Femmes surréalistes
La contribution des femmes au surréalisme dès le début du mouvement, dans les années 1920, est longtemps restée dans l'oubli.
Depuis les années 1980 et l'émergence des études de genre, les œuvres de ces artistes font pour la première fois l'objet de recherches académiques, d'ouvrages critiques et de rétrospectives à l'échelle internationale.
Contexte
Les artistes masculins surréalistes cherchent une autre représentation de la femme. Ils construisent un féminin fantasmé et érotisé. Max Ernst publie La femme 100/sans tête(s). La revue La Révolution surréaliste publie des montages à partir de photographies de femmes hystériques datant de 1878. Hans Bellmer crée la série La Poupée, représentant une femme fantasmée[1].
À la différence des hommes, les artistes femmes cherchent une autre représentation d'elles-mêmes. Les autoportraits sont rares chez les hommes surréalistes, fréquents chez les femmes. Eileen Agar, Bona, Claude Cahun, Leonora Carrington, Leonor Fini, Valentine Hugo, Luchita Hurtado, Frida Kahlo, Jacqueline Lamba, Lee Miller, Alice Rahon, Remedios Varo se sont photographiées, représentées, construites des personnages ou peintes. De même dans la littérature, on retrouve des textes et récits autobiographiques : Frida Kahlo, Remedios Varo, Claude Cahun, Unica Zürn, Nelly Kaplan, Bona, Meret Oppenheim, Mary Low, Nora Mitrani.
Les œuvres des femmes surréalistes, en tant que corpus ont commencé à être étudiées à partir des années 1980. La revue Obliques est le premier ouvrage qui recense en 1977 la production littéraire et plastique des femmes surréalistes. Les écrits de Mary Low sont publiés en 1979, trente ans après leur disparition pendant la guerre. Les poèmes de Kay Sage écrits en 1955, sont publiés en 1996. Le Journal de Frida Kahlo est publié en 1995, quarante ans après sa mort[1].
Les œuvres d'Unica Zürn font l'objet d'une exposition en 1998 en Allemagne. Celles de Leonora Carrington sont exposées en avril 1999 à New York, celles de Gisèle Prassinos, en 1997.
En 1997, le colloque La femme s'entête : la part du féminin dans le surréalisme[2] à Cerisy-la-Salle rassemble vingt-cinq universitaires qui échangent sur la production littéraire et artistique des artistes femmes liées au surréalisme[1].
Peintres
- Gertrude Abercrombie (1909–1977) est une artiste de Chicago inspirée par les surréalistes, et qui fut active durant les décennies 1930 et 1940. Elle était aussi présente sur la scène jazz et amie avec des musiciens tels que Dizzy Gillespie, Charlie Parker, et Sarah Vaughan[3] - [4].
- Eileen Forrester Agar (1899–1991) est née en Argentine et a déménagé au Royaume-Uni durant son enfance. Elle était connue des surréalistes anglais. Agar produisait des collages complexes et peignait des formes organiques abstraites[1].
- Rachel Baes (1912–1983) peintre belge, qui proche du groupe surréaliste bruxellois formé autour de René Magritte et Paul Nougé,
- Jane Graverol (1907-1984), peintre belge, proche du groupe surréaliste bruxellois, formé autour de René Magritte et Paul Nougé.
- Fanny Brennan (en) (1921–2001), peintre franco-américaine[5]. Née en France, Brennan a grandi dans le milieu de l'art parmi Gerald et Sara Murphy et Pablo Picasso. Ses œuvres étaient présentes dans deux expositions de la galerie Wakefield Bookshop.
- Emmy Bridgwater (en), (1906–1999) artiste et poétesse britannique associée au mouvement.
- Leonora Carrington (1917–2011), peintre surréaliste mexicaine (anglaise de naissance). Elle fit la connaissance de Max Ernst en 1937, avec qui elle a entretenu une relation conflictuelle. Son travail comporte une grande part autobiographique[6].
- Ithell Colquhoun (1906–1988) peintre et auteure britannique.
- Leonor Fini (1907–1996), née à Buenos Aires et élevée à Trieste, fit la connaissance des surréalistes en 1936 mais ne les a jamais officiellement rejoint. Son style de peinture notable est à la fois érotique, onirique et dérangeant. Elle a aussi réalisé de nombreux décors pour des pièces de théâtre[6].
- Valentine Hugo (1887–1968), était une illustratrice française mariée à Jean Hugo, et a participé au mouvement surréaliste de 1930 à 1936.
- Frida Kahlo (1907–1954), est une peintre mexicaine que Breton a qualifié de surréaliste, bien qu'elle ait toujours refusé cette étiquette.
- Rita Kernn-Larsen (1904-1998), peintre danoise. A exposé deux œuvres au Salon de 1937.
- Greta Knutson (1899–1983) était une artiste et auteure suédoise mariée à Tristan Tzara.
- Maruja Mallo (1902–1995), peintre espagnole influencée par les surréalistes.
- Margaret Modlin (1927–1998) était une peintre surréaliste américaine, sculptrice et photographe ayant passé une grande partie de sa vie en Espagne.
- Manon Potvin (née en 1968) est une artiste et poétesse québécoise. Elle peint des paysages naturels dans un style surréaliste.
- Alice Rahon (1904–1987) était une artiste et poétesse franco-mexicaine. Son travail a contribué à la naissance de l'expressionnisme abstrait à Mexico.
- Kay Sage (1898–1963) a commencé par peindre des paysages surréalistes dans les années 1930, puis a épousé l'artiste surréaliste Yves Tanguy en 1940[6].
- Eva Švankmajerová (1940–2005), peintre, auteure et céramiste tchèque. Elle a collaboré avec son mari Jan Švankmajer pour réaliser les films Alice, Faust et Les Conspirateurs du plaisir.
- Dorothea Tanning (1910–2012) peintre, sculptrice, graveur, auteure et poétesse dont les débuts ont été influencés par le surréalisme. Elle est devenue membre du groupe surréaliste de New York dans les années 1940, puis fut mariée au surréaliste Max Ernst pendant 30 ans.
- Bridget Bate Tichenor (en) (1917–1990), peintre surréaliste née à Paris d'origine britannique ayant ensuite déménagé au Mexique. Elle a appartenu à l'école du réalisme magique et était aussi rédactrice mode.
- Toyen (1902–1980), peintre tchèque, dessinatrice et illustratrice, membre du mouvement surréaliste.
- Remedios Varo (1908–1963), Espagnole ayant émigré au Mexique, connue pour ses peintures oniriques de mécanismes scientifiques. Elle était mariée au poète surréaliste Benjamin Peret[6] - [7].
Sculptrices
- Elisa Breton (1906–2000) chilienne d'origine française, également auteure. Elle est la troisième épouse d'André Breton et a réalisé les boîtes surréalistes.
- Meret Oppenheim (1913–1985), suisse allemande, sculptrice, photographe, illustratrice et poétesse, également connue pour avoir été l'un des modèles de Man Ray. Son plus célèbre objet est Le Déjeuner en fourrure, qui est considéré comme la première sculpture surréaliste[6].
- Mimi Parent (1924–2005) artiste canadienne décrite comme l'une des "forces vitales" du surréalisme par Breton. Ses "images-objets" sont des formes de création hybrides entre la peinture et la sculpture.
Photographes
- Claude Cahun (1894–1954), photographe et auteure française, associée au mouvement surréaliste.
- Nusch Éluard (1906–1946), photographe, artiste et modèle française d'origine alsacienne, épouse du poète Paul Éluard.
- Henriette Grindat (1923–1986), une des rares femmes suisses photographes, ayant collaboré avec André Breton et Albert Camus.
- Ida Kar (1908–1974), photographe russe ayant vécu et travaillé à Paris, au Caire et à Londres.
- Dora Maar (1907–1997), photographe, peintre et poétesse française née en Croatie, ayant entretenu une relation de neuf ans avec Pablo Picasso, dont elle devint l'une des muses, rôle qui a longtemps occulté l'ensemble de son œuvre.
- Emila Medková (en) (1928–1985), photographe tchèque dont les créations surréalistes commencent à partir de 1947. Elle a notamment réalisé des images documentaires sur l'environnement urbain.
- Lee Miller (1907–1977), photographe, reporter et modèle américaine.
- Francesca Woodman (1958–1981), photographe américaine.
Les cinéastes
- Germaine Dulac (1882–1942) réalisatrice française ayant réalisé La Coquille et le Clergyman en 1928.
- Nelly Kaplan (née en 1931) française née en Argentine.
Les créatrices de mode
- Elsa Schiaparelli (1890–1973) était une créatrice de mode, entre autres collaboratrice et amie de Salvador Dalà et de Leonor Fini[8].
Les Ă©crivaines
- Aase Berg (en) (née en 1967) est une poétesse et critique suédoise, et figure parmi les membres fondateurs du Groupe surréaliste de Stockholm créé en 1986.
- Lise Deharme (1898–1980), écrivaine française associée au mouvement.
- Annie Le Brun, née à Rennes en 1942, est une écrivaine, poète et critique littéraire française. Sa rencontre avec André Breton en 1963 a été le tournant de sa vie.
- Joyce Mansour (1928–1986), poétesse franco-égyptienne. Elle a d'abord rencontré le surréalisme au Caire, puis a déménagé à Paris en 1953.
- Olga Orozco (1920–1999), poétesse argentine de la 'Tercera Vanguardia génération.
- Alejandra Pizarnik (1936–1972), poétesse argentine fortement influencée par le surréalisme[9].
- Valentine Penrose (1898–1978), poétesse, écrivaine et collagiste française.
- Gisèle Prassinos (1920–2015), écrivaine française d'origine grecque, associée au surréalisme dès sa première publication à 14 ans.
- Penelope Rosemont (en) (née en 1942), écrivaine américaine, peintre, photographe, collagiste et cofondatrice du Groupe surréaliste de Chicago. Son anthologie Surrealist Women a démontré l'ampleur de la contribution des femmes au surréalisme.
- Ginka Steinwachs (en) (née en 1942), écrivaine et intellectuelle allemande. Sa thèse de doctorat sur André Breton a été publié sous le titre Mythologie des Surrealismus.
- Blanca Varela (en) (1926–2009), poétesse péruvienne. Octavio Paz parle de son travail comme étant dans la "lignée spirituelle" du surréalisme[10].
- Haifa Zangana (en) (née en 1950), écrivaine irakienne active à Londres[11].
- Unica Zürn (1916–1970), écrivaine et artiste allemande. Elle a écrit des anagrammes poétiques, exposé des [ dessins automatiques] et a collaboré avec Hans Bellmer en tant que modèle.
- Irène Hamoir (1906-1994), écrivaine belge. Fut la seule femme à participer activement aux activités du groupe surréaliste bruxellois. Elle trouvera notamment le titre du tableaux de René Magritte : "Le fils de l'homme" (1964).
Bibliographie
- Roger Borderie, La femme surréaliste. Revue Obliques, Les Pilles, Obliques, , 352 p.
- Whitney Chadwick, Les femmes dans le mouvement surréaliste, Paris, Chêne, , 345 p. (ISBN 2-85108-436-4)
- (en) Whitney Chadwick, Dawn Ades et al., Mirror images : women, surrealism and self-representation : exhibition, at the MIT list center, Cambridge, Mass., April 9-June 28, 1998, Londres, the MIT press, , 183 p. (ISBN 0-262-53157-7)
- Georgiana Colville, Scandaleusement d'elles. Trente-quatre femmes surréalistes., Paris, Jean-Michel Place, , 317 p. (ISBN 2-85893-496-7)
- Georginia Colville et Katherine Conley, La femme s'entête : la part du féminin dans le surréalisme. Colloque de Cerisy-la-Salle, Paris, Lachenal et Ritter, , 401 p. (ISBN 2-904388-49-4)
- (en) Renée Riese-Hubert, Magnifying Mirrors : Women, Surrealism and Partnership, University Nebraska Press,
Références
- Colvile, Georgiana M. M., Scandaleusement d'elles : trente-quatre femmes surréalistes, Paris, J.-M. Place, , 318 p. (ISBN 2-85893-496-7 et 9782858934966, OCLC 42974962, lire en ligne)
- « La part du féminin dans le surréalisme (1997) », sur www.ccic-cerisy.asso.fr (consulté le )
- Richard Vine, "Where the Wild Things Were", Art in America, mai 1997, p. 98-111
- Warren, Lynn, Art in Chicago 1945-1995, Thames & Hudson, 1996 (ISBN 978-0-500-23728-1)
- (en) Holland Cotter, « Fanny Brennan, Surrealist, 80; Lived in Paris », nytimes
- Heller, Nancy G., Women Artists: An Illustrated History, Abbeville Press, Publishers, New York 1987 (ISBN 0-89659-748-2)
- Kaplan, Janet A. Unexpected Journeys: The Art and Life of Remedios Varo, Abbeville Press, New York, 1988 (ISBN 0-89659-797-0)
- , Philadelphia Museum of Art, The Art and Fashion of Elsa Schiaparelli, (2003)
- (en) Fiona Joy Mackintosh, Childhood in the Works of Silvina Ocampo and Alejandra Pizarnik, Tamesis Books, , 199 p. (ISBN 978-1-85566-095-3, lire en ligne)
- (en) Melanie Nicholson, Surrealism in Latin American Literature : Searching for Breton's Ghost, New York, NY, Palgrave Macmillan, , 100–1 p. (ISBN 978-1-137-31761-2, lire en ligne)
- (en) Franklin Rosemont et Robin D.G. Kelley, Black, Brown, & Beige : Surrealist Writings from Africa and the Diaspora, Austin, University of Texas Press, , 395 p. (ISBN 978-0-292-71997-2, lire en ligne), p. 141