Fluide parfait
En mécanique des fluides, un fluide est dit parfait s'il est possible de décrire son mouvement sans prendre en compte les effets de viscosité et de conduction thermique. Le mouvement du fluide est donc adiabatique[1], décrit par les équations d'Euler.
Tous les fluides ont une viscosité (sauf un superfluide, ce qui en pratique ne concerne guère que l'hélium à très basse température et l'intérieur d'une étoile à neutrons). Le fluide parfait ne peut donc être qu'une approximation pour un fluide de viscosité tendant vers zéro, ce qui revient à faire tendre le nombre de Reynolds vers l'infini. Ce type d'approximation fluide parfait n'est cependant pas dénuée d'intérêts, par exemple en aérodynamique (où souvent des nombres de Reynolds très grands sont atteint). Ceci étant, même si dans ces cas d'aérodynamique de hauts Reynolds le fluide peut être considéré comme parfait assez loin des corps étudiés, il subsiste près de ces corps une zone où les effets de la viscosité sont importants, cette zone étant appelée la couche limite.
Autrement dit on pourra appliquer l'approximation du fluide parfait à distance suffisante d'un corps (avec utilisation possible du théorème de Bernoulli), tout en calculant par d'autres moyens le comportement du même fluide considéré comme visqueux dans la Couche limite existant à la surface du même corps.
Il est alors possible, par des calculs en fluide parfait, de déterminer les lignes de courants ainsi que les vitesses et pressions locales autour du corps considéré. L'écoulement ainsi déterminé s'appelle écoulement potentiel. Cependant, pour rapprocher ces écoulements potentiels des écoulements réels (de fluides visqueux), les aérodynamiciens veillent, au moment de leur calculs potentiels, à engraisser les corps de l'épaisseur de leur Couche Limite.
À côté de ces calculs potentiels, il existe les cellules d'Hele-Shaw qui montrent les mêmes écoulement potentiels au moyen de filets de fluides colorés se déplaçant très lentement entre deux vitres très rapprochées (images ci-contre).
En cosmologie, les différentes formes de matière qui emplissent l'univers peuvent être considérées, du moins aux échelles où l'univers est homogène comme des fluides parfaits. Comme l'écoulement d'un tel fluide est isentropique sauf en des régions où apparaissent des singularités (choc, couche de glissement) décrites par les relations de Rankine-Hugoniot, l'expansion de l'Univers est parfois décrite comme étant adiabatique, s'identifiant sous certains aspects à la détente d'un gaz sans échange de chaleur avec l'extérieur.
Propriétés essentielles
Un fluide parfait incompressible obéit aux équations d'Euler de conservation de la masse et de la quantité de mouvement, ces deux équations formant les équations de base des fluides non dissipatifs, ainsi qu'à une version du premier principe de la thermodynamique, ces deux aspects (mécanique des fluides et thermodynamique) étant intimement liés.
Les deux premières équations s'écrivent, en notant ρ la masse volumique du fluide, P sa pression et v sa vitesse :
- ,
- ,
où représente la densité de forces s'exerçant sur le fluide. Par exemple, si l'on considère la pesanteur, on a
- ,
représentant l'accélération de la pesanteur.
Aspects thermodynamiques
D'ordinaire, la densité d'énergie interne d'un système physique (dans le présent contexte, une petite région contenant un fluide donné) dépend de la densité de celui-ci et de son entropie. En effet, le premier principe de la thermodynamique stipule que l'énergie interne U d'un système varie selon
- ,
où P représente sa pression, V le volume, T la température et S l'entropie. Dans le cas d'un fluide parfait, on a par définition , d'où
- ,
ce qui équivaut à dire que l'élément de fluide possède une relation univoque entre sa densité d'énergie et sa pression, ne dépendant pas d'un paramètre extérieur. Si l'on passe à la densité d'énergie interne définie par
- ,
on obtient alors
- ,
d'où
- .
Formalisme mathématique
Un fluide parfait peut être décrit à l'aide d'un tenseur énergie impulsion T. À partir duquel on peut retrouver les équations (conservation de la masse et Euler, plus premier principe de la thermodynamique) auxquelles obéit le fluide parfait. Celui-ci s'écrit
- ,
ou, en termes de composantes,
- ,
où représente la densité d'énergie du fluide, somme de sa densité d'énergie interne et de sa densité d'énergie de masse , étant la masse volumique de l'élément de fluide et c la vitesse de la lumière, u la quadrivitesse du fluide (c'est-à-dire la vitesse d'ensemble de cet élément), et g le tenseur métrique. La relativité restreinte et la relativité générale stipulent que le tenseur énergie impulsion d'un fluide est « conservé », c'est-à-dire que sa divergence est nulle. Cette équation s'écrit, en termes de composantes,
- ,
D représentant la dérivée ordinaire (en relativité restreinte) ou la dérivée covariante (en relativité générale). Le calcul donne alors
- .
C'est cette équation qui permet de retrouver les trois équations précitées.
Nous allons démontrer que l'équation précédente contient la conservation de l'énergie. Dans le cas classique cela revient à prendre la composante temporelle de l'équation (indice 0).
La quantité mesure la variation d'une quantité X le long de la trajectoire de l'élément de fluide. Elle correspond donc à la variation de cette quantité transportée par l'élément de fluide. On la note communément , étant le temps propre associé à l'élément de fluide. On obtient ainsi
- .
En effectuant le produit scalaire de cette équation avec la quadrivitesse, il vient alors, en notant par un point la dérivée par rapport à ,
- .
La quadrivitesse ayant une norme constante, , une quantité du type est nulle. Il vient donc
- .
Le terme , habituellement noté est appelé expansion de l'élément de fluide. Dans la limite non relativiste, il correspond à la divergence du vecteur vitesse, ce qui correspond au taux de variation de son volume. Ainsi, on a
- ,
ce qui permet de réécrire l'équation en
- .
Enfin, l'hypothèse de conservation du nombre de particules s'écrit
- ,
où n représente la densité de particules. Elle est reliée à sa densité d'énergie de masse par la formule
- ,
m étant la masse des particules. Cette équation s'interprète par le fait que le nombre de particules de l'élément de fluide étant contant, la variation de la densité de celles-ci le long de l'écoulement est uniquement due à la variation du volume de l'élément En pratique, si l'on repasse en termes de coordonnées, la densité de particules est une fonction des coordonnées d'espace et de temps, . Si l'élément de fluide possède une trajectoire , alors sa variation le long de la trajectoire se fait selon celle de , et correspond donc à
- .
Ainsi, on obtient
- ,
que l'on peut regrouper en
- .
Ainsi, l'équation initiale laisse uniquement
- ,
ce qui se réécrit
- ;
comme annoncé on retrouve la conservation de l'énergie de la particule fluide :
- .
Obtention
À un niveau microscopique, le tenseur énergie impulsion d'un fluide peut toujours être déterminé par un processus rigoureux, en partant d'une quantité appelée lagrangien. Par exemple, le tenseur énergie impulsion d'une particule ponctuelle se déduit immédiatement du lagrangien la décrivant. En mécanique des fluides, on considère que la distribution des particules composant le fluide peut, au-delà d'une certaine échelle, être considérée comme un milieu continu.
Par contre, à un niveau macroscopique, rien ne permet d'affirmer avec certitude que le tenseur énergie impulsion puisse être dérivé d'un lagrangien macroscopique. D'ordinaire, le tenseur énergie impulsion d'un fluide est déterminé dans un premier temps par l'écriture du tenseur énergie impulsion d'une particule, puis en supposant une certaine distribution de particules dans une région de l'espace (une fonction de distribution), puis en effectuant la moyenne des tenseurs énergie impulsion individuels sur un volume petit devant les dimensions du problème, mais grand devant la séparation inter particules. Rien ne permet d'affirmer qu'il est possible de trouver un tenseur énergie impulsion à partir d'un lagrangien qui serait déjà « moyenné » sur un ensemble de particules. Le fluide parfait est à ce titre un cas particulier, car il est possible de le déterminer de cette façon, quoique la démonstration en soit non triviale[2].
Généralisation
Au-delà de l'approximation de fluide parfait, on parle de fluide visqueux, décrit par les équations de Navier-Stokes.
Culture populaire
- Dans la deuxième saison d'Agent Carter, la Matière Zéro est décrite comme étant une forme de fluide parfait.
Voir aussi
Références
- (en) Charles W. Misner, Kip S. Thorne et John Archibald Wheeler, Gravitation, New York, W.H. Freeman and Company, (réimpr. 1997, ..., 2003, 2006, 2008) (1re éd. 1970), 1280 p. (ISBN 978-0-716-70334-1 et 978-0-716-70344-0, OCLC 585119), pages 562 à 565.
Notes
- (en) Lev Landau et Evgueni Lifchits, Fluid Mechanics, Oxford, Pergamon Press, , 539 p., PDF (ISBN 0-08-033933-6, lire en ligne)
- La démonstration de ceci n'est que très rarement donnée. Ses grandes lignes figurent dans (en) S. W. Hawking et G. F. R. Ellis, The Large Scale Structure of Space-Time, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Monographs on Mathematical Physics », , 400 p. (ISBN 0521099064), page 69 et 70.