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Charte constitutionnelle de 1830

La Charte constitutionnelle du est la constitution qui fonde la monarchie de Juillet, nouveau régime issu des émeutes des 27, 28 et 29 juillet 1830, dites les « Trois Glorieuses ».

Charte constitutionnelle de 1830
Description de cette image, également commentée ci-après
Premiers articles de la Charte constitutionnelle de 1830 (Archives nationales (Paris), AE-I-10-11).
Présentation
Pays Drapeau du Royaume de France Royaume de France
Type Constitution
Branche Droit constitutionnel
Adoption et entrée en vigueur
Adoption
Sanction
Entrée en vigueur
Abrogation 1848

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Historique

À l'issue des Trois Glorieuses, les députés libéraux, inquiets du risque de proclamation de la République, parviennent à confisquer la révolution populaire au profit du duc d'Orléans, nommé lieutenant général du royaume le 31 juillet 1830 dans l'attente d'un accord sur la nouvelle organisation des pouvoirs.

Le 3 août 1830, à une heure de l'après-midi, le duc d'Orléans préside à la cérémonie d'ouverture solennelle de la session parlementaire, au Palais Bourbon. Le discours qu'il prononce est son œuvre, mais il a été revu par Guizot et Dupin. Il fait de la volonté de maintenir la Charte la cause principale de la révolution et son ultime leçon, ce qui ne peut que déplaire aux révolutionnaires les plus ardents[N 1]. « Tous les droits, affirme-t-il, doivent être solidement garantis, toutes les institutions nécessaires à leur plein et libre exercice doivent recevoir les développements dont elles ont besoin. Attaché de cœur et de conviction aux principes d'un gouvernement libre, j'en accepte d'avance toutes les conséquences. »[1] Louis-Philippe énumère ensuite les réformes qu'il entend réaliser et qui reprennent pour l'essentiel celles énoncées dans la proclamation des députés du 31 juillet : organisation des gardes nationales, application du jury aux délits de presse, formation des administrations départementales et municipales, interprétation de l'article 14 de la Charte[N 2]. Aucune de ces réformes, même la dernière, ne suppose stricto sensu de révision constitutionnelle. Le lieutenant général conclut en communiquant aux Chambres l'abdication de Charles X et de son fils. Cette nouvelle ne manque pas d'inquiéter tous ceux qui espèrent un véritable changement de régime, car elle laisse entrevoir le strict maintien de la Charte au prix d'une simple succession dynastique faisant passer la couronne d'une branche à une autre d'une même famille.

L'affrontement de deux conceptions constitutionnelles divergentes

Armoiries de la monarchie de Juillet à partir du 16 février 1831 : la charte de 1830 apparaît au centre

Dans la soirée du 3 août, plusieurs députés mécontents, se retrouvent chez le journaliste Cauchois-Lemaire. Bérard propose « d'en finir avec l'ancienne dynastie, d'en créer une nouvelle, d'établir les conditions constitutionnelles auxquelles elle devrait son existence ». Rentré chez lui, il rédige dans la nuit un projet qu'il soumet, dès le matin, à Dupont de l'Eure et Laffitte. Il y affirme que : « Un pacte solennel unissait le peuple français à son monarque ; ce pacte vient d'être brisé. Les droits auxquels il avait donné naissance ont cessé d'exister. Le violateur du contrat ne peut, à aucun titre, en réclamer l'exécution »[N 3]. À la tête de l'État, il propose de placer le duc d'Orléans parce qu'il est « ami des institutions constitutionnelles » mais souhaite « établir les conditions auxquelles il obtiendra le pouvoir ». En plus de celles que Louis-Philippe a lui-même avancées, il cite la responsabilité des ministres et des agents secondaires de l'administration, le statut légal des militaires, la réélection des députés nommés à des fonctions publiques, l'égalité des cultes devant la loi, l'interdiction des troupes étrangères dans l'armée nationale, l'abolition de la noblesse, l'initiative des lois accordée aux chambres, la suppression du double vote, l'abaissement de l'âge et du cens électoral, la reconstitution totale de la pairie. La plupart de ces réformes supposent une révision constitutionnelle.

Ce sont en réalité deux conceptions constitutionnelles qui s'opposent fondamentalement :

  • D'un cĂ´tĂ©, pour BĂ©rard et les rĂ©volutionnaires modĂ©rĂ©s du centre gauche, le coup de force de Charles X a rendu caduque la Charte de 1814[N 4]. Les Trois Glorieuses marquent une discontinuitĂ© historique au terme de laquelle doit ĂŞtre fondĂ© un nouveau rĂ©gime, rĂ©gi par une nouvelle constitution et avec Ă  sa tĂŞte une nouvelle dynastie. Dans cette interprĂ©tation, Louis-Philippe est roi « quoique Bourbon » et il doit rĂ©gner sous le nom de Louis-Philippe Ier.
  • De l'autre cĂ´tĂ©, selon Guizot, le duc de Broglie et les doctrinaires, les Trois glorieuses ont eu pour origine la volontĂ© de rĂ©tablir la Charte, violĂ©e par Charles X. Ce dernier parti, la Charte de 1814 est pleinement restaurĂ©e et la couronne doit ĂŞtre dĂ©volue selon les règles dynastiques. Dès lors, Louis-Philippe, bĂ©nĂ©ficiant d'une « quasi-lĂ©gitimitĂ© »[N 5], est roi « parce que Bourbon » et doit rĂ©gner sous le nom de Philippe VII[N 6].

La portée politique de ce débat est résumée par un bref échange entre Guizot et Bérard le 6 août, peu avant d'entrer en séance à la Chambre :

« – Vous aviez voulu, dit Bérard, faire de la légitimité ; moi je suis entré dans le vrai en faisant de l'usurpation.
– Vous avez le plus grand tort, répond Guizot, on ne vous le pardonnera pas.
– Je ne sais si on me le pardonnera, mais ce que je sais, c'est que, grâce à moi, on montera sur un trône dont, avec votre manière de faire, on aurait pu être exclu pour toujours. »

— Antonetti 2002, p. 605

Dans la matinée du 4 août, le Conseil des ministres examine la proposition de Bérard. Louis-Philippe affiche sa bienveillance, et charge Broglie et Guizot de préparer une révision de la Charte. Une fois le conseil terminé, les ministres disent à Bérard qu'il y sera appelé lorsque le sujet de la révision y sera délibéré. Cette délibération se tient en fin d'après-midi le 4 et dans la journée du 5, mais Bérard n'est pas convié. Celui-ci s'en plaint à Guizot en agitant la menace que représentent les projets, beaucoup plus radicaux, des républicains ; d'ailleurs, dès le lendemain, Guizot reçoit des mains de Boinvilliers, qui lui est amené par Girod de l'Ain, les conditions des républicains : constitution sous forme de monarchie, déclaration des droits, ratification de la constitution par les citoyens, dissolution de la Chambre qui vient de se réunir et reconquête par la guerre de la « frontière naturelle » du Rhin. Le 6 au matin, Guizot peut remettre à Bérard le projet de révision de la Charte qu'il a élaboré avec le duc de Broglie, dans lequel il a ajouté de son propre mouvement, sans l'aveu de son corédacteur, une disposition annulant les nominations de pairs faites par Charles X.

À la Chambre des députés, dans la matinée du 6 août, le débat s'engage sur la proposition de Bérard. Il va durer deux jours, tandis que les manifestants républicains cernent le Palais Bourbon, difficilement contenus par La Fayette et Benjamin Constant. L'opposition des républicains se focalise sur la question, essentielle pour l'équilibre du régime, de l'hérédité de la pairie[N 7]. Au Conseil des ministres du 7 août au matin, Guizot demande à Louis-Philippe si, en cas d'émeute, il autoriserait l'emploi de la force publique ; le lieutenant général répond, sans hésiter[N 8], par la négative. Aussi le Conseil adopte-t-il une solution de moyen terme : la révision de l'article 27 de la Charte sera renvoyée à la session de 1831. Durant les débats à l'Assemblée, Lafayette prononce un discours en faveur de l'abolition de la pairie héréditaire :

« Disciple de l’école américaine, j’ai toujours pensé que le corps législatif devait être divisé en deux chambres, avec des différences dans leur organisation. Cependant je n’ai jamais compris qu’on pût avoir des législateurs et des juges héréditaires. L’aristocratie, Messieurs, est un mauvais ingrédient dans les institutions publiques. J’exprime donc, aussi fortement que je le puis, mon vœu pour l’abolition de la pairie héréditaire[2]. »

En définitive, la Chambre adopte un texte[N 9] qui reprend pour l'essentiel la proposition de Bérard.

Le projet de révision constitutionnelle adopté par la Chambre des députés

Le projet adopté par les députés commence par invoquer la violation de la Charte et le départ de Charles X et de la famille royale hors de France pour déclarer le trône vacant en fait et en droit, en passant sous silence les abdications de Rambouillet.

Le préambule de la Charte de 1814 est abrogé « comme blessant la dignité nationale en paraissant octroyer aux Français des droits qui leur appartiennent essentiellement ».

Le texte même de la Charte est profondément modifié :

  • Les articles 6 et 7 de la Charte de 1814 sont fusionnĂ©s et la religion catholique cesse d'ĂŞtre qualifiĂ©e de « religion de l'État » ; elle est toutefois reconnue comme religion « professĂ©e par la majoritĂ© des Français ».
  • Ă€ l'article 7 (ancien article 8), la mention des lois « qui doivent rĂ©primer les abus de [la] libertĂ© » de la presse est supprimĂ©e. Il est ajoutĂ© que : « La censure ne pourra jamais ĂŞtre rĂ©tablie ».
  • Ă€ l'article 13 (ancien article 14), la possibilitĂ© pour le roi de faire des ordonnances pour « la sĂ»retĂ© de l'État » est supprimĂ©e. Seul est maintenu le pouvoir rĂ©glementaire d'exĂ©cution des lois en prĂ©cisant qu'il ne peut « jamais ni suspendre les lois elles-mĂŞmes ni dispenser de leur exĂ©cution ». Il est prĂ©cisĂ© en outre qu'« aucune troupe Ă©trangère ne pourra ĂŞtre admise au service de l'État qu'en vertu d'une loi ».
  • Les articles 16, 17, 19 et 20 de 1814 sont remplacĂ©s par l'article 15 selon lequel l'initiative des lois, autrefois monopole du roi (article 16 de la Charte de 1814), est dĂ©sormais partagĂ©e entre le roi et les chambres.
  • S'agissant de la Chambre des pairs, l'article 22 (ancien article 26) prĂ©cise que la Chambre des pairs peut se rĂ©unir comme cour de justice en dehors de la session parlementaire. Les articles 30 et 31 de la Charte de 1814, qui blessaient l'orgueil de la maison d'OrlĂ©ans en distinguant la famille royale, les princes du sang et les princes, sont rĂ©unis en un seul article qui prĂ©cise que les princes du sang sont pairs par droit de naissance. Enfin, l'article 27 (ancien article 32) Ă©tablit la publicitĂ© des dĂ©bats parlementaires de la Chambre haute.
  • En ce qui concerne la Chambre des dĂ©putĂ©s (qui est dĂ©sormais dĂ©nommĂ©e ainsi, et non plus Chambre des dĂ©putĂ©s des dĂ©partements comme dans le Charte de 1814), le mandat des dĂ©putĂ©s est ramenĂ© Ă  5 ans, sans prĂ©cision du mode de renouvellement (article 31, ancien article 37). L'âge d'Ă©ligibilitĂ© est ramenĂ© de 40 Ă  30 ans (article 32, ancien article 38). L'âge d'Ă©lectorat est ramenĂ© de 30 Ă  25 ans (article 34, ancien article 40). Parallèlement, le montant du cens d'Ă©lection et d'Ă©ligibilitĂ© cesse d'ĂŞtre fixĂ© par la Charte et est renvoyĂ© Ă  la loi Ă©lectorale. Les prĂ©sidents des collèges Ă©lectoraux sont dĂ©sormais Ă©lus et non plus nommĂ©s (article 35, ancien article 41), de mĂŞme que le prĂ©sident de la Chambre (article 37, ancien article 43). Le droit d'amendement est reconnu aux parlementaires (abrogation de l'ancien article 46).
  • La responsabilitĂ© des ministres, autrefois limitĂ©e aux cas de trahison et de concussion (ancien article 56), est dĂ©sormais Ă©largie Ă  toutes les infractions pĂ©nales.
  • L'article 54 (ancien article 63) interdit toute juridiction d'exception.
  • La mention de la prestation du serment royal « dans la solennitĂ© [du] sacre » est supprimĂ©e (article 65, ancien article 74).
  • Le nouvel article 67 rĂ©tablit les trois couleurs.
  • Le nouvel article 68 annule toutes les nominations de pairs faites par Charles X et prĂ©voit que l'article 23, relatif Ă  l'hĂ©rĂ©ditĂ© de la pairie, sera soumis Ă  un nouvel examen dans la session de 1831.
  • Le nouvel article 69 Ă©numère les matières auxquelles il devra ĂŞtre pourvu par des lois « dans le plus court dĂ©lai possible » : « 1° L'application du jury aux dĂ©lits de la presse et aux dĂ©lits politiques ; 2° La responsabilitĂ© des ministres et des autres agents du pouvoir ; 3° La rĂ©Ă©lection des dĂ©putĂ©s promus Ă  des fonctions publiques salariĂ©es[3] ; 4° Le vote annuel du contingent de l'armĂ©e ; 5° L'organisation de la garde nationale, avec intervention des gardes nationaux dans le choix de leurs officiers[4] ; 6° Des dispositions qui assurent d'une manière lĂ©gale l'Ă©tat des officiers de tout grade de terre et de mer ; 7° Des institutions dĂ©partementales et municipales fondĂ©es sur un système Ă©lectif[5] ; 8° L'instruction publique et la libertĂ© de l'enseignement[6] ; 9° L'abolition du double vote et la fixation des conditions Ă©lectorales et d'Ă©ligibilitĂ©[7]. »

La conclusion du texte met en exergue le caractère contractuel de la nouvelle charte, à la différence de la précédente, concession unilatérale du roi. C'est un engagement synallagmatique qui est proposé au duc d'Orléans, qui tiendra en réalité sa souveraineté de la Chambre des députés, c'est-à-dire de la volonté populaire :

« Moyennant l'acceptation de ces dispositions et propositions, la Chambre des députés déclare enfin que l'intérêt universel et pressant du peuple français appelle au trône S.A.R. Louis-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans, et ses descendants à perpétuité, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture. [...] En conséquence, S.A.R. [...] sera invitée à accepter et à jurer les clauses et engagements ci-dessus énoncés, l'observation de la Charte constitutionnelle et des modifications indiquées, et, après l'avoir fait devant les chambres assemblées, à prendre le titre de roi des Français[N 10]. »

La révision de la Charte

Le 7 au soir, après avoir notifié leur vote à la Chambre des pairs, les députés, conduits par leur vice-président, Jacques Laffitte[N 11], se rendent au Palais-Royal. Dans le salon des Batailles, Louis-Philippe, entouré de sa famille, écoute avec émotion la lecture de la proclamation de la Chambre et, dans sa réponse, la juge « conforme aux principes politiques [qu'il a] professés toute [sa] vie »[8]. Après avoir affirmé qu'il n'a jamais brigué la couronne et lui aurait préféré la tranquillité de sa vie de famille, il conclut en affirmant qu'un sentiment l'emporte toutefois sur tous les autres, l'amour de son pays : « Je sens ce qu'il me prescrit et je le ferai. » Cette péroraison, dite avec des larmes dans les yeux, suscite une ovation : « Vive le roi ! Vive la reine ! Vive la famille royale ! » Louis-Philippe embrasse Laffitte, La Fayette lui serre le bras[N 12]. Au-dehors, la foule scande le nom du prince, qui paraît au balcon sous les acclamations, suivi par la duchesse d'Orléans avec ses enfants. « Le peuple, observe Cuvillier-Fleury, paraissait enchanté d'avoir un roi, et surtout de l'avoir fait lui-même. »[9]

Le 7 août, par 89 voix sur 114 présents (sur les 308 pairs ayant voix délibérative), la Chambre des pairs adopte la déclaration des députés avec un léger changement concernant les nominations de pairs faites par Charles X, pour lesquelles elle s'en remet à la haute prudence du prince lieutenant général.

Le régime établi par la Charte de 1830

En 1830, la branche cadette des Bourbons, celle d'Orléans, accède au pouvoir. Louis-Philippe Ier devient roi des Français et non pas roi de France. Louis-Philippe est le dernier roi ayant régné en France, et l'avant-dernier monarque. Son règne commence en 1830 et il finit avec la Révolution de 1848, qui donne naissance à la Seconde République.

La souveraineté

Les conditions de la naissance de la monarchie de Juillet sont marquées par une série d'ambiguïtés constitutionnelles :

  • La souverainetĂ© des Bourbons de la branche aĂ®nĂ©e, fruit d'un principe historique et sacrĂ©e dans son essence, est abolie. Les dĂ©bats de la Chambre des dĂ©putĂ©s le 6 aoĂ»t 1830 ont Ă©tabli la vacance du trĂ´ne. L'abdication de Charles X et la renonciation du dauphin, le 2 aoĂ»t, qui devaient ouvrir la voie au règne de « Henri V », sont tenues pour nulles et non avenues : il n'en est mĂŞme pas fait mention. Il n'est donc pas question d'une succession dynastique bourbonienne au profit du duc de Bordeaux et encore moins, pour le cas oĂą celui-ci serait Ă©galement considĂ©rĂ© comme disqualifiĂ©, du duc d'OrlĂ©ans, contrairement Ă  ce qu'avaient imaginĂ© les doctrinaires avec Guizot et le duc de Broglie. Louis-Philippe arrive sur le trĂ´ne « non comme Bourbon, mais quoique Bourbon » (AndrĂ© Dupin). D'ailleurs, il règne sous le nom de Louis-Philippe Ier et non de Philippe VII.
  • La monarchie de Juillet n'est pas davantage fondĂ©e sur la souverainetĂ© populaire, contrairement Ă  ce que rĂ©clamaient les rĂ©publicains. La Charte de 1830 ne sera pas ratifiĂ©e par le peuple, pas plus que l'accession au trĂ´ne de Louis-Philippe. « L'appel au suffrage populaire, observera Guizot, eĂ»t donnĂ© Ă  la monarchie prĂ©cisĂ©ment le caractère que nous avions Ă  cĹ“ur d'Ă©carter ; il eĂ»t mis l’élection Ă  la place de la nĂ©cessitĂ© et du contrat. C'eĂ»t Ă©tĂ© un principe rĂ©publicain, profitant de l'Ă©chec que le principe monarchique venait de subir, pour l'expulser complètement, et prendre encore, sous un nom royal, possession du pays »[10].
  • La nouvelle monarchie est donc Ă©lective et contractuelle :
    • Ă©lective, car ce sont les dĂ©putĂ©s – ou plus prĂ©cisĂ©ment une petite moitiĂ© des membres de la Chambre dissoute par Charles X le 25 juillet – qui constatent que « l'intĂ©rĂŞt universel et pressant du peuple français appelle au trĂ´ne S.A.R. Louis-Philippe d'OrlĂ©ans » ;
    • contractuelle, car l'Ă©lĂ©vation au trĂ´ne de Louis-Philippe est subordonnĂ©e Ă  l'acceptation par celui-ci de la Charte rĂ©visĂ©e par les Chambres (V. supra) : loin d'ĂŞtre concĂ©dĂ©e, comme celle de 1814, la Charte de 1830 se prĂ©sente donc comme un pacte entre le roi des Français et les Chambres ; c'est la principale raison pour laquelle le prĂ©ambule de 1814 est supprimĂ©.

Dans ces conditions, la monarchie de Juillet ne peut être fondée que sur la souveraineté nationale. C'est parce que ce principe paraissait évident que fut repoussé un amendement du député Jean-Charles Persil qui proposait d'insérer avant le paragraphe Forme du gouvernement du roi une déclaration inspirée de la Constitution de 1791 : « la souveraineté appartient à la Nation ; elle est inaliénable et imprescriptible ».

Une royauté représentative

Persil avait proposé d'inscrire dans la Charte révisée la formule du principe représentatif : « La Nation, de qui émanent tous les pouvoirs, ne peut les exercer que par délégation. » Cette proposition ne fut pas retenue, mais il est clair que c'est bien en tant que représentant de la Nation que règne Louis-Philippe.

Mais il partage cette fonction représentative avec les Chambres. À cet égard, le principe héréditaire et méritocratique qui préside à la formation de la Chambre des pairs, tout comme le régime électoral censitaire de désignation des députés, s'accordent sans difficulté avec le principe de la souveraineté nationale, qui ne conçoit l'électorat que comme une fonction (représenter la Nation) et non comme un droit.

Par la loi du 18 avril 1831, le cens sera abaissĂ© de 300 Ă  200 francs pour ĂŞtre Ă©lecteur et Ă  500 francs pour ĂŞtre Ă©lu. Par ailleurs, le double vote est aboli. Un demi-cens de capacitĂ© est prĂ©vu pour certaines personnes, en fonction de leurs titres ou de leurs anciennes fonctions : membres et correspondants de l'Institut de France, officiers gĂ©nĂ©raux et supĂ©rieurs en retraite, ayant une pension d'au moins 1 200 francs[N 13]. Le nombre des Ă©lecteurs est ainsi doublĂ© sans pour autant Ă©largir de manière notable le corps Ă©lectoral. Un Français sur cent soixante-dix participe Ă  la vie politique par le biais des Ă©lections.

L'amorce d'un parlementarisme dualiste

La Charte de 1830 développe les germes de parlementarisme qui étaient contenus dans celle de 1814. Tournant le dos au modèle américain, elle s'inspire du modèle anglais sans pour autant fonder un véritable régime parlementaire.

Pour la première fois on admet la responsabilité du gouvernement devant la chambre des députés[11]. C'est en effet l'apparition d'une technique : la mise en demeure qu'un député adresse au gouvernement en l'invitant à s'expliquer sur l'exercice de son autorité. Néanmoins, en situant au même plan représentatif la Couronne et les Chambres, elle implique une collaboration des pouvoirs dont la théorie a été faite par Prosper Duvergier de Hauranne : comme les trois pouvoirs – le roi, la Chambre des pairs et la Chambre des députés – sont égaux, « il faut que de trois actions également libres, il résulte une action commune qui soit le gouvernement, autrement il y aurait dans l'État anarchie et par conséquent impuissance. Or il est évident que, pour obtenir ce résultat, un intermédiaire est nécessaire qui participant à la fois des trois pouvoirs emprunte à chacun une portion de sa vie propre. Cet intermédiaire est le ministère et ne saurait être que lui [...] Il est le lien vivant entre les pouvoirs. Il représente le roi dans l'enceinte des Chambres, les Chambres dans le cabinet du roi »[12].

Le fonctionnement du régime

La monarchie de Juillet a ouvert une nouvelle période de stabilité institutionnelle de presque dix-huit années, dépassant la durée de la Restauration et de tous les régimes antérieurs depuis 1789. La France, qui jouit d'une ère de paix vis-à-vis de ses voisins, peut ainsi perfectionner sa pratique du libéralisme politique et poursuivre son évolution vers le parlementarisme, qui trouvera son aboutissement sous la Troisième République.

La Chambre des députés devient ainsi le cœur de la vie politique. La pratique de l'interpellation s'affirme. L'éloquence parlementaire se déploie. Les journaux politiques se multiplient et, avec La Presse d'Émile de Girardin, commencent à toucher un large public.

Le rĂ´le de la Couronne

La place et le rôle du roi constituent, entre 1830 et 1840, le principal sujet de discorde. Avec Thiers, la gauche du parti du mouvement voudrait faire évoluer le régime vers un système nettement parlementaire dans lequel le ministère est l'émanation des Chambres et « le roi règne mais ne gouverne pas ». Selon Thiers, c'est parce qu'il a voulu gouverner contre la Chambre que Charles X est sorti de la Charte et a été renversé, et c'est l'objet même du nouveau régime que d'éviter que cette situation se reproduise : « Il fallait un nouveau roi qui se considérât comme partie liée au contrat, qui admît le grand principe de déférence aux vœux de la majorité »[13] - [14]. Mais, les modérés du parti de la résistance ne l'entendent pas ainsi et considèrent qu'au moins dans les premiers temps du règne, la priorité absolue doit aller au rétablissement de l'ordre, perpétuellement menacé par l'émeute et qu'il convient donc, selon la formule du duc de Broglie, « de ne pas se presser de jouer en règle au gouvernement parlementaire »[15].

L'avis de la droite rejoint l'inclination profonde de Louis-Philippe : refusant d'être « un roi soliveau », il veut exercer une influence prépondérante sur la direction du gouvernement, et ne pas se laisser imposer ses ministres. Comme l'explique Pellegrino Rossi, porte-parole officieux du roi au sein de l'Université : « La royauté, dans notre système constitutionnel, est le centre autour duquel tous les pouvoirs viennent se coordonner pour former un seul tout [...] C'est dans l'élément monarchique qu'est posé le principe d'unité qui tient ensemble les trois parties de la machine gouvernementale : la monarchie a une part dans les trois branches du pouvoir [...] Elle n'est complètement étrangère à aucun des grands pouvoirs de l'État »[16] - [17]. « Le trône, déclare Guizot, n'est pas un fauteuil vide [...] La couronne repose sur la tête d'une personne intelligente et libre, [...] elle n'est pas une simple et inerte machine »[18] - [17]. Pour Louis-Philippe, les ministres doivent être des exécutants dociles de la volonté royale : « Ils ont beau faire, aime-t-il à dire, ils ne m'empêcheront pas de mener mon fiacre »[19]. « Un ministère, dit-il souvent, est un relais de poste. J'ai quelquefois de bons chevaux, et le voyage est commode ; mais j'arrive à un relais où je suis obligé de prendre des chevaux fringants et rétifs ; il faut bien faire la route, et, après tout, ce n'est qu'un relais »[19]. Il admet le régime représentatif, c'est-à-dire une participation d'une élite censitaire au gouvernement royal, participation qu'il juge inévitable compte tenu de l'esprit du temps, mais il n'accepte pas le régime parlementaire, dans lequel c'est le ministère qui endosse la responsabilité politique, le rôle de la couronne devenant, dans le meilleur des cas, d'influence et, dans le pire des cas, se réduisant à rien. Au contraire, Louis-Philippe, qui aime la popularité, veut pouvoir s'attribuer le mérite de ce qui se fait de populaire. Lorsque Casimir Perier meurt du choléra en mai 1832, il a ce mot significatif : « J'avais beau faire [...] tout ce qui se faisait de bon était attribué à Casimir Perier, et les incidents malheureux retombaient à ma charge ; aujourd'hui, au moins, on verra que c'est moi qui règne seul, tout seul »[20] - [21] - [N 14].

Si l'on s'en tient à la lettre de la Charte de 1830, la lecture de Louis-Philippe est certainement la plus conforme à l'esprit du texte constitutionnel. Celui-ci n'a pas institué un régime parlementaire : la Chambre des députés ne dispose pas du pouvoir de renverser le gouvernement, qui ne procède que du roi. Néanmoins, l'esprit du temps ne peut se satisfaire d'une pratique trop monarchique des institutions :

  • D'une part, les hommes nouveaux qui arrivent aux responsabilitĂ©s politiques ne sont pas disposĂ©s Ă  supporter une configuration dans laquelle le roi s'attribue toute la gloire de ce qui se fait de populaire, et laisse ses ministres supporter le blâme de tout ce qui s'accomplit d'impopulaire[N 15].
  • D'autre part, la classe moyenne aspire Ă  ĂŞtre associĂ©e de manière rĂ©elle et Ă©troite, par le biais de ses reprĂ©sentants, Ă  la conduite des affaires du pays. Les dĂ©putĂ©s vont donc s'efforcer de dĂ©montrer – au besoin par l'absurde, en menaçant d'une grève de l'impĂ´t – leur capacitĂ© Ă  obtenir la nomination d'un ministère conforme aux vues de la majoritĂ© de la Chambre et Ă  renvoyer celui qui ne trouve pas, en leur sein, de majoritĂ©. La coalition formĂ©e pour renverser le premier ministère MolĂ© tĂ©moigne d'une tentative minutieusement organisĂ©e pour Ă©carter un gouvernement considĂ©rĂ© comme l'Ă©manation directe du palais des Tuileries ; de manière paradoxale, elle aboutit en effet Ă  un changement de ministère, mais c'est MolĂ© que Louis-Philippe dĂ©signe pour se succĂ©der Ă  lui-mĂŞme !

Ce conflit entre les députés et le roi occupe les dix premières années du règne. Il est attisé par le tempérament de Louis-Philippe, habile manœuvrier, qui veut gouverner et préserver ses marges d'initiative[N 16], notamment en matière de politique étrangère[N 17] et de défense, deux matières qu'il considère comme son « domaine réservé »[N 18]. Il a pour conséquence une très grande instabilité ministérielle : sur les dix premières années du règne on compte quatorze ministères[N 19], dont certains fort éphémères, comme le ministère Maret, surnommé « le ministère des trois jours ». Louis-Philippe use et abuse du droit de dissolution : il dissout sept fois la Chambre des députés ; aucune chambre ne va jusqu'au bout de son mandat ; la plus courte ne va pas au-delà de 10 mois, la plus longue n'excède pas 4 ans. Pour manipuler la majorité de la Chambre des pairs, le roi use aussi de la technique dite des « fournées de pairs ». À cela s'ajoute la faiblesse de nombre de ministères, avec à leur tête une « glorieuse épée », c'est-à-dire un maréchal de France décoratif mais qui ne dirige pas véritablement le cabinet et laisse le roi agir à sa guise. Les présidents du Conseil forts – Jacques Laffitte, Casimir Perier, le duc de Broglie – n'ont pas la confiance du roi, qui les soupçonne de vouloir le déposséder de ses prérogatives.

Le conflit sur le rôle de la Couronne est mis en sourdine à partir de 1840. C'est alors François Guizot qui devient le véritable chef du ministère et forme avec Louis-Philippe un tandem efficace. Le gouvernement bénéficie du soutien solide de la Chambre des députés, et de l'approbation des électeurs, qui confortent sa majorité aux élections de 1846 par rapport à celles de 1842. Mais cette stabilité ministérielle contrastant avec l'instabilité des dix premières années et qui réalise, selon la formule de Prévost-Paradol, « une soudure dangereuse entre l'élément fixe et l'élément mobile du régime parlementaire », ne peut dissimuler une contestation grandissante de la légitimité même du régime, qui se cristallise autour de la question de l'élargissement du suffrage, et qui finira par emporter la monarchie de Juillet en 1848.

Le débat sur l'élargissement du suffrage

La Charte de 1830 promettait une rĂ©forme du mode de suffrage. En effet, la Charte de 1814 avait Ă©tabli un système très restrictif : le cens de l'Ă©lectorat Ă©tait fixĂ© Ă  300 francs de contributions directes et le cens d'Ă©ligibilitĂ© Ă  1 000 francs ; il y avait donc moins de 100 000 Ă©lecteurs et de 15 000 Ă©ligibles en 1830.

D'emblée, la réforme électorale divise le pays. Les républicains et les bonapartistes souhaitent, à défaut du suffrage universel, qui n'a alors que peu de partisans, un retour à la Constitution de 1791[N 20], voire à la Constitution de l'an III[N 21]. Certains légitimistes sont également favorables à une extension du suffrage, considérant que la paysannerie aisée est restée fidèle à la monarchie légitime.

La Chambre des députés commence à débattre de la nouvelle loi électorale le 22 février 1831. Aux termes de deux mois de débats et après une navette avec la Chambre des pairs, qui se montre plus libérale, la loi du 19 avril 1831 se contente d'abaisser le cens d'électorat à 200 francs de contributions directes et le cens d'éligibilité à 500 francs.

Ce rĂ©gime demeure en vigueur jusqu'Ă  la fin du règne. Mais le dĂ©bat sur la rĂ©forme Ă©lectorale va ĂŞtre au cĹ“ur des controverses politiques dans la dĂ©cennie 1840. Le gouvernement Guizot est sans doute l'Ă©manation du « pays lĂ©gal », mais l'Ă©cart se creuse entre celui-ci et le « pays rĂ©el », qui s'irrite contre les lois Ă©lectorales, qui restreignent de manière excessive le pouvoir de suffrage, rĂ©servĂ© Ă  une Ă©lite de moins en moins reprĂ©sentative. En dĂ©pit de l'accroissement considĂ©rable de la prospĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale, le nombre d'Ă©lecteurs, qui Ă©tait de 166 000 en 1832, n'atteint que 240 000 en 1847.

En outre, les accusations de corruption et les scandales minent, dans l'opinion, surtout à partir de 1847, la légitimité du régime (V. Scandales sous la monarchie de Juillet).

La gauche porte alors deux revendications principales :

  • la rĂ©forme parlementaire, Ă  travers l'adoption d'une loi d'incompatibilitĂ© entre le mandat parlementaire et l'exercice de fonctions publiques : En effet, sous la monarchie de Juillet, rien n'interdisait qu'un dĂ©putĂ© soit, pendant son mandat, nommĂ© par le roi Ă  des fonctions publiques. Dans une telle hypothèse, le parlementaire Ă©tait seulement contraint de solliciter de ses Ă©lecteurs la confirmation de son mandat, qui Ă©tait gĂ©nĂ©ralement accordĂ©e. De ce fait, les nominations Ă©taient un moyen pour le ministère d'acheter des soutiens Ă  la Chambre et de les conserver, les dĂ©putĂ©s nommĂ©s Ă  des fonctions publiques dĂ©pendant ensuite, pour leur avancement et leur carrière, du pouvoir du gouvernement ;
  • la rĂ©forme Ă©lectorale comporte deux volets :
    • l'abaissement du cens d'Ă©ligibilitĂ© et d'Ă©lection ;
    • l'adjonction des capacitĂ©s, c'est-Ă -dire l'ouverture du droit de vote Ă  des personnes qui, quoique ne justifiant pas du cens requis, ont dĂ©montrĂ© leurs capacitĂ©s par l'exercice de certaines fonctions (officiers supĂ©rieurs et gĂ©nĂ©raux, membres de l'Institut, professeurs, etc.).

Il n'est pas encore question du suffrage universel, même si quelques franc-tireurs – un indépendant comme Alphonse de Lamartine, un polémiste comme Louis Marie de Lahaye Cormenin, un légitimiste audacieux comme l'abbé de Genoude – en ont avancé l'idée sans croire à sa réalisation possible à moyen terme. Même les républicains, quand ils l'évoquent[N 22], ne l'envisagent que par étapes. Pourtant, même les demandes limitées de réforme électorale – comme celle proposée par Prosper Duvergier de Hauranne dans De la réforme parlementaire et de la réforme électorale (1847)[N 23] – ne parviennent pas à déboucher. Guizot n'envisage l'élargissement du corps électoral que comme la résultante de la prospérité économique ; c'est le sens de sa célèbre apostrophe : « Enrichissez-vous par le travail et par l'épargne ! ». C'est pour dénoncer ce blocage que s'engagera en juillet 1847 la fameuse « Campagne des Banquets », qui jouera un grand rôle dans la préparation de la révolution de 1848.

Chronologie des constitutions françaises

Notes et références

Notes

  1. Louis Bérard trouve ainsi le discours « pauvre, mesquin, maladroit » (Antonetti 2002, p. 602).
  2. En attribuant au roi le pouvoir de faire des ordonnances « pour la sûreté de l'État » en dehors de toute base législative, l'article 14 a servi de base légale au coup de force de Charles X.
  3. En réalité, la Charte, concédée unilatéralement par le roi, ne saurait être considérée comme un contrat (Antonetti 2002, p. 603-604).
  4. C'est le point faible du raisonnement : la Charte n'ayant jamais eu le caractère d'un contrat, sa violation n'a pu la rendre caduque ; elle a pu, tout au plus, disqualifier son auteur, c'est-à-dire Charles X.
  5. « Quasi-légitimité » et non pleine légitimité car il faut quand même trouver le moyen d'expliquer que, si la Charte de 1814 est maintenue, le successeur de Charles X ne soit pas Henri V. C'est le point faible de la thèse doctrinaire.
  6. Le dernier roi prénommé Philippe ayant été Philippe VI de Valois.
  7. Il s'agit de l'article 27 de la Charte de 1814 : « La nomination des pairs de France appartient au roi. Leur nombre est illimité ; il peut en varier les dignités, les nommer à vie ou les rendre héréditaires, selon sa volonté. »
  8. Louis-Philippe n'aime pas les pairs, et considère que l'hérédité de la pairie ne vaut pas une nouvelle crise. Il ne mesure probablement pas pleinement l'enjeu politique de la question : si l'hérédité de la pairie est supprimée, le seul droit de naissance qui subsiste est celui de la Couronne, et il ne tardera pas à être remis en cause à son tour comme une survivance incongrue de l'Ancien Régime. Le duc de Broglie l'a bien vu dans ses Souvenirs : « Dans un pays comme le nôtre, dans un pays d'égalité légale et presque sociale, abolir, coûte que coûte, le peu qui restait d'hérédité, c'était démonétiser d'avance toutes les distinctions concevables et laisser la royauté, seule de son espèce, livrée, dans la nudité de son isolement, au flot montant de la démocratie. »
  9. 219 boules blanches contre 33 boules noires.
  10. Alors que ses prédécesseurs directs, Louis XVIII et Charles X, portaient le titre de roi de France et de Navarre. Le titre de roi des Français avait déjà été attribué à Louis XVI par la constitution du 3 septembre 1791 (article 2).
  11. Élu le 5 août par 160 voix contre 174 à Casimir Perier, nommé président.
  12. C'est à cette occasion, ou bien, selon d'autres sources, quelques jours plus tôt, le 1er août, que celui-ci aurait prononcé le mot qu'on lui a beaucoup reproché et qu'il a nié avoir dit : « Voilà la meilleure des républiques ! » Cette scène est reprise dans l'iconographie (Voir sur Gallica
  13. Le traitement de la LĂ©gion d'honneur pouvant entrer dans le calcul du minimum.
  14. Paul Thureau-Dangin commente cruellement : il est « un peu comme certaines femmes du monde, impatientes des convenances qui les empêchent d'exercer au théâtre leur talent de cantatrice » (Antonetti 2002, p. 690.
  15. Le comte de Montlosier, consulté par le maréchal Soult lorsque ce dernier est pressenti pour la présidence du Conseil en septembre 1832, l'explique sans détours : « L'inviolabilité [du roi] et la responsabilité de son Conseil tranchent singulièrement dans cette question. Ceux qui en cas de revers doivent avoir l'imputation du blâme voudraient, en cas de succès, avoir l'imputation de la gloire. Ils répondent de leurs actions. Il faut que cette action soit à eux. Le monarque qui entre dans son Conseil s'en approprie les résolutions, ce qui est un premier inconvénient, et il en exproprie les membres de son cabinet, ce qui en est un autre » (Antonetti 2002, p. 698). Montlosier conseille, en conséquence, à Soult de se présenter sans délai devant les chambres et d'obtenir leur confiance, pour ne pas tenir sa légitimité que du roi.
  16. « Tout remonte au roi, écrit le prince de Joinville au duc de Nemours en 1847. Il est habitué à gouverner et il aime à montrer que c'est lui qui gouverne. » (Prélot 1984, p. 413, § 269) Victor Hugo, dans Les Misérables, montre le roi « gouvernant trop et ne régnant pas assez ».
  17. Pour Louis-Philippe, qui parle plusieurs langues et a vécu longtemps à l'étranger, la diplomatie est le cœur du « métier de roi », d'autant qu'avec ses nombreux enfants à marier et ses alliances multiples avec toutes les cours de l'Europe, elle prend souvent l'aspect d'une affaire de famille. Aussi veillera-t-il toujours à choisir personnellement ses ministres des Affaires étrangères ; seuls deux titulaires de cette fonction lui seront imposés : le duc de Broglie (1832-1834) et Adolphe Thiers (1836 et 1840).
  18. On retrouvera cette notion sous la Ve République. En revanche, le roi n'intervient pas dans les matières d'administration, qu'il laisse à ses ministres, et affirme ne pas même s'occuper de l'utilisation des fonds secrets de la liste civile.
  19. Selon les calculs, on voit avancer des chiffres allant jusqu'Ă  19.
  20. Selon l'article 7 de la Constitution de 1791, Ă©taient Ă©lecteurs dans les villes de plus de 6 000 habitants les propriĂ©taires d'un bien Ă©valuĂ© Ă  un revenu Ă©gal Ă  200 journĂ©es de travail et les locataires d'une habitation Ă©valuĂ©e Ă  150 journĂ©es de travail et, dans les villes de moins de 6 000 habitants, les propriĂ©taires d'un bien Ă©valuĂ© Ă  150 journĂ©es de travail et les locataires d'une habitation Ă©valuĂ©e Ă  100 journĂ©es de travail.
  21. Selon ses articles 8 et 17, il suffisait, pour être électeur, de payer une contribution directe, foncière ou personnelle.
  22. Godefroi Cavaignac inscrit le suffrage universel au programme de la Société des Droits de l'Homme en 1831. Armand Marrast l'évoque dans Le National.
  23. Fondée sur l'abaissement du cens électoral à 100 francs et l'adjonction des capacités aux personnes inscrites, à raison de leur profession, sur la seconde partie de la liste du jury criminel, elle aurait entraîné un doublement du corps électoral.

Références

  1. Antonetti 2002, p. 602
  2. Discours de La Fayette à la Chambre des députés, 7 août 1830 (disponible en ligne sur Gallica
  3. Loi du 12 septembre 1830
  4. Loi du 22 mars 1831
  5. Loi du 21 mars 1831 sur les conseils municipaux et loi du 22 juin 1833 sur les conseils généraux de département et les conseils d'arrondissement
  6. Loi Guizot du 28 juin 1833
  7. Loi du 19 avril 1831
  8. Antonetti 2002, p. 607
  9. Cuvillier-Fleury 1900, p. 262
  10. Godechot 1970, p. 245
  11. « Charte constitutionnelle du 14 août 1830 », sur Conseil constitutionnel (consulté le )
  12. Prélot 1984, p. 410, § 266
  13. Thiers 1831
  14. Prélot 1984, p. 421, § 269
  15. Antonetti 2002, p. 615
  16. Pellegrino Rossi, leçons 72 et 92
  17. Prélot 1984, p. 413, § 269
  18. Guizot 1870
  19. Antonetti 2002, p. 690
  20. Apponyi 1832
  21. Antonetti 2002, p. 689

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Guy Antonetti, Louis-Philippe, Paris, Librairie Arthème Fayard, , 992 p. (ISBN 2-213-59222-5)
  • Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury, Journal intime, vol. I, Paris, Plon,
  • Jacques Godechot, Les constitutions de la France depuis 1789, Paris, Garnier-Flammarion,
  • Alain Laquièze, Les Origines du rĂ©gime parlementaire en France, PUF, LĂ©viathan,
  • Marcel PrĂ©lot, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, Dalloz,
  • Adolphe Thiers, La Monarchie de 1830, Paris,
  • Rodolphe Apponyi, Journal,
  • Pellegrino Rossi, Cours de droit constitutionnel
  • François Guizot, MĂ©moires pour servir Ă  l'histoire de mon temps, Paris,

Liens externes

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