Grotte de la Roche au Loup (Merry-sur-Yonne)
La grotte de la Roche-au-Loup est un site préhistorique situé à Merry-sur-Yonne, dans l'Yonne, en Bourgogne, France.
Coordonnées |
47° 34′ 32″ N, 3° 39′ 09″ E |
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Pays | |
RĂ©gion | |
DĂ©partement | |
commune | |
Massif | |
Vallée | |
Voie d'accès |
D100, puis route de la ferme de Ravereau |
Altitude de l'entrée |
167 m |
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Longueur connue |
50 m |
Dénivelé |
6 m |
Occupation humaine |
Ses dépôts du Paléolithique moyen et supérieur, sa richesse en faune et sa position à la jonction entre la zone alpine et la plaine nord-européenne en font un site notable[1]. Elle a été occupée au Châtelperronien, un fait rare au nord de la Loire, et au bronze final. Elle est également remarquable pour certains de ses objets du Châtelperronien qui démontrent un choix de nature tant psychologique que fonctionnelle.
Situation
La grotte se trouve sur la commune de Merry-sur-Yonne, entre Auxerre (33 km au nord) et Vézelay (20 km au sud)[2]. Elle est à 300 m de l'Yonne[3], sur la petite route de la ferme de Ravereau, au nord-est de Merry, dans les falaises qui dominent le côté nord de cette route, à 167 m d'altitude[4] - [5].
Description
Son porche de 3 m de largeur[4] pour 6 m de longueur[3] s'élève à 5 m de hauteur[4]. Il s'ouvre sur une grande salle de 14 × 7 m de longueur et largeur[3], elle-même prolongée par deux galeries[4].
Dans les années 1980, les fouilles archéologiques ont révélé l'existence d'une seconde entrée : une sorte de puits profond de 5 m débouche dans la première salle à 10 m de son entrée principale, du côté de la paroi Est. Cette entrée a été rebouchée pour préserver le microclimat de la grotte, de même que le puits permettant d'atteindre la partie basse de la grotte[4].
Son développement[n 1] est de 50 m[4], avec une dénivellation de -6 m[6].
Historique
La grotte est découverte par l'abbé Alexandre Parat, qui la fouille en 1897 et 1898[7]. Il n'identifie que deux niveaux d'occupation : Moustérien et Magdalénien. Il ne mentionne le Châtelperronien que pour en signaler l'absence, lorsqu'il dit ne pas avoir observé « comme à la grotte de l'Ours, à Arcy-sur-Cure, le passage d'une industrie à l'autre »[8].
Poplin mentionne l'existence de quelques fouilles ultérieures qui n'ont laissé que très peu de traces écrites[1]. Puis François Poplin y consacre sept campagnes de fouilles entre 1981 et 1987[9].
Occupation humaine
La grotte a été occupée au Paléolithique moyen, au Châtelperronien, au Gravettien, au Badegoulien et au Magdalénien[10]. Noter que les sites châtelperroniens sont rares au nord de la Loire[8].
Fig. 11, grattoirs (1 à 6) et lames (7 à 9) Fig. 12, Pointes « de type châtelperronien » Fig. 13, burins Fig. 14, Os travaillés : no 1 - poinçon ; no 2 : baguette en bois de renne ; no 3 - dent de bison percée
- Figure 11, grattoirs et lames : les nos 1, 2 et 3 sont façonnés à l'extrémité de larges éclats[11] à tendance lamellaire et conservent une tendance moustérienne. Les nos 4, 5 et 6 sont des lames massives qui se terminent par des retouches terminales plus ou moins carrées. Les lames sont souvent irrégulières, tendent à être contrefaites et sont rarement l'objet de retouches véritables[12]. Leurs bords montrent souvent de nombreuses ébréchures distribuées irrégulièrement sur tout le pourtour. Le tranchant droit de la no 8 est cependant assez bien retouché, de même qu'une des arêtes de la no 9 - une lame aussi large que haute[13].
- Figure 12, pointes à retouches unilatérales de type châtelperronien : la retouche est plus souvent sur le côté droit que sur le gauche[13].
Le no 20 est le seul perçoir bien défini trouvé par Breuil. Il ressemble à une pointe de Châtelperron modifiée en perçoir incurvé par une profonde retouche concave du côté de la pointe. Un petit burin concave est pratiqué à la base et à gauche. Selon Breuil, ce type d'outil se trouve principalement dans l'Aurignacien supérieur[14]. - Figure 13, burins : sur le no 19 la retouche du bord droit tend à devenir transversale vers la pointe et le méplat caractéristique le long de l'autre bord est mieux défini et plus accentué[13]. Les nos 21 et 22, très épais, ont un côté retouché très obliquement, et les enlèvements sont pratiqués sur l'autre bord ; le no 22 a de plus un grattoir grossier à l'extrémité opposée[14]. Les nos 23 et 24 sont des burins ordinaires, avec plusieurs enlèvements bilatéraux[13]. Le no 25 est un burin double avec de multiples ablations d'éclats sur les côtés à partir de chaque extrémité et une encoche sur le bord gauche[14].
- Figure 14, os travaillés : le poinçon en no 1 est le seul (des fouilles Breuil) ayant conservé sa pointe. La baguette en bois de renne (no 2) est pointue à un bout et biseautée à l'autre bout : contrairement à la règle, le biseau est du côté cortical et non du côté spongieux[14].
Vestiges humains
Des restes humains fragmentaires sont découverts, mais le contexte de la découverte est incertain même si l'un d'entre eux (une dent) semble provenir de la brèche attribuée, pour partie, au Châtelperronien[15].
Archéologie
Châtelperronien
En 1983, Poplin et son équipe y trouvent une série d'objets datant du Châtelperronien (environ 45 000 à 40 000 ans avant le présent). Les plus remarquables sont un petit bloc de galène, un morceau de grès en forme de crache de cerf[n 2], et un oursin fossile, le tout entourés d'outils[n 3], de quelques charbons et de morceaux d'ocre[16].
Le fossile d'oursin du genre (disparu) des Micraster, datant du Crétacé[17], a été taillé pour servir de racloir ou de tranchoir[18]. Poplin précise qu'il a été rapporté sur une grande distance, que ce fossile « ne faisait qu'un médiocre galet de matière première », et que son choix procède plus vraisemblablement d'une sensibilité psychologique « aux formes, à la matière, aux couleurs, sens de la découverte, de l'appropriation[19]... ».
Le niveau châtelperronien est marqué par une association lithique faite de formes moustériennes, de pointes du type de Châtelperron, de « lames à gorges » et de grattoirs du « type de Tarté ». Cette association a également été rencontrée à Châtelperron, Germolles, la Ferrassie, Haurets (Ladaux) et Gargas[20] - [21].
Vestiges de paléofaune
Les vestiges de paléofaune de la grotte comprennent : Canis lupus Linnaeus, 1758 (loup gris) ; Cervus elaphus Linnaeus, 1758 (cerf élaphe) ; Crocuta crocuta (Erxleben, 1777) (hyène) ; Equus caballus Linnaeus, 1758 (Cheval domestique) ; Gulo gulo (Linnaeus, 1758) (glouton) ; Lepus europaeus Pallas, 1778 (lièvre d'Europe) ; Lynx lynx (Linnaeus, 1758) (lynx boréal) ; Mammuthus primigenius (Blumenbach, 1803) (mammouth) ; Marmota marmota (Linnaeus, 1758) (marmotte des Alpes) ; Martes martes (Linnaeus, 1758) (martre des pins) ; Megaloceros giganteus (Blumenbach, 1799) (cerf géant) ; Meles meles (Linnaeus, 1758) (blaireau européen) ; Mustela erminea Linnaeus, 1758 (hermine) ; Mustela lutreola (Linnaeus, 1760) (vison d'Europe) ; Mustela nivalis Linnaeus, 1766 (belette d'Europe) ; Rangifer tarandus (Linnaeus, 1758) (renne) ; Sus scrofa Linnaeus, 1758 (sanglier) ; Ursus arctos Linnaeus, 1758 (ours brun)[22].
La légende de l'hippopotame
L'abbé Alexandre Parat avait noté la présence d'hippopotame, sur la base d'un fragment d'incisive de 6 cm de long trouvé dans les couches les plus anciennes et que Gaudry[1], sollicité par Péron[23], identifie comme celle de ce pachyderme antique. Poplin réanalyse ce fragment en 1986 et diagnostique un germe de défense de mammouth, mettant ainsi fin à une longue diatribe. L'erreur initiale venait de ce que cette pièce était encore recouverte de sa coiffe d'émail, que l'usure fait disparaître assez rapidement lorsque l'animal et sa défense grandissent[1].
Bronze final
La grotte est aussi un site du bronze final III[24] - [n 4].
La couche 2 a livré une bonne représentation de poterie noire ou brune foncé, lustrée, avec ou sans décor. Ce type de poterie se retrouve dans les autres grottes de la vallée de la Cure et dans certaines grottes de la vallée de l'Yonne (grotte du Cachot, couche 2 de la grotte de Nermont à Saint-Moré)[25].
Conservation
La plupart des objets collectés par Poplin et son équipe sont stockés au Muséum national d'histoire naturelle, à Paris[9].
La collection Parat pour cette grotte a été déposée au musée de l'Avallonnais[26].
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- [Breuil 1911] Henri Breuil, « Étude de morphologie paléolithique. II : L'industrie de la grotte de Châtelperron (Allier) et d'autres gisements similaires, III : la Roche au Loup (Yonne) », Revue anthropologique,‎ , p. 66-76 (présentation en ligne, lire en ligne [PDF] sur documents.univ-toulouse.fr, consulté en ).
- [Horard-Herbin 1990] Marie-Pierre Horard-Herbin (François Poplin dir.), La grotte de La Roche-au-Loup (Pléistocène : Yonne) : gisement naturel ou site anthropique : analyse de la faune du diverticule (mémoire de DEA), Université Panthéon-Sorbonne (Paris), , 65 p..
- [Parat 1904] Abbé Alexandre Parat, « Les Grottes de la Vallée de l'Yonne. La grotte de la Roche-au-Loup et les grottes de Merry-sur-Yonne, Brosses, Chatel-Censoir, Crain, Festingy, Druyes », Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l'Yonne,‎ .
- [Poplin 1981] François Poplin, « Rapport sur la campagne de fouilles préhistoriques de 1981 à la Roche-au-Loup, Commune de Merry-sur-Yonne (Yonne) ; Le sondage du Mahaleb », service régional de l'Archéologie de Bourgogne,‎ , 49 p.
- [Poplin 1982] François Poplin, « Rapport sur la campagne de fouilles préhistoriques de 1982 à la Roche-au-Loup, Commune de Merry-sur-Yonne (Yonne) ; Le sauvetage de l'entrée, le sondage du cachot », service régional de l'Archéologie de Bourgogne,‎ , 42 p.
- [Poplin 1983] François Poplin, « Rapport sur la campagne de fouilles préhistoriques de 1983 à La Roche au Loup (Merry-S/Yonne) : le sauvetage de l'entrée : le sondage du fond », service régional de l'Archéologie de Bourgogne,‎ , 55 p.
- [Poplin 1983] François Poplin, « Nouvelles fouilles préhistoriques à la Roche-au-Loup (Merry-sur-Yonne) », Bulletin de la Société des Sciences de l'Yonne, no 114,‎ , p. 23-45.
- [Poplin 1984] François Poplin, « Rapport sur la campagne de fouilles préhistoriques de 1984 à la Roche au Loup (Merry-sur-Yonne) ; La coupe du cône de déblais, la brèche du couloir d'entrée, le diverticule à droite au fond de la grande salle, la fouille du fond », service régional de l'Archéologie de Bourgogne,‎ , 20 p.
- [Poplin 1985] François Poplin, « Les fouilles préhistoriques de Merry-sur-Yonne, rapport 1985 », service régional de l'Archéologie de Bourgogne,‎ , 107 p.
- [Poplin 1986(a)] François Poplin, « Les fouilles préhistoriques de Merry-sur-Yonne, grotte de la Roche-au-Loup, campagne 1986 », service régional de l'Archéologie de Bourgogne,‎ , 111 p.
- [Poplin 1986(b)] François Poplin, « La légende de l'hippopotame de la Roche-au-Loup », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 82, no 8,‎ , p. 232-235 (lire en ligne [sur persee], consulté le ).
- [Poplin 1986(c)] François Poplin, « Découverte et utilisation probable de galène dans le Châtelperronien de Merry-sur-Yonne (Yonne) », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 83,‎ , p. 132.
- [Poplin 1987] François Poplin, « Les fouilles préhistoriques de Merry-sur-Yonne, grotte de la Roche-au-Loup, campagne 1987 », service régional de l'Archéologie de Bourgogne,‎ , 61 p.
Notes et références
Notes
- En spéléologie, le développement correspond à la longueur cumulée des galeries interconnectées qui composent un réseau souterrain.
- Une crache de cerf (parfois aussi appelée « croche » de cerf ou « crochet » de cerf), est la canine supérieure surnuméraire atrophiée de ce cervidé. Voir « Préhistoire en Lorraine », sur prehistoire-en-lorraine.over-blog.com (consulté le ).
- Pour les outils, voir notamment les dessins de couteaux à dos châtelperroniens trouvés sur le site de la Roche-au-Loup lors des fouilles Poplin, dans Bodu et al. 2017, paragr. 41 : fig. 41, fig. 42, fig. 43 et fig. 44..
- Les sites du bronze final III ne sont pas très nombreux dans le sud-est de l'Yonne. Ce sont : les Milosiottes à Noyers ; le Gros Chêne à Cry ; le Coin à Argentenay ; le Petit Béru à Tonnerre ; les Roches à La Chapelle-Vaupelteigne ; grottes de Villiers-Tournois à Massangis ; Fontaine Sainte-Marguerite à Guillon ; Cisery ; les Fontaines Salées à Saint-Père-sous-Vézelay ; grotte au Larron à Voutenay-sur-Cure ; grotte de Nermont à Saint-Moré ; grottes et dépôt de fondeur (de métal) à Arcy ; et grotte de la Roche au Loup à Merry-sur-Yonne. Voir Poitout & Mordant 1979, p. 56.
Références
- Poplin 1986(b), « Légende de l'hippopotame », p. 233.
- « Merry-sur-Yonne », sur google.fr/maps. Les distances par route entre deux points donnés sont calculées dans le panneau latéral (voir l'onglet en haut à gauche de l'écran) - cliquer sur "itinéraires".
- [Beaune 1987] Sophie Archambault de Beaune, « Lampes et godets au Paléolithique », Gallia préhistoire, no 23 « suppl. »,‎ , p. 236 (lire en ligne [sur persee]).
- Spéléo Club de Chablis, Crots de l'Yonne, Spéléo-club de Chablis, , 105 p., sur scchablis.com (lire en ligne), p. 51.
- « Route de la ferme de Ravereau, carte interactive » sur Géoportail.
- Spéléométrie Icaunaise, « Liste de grottes explorées, développements et dénivellations », sur scchablis.com (consulté le ).
- Poplin 1986(b), « Légende de l'hippopotame », p. 232.
- [Bodu et al. 2017] Pierre Bodu, Hélène Salomon, Jessica Lacarrière, Michael Baillet, Michèle Ballinger, Henri-Georges Naton et Isabelle Théry-Parisot, « Un gisement châtelperronien de plein air dans le Bassin parisien : les Bossats à Ormesson (Seine-et-Marne) », Gallia Préhistoire, no 57,‎ , p. 3-64 (lire en ligne [sur journals.openedition.org]), p. 41.
- Bodu et al. 2017, note n° 23.
- Bodu et al. 2017, paragr. 49, note 25.
- Breuil 1911, p. 67.
- Breuil 1911, p. 68.
- Breuil 1911, p. 69.
- Breuil 1911, p. 70.
- Poplin 1986(a), p. 38 et 106. Cité dans Bodu et al. 2017, note 24.
- [Joulian 2012] Frédéric Joulian, « Le mollusque, la coquille, le fossile », Techniques & Culture, no 59 « Itinéraires de coquillages »,‎ , p. 6-11 (lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté le ), paragr. 3.
- [Demnard & Neraudeau 2001] François Demnard et Didier Neraudeau, « L'utilisation des oursins fossiles de la Préhistoire à l'époque gallo-romaine », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 98, no 4,‎ , p. 693-715 (lire en ligne [sur persee]), p. 703, 709, 713.
- Joulian 2012, p. 5.
- [Poplin 1988] François Poplin, « Aux origines néandertaliennes de l'art. Matière, forme, symétries. Contribution d'une galène et d'un oursin fossile taillé de Merry-sur-Yonne », L'Homme de Néandertal, vol. 5 « La Pensée »,‎ , p. 109-116. Cité dans Demnard et Neraudeau 2001, p. 709.
- [Peyrony 1922] Denis Peyrony, « Nouvelles observations sur le Moustérien final et l'Aurignacien inférieur », Compte-rendu de l'Association Française pour l'Avancement des Sciences,‎ . Cité dans Pesesse 2018, paragr. 15.
- [Pesesse 2018] Damien Pesesse, « Le Périgordien, quelle erreur ! », Paléo, no 29,‎ , p. 179-199 (lire en ligne [sur journals.openedition.org], consulté en ), paragr. 15.
- Horard-Herbin 1990. Cité dans la fiche Inpn, « Roche au Loup », onglet « Espèces », sur inpn.mnhn.fr (consulté le ).
- Poplin 1986(b), « Légende de l'hippopotame », p. 234.
- [Poitout & Mordant 1979] Bernard Poitout et Claude Mordant, « Les incinérations du Bronze final des Milosiottes à Noyers (Yonne) », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 76, no 2,‎ , p. 55-62 (lire en ligne, consulté le ).
- [Hure 1933] Augusta Hure, « Une nouvelle figurine d'argile », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 30, no 4,‎ , p. 261-264 (lire en ligne [sur persee]), p. 264, note 4.
- Bodu et al. 2017, p. 41 et note 22.