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Helleborus thibetanus

Helleborus thibetanus, l'HellĂ©bore tibĂ©tain, est une plante herbacĂ©e vivace de la famille des Ranunculaceae, originaire du Sud-Ouest de la Chine. Elle croĂźt dans les forĂȘts de montagne au-dessus de 1 100 m. Actuellement, l’espĂšce est devenue rare Ă  l’état naturel.

L’hellĂ©bore tibĂ©tain est cultivĂ© en Europe depuis le milieu des annĂ©es 1990.

Ses composés bufodiénolides sont des cardiotoniques qui intéressent les pharmacologues.

Étymologie et histoire de la nomenclature

Le nom de genre Helleborus, introduit par LinnĂ© en 1753 dans Species plantarum[1], dĂ©signe en latin et en grec (ΔλλΔÎČÎżÏÎżÏ‚, elleboros) une espĂšce d'hellĂ©bore qui Ă©tait l’évacuant par excellence de la mĂ©decine hippocratique dans la GrĂšce antique (AndrĂ©[2]).

L’épithĂšte spĂ©cifique thibetanus est une formation de latin scientifique dĂ©signant le Thibet (soit le Tibet avec l’orthographe actuelle).

Au XIXe siÚcle, Armand David et Adrien Franchet, deux éminents botanistes, ont apporté une contribution majeure à la connaissance de la flore chinoise. Le premier sur le terrain et le second au Muséum à Paris.

Le pĂšre David, missionnaire botaniste et zoologue, a remontĂ© le Yangzi jiang lors de sa seconde mission d’exploration naturaliste qu’il mena de mai 1868 Ă  juin 1870. Il Ă©tablit sa base Ă  Moupin (actuellement Baoxing) Ă  l’ouest de Chengdu, dans une rĂ©gion montagneuse d’ethnie tibĂ©to-birmane, appartenant Ă  l’une des provinces traditionnelles du Tibet, le Kham, qui sera dĂ©sintĂ©grĂ©e en 1960 et dont une partie sera rattachĂ©e au Sichuan chinois. En mars 1869, il dĂ©couvre une profusion d’Helleborus thibetanus en fleur sur le versant nord de la montagne de Moupin[3].

Adrien Franchet est le botaniste du MusĂ©um qui au XIXe siĂšcle s’est spĂ©cialisĂ© dans les flores asiatiques. Il dĂ©crivit les plantes des herbiers envoyĂ©s par les missionnaires botanistes qui parcouraient la Chine comme le pĂšre Armand David, le pĂšre Delavay, le pĂšre Farges ou le pĂšre Bodinier. Il donnera une description de l’hellĂ©bore envoyĂ©e par le pĂšre David en 1886 dans les Nouvelles archives du musĂ©um d'histoire naturelle[4] oĂč il prĂ©cise (en latin) la localisation ainsi : « Moupine, frĂ©quent dans les montagnes humides, mars 1869 ».

Cette espĂšce fut collectĂ©e Ă  nouveau en 1885 dans le Gansu par l’explorateur russe M. Berezovsky, mais le botaniste russe Carl Maximowicz qui Ă©tudia le spĂ©cimen ne s’aperçut pas que c’était la mĂȘme que celle qui avait Ă©tait trouvĂ©e par le pĂšre David aussi l’appela-t-il H. chinensis. L’Hellebore tibĂ©taine resta une curiositĂ© pendant des dĂ©cades, connue seulement par des spĂ©cimens d’herbier[3].

Description

Helleborus thibetanus
Fleur

Helleborus thibetanus est une plante herbacĂ©e pĂ©renne, ayant un rhizome d’environ mm de diamĂštre et de longues racines fibreuses, succulentes et denses[5].

Les tiges font 30 Ă  50 cm de haut, glabres, ramifiĂ©es sur la partie supĂ©rieure.

Les feuilles sont portĂ©es par des pĂ©tioles de 20 Ă  24 cm. Une ou deux feuilles basales portent un limbe rĂ©niforme ou pentagonal, de 7,5–16 cm de large sur 14–24 cm de long, pĂ©dalĂ©e en 3 sections, le segment central oblancĂ©olĂ© de 1,6–4,5 cm de large, sur la moitiĂ© densĂ©ment denticulĂ©, et avec les segments latĂ©raux, se divisant inĂ©galement en 3 sections. Les feuilles caulinaires (sur la tige), plus petites que les feuilles basales, sub sessiles, comportent un segment central Ă©troitement elliptique, et des segments latĂ©raux Ă  2 ou 3 parties inĂ©gales[5].

La fleur terminale, en coupe de 3,5 Ă  cm de diamĂštre, est formĂ©e de 5 sĂ©pales rose clair parfois veinĂ© de rose foncĂ©, devenant verts Ă  la fructification, elliptiques ou Ă©troitement elliptiques, de 8 Ă  10 pĂ©tales, petits (de 5–6 mm, tubulaires, de nombreuses Ă©tamines de 7–10 mm, Ă  anthĂšres ellipsoĂŻdes. La floraison a lieu en avril.

À la fructification, la fleur donne 2 (parfois 3) follicules, soudĂ©s Ă  la base. Les graines ellipsoĂŻdes font env. mm[5].

Distribution

Helleborus thibetanus est une plante endĂ©mique du sud-ouest de la Chine, distribuĂ©e dans le NW Sichuan, le Sud Gansu, NO Hubei, S Shaanxi. Ces rĂ©gions sont situĂ©es Ă  plus de 5 000 km Ă  vol d’oiseau, du centre de diversitĂ© des HellĂ©bores qui se situe dans les Balkans.

L’hellĂ©bore tibĂ©tain croĂźt en forĂȘts, Ă  l’ombre des arbustes, en montagne Ă  1 100–3 700 m, dans les sols sableux.

C’est une espĂšce rare qu’il est devenue difficile de trouver dans son habitat, en raison de prĂ©lĂšvements excessifs pour la mĂ©decine traditionnelle chinoise[6]. C'est la seule espĂšce d'hellĂ©bore existant en Chine.

Usages

Horticulture

La beautĂ© de l’hellĂ©bore tibĂ©tain a gagnĂ© la faveur des jardiniers occidentaux. L’introduction en culture est cependant assez rĂ©cente malgrĂ© les efforts passĂ©s de collecteurs de plantes bien connus, tels que Paul Guillaume Farges, William Purdom et Joseph Rock, qui ont tous collectĂ© des spĂ©cimens de cette plante. Elle n'a Ă©tĂ© introduite en culture qu'en 1991, grĂące au professeur Kao Paochung de l’Institut de botanique de Chengdu qui a envoyĂ© Ă  Kew (Royaume-Uni), des graines rĂ©coltĂ©es prĂšs de Baoxing dans le Sichuan (nommĂ© du temps du pĂšre David, Moupin, dans le Kham) Ă  2 300 m[7]. La culture de l’hellĂšbore tibĂ©tain est maintenant devenue courante en Europe de l’Ouest, oĂč de nombreux pĂ©piniĂ©ristes la proposent Ă  leur catalogue.

Les jardiniers chinois n'ont jamais vraiment prĂȘtĂ© attention aux hellĂ©bores. Toutefois, des tentatives de promotion sont faites par divers jardins botaniques. Ainsi le Jardin botanique de Shanghai a fait venir des Pays-Bas onze variĂ©tĂ©s de Helleborus thibetanus. AprĂšs plusieurs annĂ©es d’expĂ©rimentation, ces hellĂ©bores semblent bien se comporter et ĂȘtre relativement adaptables au climat de Shanghai[8].

L’espĂšce est rustique et prĂ©fĂšre les situations mi-ombragĂ©es.

Composition chimique et pharmacologie

Plusieurs bufadiĂ©nolides et phytoectdystones ont Ă©tĂ© extraits des rhizomes d’Helleborus thibetanus[9]. Les hĂ©tĂ©rosides Ă  gĂ©nine de type bufadiĂ©nolide confĂšrent Ă  cette espĂšce cultivĂ©e une certaine toxicitĂ©. Ce sont cependant aussi des composĂ©s cardiotoniques utilisables en mĂ©decine.

Deux nouveaux bufadiĂ©nolides (tigencaoside A, B) trouvĂ©s dans les rhizomes de H. thibetanus ont Ă©tĂ© testĂ©s pour leur activitĂ© cytotoxique contre les cellules cancĂ©reuses humaines 3LL, MCF-7, QGY7701 et BGC-823. Les valeurs de CI50 du tigencaoside A sur les lignĂ©es cellulaires testĂ©es allaient de 105,23 Ă  253,12 ÎŒg/ml et pour le tigencaoside B les valeurs exposĂ©es Ă©taient comprises entre 56,54 et 86,45 ÎŒg/ml[10]. Des essais sur animal ont montrĂ© que les polysaccharides de H. thibetanus peuvent augmenter le poids du thymus et de la rate des souris porteuses de tumeurs et augmenter significativement les cytokines IL-1, TNF-α et IFN-Îł potentiellement, capables d’inhiber la croissance des cellules tumorales in vivo.

Des ecdystéroïdes et des γ-lactones ont aussi été isolés dans les hellébores.

Deux nouveaux glycosides de bufadiĂ©nolide (1 et 2) avec une fusion de cycle trans A / B avec neuf composĂ©s connus (3–11) ont Ă©tĂ© isolĂ©s Ă  partir des rhizomes d'Helleborus thibetanus. Les structures de nouveaux composĂ©s ont Ă©tĂ© Ă©lucidĂ©es par des analyses spectroscopiques approfondies en combinaison avec la diffraction des rayons X monocristallins. Les bufadiĂ©nolides 1 et 3-6 ont prĂ©sentĂ© de puissantes activitĂ©s cytotoxiques contre les cellules cancĂ©reuses de la prostate[11].

Pharmacopée traditionnelle

En GrĂšce, aux Ve – IVe siĂšcles av. J.-C., l’hellĂ©bore noir (elleboros melas, έλλέÎČÎżÏÎżÏ‚ Όέλας), terme employĂ© dans les textes mĂ©dicaux grecs antiques, correspondant Ă  l’Helleborus cyclophyllus, est une des plantes mĂ©dicinales les plus utilisĂ©es par les mĂ©decins hippocratiques[12]. Elle continuera Ă  ĂȘtre prisĂ©e par les mĂ©decins europĂ©ens pendant plus deux millĂ©naires[n 1].

En Chine, l’Helleborus thibetanus connu sous le nom de 铁筷歐TiěkuĂ izi (« baguettes de fer », en raison est-il dit de la forme de son rhizome) est actuellement cultivĂ© en grande quantitĂ© Ă  des fins mĂ©dicinales.

L’Helleborus thibetanus ne semble pas avoir Ă©tĂ© mentionnĂ© dans les grands textes classiques de la pharmacopĂ©e chinoise. Les encyclopĂ©dies chinoises ne manquent jamais de rappeler les usages les plus anciens de la matiĂšre mĂ©dicale, or ni Baidu-Baike[13] ni l'encyclopĂ©die de mĂ©decine chinoise[14] ne font mention d’anciens textes qui y feraient rĂ©fĂ©rence.

Par contre, il est signalĂ© des usages locaux. L’encyclopĂ©die de mĂ©decine chinoise signale une « PhytothĂ©rapie chinoise du Shaanxi »[n 2] pour laquelle le tiekuaizi est (dans la terminologie propre Ă  pharmacologie chinoise traditionnelle) amer (ku è‹Š), frais (liang 應), et lĂ©gĂšrement toxique (you xiaodu æœ‰ć°æŻ’). Ses fonctions sont : Ă©liminer la chaleur, dĂ©toxifier, favoriser la circulation sanguine, soulager les douleurs. Il est indiquĂ© pour la cystite, l’urĂ©trite, les furoncles, l’empoisonnement, les ecchymoses et les foulures.

L’encyclopĂ©die Baidu-Baike[13] indique que localement dans la province du Guizhou[n 3], des recettes populaires indiquent l’usage du tiekuaizi pour la sĂ©dation, comme antitussif, pour soulager l'asthme, traiter les ecchymoses et les maux de dos.

Liens externes

Notes

  1. voir Histoire de l'ellébore médicinal durant l'Antiquité gréco-romaine
  2. ă€Šé™•è„żäž­è‰èŻă€‹
  3. remarquons un fait surprenant : H. thibetanus est la seule espĂšce d’HellĂ©bore en Chine et elle ne croĂźt pas dans le Guizhou

Références

  1. Caroli Linnaei, « Species plantarum » (consulté le )
  2. Jacques André, Les noms des plantes dans la Rome antique, Les Belles Lettres, , 334 p.
  3. Jane Kilpatrick, Fathers of Botany – The discovery of Chinese plants by European missionaries, Kew Publishing Royal Botanic Gardens, The University of Chicago Press, , 254 p.
  4. Référence Biodiversity Heritage Library : page/36875117#page/209 page/36875117#page/209
  5. (en) Référence Flora of China : Helleborus thibetanus
  6. Rare Plants, « Helleborus thibetanus » (consulté le )
  7. Cédric Basset, PépiniÚre Aoba, « Helleborus thibetanus » (consulté le )
  8. äžŠæ”·æ€ç‰©ć›­ (Jardin botanique de Shanghai), « 県æłȘćč»ćŒ–而杄的铁筷歐 (5 mars 2018) » (consultĂ© le )
  9. Feng-Ying Yang, Yan-Fang Su, et al., « Bufadienolides and phytoecdystones from the rhizomes of Helleborus thibetanus (Ranunculaceae) »,  Biochemical Systematics and Ecology, vol. 38, no 4,‎
  10. Yang J., Zhang Y.-H., Miao F., Zhou L., Sun W., « Two new bufadienolides from the rhizomes of Helleborus thibetanus Franch », Fitoterapia, vol. 81,‎ , p. 636-639
  11. (en) Yuze Li, Huawei Zhang, Xiaofei Liang, Bei Song, Xudong Zheng, Rui Wang, Li Liu, Xiaomei Song, Jianli Liu., « New cytotoxic bufadienolides from the roots and rhizomes of Helleborus thibetanus Franch. », Natural Product Research,‎ , pages 1-931 (DOI 10.1080/14786419.2018.1543687, lire en ligne)
  12. Maris Christine Girard, « L’hellĂ©bore : panacĂ©e ou placebo ? », dans Paul Potter, Gilles Maloney, Jacques Desautels, La maladie et les maladies dans la Collection hippocratique (actes du VIe colloque international hippocratique, QuĂ©bec, 1987), QuĂ©bec, Les Ă©ditions du sphinx,
  13. Baidu癟科, « é“ç­·ć­ïŒˆæŻ›èŒ›ç§‘æ€ç‰©ïŒ‰ » (consultĂ© le )
  14. A ::ćŒ»ć­Šç™Ÿç§‘, « 铁筷歐 » (consultĂ© le )
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