vertical Limit, de Martin Campbell (2000), un jeune alpiniste ne voit plus sa sƓur Annie depuis un grave accident ayant provoquĂ© la mort de leur pĂšre. Trois ans plus tard, le hasard les rĂ©unit Ă  nouveau au pied du K2, une des plus hautes montagnes au monde. À la suite d'une avalanche, Annie et son Ă©quipe se retrouvent prisonniers d'une crevasse Ă  prĂšs de 8 000 mĂštres d'altitude. Peter et une poignĂ©e d'alpinistes chevronnĂ©s, dont le mystique Montgomery Wick se lancent Ă  leur secours.
  • K2 est un jeu de sociĂ©tĂ© crĂ©Ă© par Adam KaƂuĆŒa avec pour trame l'ascension de la montagne.
  • En mathĂ©matiques, AndrĂ© Weil, mathĂ©maticien et alpiniste, nomma les surfaces K3 en l'honneur de trois gĂ©omĂštres algĂ©bristes (Kummer, KĂ€hler et Kodaira) ainsi qu'en rĂ©fĂ©rence au K2[55] - [56].
  • Ascension est un manga de Shin'ichi Sakamoto, relatant le projet d'ascension de la face Est du K2 (jamais rĂ©alisĂ©e) par un prodige de l'alpinisme japonais.
  • Wall K2 est un vaisseau du jeu Beyond the Void, nommĂ© ainsi pour sa grande rĂ©sistance et le fait que, comme pour une ascension, ses points de vie augmentent au fil du jeu, culminant Ă  8 611 en fin de partie, comme le sommet du K2.

Voir aussi

Bibliographie

  • Roberto Mantovani et Kurt Dielberger, K2 : Un dĂ©fi aux confins du ciel, GrĂŒnd, (ISBN 978-2-7000-5458-3)
  • Charlie Buffet, Folie du K2, Chamonix, GuĂ©rin, , 111 p. (ISBN 2-911755-76-6)
  • Walter Bonatti (trad. de l'italien), K2, la vĂ©ritĂ©, Chamonix, GuĂ©rin, coll. « Terra Nova », , 308 p. (ISBN 2-911755-75-8)
  • Walter Bonatti, K2, GuĂ©rin, , 272 p. (ISBN 2-911755-46-4)
  • Walter Bonatti, L'affaire du K2, Ă©ditions GuĂ©rin, coll. « Terra Nova », , 272 p. (ISBN 2-911755-46-4)
  • (en) Jim Curran, K2 : The Story of the Savage Mountain, Hodder & Stoughton, (ISBN 978-0-340-66007-2), p. 25
  • Paul Molga, TragĂ©die au K2, Paris, Ă©ditions Arthaud,
  • Daniel Parrochia, Le cas du K2, mathĂ©matiques et alpinisme, Amiens, Le Corridor bleu, , 101 p. (ISBN 978-2-914033-31-2)
  • Joe Simpson, La face voilĂ©e, Grenoble, Ă©ditions GlĂ©nat,
  • R. Messner et Alessandro Gogna, K2, Ă©ditions Arthaud,
  • Graham Bowley (trad. de l'anglais), PiĂ©gĂ©s sur le K2 [« No Way Down »], Les Éditions du Mont Blanc,
  • Adam Bielecki (trad. du polonais par Agnieszka Warszawska), Le gel ne me fermera pas les yeux, Chamonix/Paris, Ă©ditions Paulsen, , 301 p. (ISBN 978-2-35221-288-1). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

Filmographie

  • K2 : pour quelle victoire (1979). RĂ©alisĂ© par Jacques Ertaud, diffusĂ© sur Antenne 2 le . Ce documentaire retrace la tentative d'une expĂ©dition française en 1979 constituĂ©e de 14 grimpeurs, d'une Ă©quipe technique et de 1 400 porteurs[57].
  • The Summit (en) (2012). Documentaire Ă  propos du drame du , oĂč 11 alpinistes ont perdu la vie sur les flancs de la montagne.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Reinhold Messner précise que « l'ascension de l'Everest est une promenade comparée au K2[50]. »

Références

  1. Ch. S. Houston, R. H. Bates, K 2, Montagne sans pitié, Paris, Grenoble, Arthaud, 1954, in Paul Veyret, Revue de géographie alpine, Vol. 43, no 43-2, 1955, page 479.
  2. Curran 1995, p. 25.
  3. L'exception la plus Ă©vidente Ă  cette politique Ă©tait celle de l'Everest, oĂč le nom tibĂ©tain Chomolungma (Qomolongma) Ă©tait probablement connu, mais fut ignorĂ© afin de rendre hommage Ă  George Everest. Voir Curran 1995, p. 29-30.
  4. Curran 1995, p. 30.
  5. (en) « Place names – II », The Express Tribune,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  6. Hubert Adams Carter, « A Note on the Chinese Name for K2, 'Qogir' », American Alpine Journal, 1983, p. 296. Carter, le rĂ©dacteur en chef de l'AAJ, dit que le nom de Chogori « n'a pas l'usage local. La montagne n'Ă©tait pas bien visible Ă  partir des lieux oĂč les habitants se sont aventurĂ©s et ils n'avaient donc pas donnĂ© de nom local
 Les Baltis n'utilisent pas d'autre noms pour le K2, qu'ils prononcent Ketu. Je m'oppose fortement Ă  l'utilisation du nom Chogori dans aucune de ses formes. ».
  7. (en) « Pakistan », The World Factbook, sur cia.gov, Central Intelligence Agency, (consulté le ).
  8. H. Adams Carter, « Balti Place Names in the Karakoram », American Alpine Journal, 1975, p. 52–53. Carter note que « Godwin Austen est le nom du glacier sur le versant est et est utilisĂ© de façon incorrecte sur certaines cartes en tant que nom de la montagne. ».
  9. Carter note qu'« un nouveau mot a fait son apparition dans la langue balti : le mot ketu, qui signifie grand pic ».
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