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Christianisation de la Rus' de Kiev

La christianisation de la Rus' de Kiev[N 1] se rĂ©alise en plusieurs Ă©tapes. Au dĂ©but de 867, le patriarche Photios Ier de Constantinople Ă©crit aux autres patriarches chrĂ©tiens que les Rous’, baptisĂ©s par l’évĂȘque qu’il leur a envoyĂ©, ont « adoptĂ© le christianisme avec enthousiasme Â». Les succĂšs du patriarche ne semblent toutefois pas avoir eu de suite massive et immĂ©diate, car la Chronique des temps passĂ©s et d’autres sources slaves indiquent que les territoires qui forment la Rous’ kiĂ©vienne au Xe siĂšcle demeurent encore longtemps fidĂšles Ă  la religion slave. Il faut attendre la fin des annĂ©es 980[N 2] et la conversion du prince Vladimir Sviatoslavitch Ă  Cherson, puis celle de sa famille et de son peuple Ă  Kiev, pour voir la Rous’ adopter largement le christianisme.

Le BaptĂȘme du peuple de Kiev de Klavdi Lebedev.

Les débuts

La cathédrale Saint-Vladimir de ChersonÚse, de style néo-byzantin avec à l'avant-plan la statue de l'apÎtre André.

Selon la lĂ©gende orthodoxe, le christianisme aurait Ă©tĂ© prĂȘchĂ© par l’apĂŽtre AndrĂ© dans les territoires aujourd’hui bulgares, roumains, ukrainiens, biĂ©lorusses et russes. Longeant la mer Noire depuis Constantinople par la Thrace, la Scythie mineure et la steppe scythique, traversant les bouches de l’Istros, du Tyras et du BorysthĂšne (aujourd’hui respectivement le Danube, le Dniestr et le Dniepr), il serait parvenu Ă  Chersonnesos Taurica (ChersonĂšse en CrimĂ©e) et, tout au long de ce pĂ©riple, il aurait converti des milliers de colons grecs jusqu'alors adeptes de la religion hellĂ©nique.

À ChersonĂšse, on lui aurait dit que les fleuves qu’il avait traversĂ©s venaient du nord-ouest du continent, et cela l’aurait dĂ©cidĂ© Ă  en remonter un dans son voyage vers Rome. Ce fut le BorysthĂšne, le plus proche de Chersonnesos Taurica, et c’est ainsi qu’il serait passĂ© Ă  l’endroit oĂč Kiev devait ĂȘtre fondĂ©e vers le Ve siĂšcle et se rendit jusqu’à l’endroit oĂč serait Ă©rigĂ©e la ville de Veliky Novgorod[1]. C’est en rĂ©fĂ©rence Ă  cette lĂ©gende que la marine russe arbore la croix de saint AndrĂ© sur son pavillon depuis un ukase Ă©mis en 1690 par le tzar Pierre Ier le Grand[2].

MĂȘme si ce rĂ©cit est partiellement lĂ©gendaire, les colonies grecques du Pont-Euxin, Ă  la fois en CrimĂ©e et sur le pourtour de la mer d'Azov, demeurĂšrent pendant prĂšs d’un millĂ©naire les principaux centres de la chrĂ©tientĂ© d’Europe de l'Est. Parmi les lieux qui jouirent d’une certaine renommĂ©e, on compte le monastĂšre troglodyte d’Inkerman, monastĂšre byzantin oĂč furent conservĂ©es les reliques de saint ClĂ©ment, quatriĂšme Ă©vĂȘque de Rome, jusqu’à ce qu’elles soient transportĂ©es dans la basilique Saint-ClĂ©ment-du-Latran, Ă  Rome, par les frĂšres Cyrille et MĂ©thode[3].

Ce sont ces deux frĂšres qui prĂȘchĂšrent le christianisme chez les Slaves du premier Empire bulgare, de la Grande-Moravie et de la Pannonie. On leur doit l’invention de l’alphabet glagolitique qui permit de traduire les textes sacrĂ©s en ce qui est aujourd’hui le « slavon » langue uniquement orale jusque lĂ  et toujours en usage chez les orthodoxes slaves. De cet alphabet naĂźtra l’alphabet cyrillique, - adaptation et simplification de l'alphabet glagolitique par ClĂ©ment d'Ohrid (disciple bulgare de Cyrille et MĂ©thode) et appelĂ© de la sorte en hommage Ă  son maĂźtre Cyrille - aujourd’hui officiel en Bulgarie, Russie, BiĂ©lorussie, Ukraine, Serbie, rĂ©publique serbe de Bosnie, MacĂ©doine du Nord, rĂ©publique moldave du Dniestr et quelques autres pays non slaves d’Asie centrale. ChassĂ©s de Moravie, les disciples de Cyrille et MĂ©thode continuĂšrent, aprĂšs leur mort, l’Ɠuvre d’évangĂ©lisation des pays slaves. Tant l’Église catholique romaine que l’Église orthodoxe les considĂšrent comme « apĂŽtres des Slaves »[N 3] - [4].

NeuviĂšme siĂšcle

La seule source que nous ayons quant Ă  un dĂ©but de christianisation de la Rous’ au neuviĂšme siĂšcle est la lettre encyclique du patriarche Photius datant probablement de 867[5]. Se rĂ©fĂ©rant au siĂšge de Constantinople par les Rous’ en 860, Photius informe les patriarches d’Orient et leurs suffragants que les Bulgares furent baptisĂ©s en 863, qu’ils furent bientĂŽt suivis par les Rous’ et qu’il avait jugĂ© prudent, comme dans le cas des Bulgares, de leur envoyer un Ă©vĂȘque depuis Constantinople[6]. Il se pourrait toutefois que le groupe auquel le patriarche faisait allusion ait Ă©tĂ© une communautĂ© rousÂŽ n'ayant que peu ou pas de liens avec la Rous’ kiĂ©vienne et ait vĂ©cu prĂšs de la mer Noire ou de la mer d’Azov[7]. Selon Dimitri Obolensky, il est possible que de premiĂšres conversions aient eu lieu peu aprĂšs la premiĂšre attaque rous’ contre Constantinople en 860, qu’un premier Ă©vĂȘque ait Ă©tĂ© envoyĂ© en 867, suivi d’un archevĂȘque en 874. Toutefois, cette premiĂšre Église aurait pratiquement disparu lorsque les gouvernants pro-chrĂ©tiens de Kiev furent remplacĂ©s par un groupe de Scandinaves venus du nord de la Rous’. Une petite communautĂ© aurait toutefois survĂ©cu qui s’agrandit progressivement jusqu’à la conversion finale sous Vladimir[8].

DixiĂšme siĂšcle

Le baptĂȘme de la princesse Olga d'aprĂšs une miniature de la Chronique Radzivill.

Quoi qu’il en soit, si le traitĂ© byzantin de 911 prĂ©sume que les Rous’ Ă©taient encore paĂŻens, celui de 944, tel que rapportĂ© dans la Chronique des temps passĂ©s[9] fait rĂ©fĂ©rence Ă  une Ă©glise de Kiev et relate qu’une partie des Rous’ prĂȘtĂšrent serment selon la foi chrĂ©tienne dans l’église de saint Élie alors que le prince rĂ©gnant et d’autres non-chrĂ©tiens invoquĂšrent PĂ©roun et VĂ©lĂšs selon la tradition slave[10]. De mĂȘme, aucune source grecque ne fait mention d'un second baptĂȘme de la Rous’ dans les annĂ©es 990, ce qui sous-entend ex silentio que le pays Ă©tait dĂ©jĂ  chrĂ©tien.

En 945 ou 957, selon les sources, la princesse rĂ©gente Olga de Kiev vint en visite Ă  Constantinople en compagnie d’un prĂȘtre du nom de GrĂ©goire. Le De Ceremonis conserve la description de l’imposante rĂ©ception qui lui fut accordĂ©e[11]. Selon la lĂ©gende, l’empereur Constantin VII serait tombĂ© amoureux de la princesse. Celle-ci trouva la façon d’éviter le mariage en demandant Ă  l’empereur d’ĂȘtre son parrain lors de son baptĂȘme. Une fois baptisĂ©e, elle fit valoir qu’il n’était pas appropriĂ© qu’un parrain Ă©pousĂąt sa filleule.

MĂȘme si la tradition veut qu’Olga ait Ă©tĂ© baptisĂ©e Ă  Constantinople plutĂŽt qu’à Kiev, la cĂ©rĂ©monie n’est mentionnĂ©e dans aucun document de telle sorte que l’on ne peut Ă©carter l’une ou l’autre hypothĂšse[12]. L’alliance avec Constantinople ne semble guĂšre avoir Ă©tĂ© trĂšs forte, car en 959 c’est Ă  Otton Ier qu’Olga se serait adressĂ©e pour obtenir l’envoi d’un Ă©vĂȘque et de prĂȘtres. PrĂ©occupĂ© par la perspective d’une alliance entre la Rous’ et l’Église byzantine, Otton se serait empressĂ© de nommer un moine, Libutius, comme Ă©vĂȘque ; celui-ci fut consacrĂ© Ă  NoĂ«l 959, mais mourut en avant de s’ĂȘtre rendu dans son diocĂšse. Un autre moine, Adalbert de Saint-Maximin de TrĂšves, fut alors choisi et devint effectivement le premier Ă©vĂȘque de Kiev. Il en fut cependant chassĂ© peu aprĂšs par les paĂŻens[13].

Le fils d’Olga, Sviatoslav Ier (r. 963-972), continua pour sa part Ă  adorer PĂ©roun et les autres dieux du panthĂ©on slave et demeura paĂŻen toute sa vie. D’aprĂšs la Chronique des temps passĂ©s, se considĂ©rant comme un guerrier, il aurait craint que ses hommes ne se moquassent de lui s’il devenait chrĂ©tien[14].

Son successeur, Yaropolk Ier (r. 972-980), semble avoir eu une attitude plus conciliante Ă  l’endroit de ses sujets chrĂ©tiens et aurait mĂȘme Ă©changĂ© des ambassadeurs avec le pape[15]. Le Chronicon d’AdĂ©mar de Chabannes et la Vie de saint Romuald de Pietro Damiani dĂ©crivent la mission de saint Bruno de Querfurt au pays des Rous’ oĂč il parvint Ă  convertir l’un des rois locaux (l’un des trois frĂšres qui dirigeaient le pays). Selon Alexandre Nazarenko, Yaropolk aurait entrepris de se faire baptiser, mais aurait Ă©tĂ© assassinĂ© sur l’ordre de son demi-frĂšre paĂŻen Vladimir, qui n’était pas encore converti et dont les droits au trĂŽne Ă©taient plutĂŽt douteux. Suivant sa thĂ©orie, toute allusion au baptĂȘme de Yaropolk aurait Ă©tĂ© supprimĂ©e par des chroniqueurs orthodoxes ultĂ©rieurs, soucieux de ne pas ternir la rĂ©putation de celui qui deviendra l’apĂŽtre des Rous’[16].

Le baptĂȘme de Vladimir

Toile de fond

Le panthĂ©on des Slaves orientaux Ă©tait peuplĂ© de dieux reprĂ©sentant les forces de l’univers : PĂ©roun, leur dieu principal, se confondait avec le tonnerre et la foudre, Svarog avec le ciel, Dajbog avec le soleil, Striborg avec le vent, etc. Les forĂȘts, les eaux et autres forces de la nature Ă©taient peuplĂ©es d’ĂȘtres mystĂ©rieux bĂ©nĂ©fiques ou malĂ©fiques[17]. Durant la premiĂšre dĂ©cennie du rĂšgne de Vladimir, une rĂ©action Ă  la diffusion du christianisme s’organisa; les dieux revinrent Ă  l’honneur et une idole de Peroun fut Ă©levĂ©e sur une colline prĂšs du palais royal oĂč se dressaient Ă©galement des autels aux dieux Daschborg, Striborg, Smarget et Mokosch[18]. Ce mĂȘme phĂ©nomĂšne se produisit Ă©galement dans les pays voisins oĂč Jarl Haakon en NorvĂšge et (possiblement) Sven Ă  la Barbe fourchue au Danemark encouragĂšrent un tel renouveau. Vladimir tenta cependant d’aller plus loin que ses voisins et des sacrifices humains semblent avoir eu lieu Ă  Kiev[19]. Vladimir demeurait toutefois trĂšs prĂ©occupĂ© par la question religieuse.

Vladimir Ă©coutant les prĂȘtres orthodoxes sous les yeux horrifiĂ©s du reprĂ©sentant papal. Toile de Ivan Eggink.

Au retour d’une expĂ©dition en 983, Vladimir voulut offrir un tel sacrifice pour remercier les dieux de ses succĂšs. Le sort tomba sur le fils d’un VarĂšgue de retour de GrĂšce qui professait la religion des Grecs. Celui-ci refusa de livrer son fils Ă  des dieux de bois faits de mains d’homme. Deux ans plus tard, Vladimir fit une descente chez les Bulgares, chrĂ©tiens depuis 865, qui l’exhortĂšrent Ă  se convertir. Il reçut Ă©galement la visite de Germains, catholiques romains, venant de la part du pape et prĂŽnant le jeune et la modĂ©ration dans le boire et le manger. Ils furent Ă©conduits sous prĂ©texte que « nos pĂšres n’ont pas cru Ă  votre religion ». Vinrent aussi des Juifs vivants chez les Khazars qui durent avouer que leur patrie avait Ă©tĂ© conquise par les chrĂ©tiens en raison de leurs pĂ©chĂ©s. Ils furent aussi renvoyĂ©s puisque leur Dieu les avait dispersĂ©s dans les pays Ă©trangers, sort que Vladimir ne voulait guĂšre voir subir par son peuple. Vinrent enfin des Grecs qui lui expliquĂšrent le sens de l’Incarnation. Vladimir les Ă©couta avec plaisir mais prĂ©fĂ©ra ne pas prendre de dĂ©cision immĂ©diatement[20].

Il envoya plutĂŽt en 987 des ambassadeurs Ă©tudier la religion des pays voisins pour dĂ©terminer pourquoi ceux-ci s’étaient convertis Ă  celle qu’ils pratiquaient. Ceux qui avaient Ă©tĂ© envoyĂ©s chez les Germains n’y virent aucune beautĂ©. Cependant ceux qui revinrent de Constantinople oĂč toute la pompe de la liturgie orthodoxe avait Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©e pour eux ne purent que s’exclamer : « Nous ne savions pas trop si nous n’étions pas dans le ciel ; car, Ă  la vĂ©ritĂ©, sur la terre on ne peut trouver tant de beautĂ© et de magnificence »[21].

Le baptĂȘme de Vladimir

Le baptĂȘme de Vladimir (Fresque de Viktor Vasnetsov)

Les quelques sources Ă©trangĂšres que nous possĂ©dons (Yahya d’Antioche et ses Ă©lĂšves : al-Rudhrawari, al-Makin, al-Dimashqi et ibn-al-Athir) donnent essentiellement la mĂȘme version des faits. En 987[22] les gĂ©nĂ©raux Bardas SklĂ©ras et Bardas Phocas se rĂ©voltĂšrent contre l’empereur byzantin Basile II (r. 976-1025). Conjuguant leurs forces pour l’occasion, les gĂ©nĂ©raux rebelles s’avancĂšrent contre Constantinople. Le , Bardas Phocas se proclama empereur. Soucieux d’éviter le siĂšge de sa capitale, Basile II demanda l’aide des Rous’ mĂȘme si ceux-ci Ă©taient alors considĂ©rĂ©s comme des ennemis. Vladimir accepta en Ă©change d’une alliance matrimoniale. Il accepta en mĂȘme temps de se convertir ainsi que son peuple au christianisme. Une fois conclus les arrangements relatifs aux noces, Vladimir envoya 6 000 hommes aider l’empereur Ă  mater la rĂ©volte[23]. Le baptĂȘme et le mariage sont cĂ©lĂ©brĂ©s en 988 Ă  ChersonĂšse par le mĂ©tropolite de la ville ou, selon les sources, par le patriarche de Constantinople Nicolas II ChrysobergĂšs[24].

Dans la Chronique des temps passĂ©s, le rĂ©cit du baptĂȘme de Vladimir est prĂ©cĂ©dĂ© de la prĂ©tendue LĂ©gende de Korsun’ (Cherson en CrimĂ©e). D’aprĂšs cette histoire apocryphe Vladimir aurait conquis en 988 la ville grecque de Cherson, centre administratif et commercial d’importance. Cette campagne se voulait peut-ĂȘtre une assurance que Basile II tiendrait ses promesses et qu’il pourrait Ă©pouser la sƓur de l’empereur, Anna PorphyrogĂ©nĂšte ; celle-ci lui fut effectivement promise Ă  condition que Vladimir accepte d’ĂȘtre baptisĂ© avant le mariage. Le baptĂȘme, qui aurait bel et bien eu lieu Ă  Cherson (certaines sources mentionnaient que le baptĂȘme aurait eu lieu Ă  Kiev), fut marquĂ© par la guĂ©rison miraculeuse d’un mal oculaire qui rendait Vladimir presque aveugle. Il prit alors le nom chrĂ©tien de Basile en hommage Ă  son beau-frĂšre. La cĂ©rĂ©monie du baptĂȘme fut immĂ©diatement suivie de celle du mariage[25].

Le baptĂȘme de la population de Kiev

AprĂšs son retour en triomphe Ă  Kiev, Vladimir exhorta avec force la population Ă  se rĂ©unir sur les bords du Dniepr pour se faire baptiser. Ce baptĂȘme de masse devait devenir le symbole de la christianisation de la Rous’ kiĂ©vienne.

Vladimir commença par baptiser ses douze fils et de nombreux boyards. Il dĂ©truisit ensuite les idoles de bois de plusieurs dieux paĂŻens qu’il avait lui-mĂȘme fait Ă©riger quelques annĂ©es plus tĂŽt. Elles furent brisĂ©es ou mises en piĂšce aprĂšs avoir Ă©tĂ© trainĂ©es derriĂšre des chevaux et fouettĂ©es ; celle du dieu Peroun fut jetĂ©e dans le Dniepr[26].

Suivant quoi, Vladimir fit parvenir un message aux habitants de Kiev « riches et pauvres, mendiants et esclaves » les invitant Ă  venir sur les bords du fleuve le jour suivant, Ă  moins « de vouloir devenir ennemis de leur prince ». Un grand nombre de personnes vinrent donc, amenant leurs enfants avec eux. Ils descendirent dans l’eau pendant que des prĂȘtres de Cherson, venus avec la princesse Olga, priaient[27].

Pour commĂ©morer cet Ă©vĂ©nement, Vladimir fit construire la premiĂšre Ă©glise de pierre de la Rous’ kiĂ©vienne, appelĂ©e l’église de la dĂźme, oĂč lui-mĂȘme et son Ă©pouse devaient reposer aprĂšs leur mort. Une autre Ă©glise, dĂ©diĂ©e Ă  saint Basile, fut construite sur la colline oĂč s’élevaient auparavant les idoles des dieux paĂŻens[28]. Au XIXe siĂšcle, deux monuments sont construits sur l'emplacement gĂ©ographique de ce baptĂȘme dans le Dniepr : une colonne surmontĂ©e d'une croix (AndreĂŻ Melenski, 1802) et un monument Ă  saint Vladimir construit un demi-siĂšcle plus tard, en 1853.

Les suites

Les Ă©vangiles d'Ostromir ; Ă©crites en slavon, elles furent l'un des premiers livres slaves orientaux.

Le baptĂȘme des KiĂ©viens fut suivi de cĂ©rĂ©monies similaires dans d’autres centres du pays. La Chronique de Joachim rapporte que l’oncle de Vladimir, Dobrynya, força les habitants de Novgorod Ă  adopter le christianisme « par le feu », alors que le gouverneur local, Putyata, persuada ses compatriotes Ă  accepter la foi chrĂ©tienne « par l’épĂ©e ». À la mĂȘme pĂ©riode l’évĂȘque Joachim Korsunianin construisit la premiĂšre Ă©glise en bois, la cathĂ©drale de la sainte Sagesse, « avec 13 toits », sur le site d’un cimetiĂšre paĂŻen[29].

Le paganisme survĂ©cut longtemps dans le pays, renaissant de ses cendres au cours de nombreuses rĂ©voltes comme celle de la haute Volga. Le nord-est du pays, dont le centre Ă©tait Rostov, se montra particuliĂšrement hostile Ă  la nouvelle religion. MĂȘme Novgorod vĂ©cut des flambĂ©es de violence jusqu’en 1071 alors que l’évĂȘque Fedor fit face Ă  de graves menaces contre sa personne et que le prince Gleb Sviatoslaich dispersa une foule aprĂšs avoir fendu un sorcier en deux avec sa hache[30].

La cathédrale d' Orekhovo-Borisovo fut érigée au XXIe siÚcle pour commémorer la christianisation de la Rous'

La christianisation de la Rous’ kiĂ©vienne en fit une fidĂšle alliĂ©e de Byzance. Les baptĂȘmes, en particulier celui de Vladimir, Ă©taient vĂ©cus comme un geste d’adoption par la famille impĂ©riale byzantine[31]. Kiev et les autres centres du pays adoptĂšrent la culture et la littĂ©rature grecques. Des Ă©glises furent Ă©rigĂ©es en suivant le modĂšle grec : Ă  Kiev (1037) et Novgorod (1051), s’élevĂšrent les cathĂ©drales consacrĂ©es Ă  la sainte Sagesse (Hagia Sophia). TrĂšs tĂŽt cependant, les Rous’ commencĂšrent Ă  dĂ©velopper leur propre style et l’église de la Dormition Ă©levĂ©e Ă  Vladimir-sur-la-Kliazma en 1160 prĂ©figure un style russe original[32].

Sous le rĂšgne de Yaroslav Ier, fils de Vladimir, le mĂ©tropolitain Ilarion composa le premier texte connu de la littĂ©rature slave orientale, une longue harangue ayant comme titre « Sermon sur la loi et la grĂące » dans laquelle il comparait favorablement la Rous' aux autres pays. Les Ă©vangiles d’Ostromir, Ă©crites Ă  Novgorod Ă  la mĂȘme pĂ©riode, sont le premier livre Ă©crit en slave oriental qui soit parvenu jusqu’à nous. Toutefois, le premier livre de littĂ©rature non religieuse, Le RĂ©cit de la campagne d’Igor, rĂ©vĂšle qu’une vision staroslave du monde persista longtemps dans la Rous’ kiĂ©vienne.

Notes et références

Notes

  1. Dans la littĂ©rature russe et ukrainienne, on emploie souvent l’expression « baptĂȘme de la Rus’ » (ĐšŃ€Đ”Ń‰Đ”ĐœĐžĐ” РусО) pour dĂ©signer les Ă©vĂ©nements de 867 ou des annĂ©es 980
  2. La date exacte reste incertaine (Voir Oleg M. Rapov, Russkaya tserkov v IX–pervoy treti XII veka [The Russian Church from the 9th to the First Third of the 12th Century], Moscow, 1988.
  3. L’Église catholique a fixĂ© leur fĂȘte au et l’Église orthodoxe [calendrier julien] au

Références

  1. La Chronique de Nestor d’aprĂšs le manuscrit de KƓnigsberg, Introduction p. 7; dans le prĂ©sent article, les rĂ©fĂ©rences au texte de la Chronique des temps passĂ©s suivent ce manuscrit disponible en ligne
  2. Tout sur la Marine Russe sur Red-stars.org
  3. Léonard Boyle, Petit guide de Saint-Clément, Rome, Collegio San Clemente, 1989 (janvier), (édition revue et augmentée) (1re éd. 1963) (ASIN B003X0YRIU), p. 6-9.
  4. Meyendorf (1981), p. 5, 17-18, 22-23.
  5. Photius, ep.2.293-302.
  6. Laourdas (1983), p. 49.
  7. Kazhdan (1991), « Rus’ », vo. 3, p. 1819.
  8. Obolensky (1994), p. 220-224.
  9. Aussi appelée Chronique du temps jadis ou Chronique de Nestor, voir plus haut.
  10. Chronique de Nestor, chap. IV, « Igor », p. 65.
  11. Vasiliev (1952) p. 322.
  12. Heller (1997), p. 33.
  13. Jestice (1997), p. 47.
  14. Voir Chronique de Nestor, chap. V, « Olga régente », p. 83.
  15. Chronique de Nestor, chap. VII, « Yaropolk », p. 112.
  16. Alexander Nazarenko. ДрДĐČĐœŃŃ Русь ĐœĐ° ĐŒĐ”Đ¶ĐŽŃƒĐœĐ°Ń€ĐŸĐŽĐœŃ‹Ń… путях. Moscow, 2001 (ISBN 5-7859-0085-8).
  17. Kondratieva (1996), p. 28.
  18. Chronique de Nestor, chap. VIII, « Vladimir », p. 119.
  19. Ibidem, voir la guerre avec les Iatviagues, p. 120.
  20. Chronique de Nestor, chap. VIII, « Vladimir », p. 122-126.
  21. Chronique de Nestor, chap. VIII, « Vladimir », p. 126 et sq.
  22. 985 ou 986 selon Ibn-al-Athir
  23. Golden (2006), entrée « Rus ».
  24. Marc-Antoine-François de Gaujal, Études historiques sur le Rouergue : Volume 3, Paris, Paul Dupont, 1859, p. 216. [lire en ligne (page consultĂ©e le 5 novembre 2020)]
  25. Chronique de Nestor, chap. VIII, « Vladimir », p. 130-133.
  26. Chronique de Nestor, chap. VIII, « Vladimir », p. 132-134.
  27. Chronique de Nestor, chap. VIII, « Vladimir », p. 135 et sq.
  28. Chronique de Nestor, chap. VIII, « Vladimir », p. 136.
  29. Novgorodskaia tretiaia letopis [Chronique des temps passés dans la version laurentienne] vol. 3, p. 208. Sur la conversion initiale, voir Vasilii Tatishchev, Istoriia rossiiskaia, A.I. Andreev et autres éd. (Moscou et Leningrad : AN SSSR, 1962), vol. 1, p. 112-113.
  30. Nasonov (1950), p. 191-196.
  31. Kondratieva (1996), p. 31; Meyendorf (1981), p. 5.
  32. Kondratieva (1996), p. 31.

Bibliographie

Sources primaires

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  • Constantin PorphyrogĂ©nĂšte. Le Livre des cĂ©rĂ©monies. Paris, Les Belles Lettres, 1967.
  • Laourdas, B. et L.G. Westerinck (Ă©ds.). Photii Patriarchae Constantinopolitani Epistulae et Amphilochia, vol. I, Leipzig, 1983.

Sources secondaires

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  • Heller, Michel. Histoire de la Russie et de son empire. Paris, Plon (1997) et Flammarion (1999) (ISBN 978-2-0812-3533-5).
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Articles connexes

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