Exemption culturelle
L'exemption culturelle est un concept issu du droit international Ă©conomique et plus spĂ©cifiquement dâaccords de libre-Ă©change bilatĂ©raux et rĂ©gionaux. Lâexemption culturelle se matĂ©rialise par lâincorporation dâune clause qui a pour effet dâexclure de son champ dâapplication des biens et des services culturels qui seraient autrement visĂ©s par les engagements dĂ©coulant de lâaccord concernĂ©[1]. La finalitĂ© de cette clause est de prĂ©server le pouvoir dâintervention de lâĂtat Ă lâĂ©gard de ces biens et services culturels, et par consĂ©quent de protĂ©ger sa souverainetĂ© culturelle.
DĂ©finition
Les termes dâexemption culturelle et dâexception culturelle sont souvent utilisĂ©s indistinctement. Bien que la technique juridique ne soit pas exactement la mĂȘme, lâune et lâautre poursuivent le mĂȘme objectif, soit soustraire des biens et des services culturels du champ dâapplication dâun accord de commerce en vue de prĂ©server le pouvoir dâintervention de lâĂtat.
La clause dâexemption culturelle canadienne est le pendant de la clause dâexception culturelle europĂ©enne. Au niveau de la substance, la diffĂ©rence entre les deux clauses se situe essentiellement au niveau de leur portĂ©e : alors que lâexemption culturelle canadienne exclut des industries culturelles du champ dâapplication dâun accord Ă©conomique, lâexception culturelle europĂ©enne est plus restrictive, en ce quâelle ne vise gĂ©nĂ©ralement que les services audiovisuels.
Les exemptions culturelles et les exceptions culturelles entrent dans la catĂ©gorie plus large des clauses culturelles[2], lesquelles englobent une variĂ©tĂ© de dispositions faisant rĂ©fĂ©rence Ă la culture en vue de reconnaĂźtre la spĂ©cificitĂ© de ce secteur dans un contexte de libre-Ă©change. Ces clauses ont en commun lâobjectif de vĂ©hiculer lâidĂ©e que la culture nâest pas une simple marchandise[3]. Elles constituent « le meilleur moyen de faire coexister la culture et le commerce au sein de lâordre juridique mondial »[4]. Dans certains accords de libre-Ă©change, sâajoutent aux clauses culturelles une ou plusieurs rĂ©fĂ©rence explicites ou implicites Ă la Convention sur la protection et la promotion de la diversitĂ© des expressions culturelles de 2005, et parfois Ă certains de ses objectifs, principes ou obligations.
Contrairement aux rĂ©serves culturelles ou aux engagements assortis de limitations visant le secteur culturel, les exceptions ou exemptions culturelles ont pour avantage dâĂȘtre intĂ©grĂ©es de maniĂšre permanente Ă un accord. Par consĂ©quent, elles ne sont gĂ©nĂ©ralement pas visĂ©es par des nĂ©gociations ultĂ©rieures ayant pour but dâĂ©lever progressivement le niveau de libĂ©ralisation gĂ©nĂ©rĂ© par un accord de commerce.
Dans le cas des accords de libre-Ă©change nĂ©gociĂ©s par la Canada, lâexemption culturelle peut avoir une portĂ©e variable. Dans une majoritĂ© dâaccords, elle sâapplique Ă lâensemble du traitĂ©. Dans dâautres accords, elle est incorporĂ©e Ă certains chapitres seulement, ce qui signifie quâelle nâexclut que certains biens ou services culturels du champ dâapplication de ces traitĂ©s[5].
Enfin, la portĂ©e dâune exemption culturelle ou dâune exception culturelle peut ĂȘtre modulĂ©e en fonction des dĂ©finitions des biens, services ou industries culturelles auxquelles ces clauses se rĂ©fĂšrent[6].
La nĂ©cessitĂ© de prĂ©voir un traitement distinct des produits culturels dans un contexte de libĂ©ralisation des Ă©changes sâanalyse au cas par cas[7].
Lâexemption culturelle et le systĂšme commercial multilatĂ©ral
Craignant la force du marchĂ© des films hollywoodiens au sortir de la PremiĂšre Guerre mondiale, certains pays de lâEurope adoptent des mesures pour protĂ©ger leur industrie audiovisuelle et cinĂ©matographique, notamment par le moyen de quotas Ă lâĂ©cran[8]. Au moment de nĂ©gocier ce qui deviendra lâAccord gĂ©nĂ©ral sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT de 1947), des Parties tiennent Ă incorporer une disposition permettant le maintien de ces quotas. Lâarticle IV du GATT de 1947 a prĂ©cisĂ©ment pour effet dâ autoriser le maintien de certains types de « contingents Ă lâĂ©cran »[9].
Cette clause sera « symptomatique » de lâĂ©ventuelle vision restrictive des clauses culturelles (dâexception culturelle) voulant quâelles ne sâappliquent quâaux services audiovisuels[10]. Les exceptions gĂ©nĂ©rales du GATT de 1947 seront par ailleurs considĂ©rĂ©es insuffisantes (ou trop incertaines) pour assurer la protection de la souverainetĂ© culturelle des Ătats[11]. En effet, la seule exception gĂ©nĂ©rale du GATT qui concerne le secteur culturel se limite Ă prĂ©server le pouvoir des Ătats dâadopter et de mettre en Ćuvre des mesures « imposĂ©es pour la protection des trĂ©sors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archĂ©ologique »[12].
Lors des nĂ©gociations du Cycle dâUruguay (1986-1994) au cours duquel le systĂšme commercial multilatĂ©ral est rĂ©formĂ©, un groupe spĂ©cial sur les services audiovisuels est constituĂ© avec pour mandat de dĂ©terminer les rĂšgles qui seront appliquĂ©es au secteur des services audiovisuels dans le cadre de lâAccord gĂ©nĂ©ral sur le commerce des services (AGCS). La possibilitĂ© dâexclure ce secteur par le biais dâune clause culturelle est envisagĂ©e[13]. ConfrontĂ©s Ă la ferme opposition des Ătats-Unis, le champ dâapplication de lâAGCS couvre finalement tous les services, y compris les services audiovisuels. Cependant, cet accord se fonde sur le principe de libĂ©ralisation progressive, qui sâappuie sur lâĂ©laboration de listes dâengagements dites « positives » en ce qui concerne spĂ©cifiquement les obligations dâaccĂšs au marchĂ© et de traitement national. LâAGCS offre donc une certaine flexibilitĂ© afin de prendre, ou non, ces deux types dâengagements et ce, pour nâimporte quel service, ce qui inclut les services audiovisuels ou autres services culturels.
De nombreux Membres de lâOMC profitent de cette flexibilitĂ© pour sâabstenir de prendre des engagements en matiĂšre dâaccĂšs au marchĂ© et dâapplication du traitement national pour les services audiovisuels. Seuls les Ătats-Unis et la Nouvelle-ZĂ©lande ont une liste dâengagements substantiels en matiĂšre de services culturels[14]. D'autres Membres, dont la Chine, lâInde et lâAustralie libĂ©ralisent le commerce de certains services audiovisuels, tout en limitant leur portĂ©e par le biais de mentions Ă cet effet dans leurs listes dâengagements.
De 1995 Ă 1997, les Ătats membres de lâOrganisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomiques (OCDE) tentent de nĂ©gocier un Accord multilatĂ©ral sur les investissements (AMI). Ă nouveau, les dĂ©fenseurs de lâexception culturelle sâopposent Ă lâinclusion du secteur culturel dans le champ dâapplication de ce futur accord, alors que les Ătats-Unis affichent une position similaire Ă celle adoptĂ©e lors des nĂ©gociations du Cycle dâUruguay.
Dans la foulĂ© de ces dĂ©bats, la sociĂ©tĂ© civile se mobilise. La premiĂšre Coalition pour la diversitĂ© culturelle naĂźt dans ce contexte Ă MontrĂ©al. Elle deviendra « lâun des porte-parole les plus efficaces et les plus influents au Canada »[15] en ce qui concerne la reconnaissance de la spĂ©cificitĂ© des biens et des services culturels dans les accords de commerce.
Lâexemption culturelle et les travaux menĂ©s au sein de lâUNESCO
Ă la suite de la conclusion du Cycle dâUruguay et de la tentative avortĂ©e dâexclure les services audiovisuels de lâAGCS, le dĂ©bat sur la reconnaissance de la spĂ©cificitĂ© des produits culturels se dĂ©place vers lâUNESCO. Les discussions Ă ce sujet mĂšnent dâabord Ă lâadoption en 2001 de la DĂ©claration universelle sur la diversitĂ© culturelle, puis en 2005 de la Convention sur la protection et la promotion de la diversitĂ© des expressions culturelles[16]. Cet instrument reçoit rapidement une grande reconnaissance[17]. Il compte aujourdâhui 149 Parties, soit 148 Ătats ainsi que lâUnion europĂ©enne.
La France, ainsi que le Canada et le QuĂ©bec, sont les principaux instigateurs de cette dĂ©marche. Les nĂ©gociations de la Convention de 2005 sont toutefois houleuses en raison lâopposition marquĂ©e et soutenue des Ătats-Unis[18]. Un des principaux points de tension concerne la nĂ©gociation des clauses devant prĂ©ciser la relation entre la Convention et les autres instruments juridiques internationaux[19], ce qui inclut les accords de commerce. Cette nĂ©gociation se termine par lâadoption des articles 20 et 21 de la Convention qui placent lâensemble des instruments juridiques internationaux sur un pied dâĂ©galitĂ©, tout en demandant aux Parties de promouvoir les objectifs et les principes de la Convention dans les autres enceintes internationale.
Au terme de deux annĂ©es de nĂ©gociations lancĂ©es en 2003, la Convention est adoptĂ©e par une Ă©crasante majoritĂ© de 148 Ătats (deux Ătats seulement sây opposant (Ătats-Unis et IsraĂ«l) et quatre Ătats prĂ©fĂ©rant sâabstenir au moment du vote (Australie, Honduras, Nicaragua, Liberia)[20].
La Convention de 2005 reconnait Ă©galement la double nature des biens et services culturels[21] et rĂ©affirme le droit souverain des Parties de se doter des politiques culturelles de leur choix[22]. Elle poursuit Ă©galement lâobjectif de rĂ©Ă©quilibrage des Ă©changes culturels, notamment au profit des expressions culturelles des pays en dĂ©veloppement[23].
Enfin, la Convention marque un certain changement de paradigme dans la maniĂšre dâaffirmer la spĂ©cificitĂ© des biens et services culturels au sein de lâordre juridique international, passant de la traditionnelle position de lâexclusion de ce secteur des accords de commerce, Ă une approche se voulant plus positive et inclusive, celle de la protection et de la promotion de la diversitĂ© des expressions culturelles[24].
Lâexemption culturelle dans les accords commerciaux bilatĂ©raux et rĂ©gionaux nĂ©gociĂ©s par le Canada
Le Canada exclut traditionnellement les « industries culturelles » des accords bilatĂ©raux et rĂ©gionaux quâil nĂ©gocie[25]. Lâaccord comprend alors une dĂ©finition des industries culturelles qui visent un large Ă©ventail de biens et de services culturels[26]. Les clauses dâexemption culturelle sont gĂ©nĂ©ralement[27] formulĂ©es ainsi :
« [a]ucune disposition du prĂ©sent accord nâest interprĂ©tĂ©e comme sâappliquant aux mesures adoptĂ©es ou maintenues par lâune ou lâautre des Parties relativement aux industries culturelles, sauf dispositions contraires expresses de lâarticle [...] (Traitement national et AccĂšs aux marchĂ©s pour les produits - Ălimination des droits de douane) »
Les exemptions culturelles de portée générale
Au Canada et au QuĂ©bec, lâadoption de clauses dâexemption culturelle a pour objectif de protĂ©ger la souverainetĂ© culturelle canadienne et lâidentitĂ© culturelle quĂ©bĂ©coise[28]. DĂšs la conclusion de lâAccord de Libre-Ă©change Canada â Ătats-Unis (lâALE) en 1988, le Canada rĂ©ussit Ă imposer, non pas sans difficultĂ©, sa vision et sa clause dâexemption culturelle qui exclut les industries culturelles du champ dâapplication de lâaccord. Cependant, la clause dâexemption culturelle est accompagnĂ©e dâune clause de reprĂ©sailles (rĂ©torsion). Ainsi, toute mesure visĂ©e par lâexemption culturelle adoptĂ©e subsĂ©quemment et qui occasionne des pertes pour les Ătats-Unis peut faire lâobjet de mesures de reprĂ©sailles commerciales de la part de ces derniers. Ă ce jour, cette clause nâa pas Ă©tĂ© utilisĂ©e par les Ătats-Unis.
Cette clause dâexemption culturelle est de portĂ©e gĂ©nĂ©rale[29], ce qui signifie quâelle exclut les industries culturelles de lâensemble de lâaccord concernĂ©. La mĂȘme clause est reprise dans plusieurs accords nĂ©gociĂ©s ultĂ©rieurement par le Canada.
LâAccord de libre-Ă©change nord-amĂ©ricain (lâALENA) de 1994 reporte ce mĂ©canisme. La clause ne concerne que les relations entre le Canada et les Ătats-Unis, ou encore entre le Canada et le Mexique[30].
La clause dâexemption culturelle survit Ă la nouvelle mouture de lâALENA, dĂ©signĂ© par le titre Accord Canada-Ătats-Unis-Mexique (ACEUM), signĂ© le 30 novembre 2018 et dont lâentrĂ©e en vigueur est fixĂ©e au . En raison de sa portĂ©e gĂ©nĂ©rale, cette exemption qui continue dâexclure de la portĂ©e de lâaccord les « industries culturelles » sâapplique au nouveau chapitre sur le commerce numĂ©rique[31]. La clause de reprĂ©sailles au bĂ©nĂ©fice des Ătats-Unis et du Mexique lâaccompagne toujours[32].
On constate que le Canada parvient Ă maintenir une clause dâexemption culturelle de portĂ©e gĂ©nĂ©rale dans ses relations Ă©conomiques avec les Ătats-Unis, bien que ceux-ci soient lâun des pays ayant le plus dâintĂ©rĂȘt Ă refuser lâajout dâune telle clause, en raison de lâimportance de son marchĂ© culturel.
En plus des accords prĂ©sentĂ©s ci-dessus, les accords suivants contiennent une clause dâexemption culturelle de portĂ©e gĂ©nĂ©rale visant les « industries culturelles » :
- Accord de libre-Ă©change entre le Canada et lâAssociation europĂ©enne de libre-Ă©change (AELE), 26 janvier 2008, R.T.Can., (entrĂ© en vigueur le );
- Accord de libre-échange Canada-Pérou, 28 mai 2008, R.T.Can., (entré en vigueur le );
- Accord de libre-échange Canada-Colombie, 21 novembre 2008, R.T.Can., (entré en vigueur le 15 novembre 2011);
- Accord de libre-échange Canada-Jordanie, signé le 28 juin 2009, R.T.Can., (entré en vigueur le );
- Accord de libre-échange entre le Canada-Panama, signé le 14 mai 2010, R.T.Can., (entré en vigueur le );
- Accord de libre-échange Canada-Honduras, signé le 5 novembre 2013, R.T.Can., (entré en vigueur le );
- Accord de libre-échange Canada-Corée, signé le 22 septembre 2014, R.T.Can., (entré en vigueur le );
- Accord de libre-échange Canada-Ukraine, signé le 11 juillet 2016, R.T.Can., (entré en vigueur le ). ----
Les exemptions culturelles de portée limitée
Dans lâAccord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) liant le Canada et 10 autres pays bordant lâOcĂ©an Pacifique[33], ainsi que dans lâAccord Ă©conomique et commercial global (AECG), le Canada adopte une autre technique pour exclure des biens et des services culturels de certains chapitre seulement. On peut ainsi parler dâexemptions culturelles de portĂ©es limitĂ©es. Dans les faits, le Canada a aussi eu recours Ă dâautres techniques juridiques, dont la formulation de « rĂ©serves ».
LâAECG conclu en 2016 avec lâUnion europĂ©enne est le premier accord tĂ©moignant du changement dâapproche de la part du Canada. Dâabord, la clause dâexemption culturelle gĂ©nĂ©rale est mise de cĂŽtĂ©, au profit dâ une pluralitĂ© de clauses dâexemption incorporĂ©e Ă certains chapitres seulement[34]. De plus, lâexemption culturelle est Ă portĂ©e asymĂ©trique[35], en ce sens que lâUnion europĂ©enne exclut les « services audiovisuels », lesquels ne sont pas dĂ©finis, mais ont nĂ©anmoins une portĂ©e plus restreinte que les « industries culturelles » visĂ©es par lâexemption canadienne[26]. Par ailleurs, le prĂ©ambule de lâAECG fait expressĂ©ment rĂ©fĂ©rence aux objectifs de la Convention sur la protection et la promotion de la diversitĂ© des expressions culturelles de 2005, Ă laquelle lâUnion europĂ©enne et le Canada sont Parties et qui peut servir dâoutils interprĂ©tatif en cas de litige commercial[36].
Les nĂ©gociations du PTPGP sont conclues le 5 octobre 2015 et lâaccord entre en vigueur pour le Canada le 30 dĂ©cembre 2018[37]. MalgrĂ© le souhait exprimĂ© par les parties de rĂ©affirmer « lâidentitĂ© et la diversitĂ© culturelles » dans le prĂ©ambule du PTPGP, celui-ci est silencieux sur la question des politiques culturelles[38] et aucune clause gĂ©nĂ©rale visant Ă exclure la culture de son champ dâapplication nâest prĂ©vue[39]. Ce nâest que par lâadoption de rĂ©serves, chapitre par chapitre, que le Canada exclut certains biens culturels ou services culturels de la portĂ©e de ses engagements. Certains auteurs mentionnent que « le cumul de ces rĂ©serves ne permet pas dâatteindre la protection offerte par lâexemption culturelle traditionnellement incorporĂ©e dans les accords de commerce signĂ©s par le Canada »[40]. Aucune rĂ©serve ne permet dâexclure totalement le secteur culturel du chapitre sur le commerce Ă©lectronique dont les rĂšgles sâappliquent au « produits numĂ©riques », ce qui englobe notamment les livres, la musique et les contenus audiovisuels en format numĂ©rique. Lâarticulation entre les rĂšgles de ce chapitre et les rĂ©serves culturelles figurant dans les autres chapitres du PTPGP demeure incertaine[41], ce qui laisse planer une menace sur la prĂ©servation de la souverainetĂ© culturelle canadienne dans le contexte de la mise en Ćuvre de cet accord. Des lettres dâaccompagnement des ententes conclues entre le Canada et chacune des autres Parties[42] et annexĂ©es au PTPGP, ont pour effet dâĂ©tendre la portĂ©e dâune rĂ©serve culturelle relatives aux chapitres sur le commerce des services et sur lâinvestissement, sans toutefois remettre en question les engagements contractĂ©s au titre du chapitre sur le commerce Ă©lectronique.
L'incorporation de clauses culturelles dans les traitĂ©s conclus par dâautres pays
Les pays de l'Union européenne
LâUnion europĂ©enne adopte gĂ©nĂ©ralement une clause visant Ă exclure les services audiovisuels des chapitres sur les services, lâinvestissement et le commerce Ă©lectronique. Les accords ne dĂ©finissent habituellement pas ce que constitue « les services audiovisuels »[43].
Ce type de clause permet ainsi aux 27 Ătats membres de lâUnion europĂ©enne de soutenir leurs industries de lâaudiovisuel par le biais de diverses politiques et mesures. Les Ătats concernĂ©s sont les suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, GrĂšce, Hongrie, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, NorvĂšge, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Slovaquie, SlovĂ©nie, SuĂšde, Suisse, TchĂ©quie.
La Nouvelle-ZĂ©lande
La Nouvelle-ZĂ©lande incorpore dans ses accords conclus avec les pays de la zone Asie-Pacifique une exception portant sur « les Ćuvres crĂ©atives ayant une valeur nationale » (creatives arts of national value). Cette clause vise Ă permettre lâadoption de mesures nĂ©cessaires Ă soutenir les Ćuvres crĂ©atives ayant une valeur nationale et ne constituant pas une discrimination arbitraire ou injustifiĂ©e ou une restriction dĂ©guisĂ©e au commerce. Lâajout de ces conditions en fait une clause dont la mise en Ćuvre est plus restreinte que celles des clauses du Canada ou de lâUnion EuropĂ©enne[44].
Les approches privilĂ©giĂ©es par dâautres pays
De maniĂšre complĂ©mentaire ou alternative aux clauses dâexemption culturelle ou dâexception culturelle, il est possible de recourir Ă dâautres techniques pour limiter la portĂ©e de certains engagements au secteur de la culture.
La nĂ©gociation dâaccords sur la base de listes positives nĂ©cessite que les Ătats Ă©numĂšrent les secteurs dans lesquels ils souhaitent prendre des engagements. Dans ce cas, les Ătats peuvent sâabstenir dâinscrire dans ces listes des biens ou des services culturels. Les pays suivants ont privilĂ©giĂ© cette approche dans le cadre de certains accords commerciaux auxquels ils ont adhĂ©rĂ© : « il sâagit de la Chine (11 accords), de la Malaisie (5 accords), du PĂ©rou (3 accords), de la Nouvelle-ZĂ©lande (2 accords) et, exceptionnellement, de lâInde (1 accord), du Mexique (1 accord), du Myanmar (1 accord), des Philippines (1 accord) et du Vietnam (1 accord) »[45]
Lorsquâun accord est nĂ©gociĂ© sur la base de liste nĂ©gative dâengagements, les Ătats doivent Ă©numĂ©rer les secteurs quâils souhaitent soustraire aux engagements. Le Canada, les Ătats-Unis, le Japon, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Mexique, le Panama, le PĂ©rou, la Chine, la Malaisie, lâInde, le Pakistan, la RĂ©publique de CorĂ©e, Singapour et plus rarement lâUnion europĂ©enne, lâAustralie et la Nouvelle-ZĂ©lande ont dĂ©jĂ eu recours Ă cette mĂ©thode pour soustraire des biens ou des services culturels de la portĂ©e de leurs engagements au titre dâaccords de commerce auxquels ils sont parties[46].
Bibliographie
- Claire Osborn Wright, âToward A New Cultural Exemption in the WTOâ, in Sienho Yee and Jacques-Yvan Morin, Multiculturalism and International Law: Essays in Honour of Edward McWhinney, p. 649-698[47].
- Jingxia Shi, âFree trade and cultural diversity in international lawâ, (2013) 14 Studies in international trade law 303, 303-328[48].
- Mira Burri, âTrade versus Culture: The Policy of Cultural Exception and the World Trade Organization », (2012) 34 NCCR Trade Regulation Working Paper 1, 1-13[49].
- VĂ©ronique GuĂšvremont, « Promouvoir la Convention dans les enceintes internationales », dans Rapport mondial ReÇPenser les politiques culturelles; 10 ans de promotion de la diversitĂ© des expressions culturelles pour le dĂ©veloppement, Rapport mondial Convention 2005, 2015, p. 135.
- VĂ©ronique GuĂšvremont, « La Convention dans les autres enceintes internationales : un engagement crucial », dans Rapport mondial ReÇPenser les politiques culturelles; La crĂ©ativitĂ© au cĆur du dĂ©veloppement, Rapport mondial Convention 2005, 2018, p. 143[50].
- VĂ©ronique GuĂšvremont, « Lâexemption culturelle canadienne dans le partenariat transpacifique ou la destinĂ©e dâune peau de chagrin » 28.1 (2015) Revue quĂ©bĂ©coise de droit international.
- Véronique GuÚvremont, Ivan Bernier, Ivana Otasevic et Clémence Varin, Commentaires présentés par la Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles dans le cadre des Consultations en prévision de négociations éventuelles sur le commerce électronique à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à la Direction de la politique commerciale sur les services (TMS), Affaires mondiales Canada, 25 avril 2019, p. 5 et s.
- VĂ©ronique GuĂšvremont et Ivana Otasevic, « La Culture dans les traitĂ©s et les accords ; La mise en Ćuvre de la Convention de 2005 dans les accords commerciaux bilatĂ©raux et rĂ©gionaux », dans Politique & Recherche, Paris, UNESCO, 2017, 124 pages.
- Michael Hahn, âA clash of cultures? The UNESCO Diversity Convention and international trade lawâ, (2006) 9-3 Journal of International Economic Law 515, 515-552[51].
- Rostam J. Neuwirth, âThe Future of the âCulture and Trade Debateâ: A Legal Outlookâ, (2013) 47-2 Journal of World Trade 391, 391-419.
- Ivana Otasevic, La protection de la diversitĂ© des expressions culturelles et lâUE, Hors-sĂ©rie (novembre 2018) Revue quĂ©bĂ©coise de droit international, 219, Ă la page 229[52].
- Kevin Scully, âThe most dangerous game: U.S. opposition to the cultural exceptionâ, (May 2011) 36-3 Brooklyn Journal of International Law 1183, 1183-1208.
Notes et références
- Véronique GuÚvremont, Ivan Bernier, Ivana Otasevic et Clémence Varin, Commentaires présentés par la Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles dans le cadre des Consultations en prévision de négociations éventuelles sur le commerce électronique à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à la Direction de la politique commerciale sur les services (TMS), Affaires mondiales Canada, 25 avril 2019, p. 5.
- VĂ©ronique GuĂšvremont et Ivana Otasevic, « La Culture dans les traitĂ©s et les accords ; La mise en Ćuvre de la Convention de 2005 dans les accords commerciaux bilatĂ©raux et rĂ©gionaux », dans Politique & Recherche, Paris, UNESCO, 2017, p. 19.
- Convention sur la protection et la promotion de la diversitĂ© des expressions culturelles, UNESCO, Paris, adoptĂ©e le 20 octobre 2005, entrĂ©e en vigueur le 18 mars 2007, prĂ©ambule : « Convaincue que les activitĂ©s, biens et services culturels ont une double nature, Ă©conomique et culturelle, parce quâils sont porteurs dâidentitĂ©s, de valeurs et de sens et quâils ne doivent donc pas ĂȘtre traitĂ©s comme ayant exclusivement une valeur commerciale »; Daniel TURP, « La contribution du droit international au maintien de la diversitĂ© culturelle » (2012) 363 Recueil des Cours de droit international de lâAcadĂ©mie de la Haye 333, p. 352.
- VĂ©ronique GuĂšvrement, « Lâexemption culturelle canadienne dans le partenariat transpacifique ou la destinĂ©e dâune peau de chagrin » 28.1 (2015) Revue quĂ©bĂ©coise de droit international 83, p. 88.
- V. GuÚvremont et I. Otasevic, préc., note 2.
- Id., p. 20.
- Yves THĂORĂT, « Petite histoire de la reconnaissance de la diversitĂ© des expressions culturelles » dans David contre Goliath, La Convention sur la protection et la promotion de la diversitĂ© des expressions culturelles de lâUNESCO, Yves ThĂ©orĂȘt (dir.), MontrĂ©al, Ădition Hurtubise, 2008, 17, p. 21
- Mira BURRI, âTrade versus Culture: The Policy of Cultural Exception and the World Trade Organization », (2012) 34 NCCR Trade Regulation Working Paper 1, 1-13.
- GATT de 1947, art. IV, alinéa 1.
- M. BURRI, préc., note 1, 480.
- Id., 485.
- GATT de 1947, art. XX, alinéa f
- M. BURRI, préc., note 1, 481.
- Michael HAHN, âA clash of cultures? The UNESCO Diversity Convention and international trade lawâ, (2006) 9-3 Journal of International Economic Law 515, p. 518, 526.
- Yves ThĂ©orĂȘt, « Petite histoire de la reconnaissance de la diversitĂ© des expressions culturelles » dans David contre Goliath, La Convention sur la protection et la promotion de la diversitĂ© des expressions culturelles de lâUNESCO, Yves ThĂ©orĂȘt (dir.), MontrĂ©al, Ădition Hurtubise, 2008, 17, p. 30.
- UNESCO, Paris, adoptée le 20 octobre 2005, entrée en vigueur le 18 mars 2007.
- Kevin Scully, âThe most dangerous game: U.S. opposition to the cultural exceptionâ, (May 2011) 36-3 Brooklyn Journal of International Law 1183, 1193.
- Id., 1194.
- UNESCO, Avant-projet de convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques, CLT/CPD/2004/CONF.607/6, art. 19.
- UNESCO, Actes de la ConfĂ©rence gĂ©nĂ©rale, Vol. 2 « Compte rendu des dĂ©bats », 33e sess., 2007, 33C/proceedings, p. 504, 505; Daniel TURP, « La contribution du droit international au maintien de la diversitĂ© culturelle » (2012) 363 Recueil des Cours de droit international de lâAcadĂ©mie de la Haye 333, p. 349.
- Convention de 2005, prĂ©ambule par. 18, Rostam J. NEUWIRTH, âThe Future of the âCulture and Trade Debateâ: A Legal Outlookâ, (2013) 47-2 Journal of World Trade 391, p. 409, 410.
- Convention de 2005, art. 1 (h), 2.2, 5.
- Convention de 2005, art. 12, 14-16.
- Rostam J. NEUWIRTH, âThe Future of the âCulture and Trade Debateâ: A Legal Outlookâ, (2013) 47-2 Journal of World Trade 391, p. 405, 407.
- En plus des traitĂ©s nĂ©gociĂ©s avec les Ătats-Unis, le Canada a intĂ©grĂ© une clause dâexemption culturelle dans onze autres accords. Il sâagit des «accords conclus avec IsraĂ«l (entrĂ©e en vigueur : ), le Chili (entrĂ©e en vigueur : 5 juillet 1997), le Costa Rica (entrĂ©e en vigueur : ), lâAssociation europĂ©enne de libre-Ă©change (entrĂ©e en vigueur : ), le PĂ©rou (entrĂ©e en vigueur : ), la Colombie (entrĂ©e en vigueur : 15 aoĂ»t 2011), la Jordanie (entrĂ©e en vigueur : ), le Panama (entrĂ©e en vigueur : ), le Honduras (entrĂ©e en vigueur : ), la CorĂ©e (entrĂ©e en vigueur : ) et lâUkraine » (entrĂ© en vigueur le ).
- VĂ©ronique GuĂšvremont et Ivana Otasevic, « La Culture dans les traitĂ©s et les accords ; La mise en Ćuvre de la Convention de 2005 dans les accords commerciaux bilatĂ©raux et rĂ©gionaux », dans Politique & Recherche, Paris, UNESCO, 2017, p. 56.
- Sauf en ce qui concerne les traitĂ©s conclut avec lâUkraine et le Honduras; voir V. GuĂšvremont et I. Otasevic, Id., p. 55.
- Yves ThĂ©orĂȘt, « Petite histoire de la reconnaissance de la diversitĂ© des expressions culturelles » dans David contre Goliath, La Convention sur la protection et la promotion de la diversitĂ© des expressions culturelles de lâUNESCO, Yves ThĂ©orĂȘt (dir.), MontrĂ©al, Ădition Hurtubise, 2008, 17, p. 23
- Véronique GuÚvremont, Ivan Bernier, Ivana Otasevic et Clémence Varin, Commentaires présentés par la Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles dans le cadre des Consultations en prévision de négociations éventuelles sur le commerce électronique à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à la Direction de la politique commerciale sur les services (TMS), Affaires mondiales Canada, 25 avril 2019, p. 5
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