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Fort de Moulainville

Le fort de Moulainville, appelé brièvement fort Feuquières, est un ouvrage fortifié se situant à la limite entre les communes d'Eix et de Moulainville, dans le département de la Meuse. Construit à la fin du XIXe siècle et modernisé au tout début du XXe siècle, il fut abondamment pilonné par l'artillerie allemande pendant la bataille de Verdun.

Fort de Moulainville
L'entrée du fort de Moulainville.
L'entrée du fort de Moulainville.
Description
Type d'ouvrage fort Ă  massif central
Dates de construction de 1885 Ă  1886
Ceinture fortifiée place forte de Verdun
Utilisation fort de ceinture
Utilisation actuelle Terrain militaire en convention pour gîte à chauves-souris
Propriété actuelle État
Garnison 250 hommes
Armement de rempart 12 canons et un mortier
Armement de flanquement 10 pièces
Organe cuirassé néant
Modernisation béton spécial 1889-1891
Programme 1900
Dates de restructuration 1905-1909
Tourelles néant
Casemate de Bourges une tirant vers le sud
Observatoire 2 guérites blindées
Garnison 309 hommes en 1914
Programme complĂ©mentaire 1908 1 tourelle de 155 mm R,
1 tourelle de 75 mm,
2 tourelle de mitrail.
et 4 obs. cuirassés
CoordonnĂ©es 49° 10′ 04″ nord, 5° 29′ 04″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Meuse
(Voir situation sur carte : Meuse)
Fort de Moulainville
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Fort de Moulainville

Création

Le fort est construit de 1885 à 1886, en même temps que le fort de Douaumont, pour renforcer la seconde ceinture de forts détachés sur la rive droite de la Meuse.

Par le décret du , le ministre de la Guerre Georges Boulanger renomme tous les forts, batteries et casernes avec les noms d'anciens chefs militaires[1]. Pour le fort de Moulainville, son « nom Boulanger » est en référence au lieutenant-général Antoine de Pas de Feuquières, ancien gouverneur de Verdun : le nouveau nom devait être gravé au fronton de l'entrée. Dès le , le successeur de Boulanger au ministère, Théophile Ferron, abroge le décret[2]. Le fort reprend officiellement son nom précédent.

Description

Le fort est bâti sur le rebord oriental des cĂ´tes de Meuse, sur une croupe boisĂ©e entre le vallon de Moulainville et celui du ruisseau d'Eix, Ă  362 mètres d'altitude, dominant ainsi la WoĂ«vre d'un peu plus d'une centaine de mètres. Ă€ l'extrĂ©mitĂ© orientale du camp retranchĂ© de Verdun, entre les forts de Vaux et du Rozelier, il contrĂ´lait la route d'Étain (l'actuelle D603) et la voie ferrĂ©e venant d'Hagondange[3]. Les fossĂ©s, dĂ©fendus par quatre caponnières (deux doubles et deux simples), dĂ©limitent une surface de 2,8 hectares en forme d'hexagone irrĂ©gulier aux flancs Ă©troits. La caserne, construite en maçonnerie, est collĂ©e au fossĂ© de gorge, tandis que l'artillerie est placĂ©e sur des plates-formes bordĂ©es de cinq traverses-abris.

Ă€ la suite de la crise de l'obus-torpille dans les annĂ©es 1880, le fort est modernisĂ©. Le milieu du casernement est recouvert en 1889-1891 par une carapace de 2,50 m de bĂ©ton ; de 1905 Ă  1909, l'armement Ă  l'air libre est remplacĂ© par des pièces sous tourelles (une tourelle pour un 155 mm, une tourelle pour deux 75 mm et deux tourelles de mitrailleuses) et casemates (deux canons de 75 mm dans une casemate de Bourges tirant en flanquement vers le fort du Rozelier) ; trois caponnières sont remplacĂ©es par des coffres de contrescarpe[4].

Première Guerre mondiale

Lors de la mobilisation française de 1914, la garnison du fort est composĂ©e de la moitiĂ© d'une compagnie du 166e rĂ©giment d'infanterie (125 fantassins), d'une batterie du 5e rĂ©giment d'artillerie Ă  pied (165 artilleurs), d'un dĂ©tachement du gĂ©nie (19 sapeurs) et de deux infirmiers. Le , la tourelle de 155 mm envoie treize obus Ă  shrapnel sur la lisière sud du bois de Moranville, oĂą Ă©tait visible un groupe d'Allemands. Le , deux obus explosifs de 155 mm sont tirĂ©s vers Fromezey, mais le front s'Ă©loigne ensuite, le fort ne servant plus que d'observatoire. En octobre 1914, la moitiĂ© des munitions des tourelles d'artillerie furent retirĂ©es ; fin 1915, la casemate de Bourges est dĂ©sarmĂ©e, ses canons et munitions envoyĂ©s sur le front[4].

La garnison d'infanterie est retirĂ©e dès septembre 1914 ; au tout dĂ©but de 1916, il ne reste dans le fort qu'un dĂ©tachement de 80 artilleurs (pour armer les tourelles et les coffres).

Bataille de Verdun

Le , au 4e jour de la bataille de Verdun, les troupes françaises Ă©vacuent la WoĂ«vre pour se retrancher sur les cĂ´tes de Meuse. Le matin du 25, la tourelle de 155 mm ouvre le feu sur les colonnes allemandes qui dĂ©bouchent sur la route d'Étain, Ă  3,5 km du fort, puis le lendemain c'est la tourelle de 75 mm qui fait un premier tir de barrage sur le chemin d'Abaucourt Ă  Moranville. Ă€ partir de la soirĂ©e du , l'artillerie allemande vise particulièrement le fort, d'autant que le front s'est fixĂ© Ă  environ 1 000 mètres[5].

Face au risque de la prise du fort par les troupes allemandes, quatorze fourneaux de mine amĂ©nagĂ©s dans les murs du fossĂ© de gorge furent chargĂ©s chacun avec 250 kg de poudre noire[4] ; le , le pilonnage fit exploser cinq fourneaux dans une grande explosion : le pilonnage s'arrĂŞte, les observateurs allemands pensant que le fort avait sautĂ©. L'infanterie allemande se prĂ©pare Ă  l'assaut. Dans le fort, le commandant fait tirer la tourelle de 75 mm, armer les coffres et la caponnière de gorge et rĂ©unit la garnison face Ă  l'entrĂ©e (le pont-levis est bloquĂ©) pour repousser les assaillants. Mais, constatant l'activitĂ© du fort, l'assaut est annulĂ© et le bombardement d'artillerie reprend Ă  partir de 16 h[6].

Plan du fort de Moulainville en noir, avec en rouge les impacts des principaux obus allemands numérotés par ordre chronologique.

La garnison est renforcĂ©e en mars, avec une pleine compagnie d'infanterie (la 24e du 234e rĂ©giment d'infanterie), renforcĂ©e de sections de mitrailleuses ; la casemate de Bourges est rĂ©armĂ©e en avril avec deux canons de 75 mm sur affĂ»t de casemate[7]. Le , un obus de 420 mm perfore la dalle (1,5 m de bĂ©ton armĂ©) du coffre de contrescarpe nord (impact no 16) ; un autre (no 19) explosa dans un abri près de la tourelle de 75 mm, tuant six artilleurs, puis l'asphyxie et les dĂ©combres font six autres morts parmi les sauveteurs. Un troisième obus (no 20) explosa dans la galerie de communication sud, son souffle tuant cinq autres hommes[8]. Ce jour-lĂ , le mĂ©decin du fort et quelques hommes devinrent fous Ă  cause des vibrations et des gaz toxiques, Ă  tel point qu'ils furent enfermĂ©s quelques heures[7]. Le , le gĂ©nĂ©ral Prax (chef de la 68e division, responsable du fort) ordonna de dĂ©sormais Ă©vacuer l'essentiel de la garnison lors des bombardements lourds. Le , le gĂ©nie propose de creuser des galeries supplĂ©mentaires cinq mètres en dessous des locaux du fort, soit quinze mètres sous la surface : le percement commence dĂ©but mai.

Plan du fort, avec en rouge le tracé des galeries souterraines creusées en 1916-1917.

Au total, le fort de Moulainville a reçu du au environ 330 obus de 420 mm (dès le 27), 770 de 305 mm, 280 mm ou 210 mm allongĂ©s, 4 700 obus de 210 mm courts, 150 mm ou 130 mm, 2 600 obus de 105 mm et 1 100 obus de 77 mm[9], soit un obus par trois m²[10], ce qui a totalement bouleversĂ© les dessus et les fossĂ©s du fort. Des galeries se sont plusieurs fois effondrĂ©es, le bĂ©ton armĂ© a Ă©tĂ© profondĂ©ment fouillĂ©, mais les tourelles ont poursuivi leurs tirs malgrĂ© tout : la tourelle de 155 mm a tirĂ© 5 833 obus de fĂ©vrier Ă  septembre, tandis que celle de 75 mm en a envoyĂ© 11 800 obus sur la mĂŞme pĂ©riode[9].

Après-guerre

De 1930 à 1933, le réseau de galeries souterraines creusé en 1916-1917 (appelé « réseau de 17 ») est bétonné pour éviter les effondrements : les bois d'étayage étaient pourris par le manque de ventilation. Les collerettes en béton armé des tourelles, qui avaient été fissurées en profondeur, brisées voire pulvérisées en surface par les bombardements, sont remises en état.

Le fort de Moulainville sert en 1936 de site-test pour une casemate Ă©quipĂ©e d'un mortier de 50 mm, dans le coffre de contrescarpe sud.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, des éléments métalliques légers (grilles, portes, etc...) seront récupérés par l'occupant, mais les gros éléments (tourelles, observatoires, etc... )sont laissées en place.

A la Libération, le fort aurait été utilisé comme dépôt de munitions (source?).

Toujours intégré au domaine militaire, il est devenu par Convention avec le conservatoire lorrain, un gîte d'hibernation pour les chauves-souris (notamment une centaine de Grands rhinolophes et un peu moins de Vespertilions à oreilles échancrées), d'où la pose de grilles pour fermer aux humains les accès aux galeries et l'intégration du site au réseau Natura 2000 (au sein du « corridor de la Meuse »)[11].

Références

  1. Note no 5285 le du ministre de la Guerre Boulanger aux généraux commandant les régions militaires ; décret présidentiel du pour les nouvelles dénominations des forts, batteries et casernes sur proposition du ministre de la guerre, M. le général Boulanger.
  2. Lettre no 14980 bis le de M. le ministre de la Guerre, M. le général Ferron, abrogeant le décret présidentiel du 21 janvier.
  3. « Carte topographique centrée sur le fort » sur Géoportail (consulté le 4 septembre 2018).
  4. Cédric et Julie Vaubourg, « Le fort de Moulainville ou fort Feuquières », sur http://fortiffsere.fr/.
  5. Alain Hohnadel et Philippe Bestetti, La Bataille des forts : Metz et Verdun de 1865 Ă  1918, Bayeux, Ă©ditions Heimdal, , 80 p. (ISBN 2-84048-087-5), p. 35.
  6. Hohnadel et Bestelli 1995, p. 35-36.
  7. Hohnadel et Bestelli 1995, p. 36.
  8. Commandant Tournoux, Cours de fortification : la fortification permanente pendant la guerre de 1914-1918, École d'application du génie, (BNF 43643260).
  9. « Des travaux en cours à l'épreuve du feu, 1914-1918 », sur http://www.lignemaginot.com/.
  10. G. Benoit (général), « Étude comparative des fortifications de Metz et de Verdun », Revue du Génie Militaire, Paris, Berger-Levrault,‎ , p. 8-41 et 113-137 (ISSN 0035-2586), lire en ligne sur Gallica.
  11. « Site Natura 2000 : corridor de la Meuse, gîtes à chiroptères et plateau de Douaumont » [PDF], sur http://www.grand-est.developpement-durable.gouv.fr/.

Voir aussi

Bibliographie

  • Lieutenant R. MĂ©nager (prĂ©f. colonel Raynal), Les forts de Moulainville et de Douaumont sous les 420, Paris, Payot, , 236 p. (BNF 34086995).

Lien externe

Articles connexes

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