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Guerre civile du Salvador

La guerre civile du Salvador est une guerre civile ayant eu lieu de 1979 à 1992 au Salvador entre le Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) et le gouvernement représenté par son armée.

La rĂ©bellion du FMLN Ă©tait soutenue par Cuba et le Nicaragua qui le fournissaient notamment en armes (AK-47, RPK et PKM). Elle se solde par la signature des accords de paix de Chapultepec mettant fin au conflit en 1992. Le gouvernement salvadorien Ă©tait soutenu en revanche par les États-Unis, inscrivant le conflit dans le contexte de la guerre froide.

Selon les rapports rendus par la commission de vérité de l'ONU, les escadrons de la mort pro-gouvernementaux et la police et l'armée salvadorienne seraient responsables de 85 % des actes de violences perpétrés durant la guerre civile et la guérilla du FMLN de 5 %[1] .

Historique du conflit

Entraßnement d'un soldat salvadorien par un sergent des Special Forces américaines durant la guerre civile. Son arme est un fusil d'assaut M16A1.
Camps de réfugiés au Honduras, 1987.

En 1972, l'Union nationale d'opposition (constituĂ©e par la DĂ©mocratie chrĂ©tienne, le Parti communiste et le Mouvement national rĂ©volutionnaire) remporte les Ă©lections mais l’armĂ©e opĂšre un coup d’État afin de l'Ă©vincer. S'ajoutant Ă  l'Orden (Organisation dĂ©mocratique nationaliste), crĂ©Ă©e en 1960 avec le soutien de administration Kennedy, des groupes paramilitaires se multiplient (la Main blanche, l'Union guerriĂšre blanche, la Phalange, l’ArmĂ©e secrĂšte anticommuniste) et se livrent Ă  une campagne d'assassinats politiques. Dans les annĂ©es 1970, les inĂ©galitĂ©s sociales (0,5 % des propriĂ©taires possĂšdent 40 % des terres et 60 % des paysans n'en possĂšdent aucune), la pauvretĂ© (45 % d’analphabĂ©tisme et la consommation de calories la plus faible de l’AmĂ©rique continentale selon les statistiques de l'ONU) et l’impossibilitĂ© d'un changement dĂ©mocratique en raison des ingĂ©rences de l’armĂ©e conduisent Ă  la formation de guĂ©rillas.

Une minoritĂ© dissidente du PC fonde les Forces populaires de libĂ©ration. ApparaĂźt ensuite l’ArmĂ©e rĂ©volutionnaire du peuple, d'orientation socialiste et chrĂ©tienne. Une scission de cette organisation entraĂźne la crĂ©ation des Forces armĂ©es de la rĂ©sistance nationale. En 1979, le Parti communiste, jusqu’alors opposĂ© Ă  la lutte armĂ©e, constitue les Forces armĂ©es de libĂ©ration nationale. Le 10 octobre 1980, avec l'apport du Parti rĂ©volutionnaire des travailleurs centramĂ©ricains (communiste et souhaitant l'unification de l’AmĂ©rique centrale) les groupes armĂ©s de gauche s'unissent sous le nom de Frente Farabundo MartĂ­ de LiberaciĂłn Nacional (FMLN) tout en conservant leur autonomie[2].

Junte et escadrons de la mort

Le , un groupe d'officiers militaires et de leaders civils Ă©vincĂšrent le gouvernement de droite du gĂ©nĂ©ral Carlos Humberto Romero (1977 – 1979) et formĂšrent une junte. En , huit ministres et onze secrĂ©taires d’État en dĂ©missionnent, expliquant que les commandants des Forces armĂ©es continuent d'exercer la rĂ©alitĂ© du pouvoir. À la suite de pressions des États-Unis, la DĂ©mocratie chrĂ©tienne est contrainte de s'associer Ă  une seconde junte et son leader JosĂ© NapoleĂłn Duarte prend la tĂȘte du rĂ©gime jusqu'aux Ă©lections de [2]. Dans le souci de donner une image plus modĂ©rĂ©e, la junte initia un programme de rĂ©forme du pays et nationalisa certaines banques et une partie du marchĂ© du cafĂ© et du sucre.

Cependant, au mĂȘme moment, la junte autorisa des membres des « escadrons de la mort », groupes paramilitaires possĂ©dant de forts liens avec l'armĂ©e, Ă  mener une campagne de terreur contre les dissidents politiques. Le journaliste salvadorien Oscar Martinez Penate explique que « chaque jour, au matin, sur les chemins, sur les dĂ©charges publiques, on trouve les corps aux yeux crevĂ©s, torturĂ©s, dĂ©coupĂ©s vivants, dĂ©capitĂ©s, soumis aux plus abominables tourments avant d’ĂȘtre achevĂ©s. Des instituteurs sont assassinĂ©s simplement parce qu'ils ont rejoint un syndicat. La barbarie est telle qu'un militant n'a plus peur de mourir mais vit dans la hantise d’ĂȘtre capturĂ© vivant[2]. »

Les escadrons de la mort exĂ©cutĂšrent Ă©galement plusieurs meurtres de hautes personnalitĂ©s. Ainsi l'archevĂȘque Óscar Romero, engagĂ© aux cĂŽtĂ©s des paysans dans la lutte politique, fut assassinĂ© par des membres des escadrons de la mort salvadoriens en 1980 dans la chapelle de l'hĂŽpital la providence de San Salvador aprĂšs avoir publiquement pressĂ© le gouvernement amĂ©ricain de ne pas fournir une aide militaire au gouvernement salvadorien. Quatre religieuses furent Ă©galement violĂ©es et tuĂ©es Ă  cette mĂȘme occasion. Le successeur d'Óscar Romero, Arturo Rivera y Damas, dĂ©clare alors: « Les pays Ă©trangers, dans leur dĂ©sir d'hĂ©gĂ©monie mondiale, fournissent les armes. Le peuple salvadorien fournit les morts[3] ». Ce sont plusieurs dizaines de milliers de salvadoriens qui furent assassinĂ©s par les escadrons de la mort.

RĂ©formes politiques

Pendant cette pĂ©riode, les partis politiques furent de nouveau autorisĂ©s Ă  fonctionner. Pourtant, le , six membres de la direction du FDR, parti de gauche socialiste, sont arrĂȘtĂ©s et torturĂ©s Ă  mort[2]. Le , les salvadoriens dĂ©signĂšrent une nouvelle assemblĂ©e constituante. AprĂšs les Ă©lections, auxquelles seuls les partis de droite furent autorisĂ©s Ă  figurer, l'autoritĂ© fut transfĂ©rĂ©e Ă  Álvaro Magaña Borja, prĂ©sident provisoire choisi par l'assemblĂ©e. La constitution de 1983, rĂ©digĂ©e par l'assemblĂ©e, renforça nettement les droits individuels, Ă©tablit un garde-fou contre les dĂ©tentions provisoires et les perquisitions excessives, Ă©tablit Ă©galement une forme rĂ©publicaine et pluraliste de gouvernement. Elle renforça, aussi, la branche lĂ©gislative et l'indĂ©pendance judiciaire. Elle codifia le code du travail, particuliĂšrement pour les ouvriers agricoles. Cependant, en dĂ©pit de ces rĂ©formes symboliques, dans la pratique les Droits de l'homme continuĂšrent d'ĂȘtre bafouĂ©s par la campagne de terreur instituĂ©e par les brigades de la mort. De cette maniĂšre, les changements n'ont pas satisfait les mouvements de guĂ©rilla. Duarte gagna les Ă©lections en face du candidat de la droite Roberto D'Aubuisson de l'Alliance RĂ©publicaine Nationaliste (ARENA) avec 54 % des voix et devint ainsi le premier prĂ©sident du Salvador librement Ă©lu en plus de 50 ans. Craignant une victoire de d'Aubuisson, la CIA utilisa environ 2 millions de dollars pour soutenir la candidature de Duarte. D'Aubuisson avec son parti ARENA entretenait d'Ă©troits liens avec les brigades de la mort, et fut dĂ©crit comme un « tueur pathologique » par l'ancien ambassadeur amĂ©ricain Robert White. En 1989, Alfredo Cristiani appartenant Ă  l'ARENA remporta l’élection prĂ©sidentielle avec 54 % des voix. Son investiture le reprĂ©sente la premiĂšre passation pacifique du pouvoir d'un leader civil librement Ă©lu Ă  un autre.

En 1986, la Commission Salvadorienne des Droits de l'Homme publia un rapport de 165 pages sur la prison de Mariona. Le rapport révéla l'usage courant d'au moins 40 pratiques de torture sur les prisonniers politiques. Des militaires américains auraient supervisé ces actes. Le , Herbert Ernesto Anaya (en), chef de la Commission Salvadorienne des Droits de l'Homme, fut assassiné.

En dĂ©pit des controverses concernant la rĂ©pression et la brutalitĂ© des Forces ArmĂ©es Salvadoriennes les États-Unis continuĂšrent d'apporter de l'aide au Salvador, ce qui vaut Ă  Reagan les critiques de Brzezinski, pourtant guĂšre conciliant avec le FMLN[3] - [4]. L’ambassadrice amĂ©ricaine Ă  l'ONU, Jeane Kirkpatrick, y explique que « Les intĂ©rĂȘts stratĂ©gique des États-Unis au Salvador ont plus d’importance que la violation des droits de l'homme dans ce pays centramĂ©ricain. » Pour Alexander Haig, secrĂ©taire d’État sous l’administration Reagan, « Le Salvador n'est pas simplement un problĂšme local, c'est Ă©galement un problĂšme rĂ©gional qui menace la stabilitĂ© de toute l’AmĂ©rique centrale, y compris le canal de Panama, le Mexique et le Guatemala, avec leurs immenses rĂ©serves pĂ©troliĂšres[2]. »

Les accords de paix

Monument de la mémoire et de la vérité, dénonçant les violations des droits de l'homme durant le conflit.

Les États-Unis rĂ©duisent de moitiĂ© l’aide militaire fournie au Salvador, Ă  la suite de la multiplication des pressions internes s’opposant Ă  la poursuite de cette aide par le gouvernement de George H. W. Bush. ConsĂ©cutivement le gouvernement salvadorien fut forcĂ© d’adopter une approche diffĂ©rente face Ă  l’insurrection. Lors de son investiture en , le prĂ©sident Cristiani appela Ă  un dialogue direct dans le but de mettre fin Ă  la dĂ©cennie de conflits entre le gouvernement et les guĂ©rilleros. Un processus de dialogue mettant en place des rĂ©unions mensuelles entre les deux camps fut lancĂ© en septembre 1989 mais avec peu de rĂ©sultats, le gouvernement exigeant un cessez-le-feu unilatĂ©ral du FMLN comme prĂ©alable Ă  toute rĂ©forme, et les guĂ©rillas Ă©tant en dĂ©saccord sur l'attitude Ă  adopter.

En novembre de la mĂȘme annĂ©e, le FMLN conduit une offensive sur la capitale. Une vingtaine de positions militaires sont assailles simultanĂ©ment et les quartiers populaires qui entourent la capitale sont pris par les rebelles. Le , six jĂ©suites impliquĂ©s dans le processus de dialogue sont exĂ©cutĂ©s par des paramilitaires gouvernementaux. Les combats se poursuivent une dizaine de jours, marquĂ©s, entre autres faits, par la capture de l'hĂŽtel Sheraton oĂč les guĂ©rilleros retiennent dix-huit bĂ©rets verts des Forces spĂ©ciales US (retranchĂ©s dans l'hĂŽtel, ils Ă©vacuent le 22[5]), ce que le dĂ©partement d’État qualifie d’« abominable acte de terrorisme »[2].

DĂ©but 1990, suivant une demande des prĂ©sidents d’AmĂ©rique centrale, les Nations unies firent l’effort d’engager des mĂ©diations directes entre les deux camps. AprĂšs une annĂ©e de peu de progrĂšs, le gouvernement et le FMLN acceptĂšrent une invitation du SecrĂ©tariat GĂ©nĂ©ral de l’ONU pour une rencontre Ă  New York. Le , les deux camps signĂšrent l’Acte de New York. Qui lança un processus de nĂ©gociation en crĂ©ant le ComitĂ© pour la Consolidation de la Paix (COPAZ), constituĂ© de reprĂ©sentants du gouvernement, du FMLN, et de partis politiques, avec des observateurs de l’ONU et de l’Église catholique. Le , le gouvernement et le FMLN Ă©bauchĂšrent un accord de paix sous les auspices du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’ONU Javier PĂ©rez de CuĂ©llar. Les accords finaux, appelĂ©s les Accords de Paix de Chapultepec, furent signĂ©s Ă  Mexico le . Un cessez-le-feu de 9 mois prit effet le et ne fut jamais rompu. Une cĂ©rĂ©monie, le , marqua la fin officielle des conflits, concordant avec la dĂ©mobilisation des derniĂšres structures militaires du FMLN et la reconnaissance du statut de parti politique au FMLN. De leur cĂŽtĂ©, les commandants des Forces armĂ©es se rallient aux accords de paix ; grĂące au dĂ©tournement d'une partie de l'aide amĂ©ricaine, beaucoup sont devenus propriĂ©taires ou actionnaires de grandes entreprises. La guĂ©rilla recevait de l'aide soviĂ©tique selon les États-Unis et le gouvernement salvadorien, ce qui est cependant contestĂ© par Oscar Martinez Penate[2].

En juillet 2002, un jury dĂ©termina que les deux anciens ministres salvadoriens de la dĂ©fense, JosĂ© Guillermo GarcĂ­a et Carlos Eugenio Vides Casanova (en) Ă©taient responsables des tortures pratiquĂ©es sur trois hommes par les escouades de la mort dans les annĂ©es 1980. Les victimes poursuivirent les anciens commandants grĂące Ă  une loi amĂ©ricaine permettant de telles poursuites. Ces commandants furent condamnĂ©s Ă  payer 54,6 millions de dollars aux victimes. En la justice salvadorienne rouvre une enquĂȘte sur le massacre d'El Mozote, considĂ©rĂ© comme le crime le plus sanglant de la guerre, au cours duquel au moins 988 personnes dont 558 enfants avaient Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©es par une unitĂ© de contre-insurrection de l’armĂ©e[6] - [7].

Notes et références

  1. (en) « Truth Commission: El Salvador », UN Security Council. Report of the UN Truth Commission on El Salvador,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  2. Oscar Martinez Penate, Le soldat et la guérillera. Une histoire orale de la guerre civile au Salvador, Sylepse, , p. 14-26
  3. Pierre Blanchet, « Le cauchemar des dominos », Le Nouvel Observateur, 20 février 1982
  4. Voir aussi position de Brzezinski en 1979, telle que prĂ©sentĂ©e par Robert Kagan in A twilight struggle: American power and Nicaragua, 1977-1990, Ă©d. Verlag fĂŒr die Deutsche Wirtschaft AG, 1996, p. 108-109 [lire en ligne]
  5. « SALVADOR : aprĂšs le baroud d'honneur de l'hĂŽtel Sheraton Les rebelles proposent un cessez-le-feu », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  6. « EnquĂȘte rouverte sur un massacre de la guerre civile au Salvador »
  7. « Au Salvador, les fantĂŽmes du massacre impuni d’El Mozote », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )

Bibliographie

  • Francisco Metzi, Par les chemins du Chalatenango, EDES, 1990
  • Oscar Martinez Penate, Le soldat et la guerillera. Une histoire orale de la guerre civile au Salvador, Syllepse, 2018

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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