Condevincum
Condevincum est le nom latin qui désignait la ville gallo-romaine qui précéda l'actuelle ville de Nantes dans le département de Loire-Atlantique.
Condevincum Portus Namnetum | ||
Vestiges du rempart gallo-romain de Nantes | ||
Localisation | ||
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Pays | Empire romain | |
Province romaine | Haut-Empire : Gaule Lyonnaise Bas-Empire : Lyonnaise seconde puis Lyonnaise troisième[1] |
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RĂ©gion | Pays de la Loire | |
DĂ©partement | Loire-Atlantique | |
Commune | Nantes | |
Type | Chef-lieu de Civitas | |
Coordonnées | 47° 13′ 05″ nord, 1° 33′ 10″ ouest | |
Altitude | de 2 Ă 52 m | |
GĂ©olocalisation sur la carte : Empire romain
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Histoire | ||
Protohistoire | Âge du fer (La Tène) | |
Antiquité | Empire romain | |
La ville est indiquée sur la Table de Peutinger (IIIe ou IVe siècle) comme Portus Namnetum[Note 1]
Toponymie
Entre la fin du IIe siècle av. J.-C. et le début du Ier siècle av. J.-C., le peuple gaulois des Namnètes s'installa sur la rive droite du fleuve, au confluent de la Loire et de l'Erdre et y fonda une agglomération dont le nom initial nous est connu par la Géographie de Ptolémée (IIe siècle), ville principale des Namnètes : Condevicnum ou Condevincum[Note 2]
Après la conquête romaine, le nom fut latinisé en Condevincum (la forme la plus courante) ou Condevicnum[2], Condivicnum[3], Condivincum[4], etc. Plusieurs auteurs tardifs citent également les formes apparemment évoluées (et partiellement altérées ?) Cantigvine, Cantivic, Cantwic, Cantguic, etc.[5]. Le radical conde serait vraisemblablement dérivé du gaulois condate désignant un confluent[6].
Histoire
Première occupation du site par les Gaulois
Au Ier siècle av. J.-C., les auteurs latins et grecs indiquent que la rive droite de l'estuaire de la Loire était occupée par le peuple gaulois des Namnètes, mentionnés pour la première fois par Jules César ; sur la rive gauche, se trouvaient les Ambilatres et les Pictons.
L'historien grec Polybe au IIe siècle av. J.-C. indique l’existence d'un port fluvial connu du navigateur grec Pythéas (IVe siècle av. J.-C.), qu'il appelle « Corbilo » et qu'il situe à l'embouchure de la Loire. Selon Strabon, Corbilo n'existait plus à son époque (Ier siècle av. J.-C.). La localisation de Corbilo n'est pas connue et il semble peu probable que son site ait été celui de Nantes[Note 3]. On ignore par ailleurs si Nantes était déjà une « capitale » pour les Namnètes.
La conquĂŞte romaine
Au début de la conquête de la Gaule par César, la région joue un rôle lors de la campagne de l'année 56 av J.-C. contre les Vénètes, mais pas particulièrement Nantes ; César a fait construire des navires : cette construction a probablement eu lieu dans l'estuaire de la Loire, mais sans doute pas sur des sites namnètes. Le gros de l'armée romaine a traversé le territoire namnète entre Angers et le littoral, mais a sans doute suivi un trajet au nord de Nantes (par Blain).
La ville du Haut-Empire
Après la conquête de la Gaule par Jules César, une vie urbaine importante se développe d'une part à Ratiatum (Rezé), port relevant à l'époque de la cité des Pictons (province de la Gaule aquitaine), d'autre part à Nantes, à l'emplacement de l'actuel quartier du Bouffay, à partir du règne d'Auguste.
Au Bas-Empire, Condevincum devient Portus Nametum
À partir du IIIe siècle, l'Empire romain subit des invasions germaniques, des agressions de pirates dits Saxons ou Frisons, mais aussi des troubles internes, comme, en Gaule, le phénomène des bandes de pillards Bagaudes.
Nantes subit un assaut germanique vers 275 et des murailles y sont construites dans les années 280 à 300. Cette enceinte grossièrement carrée enfermait une superficie d’environ 18 ha correspondant à l'actuel quartier du Bouffay[7]. Elle subsistera jusqu'au XIIIe siècle et sera alors reprise par les murailles ducales.
Sous le règne de Dioclétien (vers 300), dans le cadre de la réorganisation de l'Empire, Nantes fut placée dans la province de Lyonnaise seconde (Chef-lieu Rotomagus (Rouen). relevant du Diocèse des Gaules dont le siège se trouvait à Trèves (Allemagne) ; vers 385, dans la province de Lyonnaise troisième (chef-lieu : Tours), même diocèse. Sur le plan militaire, à partir du IVe siècle, Nantes releva du Magister Militiae de Trèves, puis du Dux Tractus Armoricani (Chef du Territoire armoricain, chargé plus spécialement de la défense maritime) ; un corps de réserve (Superventores) était basé à Nantes qui bénéficie aussi de la protection des Gentiles Teifales, des colons militaires d'origine germanique installés dans la cité des Pictons (région de Tiffauges[Note 4]).
Aux IVe et Ve siècles, les autorités romaines procèdent aussi à l'installation de garnisons de soldats venus de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne) afin de protéger la région des pirates saxons. Il semblerait que des garnisons bretonnes aient été postées le long de la Loire jusqu'à Blois. Ces Bretons insulaires auraient aussi remonté l'Erdre, ce qui pourrait expliquer quelques toponymes brittoniques le long de cette rivière.
Durant cette période, comme c'est le cas beaucoup de chefs-lieux de cités gallo-romaines, le nom gaulois (latinisé) de Condevicnum fut abandonné au profit de Portus Namnetum ou, un peu plus tard de Namnetae, Namnetes. Ces mutations toponymiques intervinrent à une époque où l'instabilité de l'empire romain perdurait, on observa la présence accrue des divinités gauloises locales dans les sculptures religieuses et les inscriptions dédicatoires. Le changement de nom des villes chefs-lieux relève peut-être d'un phénomène du même ordre, une marque d'attachement aux anciennes appartenances ethniques des tribus gauloises. C'est sous ce nom de Portus Namnetum que la ville est mentionnée sur la table de Peutinger[8].
Vestiges
Les vestiges archéologiques et architecturaux de Nantes sont beaucoup moins importants que ceux de Rezé, mais on a pu identifier la présence vraisemblable :
- d'un temple de Vulcain (trois inscriptions se rapportent Ă Vulcain),
- d'un temple de Minerve,
- d'un temple de Cérès (ou d'une Déesse-mère à corne d'abondance) ;
- d'un temple de basiliques civiles ;
- d'un aqueduc ;
- de thermes publics avec hypocauste vers l'Ă©glise Sainte-Croix ;
Les remparts du Bas-Empire
La première muraille est construite vers 276, à en juger par des bornes milliaires faisant partie de ses fondations, qui portent le nom de l'empereur Marcus Claudius Tacite[9] qui n'a régné que durant cette année. L'édification de la muraille est vraisemblablement achevée sous l'empereur Probus[10].
De nos jours, il ne reste que les deux vestiges cours Saint-Pierre et porte Saint-Pierre (à côté de la cathédrale), ainsi que dans le couvent des Cordeliers (à proximité de l'école Saint-Pierre), et enfin un vestige dans le Musée d'histoire de Nantes au Château des ducs de Bretagne. Le tronçon près de la porte Saint-Pierre a été fouillé en 1910-1911 ; il ne reste que 2 mètres de sa hauteur, la muraille médiévale ayant été construite par-dessus[11].
La partie la plus grande et la mieux conservée se trouve dans la cour de l'école primaire Saint-Pierre (située au 9 rue du Refuge). Ce vestige a une hauteur de 5 mètres et une longueur de 18 mètres[12].
Les stèles funéraires
Nantes a aussi fourni 30 stèles funéraires, la quasi-totalité des stèles trouvées dans la région armoricaine. Une reconstitution à partir de ces vestiges permet de penser qu'il y avait un quartier administratif dans le secteur Bouffay-Sainte-Croix, un quartier religieux (Saint-Pierre) et un quartier portuaire, appelé Vicus portensis (Quartier du port), attesté par une inscription trouvée en 1580[Note 6]. La localisation de ce Vicus portensis est problématique ; des restes ténus d'installations portuaires ont été détectés à Nantes en divers lieux de la Loire et de l'Erdre[Note 7].
Notes et références
Notes
- La Table de Peutinger est une copie d'une carte antique du IVe siècle (Santrot, 2010). La carte mentionne portunamnetu, forme abrégée de portus Namnetum. namnetu ne peut pas être développé en namnetus, adjectif qui ne peut pas correspondre au nom Namnetes, alors que le génitif Namnetum est parfaitement correct ; quand un adjectif en -us est utilisé, c'est namneticus (Grégoire de Tours, par exemple).
- Le texte de Ptolémée est la seule référence à ce nom. Sur le plan orthographique, les manuscrits de la Géographie de Ptolémée fournissent ces deux formes, mais on ne sait pas laquelle est le résultat d'une erreur de copie (cf. Santrot, 2010).
- Marcel Giraud-Mangin, 2007, p. 14, propose le site de Méans (commune de Saint-Nazaire). René Sanquer (in Bois, 1977, p. 29), considère le site nantais comme acceptable.
- Le nom de Tiffauges vient de ces Teifales.
- Statue de Mars Mullo consacrée par « Adegovir et sa fille Tautilla ». Ces deux personnalités ont encore des noms gaulois.
- C'est la plus importante en taille : (sous forme développée) NUMINIBUS AUGUSTORUM DEO VOLKANO MARCUS GEMELIUS SECUNDUS ET CAIUS SEDATUS FLORUS ACTORES VICANORUM PORTENSIUM TRIBUNAL CUM LOCIS EX STIPE CONLATA POSUERUNT, soit « Aux numen des Augustes, au dieu Vulcain. Marcus Gemelius Secundus et Caius Sedatus Florus agissant pour le compte des habitants du Vicus Portensis ont établi un tribunal avec lieux annexes grâce à une souscription. » Remarquer que ces deux personnalités portent des noms latins. Source : Marcel Giraud-Mangin, 2007, p. 48.
- Dans son article de 2010 (cf. bibliographie), Jacques Santrot envisage une localisation au sud du fleuve, éventuellement à Rezé
Références
- Intégration de la cité des Namnètes à l'Empire romain, Encyclopédie de l'Arbre Celtique.
- « Condevicnum, Nantes à l'époque gallo-romaine », sur catalogue de l'inist-cnrs (consulté le ).
- « Contigwic, Condivicnum, Naoned Nantes, la Venise de l’ouest pendant les inondations des années 1904 & 1910 », sur artyuiop (consulté le ), p. 1.
- (en) « Condivincum / Portanamnetum = Portensis Vicus / Namnetes = Civ. Namnetum », sur University of South California (consulté le ).
- Abbé Travers, Histoire civile, politique, et religieuse de la ville et du Comté de Nantes, Forest, Nantes, 1836, t. I, p. 12
- Louis Deroy et Marianne Mulon, Dictionnaire de noms de lieux, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1992, p. 330b-331a
- Gérard Coulon, Les Gallo-Romains : vivre, travailler, croire, se distraire. 54 av. J.-C.-486 ap. J.-C., Éditions Errance (coll. Hespérides), Paris, 2006 (ISBN 2-87772-331-3), p. 21.
- Louis de Laigue, « Nantes à l'époque gallo-romaine (suite et fin) », Annales de Bretagne, t. XXXIII, no 3,‎ , p. 415 (DOI 10.3406/abpo.1918.1495).
- Inscriptions référencées CIL 17-02, 00389 = CIL XIII, 09001 et CIL 17-02, 00390 = CIL XIII, 0900
- René Sanquer, « Nantes antique », dans Histoire de Nantes, dir. Paul Bois (1977), p. 41-42
- De Laigue, p. 218.
- Sanquer, p. 42.
Voir aussi
Bibliographie
- Jacques Santrot, « Au Temps d’Argiotalus, Nantes, Rezé et le port des Namnètes », in Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 115-1, 2008. Disponible en ligne : .
Cet article, partant de la stèle de Worms, passe en revue le matériel documentaire actuellement disponible sur Nantes dans l'Antiquité : textes, inscriptions, trouvailles de fouilles, éléments architecturaux, monnaies... Nombreuses références bibliographiques.
Jacques Santrot a longtemps été directeur du Musée Dobrée (jusqu'au ). - Sophie Benaiteau, Les Inscriptions lapidaires romaines de Nantes conservées au musée Dobrée, mémoire de maîtrise, Nantes, 1995 (disponible à la bibliothèque du musée Dobrée).
- Martial Monteil, "Les édifices des premiers temps chrétiens", in Nantes religieuse... (supra), p. 15-60.
- Marcel Giraud-Mangin, Petite histoire de Nantes ancien. Des origines au XIIIe siècle, Éditions Pyremonde, 2007.