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Kham

Le Kham (tibĂ©tain : àœàœ˜àœŠàŒ, Wylie : khams, pinyin tibĂ©tain : Kam, chinois : ćș· ; pinyin : kāng) est l'une des trois provinces traditionnelles du Tibet, les autres Ă©tant l'Ü-Tsang et l'Amdo[1], habitĂ©e principalement par les Khampas (tibĂ©tain : àœàœ˜àœŠàŒ‹àœ”, Wylie : khams pa).

Cette division du Tibet en trois rĂ©gions qui domine chez les TibĂ©tains en exil est relativement rĂ©cente. Au XVIIe siĂšcle, les trois divisions Ă©taient le Ngari Korsum, l'Ü-Tsang et le Dokham (comprenant l'Amdo et le Kham)[2].

Situé dans le sud-est du Tibet, le Kham est aujourd'hui éclaté entre la région autonome du Tibet et les provinces du Sichuan, du Yunnan, du Qinghai et du Gansu en République populaire de Chine.

Situation du Kham, région dans le Tibet oriental d'aprÚs Andreas Gruschke

GĂ©ographie

La plus grande partie de la rĂ©gion du Kham recouvre l'est de la rĂ©gion autonome du Tibet (prĂ©fecture de Qamdo) et l'ouest de la province du Sichuan (prĂ©fecture autonome tibĂ©taine de GarzĂȘ et prĂ©fecture autonome tibĂ©taine et qiang d'Aba, district du Xian autonome tibĂ©tain de Muli), avec des parties plus petites dans les provinces du Qinghai (sud-est de la prĂ©fecture autonome tibĂ©taine de Yushu), du Yunnan (prĂ©fecture autonome tibĂ©taine de DĂȘqĂȘn) et du Gansu[3].

Subdivisions en royaumes et États horpa

Le Kham était divisé en cinq royaumes principaux dirigés par ce que l'on appelle en chinois tusi (chef tribal, chargé de gouverner pour le pouvoir central) et en tibétain gyelpo ou gyalpo (rois) : les royaumes de Chakla (ou Chagla), de Dergé, de Litang, de Nangchen et de Lhato[1].

La province comportait aussi cinq États secondaires horpa de la rĂ©gion de Trehor, proche de KantzĂ© et d’autres territoires au Nord, au Sud et Ă  l’Ouest, gouvernĂ©s par des gouverneurs placĂ©s par les dix royaumes majeurs[1].

Les royaumes de Batang et de Nyarong étaient aussi situés dans le Kham[4].

Histoire

Au XVIIe siĂšcle, l’armĂ©e mongole des Qoshots (des Dzoungars) unifie le Tibet central (alors sĂ©parĂ© en Tsang, gouvernĂ© par Karma Tenkyong Wangpo et Ü) au sein du Khanat qoshot, dont il devient maĂźtre sous le rĂšgne de GĂŒshi Khan, il en devient le roi et place Lobsang Gyatso, le 5e dalaĂŻ-lama au pouvoir religieux, en particulier en convertissant les royaumes du Kham Ă  la tradition Gelugpa et en plaçant sous l’autoritĂ© du dalaĂŻ-lama la rĂ©gion de KartzĂ© qui fut divisĂ©e en 5 principautĂ©s (horpa). Deux dzongs furent construits Ă  cette mĂȘme Ă©poque Ă  KartzĂ© Ă  proximitĂ© de la Dza-chu (Yarlung). L’un d’entre eux fut occupĂ© et transformĂ© en caserne par les troupes de Chao Er-Feng. Ces 2 dzongs ont Ă©tĂ© dĂ©truits[1].

Selon Roland Barraux, Le rÚgne du 5e dalaï-lama (Lobsang Gyatso) eut pour résultat l'unification du Tibet en une nation. L'indépendance de son pouvoir s'étendait à toutes les anciennes provinces tibétaines, y compris le Kham et l'Amdo[5].

AprÚs l'expédition militaire britannique au Tibet (1903-1904), en 1904, aboutissant à la fuite de Thubten Gyatso, 13e dalaï-lama en Mongolie puis en Chine, et la Convention entre la Grande-Bretagne et le Tibet, le depa de Litang prend part au soulÚvement de Batang contre l'empire Qing. La révolte est rapidement réprimée par les troupes impériales commandées par Zhao Erfeng, lequel fait exécuter le depa de Litang et celui de Batang. En 1906, la position de depa est abolie au profit de responsables administratifs chinois[6].

En 1905, alors que l'empire mandchou de la dynastie Qing est en dĂ©clin, les frĂšres Zhao Erfeng et Zhao Erxun (è¶™çˆŸć·œïŒ‰, seigneurs de guerre chinois, se partagent la tĂąche de dĂ©couper le Tibet en diffĂ©rentes rĂ©gions administratives[7].

En 1906, la Convention entre la Grande-Bretagne et la Chine relative au Tibet, reprend et modifie celle de 1904.

En 1910, les troupes de Zhao Erfeng occupent Lhassa, et il tente de placer le Tibet, d'aprÚs Chögyam Trungpa Rinpoché, pour la premiÚre fois de son histoire sous administration directe de la Chine[8].

AprĂšs la rĂ©volution chinoise de 1911 et l'effondrement de la dynastie mandchoue des Qing, les TibĂ©tains renient la suzerainetĂ© en dĂ©clin exercĂ©e par l'empereur depuis 1720 sur le Tibet, et ils chassent les garnisons chinoises des deux provinces du Tibet central, le Ü et le Tsang[8].

Carte de Chine publiée par le journal chinois Shen Bao en 1936, figurant le Xikang en bleu foncé

À l'issue de la ConfĂ©rence de Simla, Ă  laquelle participent les plĂ©nipotentiaires de la Grande-Bretagne, de la Chine, et du Tibet, Henry Mac-Mahon tranche le pour rĂ©soudre les problĂšmes frontaliers par un accord, la Convention de Simla[9]. Cette Convention propose notamment la division du Tibet en « Tibet ExtĂ©rieur » sous l'administration du gouvernement du dalaĂŻ-lama et « Tibet IntĂ©rieur » oĂč Lhassa aurait l'autoritĂ© spirituelle uniquement, les deux secteurs Ă©tant considĂ©rĂ©s comme sous la "suzerainetĂ©" chinoise[10]. Les trois reprĂ©sentants paraphent l'accord le [11]. PĂ©kin s'oppose Ă  la frontiĂšre proposĂ©e entre Tibet IntĂ©rieur et ExtĂ©rieur, et renie l'accord et le paraphe de son dĂ©lĂ©guĂ©[12]. Les TibĂ©tains contestent les frontiĂšres orientales du Tibet avec la Chine[7].

En 1918, les forces tibétaines réussissent à occuper la partie orientale du Kham, qui demeure une province du Tibet ayant pour centre administratif Chamdo, la capitale du Kham[8]. Ainsi, avec le traité de Rongbatsa, le Kham oriental, à l'ouest des territoires du Yangtze Supérieur, est sous administration du gouvernement tibétain. Le Domed Chikyab (le Gouverneur Général du Kham) est responsable des questions administratives et militaires du Kham[13].

De 1928 Ă  1931, la clique du Sichuan dĂ©sirait ardemment s'emparer de toute la province du Xikang Ă  son profit et contestait le contrĂŽle du Kham par le Tibet. En reniant en 1931 le traitĂ© de Rongbatsa, la clique du Sichuan provoqua la guerre sino-tibĂ©taine. Jusqu'en 1932, les armĂ©es tibĂ©taines vainquirent les chinois et occupĂšrent tout le Xikang. Mais, Ă©crasĂ© par la clique des Ma dans la guerre Tibet-Qinghai de 1932-1933, les armĂ©es tibĂ©taines du Kham durent se replier. Finalement, la trĂȘve signĂ©e en 1933 sanctionna la perte dĂ©finitive du Kham oriental qui sera incorporĂ© dans le Sichuan.

Robert W. Ford, nommĂ© membre du gouvernement tibĂ©tain, qui prend ses fonctions Ă  Chamdo avant d'ĂȘtre capturĂ© en 1950 par l'armĂ©e chinoise de Mao Zedong lors de leur intervention dans cette rĂ©gion, relate l'indĂ©pendance de cette rĂ©gion dans son livre "Tibet Rouge, capturĂ© par l’armĂ©e chinoise au Kham"[14]. Curieusement, les districts du Kham Ă  l'est du Yangze, restĂ©s nommĂ©ment aux mains des Chinois, sont plus indĂ©pendants, les Khampas ayant une nette prĂ©fĂ©rence pour l'autoritĂ© de leurs propres chefs, que Chögyam Trungpa RinpochĂ© nomme "rois", ce qui n'empĂȘche pas leur loyautĂ© envers le dalaĂŻ-lama, en tant que chef spirituel de divers peuples tibĂ©tains[8].

Le , l'armĂ©e de la RĂ©publique populaire de Chine entre au Tibet sur trois fronts. Sur le front du Xinjiang, l’armĂ©e pĂ©nĂštre l’ouest du Tibet par la province de Ngari, sur le front de l’Amdo et enfin sur le front du Kham avec une force de 40 000 soldats d’aprĂšs le gouvernement tibĂ©tain en exil, ou de 84 000 selon le journaliste Pierre-Antoine Donnet ; les 5 000 hommes de l’armĂ©e tibĂ©taine ne peuvent tenir bien longtemps, mais un mouvement de rĂ©sistance tibĂ©taine se dĂ©veloppe dans le Kham et l’Amdo. Des rĂ©voltes Ă©clatĂšrent en 1955 -1956, quand des cadres chinois du Parti communiste venaient dans les villages pour mettre en Ɠuvre la politique de collectivisation des terres. La plupart des gens refusaient de collaborer et soutenaient avec insistance qu'il n' y avait pas besoin de rĂ©forme agraire[13]. Quand les cadres Ă©taient escortĂ©s par des soldats, ils Ă©taient attaquĂ©s ou bien les gens refusaient de coopĂ©rer. En 1956 dĂ©bute Ă  Litang une rĂ©volte des TibĂ©tains, qui s'Ă©tend la mĂȘme annĂ©e Ă  l’ensemble du Kham, puis en 1957 et 1958 Ă  l’Amdo, et en 1958 et 1959 Ă  Ü-Tsang, pour atteindre Lhassa et culminer dans la rĂ©volte de 1959 et l’exil du 14e dalaĂŻ-lama. AprĂšs l'intervention chinoise au Tibet, les provinces tibĂ©taines de l'Amdo et du Kham sont intĂ©grĂ©es aux provinces chinoises du Qinghai et du Xikang[7].

En 1965, pour le rĂ©alisateur Michael Buckley, le territoire tibĂ©tain est entiĂšrement dĂ©coupĂ©. En 1965, le Tibet est officiellement dĂ©coupĂ© entre diverses provinces : la RĂ©gion autonome du Tibet (incluant essentiellement le Ü-Tsang), le Sichuan et le Yunnan (incluant essentiellement le Kham), le Qinghai et le Gansu (incluant essentiellement l’Amdo)[15] - [16].

Culture

Le Kham est une province traditionnelle tibĂ©taine, oĂč s'est notamment dĂ©veloppĂ© le bouddhisme tibĂ©tain, comme l'atteste le grand nombre de monastĂšres dont beaucoup furent dĂ©truits Ă  la suite de l'intervention militaire chinoise au Tibet (1950-1951). La sphĂšre culturelle du Kham est une des plus importantes et diversifiĂ©es du haut-plateau tibĂ©tain. Les dialectes du Kham sont des dialectes principaux de la langue tibĂ©taine. Les habitants ne se nomment pas Böpa (bod pa), la dĂ©signation normale des TibĂ©tains selon le gouvernement du Lhassa, mais Khampa (khams pa). Cependant, les Khampas ne sont pas reconnus comme une des 56 ethnies de la RĂ©publique populaire de Chine, ils sont donc considĂ©rĂ©s comme des TibĂ©tains par la Chine.

Végétation

L’opĂ©rateur radio Robert W. Ford rapporte que dans la rĂ©gion de Chamdo, dans les annĂ©es 1940, les collines Ă©taient nues et Ă©rodĂ©es, il ne restait que quelques bosquets de sapins ayant Ă©chappĂ© au dĂ©boisement[17].

Selon un article du magazine GEO, avant l'arrivĂ©e des Chinois , la couverture forestiĂšre est encore de 221 000 km2. En 1985, elle est dĂ©jĂ  rĂ©duite Ă  134 000. Plus de 40 % de la forĂȘt a Ă©tĂ© abattue pour l'exploitation du bois, qui est ensuite exportĂ© et ne profite donc pas Ă  la population locale[18].

Notes et références

  1. Marc Moniez, Christian Deweirdt, Monique Masse, Le Tibet, Éditions de l'Adret, Paris, 1999 (ISBN 2-907629-46-8).
  2. (Yeh 2003, p. 508) « While the division of Tibetan cultural geography into the three ‘provinces’ of U-Tsang, Kham and Amdo now dominates exile discourse, this is a relatively new representation. An earlier scheme, in use in the mid-seventeenth century, conceived of the three regions as being Ngari Korsum, U-Tsang, and mDo-Kham (including both Kham and Amdo) »
  3. (en) Andreas Gruschke, Dokham, the eastern part of tibetan plateau (extrait de The Cultural Monuments of Tibet’s Outer Provinces: Kham, cf bibliographie).
  4. Fabienne Jagou, Le contrÎle des marches sino-tibétaines de la Chine républicaine, in Géographie et Cultures. Les marges culturelles du territoire chinois, CNRS, no 34, p. 5-24.
  5. Roland Barraux, Histoire des DalaĂŻ-lamas, Albin Michel, 1993, (ISBN 2-226-13317-8), p. 142-143.
  6. (en) Melvyn C. Goldstein, A History of Modern Tibet, vol 3 The Storm Clouds Descend, 1955-1957, University of california Press, 2013, p. 126.
  7. Claude Arpi, Tibet, le pays sacrifié, 2000, Calmann-Lévy.
  8. Chögyam Trungpa RinpochĂ© NĂ© au Tibet, Éd. Buchet/Chastel 1968, Ed. Seuil 1991, cf PrĂ©face de Marco Pallis.
  9. Fabienne Jagou, « Vers une nouvelle dĂ©finition de la frontiĂšre sino-tibĂ©taine : la ConfĂ©rence de Simla (1913-1914) et le projet de crĂ©ation de la province chinoise du Xikang », ExtrĂȘme-Orient, ExtrĂȘme-Occident, no 28,‎ , p. 147-167 (DOI 10.3406/oroc.2006.1229, lire en ligne) « Au cours des diffĂ©rentes phases de nĂ©gociations engagĂ©es Ă  Simla, divers arguments furent avancĂ©s par les protagonistes pour parvenir Ă  un Ă©ventuel accord. Les TibĂ©tains souhaitaient recouvrer un Tibet composĂ© des trois provinces (Û-Tsang, Amdo et Kham) avec une frontiĂšre sino-tibĂ©taine allant de DartsĂ©do au Kham au nord du lac Kokonor en Amdo. Les Chinois revendiquĂšrent une frontiĂšre interne passant Ă  l'ouest de Gyamda, incluant de la sorte tout l'Amdo et la majeure partie du Kham au territoire chinois. Les Britanniques proposĂšrent alors de diviser le Tibet en un Tibet ExtĂ©rieur (Û-Tsang) autonome et un Tibet IntĂ©rieur (Amdo et Kham) sous suzerainetĂ© chinoise. Mais, les TibĂ©tains et les Chinois rejetĂšrent cette proposition. Face Ă  ce double refus, les Britanniques modifiĂšrent leur projet en avril 1914, ne parlant alors que d'une suzerainetĂ© chinoise dite «nominale» sur le Tibet extĂ©rieur et «effective» sur le Tibet intĂ©rieur. Cette version fut d'abord paraphĂ©e par les trois protagonistes, avant que le gouvernement chinois ne se rĂ©tracte. Finalement, seuls les Britanniques et les TibĂ©tains la signĂšrent le 3 juillet 1914. »
  10. (en) "Convention Between Great Britain, China, and Tibet, Simla (1914)"
  11. (en) Calvin, James Barnard, "The China-India Border War", Marine Corps Command and Staff College, April 1984
  12. (en) Goldstein, 1989, p. 75.
  13. Tsering Shakya, The Dragon in the Land of Snows : A History of Modern Tibet Since 1947, Londres, Pimlico, , 574 p. (ISBN 0-7126-6533-1 et 9780712665339)
  14. (en) Robert W. Ford.
  15. Le conflit sino-tibétain.
  16. Michael Buckley, Meltdown in Tibet, p. 5
  17. (en) Robert Ford, Captured in Tibet, Oxford University Press, 1990 (ISBN 019581570X), p. 7 : « Nearer Chamdo the hills were bare and eroded, and only a few clumps of firs had escaped deforestation ».
  18. Tibet, GEO, no 186, août 1994, p. 69.

Voir aussi

Bibliographie

Article connexe

Liens externes

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