ForĂȘt de la Double
La forĂȘt de la Double a donnĂ© son nom Ă la rĂ©gion la Double (Dobla en occitan[1]), oĂč elle est implantĂ©e. C'est une rĂ©gion forestiĂšre française de Nouvelle-Aquitaine, situĂ©e principalement dans le dĂ©partement de la Dordogne. Essentiellement privĂ©e, elle contient nĂ©anmoins la forĂȘt domaniale de la Jemaye.
ForĂȘt de la Double | ||||
La forĂȘt de la Double, vue depuis Saint-Michel-de-Double. | ||||
Localisation | ||||
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Position | La Roche-Chalais, Montpon-Ménestérol, Mussidan, Saint-Aulaye | |||
CoordonnĂ©es | 45° 07âČ 00âł nord, 0° 10âČ 00âł est | |||
Pays | France | |||
RĂ©gion | Nouvelle-Aquitaine | |||
DĂ©partement | Dordogne | |||
GĂ©ographie | ||||
Superficie | 50 000 ha | |||
Longueur | 40 km | |||
Largeur | 20 km | |||
Altitude · Maximale · Minimale |
100 m 232 m 25 m |
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Compléments | ||||
Protection | Partielle (RĂ©seau Natura 2000) | |||
Statut | ForĂȘt privĂ©e française, ForĂȘt domaniale |
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GĂ©olocalisation sur la carte : France
GĂ©olocalisation sur la carte : Dordogne
GĂ©olocalisation sur la carte : Nouvelle-Aquitaine
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Ses habitants sont appelés les Doubleauds[2].
Ătymologie
La premiĂšre attestation connue du nom se rĂ©fĂšre Ă la forĂȘt sous la forme de Sylva Edobola dĂšs le VIIe siĂšcle[3] - [4].
D'un probable mot gaulois *DubulÄ Â« Noiraude », terme dĂ©rivĂ© du gaulois dubus/dubis « noir » (cf. vieil irlandais et vieux gallois dub ; gallois et breton du ; cornique duw, signifiant tous « noir ») [5].
L'Ă©lĂ©ment Dub- sert Ă qualifier des riviĂšres (cf. la Deule et la DĂ©oule) ou encore des forĂȘts sombres (cf. Toppwald / Tobbwald en zone alĂ©manique : formes germanisĂ©es) et une sorte de sapin dit « sapin double »[6]. D'aprĂšs cette signification, c'est probablement la forĂȘt qui a donnĂ© son nom Ă la rĂ©gion et non l'inverse. Ce processus est d'ailleurs frĂ©quemment attestĂ© (cf. le Perche ou pays de Lyons).
GĂ©ographie
Comprise entre l'Isle au sud, la Rizonne au nord, la Dronne à l'ouest et le Salembre à l'est [3] - [7], la Double s'étend sur prÚs de 500 km2[8], dans la partie centre-ouest du département de la Dordogne, mais également au nord-est du département de la Gironde (communes de Saint-Christophe-de-Double et de Saint-Antoine-sur-l'Isle).
Jusqu'au dĂ©but du XXe siĂšcle, on a distinguĂ© la Double du PĂ©rigord, Ă l'est de la Dronne, de la Double de Saintonge Ă l'ouest, qui est de mĂȘme nature. La forĂȘt de la Double concernait l'ensemble, qui s'Ă©tend sur plus de 75 km de longueur. Actuellement, la dĂ©nomination concerne plus souvent la Double du PĂ©rigord[9] - [10], mais la Double reste aussi, par extension, le nom de l'ensemble de ce grand massif forestier naturel[11] - [12] et le terme Double du PĂ©rigord est encore employĂ©[13].
C'est un vaste plateau forestier oĂč se succĂšdent petites collines et vallons, ponctuĂ©s par de trĂšs nombreux Ă©tangs naturels ou artificiels[8], dus Ă l'impermĂ©abilitĂ© des sols[1] - [8], constituĂ©s d'argiles, de sables et de graviers[14]. On y dĂ©nombre environ 500 plans d'eau, le plus Ă©tendu avec 33 hectares Ă©tant le Grand Ă©tang de La Jemaye[8].
Ses principaux cours d'eau sont :
- soit des affluents de l'Isle :
- la Beauronne,
- le Grolet,
- le Farganaud (ou Fayoulet),
- la Duche et son affluent la Petite Duche,
- le ruisseau de Courbarieu,
- soit des affluents de la Dronne :
Les communes situĂ©es intĂ©gralement ou partiellement en forĂȘt de la Double du PĂ©rigord sont les suivantes[8] - [7] :
- Dordogne : Beauronne, ChantĂ©rac (partie), Douzillac, Echourgnac, Eygurande-et-Gardedeuil, La Jemaye-Ponteyraud, Montpon-MĂ©nestĂ©rol (rive droite), Parcoul-Chenaud, Le Pizou, La Roche-Chalais, Saint-AndrĂ©-de-Double, Saint-Aulaye-Puymangou, Saint-BarthĂ©lemy-de-Bellegarde, Saint-Etienne-de-Puycorbier, Saint-Front-de-Pradoux, Saint-Germain-du-Salembre (partie), Saint-Jean-dâAtaux, Saint-Laurent-des-Hommes, Saint-Louis-en-lâIsle, Saint-Martin-lâAstier, Saint-Michel-de-Double, Saint Privat en PĂ©rigord (Saint-Privat-des-PrĂ©s), Saint-Sulpice-de-Roumagnac (partie), Saint-Vincent-de-Connezac, Saint-Vincent-Jalmoutiers, Servanches, Siorac-de-RibĂ©rac, Vanxains (partie).
- Gironde : Les Eglisottes-et-Chalaures (partie), Le Fieu, PorchĂšres (partie), Saint-Antoine-sur-lâIsle (partie), Saint-Christophe-de-Double.
La Double qualifie trois communes : Saint-André-de-Double, Saint-Christophe-de-Double et Saint-Michel-de-Double ainsi que des intercommunalités : l'ancienne communauté de communes Isle et Double, remplacée en 2014 par la communauté de communes Isle Double Landais.
Histoire
Partie de l'ancienne province du PĂ©rigord[1], on trouve trace de son nom dĂšs le VIIe siĂšcle sous la forme de Sylva Edobola [3] - [4].
Repaire de brigands et terre de prĂ©dilection des bĂȘtes sauvages, la Double Ă©tait, Ă cette Ă©poque, trĂšs mal famĂ©e[2]. WaĂŻfre, le duc d'Aquitaine, y fut assassinĂ©[1] en 768 prĂšs d'Eygurande[2].
Au Moyen Ăge et jusqu'Ă rĂ©cemment, l'appellation recouvrait une zone beaucoup plus vaste[3] :
- au nord-ouest et Ă l'ouest, la Double de Saintonge jusqu'Ă Brossac, Barbezieux, Baignes, Montguyon, Montlieu, Montendre, Reignac et Laruscade ;
- au sud, de l'autre cĂŽtĂ© de l'Isle, l'actuelle forĂȘt du Landais allant presque jusqu'Ă Vergt au sud-est[4] ;
- et Ă l'est, Ă proximitĂ© de PĂ©rigueux, les bois de La Chapelle-Gonaguet et de Beaulieu ainsi que la forĂȘt de Chancelade.
La bastide de Saint-Barthélemy-de-Bellegarde y sera fondée en 1316 par les Anglais[2].
DĂšs le XVIIIe siĂšcle, la forĂȘt de la Double est exploitĂ©e de façon intensive pour les proches chantiers navals de l'Atlantique : Bordeaux et La Rochelle[2]. Une lande dĂ©solĂ©e parsemĂ©e d'Ă©tangs y succĂ©dera. La rĂ©gion Ă©tant devenue inhospitaliĂšre et hostile, les Doubleauds souffraient de l'humiditĂ©, de la sous-alimentation et de la malaria [1] - [2]. Cette vie difficile des Doubleauds est bien dĂ©crite dans le roman d'EugĂšne Le Roy qui a pour titre LâEnnemi de la mort â Ădition numĂ©rique disponible sur Wikisource.
L'assainissement par drainage et le reboisement[2] par la plantation de pins maritimes furent entrepris sous le Second Empire[1], de mĂȘme que dans le Landais voisin.
Par sa couverture dense, la forĂȘt de la Double a toujours reprĂ©sentĂ© un refuge pour les populations menacĂ©es. Ainsi, durant la Seconde Guerre mondiale, les soldats de l'armĂ©e allemande redoutaient de s'y aventurer, car de nombreux maquisards y avaient installĂ© des camps. Cette pĂ©riode est Ă©voquĂ©e dans le roman doubleaud Sang Soupçons.
Nature
Les vallĂ©es sont recouvertes, entre autres, de forĂȘts alluviales Ă aulnes noirs (Alnus glutinosa) et frĂȘnes communs (Fraxinus excelsior), de chĂȘnaies Ă chĂȘnes pĂ©donculĂ©s (Quercus robur) et chĂȘnes tauzins (Quercus pyrenaica), de landes humides Ă bruyĂšres ciliĂ©es (Erica ciliaris) et bruyĂšres des marais (Erica tetralix), et de tourbiĂšres hautes [15].
Elles représentent plus de 20 % du territoire de la Double et sont désignées « Site Natura 2000 Vallées de la Double », pour la conservation d'espÚces animales européennes menacées[16].
On peut y trouver notamment la cistude d'Europe (Emis orbicularis), l'Ă©crevisse Ă pattes blanches (Austropotamobius pallipes), la loutre (Lutra lutra), le vison (Mustela lutreola), le chabot commun (Cottus gobio) ou encore la lamproie de Planer (Lampetra planeri)[15].
Habitat
On trouve encore quelques maisons doubleaudes typiques de l'architecture de la Double : sans fondations, ces maisons traditionnelles étaient faites de bois, de pierre et de torchis (un mélange de terre grasse, de paille ou de joncs).
Le domaine du Parcot Ă Ăchourgnac, inscrit partiellement en 1992 au titre des monuments historiques, offre un bel exemple de la ferme typique de la forĂȘt de la Double avec maison doubleaude, grange, four, Ă©tang et Ă©cluse[17].
Notes et références
- Dictionnaire des pays et provinces de France, de BĂ©nĂ©dicte et Jean-Jacques FĂ©niĂ©, Ăditions Sud Ouest, 2000
- Nouveau guide du PĂ©rigord-Quercy, de Jean-Luc Aubarbier, Michel Binet et Guy Mandon, Ăditions Ouest France, 1987
- Dictionnaire des noms de lieux du PĂ©rigord, de Chantal TanĂ© et Christian HordĂ©, Ăditions Fanlac, 2000
- L-F. Alfred Maury, Les forĂȘts de la Gaule et de l'ancienne France, Ladrange, Paris, , 501 p. (lire en ligne), p. 404
- Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Ăditions Errance (2003), p. 152.
- Xavier Delamarre, Op. cit.
- « Géoportail », sur www.geoportail.gouv.fr (consulté le )
- Florence Broussaud-Le Strat, La Double Un pays en PĂ©rigord, Ăditions Fanlac, 2006, (ISBN 2-86577-252-7)
- Dictionnaire des noms de lieux du Périgord, Chantal Tanet, Tristan Hordé - 1994, p.134
- Bulletin de la section de géographie de France, Comité des travaux historiques et scientifiques. Section de géographie. BibliothÚque nationale, 1921, p.164
- Adélaïde Barbey, Poitou-Charentes, Hachette, coll. « Guides bleus », , 572 p. (lire en ligne), xxvii
- Pierre BarrÚre, La région du Sud-Ouest, Presses universitaires de France, , 160 p. (lire en ligne), p. 13,27,43
- Aristide FrĂ©zard, Revue des eaux et forĂȘts, vol. 81, Berger-Levrault, (lire en ligne), p. 95-97
- Atlas de la Dordogne - PĂ©rigord, de Patrick Ranoux, publication Ă compte d'auteur, 1996
- FR7200671 - Vallées de la Double sur le site du INPN.
- La liste des types d'habitats naturels et des espĂšces de faune et flore sauvages justifiant la dĂ©signation du site Natura 2000 VallĂ©es de la Double figure en annexe de arrĂȘtĂ© du 26 novembre 2019 modifiant l'arrĂȘtĂ© du 6 octobre 2016 portant dĂ©signation du site Natura 2000 VallĂ©es de la Double (zone spĂ©ciale de conservation) NOR: TREL1920861A
- « Domaine du Parcot », notice no PA00083098, base Mérimée, ministÚre français de la Culture
Voir aussi
Bibliographie
- E. de Lentilhac et L. Guilbert, « Rapport sur la Double », Annales agricoles et littĂ©raires de la Dordogne, SociĂ©tĂ© d'agriculture, sciences et arts de la Dordogne, t. XXIV,â , p. 401-486 (lire en ligne)
- A. Dubut, « Contribution à l'histoire de la Double pendant la Révolution française », dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 1938, tome 65, p. 331-334 (lire en ligne)
- Ămile Dusolier, « La Double et l'ancienne vicomtĂ© de La Double », dans Bulletin de la SociĂ©tĂ© historique et archĂ©ologique du PĂ©rigord, 1938, tome 65 p. 479-490, 1939, tome 66, p. 64-77, p. 162-173, p. 297-311, p. 405-417, p. 511-522
- Ămile Dusolier, « Les anciennes verreries de La Double », dans Bulletin de la SociĂ©tĂ© historique et archĂ©ologique du PĂ©rigord, 1940, tome 67, p. 194-215, p. 285-301, p. 360-375, p. 439-449
- Franck Delage, « Les bois de La Double », dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 1941, tome 68, p. 233-237 (lire en ligne)
- Florence Broussaud-Le Strat, La Double Un pays en PĂ©rigord, Ăditions Fanlac, 2006, (ISBN 2-86577-252-7)