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Camp de concentration d'Oranienbourg-Sachsenhausen

Le camp de concentration d'Oranienbourg-Sachsenhausen[1] - [2] (en allemand Konzentrationslager Sachsenhausen, KZ Sachsenhausen ou encore KL Sachsenhausen), est un camp de concentration nazi implantĂ© en 1936 Ă  Oranienbourg, ville situĂ©e Ă  30 km au nord de Berlin.

Camp de Sachsenhausen
KZ_Sachsenhausen-Turm_A.jpg
L'entrée du camp en 2004
Présentation
Type Camp de concentration
Gestion
Date de création 1936
Dirigé par Hans Loritz (1940-1942), Anton Kaindl (1942-1945), Fritz Suhren (1942-1945)
Date de fermeture 1945
Victimes
Morts 84 000 morts
GĂ©ographie
Pays Drapeau de l'Allemagne Allemagne
RĂ©gion Brandebourg
Commune d'Allemagne Oranienbourg
CoordonnĂ©es 52° 45′ 58″ nord, 13° 15′ 45″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Allemagne (1937)
(Voir situation sur carte : Allemagne (1937))
Camp de Sachsenhausen

Il avait plusieurs objectifs : être un camp modèle, dont même l'architecture devait montrer la suprématie de l'idéologie nazie ; former les futurs chefs de camp (Rudolf Höss y fera ses classes avant de prendre la tête du complexe d'Auschwitz) ainsi que les SS responsables des camps de concentration (SS-Totenkopfverbände) ; accueillir le siège de l'Inspection des camps de concentration (IKL).

Ă€ son apogĂ©e, le complexe de Sachsenhausen compte près d'une centaine de camps extĂ©rieurs et de Kommandos. Il est libĂ©rĂ© par l'ArmĂ©e rouge en . On estime que 200 000 personnes y ont Ă©tĂ© internĂ©es de 1936 Ă  1945, et que 84 000 y sont mortes. En , un massacre de masse y a eu lieu avec l'exĂ©cution de plus de 13 000 soldats soviĂ©tiques, prisonniers de guerre.

Il est aujourd'hui aménagé en un musée-mémorial, avec dix espaces d'expositions permanentes qui présentent chacune un aspect majeur de l'histoire du camp.

C'est probablement le seul camp de concentration que les prisonniers ont baptisĂ© d'un diminutif : « Sachso Â».

Histoire du camp

Contexte

Avant l'ouverture du camp de concentration de Sachsenhausen en 1936, Oranienbourg, ville de la grande banlieue de Berlin, a dĂ©jĂ  accueilli un camp de concentration : en , dans une brasserie dĂ©saffectĂ©e, est ouvert l'un des premiers camps dans lesquels les nazis rĂ©cemment arrivĂ©s au pouvoir enferment leurs opposants politiques[3]. Sous commandement de la S.A., il est fermĂ© en 1935. Un an plus tard, Ă  Sachsenhausen, un quartier de la ville d'Oranienbourg, commence la construction d'un nouveau camp, beaucoup plus grand, cette fois sous commandement S.S. et avec le but affichĂ© de rĂ©aliser un « camp modèle Â» : Theodor Eicke, commandant du camp de concentration de Dachau et inspecteur des camps de concentration, pense initialement agrandir « son Â» camp. NĂ©anmoins, l'inspection des camps de concentration (IKL) se trouve Ă  Berlin et nĂ©cessite d'avoir un camp de concentration Ă  proximitĂ©. Eicke ordonne alors, dans une lettre du , que certaines forĂŞts domaniales d'Oranienbourg soient mises Ă  disposition « en vue de l'installation d'un camp de concentration Â»[4] - [2]. Les travaux dĂ©butent Ă  l'Ă©tĂ© 1936, alors que les Jeux Olympiques rĂ©unissent Ă  Berlin, capitale du Reich, les dĂ©lĂ©gations de 49 nations[5].

Architecture spéciale pour un camp modèle

Photo aérienne du camp de concentration de Sachsenhausen, prise par la Royal Air Force en 1943.

Dès les premières esquisses[5], le camp de Sachsenhausen prĂ©sente des particularitĂ©s uniques, rĂ©pondant au dessein de Eicke de construire un « camp modèle Â» rĂ©pondant Ă  une architecture dĂ©montrant la supĂ©rioritĂ© nazie. Les plans initiaux prĂ©voient un plan triangulaire double. Le triangle intĂ©rieur correspond Ă  la partie dĂ©volue aux prisonniers : une tour de garde est placĂ©e au centre de la base du triangle, des baraques disposĂ©es en Ă©ventail selon des rayons partant de cette tour, une caserne disposĂ©e de manière transversale et qui agrandit la base de ce petit triangle. Un triangle plus grand, qui englobe le premier et dont la base doit contenir les bâtiments pour la SS, c'est-Ă -dire les pavillons d'habitation, le garage des vĂ©hicules militaires des SS, les locaux de la Kripo, et ceux de l'inspection des camps de concentration (IKL).

Le camp comprend Ă©galement une prison[6] :

« Parmi les premières constructions, il y a le bloc cellulaire (Zellenbau), séparée du reste du camp par des barbelés, des palissades, un mur. Quatre-vingts cellules servent aux arrêts, qui comprennent trois degrés : les arrêts normaux, jusqu'à vingt-huit jours en cellule éclairée avec la ration normale ; les arrêts moyens, jusqu'à quarante-deux jours avec de la nourriture chaude seulement tous les trois jours ; les arrêts durs en cellule obscure, où le prisonnier ne peut ni s'asseoir ni se coucher durant toute la journée. »

Zone neutre, reconstitution par le MĂ©morial

La partie des prisonniers est ceinturĂ©e d'un mur de 2,70 m de haut, surmontĂ© de fils Ă©lectrifiĂ©s. Des miradors Ă©quipĂ©s de mitrailleuses et de projecteurs orientables sont disposĂ©s Ă  intervalles rĂ©guliers. Ă€ deux mètres du mur, cĂ´tĂ© intĂ©rieur du triangle, un chemin de ronde est dĂ©limitĂ© par une barrière de fil barbelĂ© Ă©lectrifiĂ©. En allant toujours du mur vers l'intĂ©rieur, une bande de graviers est ceinturĂ©e de chevaux de frises : c'est la « zone neutre Â». Dans cette zone, des panneaux indiquent en allemand « On tirera sans sommation Â», surmontĂ© d'une tĂŞte de mort[6].

Construction du camp

Les premiers prisonniers arrivent en , en provenance du camp d'Esterwegen (les fameux « soldats des marais Â»), puis de celui de Berlin-Columbia (ces camps sont alors en cours de dissolution). Sur ce premier millier de dĂ©tenus, la moitiĂ© environ sont des prisonniers politiques, l'autre moitiĂ©, des condamnĂ©s de droit commun. Il y a Ă©galement des « asociaux Â» et des homosexuels, arrĂŞtĂ©s pour rendre Berlin plus prĂ©sentable dans le cadre des Jeux Olympiques. L’amalgame de dĂ©tenus politiques et de droit commun est une technique dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ©e par l'administration nazie dans d'autres camps. Les SS chercheront en permanence Ă  utiliser l'antagonisme des deux groupes dans l'administration parallèle des camps par les dĂ©tenus. Le premier travail consiste d'abord Ă  dĂ©boiser un triangle de 80 hectares dans la forĂŞt domaniale. Les cadences de travail s'intensifient, la date de livraison des premières baraques Ă©tant fixĂ©e au 1er octobre. Les dĂ©tenus couchent dehors, les premières baraques construites Ă©tant celles des gardiens S.S.

« Il a fallu déboiser et porter des arbres de cinq à six mètres de long sur l'épaule au pas de course. Un SS était chargé d'accélérer la manœuvre : [...] lorsqu'un prisonnier passait devant lui, il sautait sur la couronne de l'arbre qui traînait à terre de sorte que, subitement freiné dans sa course [...], le prisonnier s'écroulait. »

— Bruno Strey, 1961, prisonnier politique allemand à Sachsenhausen à partir de 1936.

Près d'une centaine de bâtiments sont construits Ă  la fin de l'annĂ©e 1936, qui comprennent des baraques d'habitation et de travail (les « Blocks Â»), une caserne pour les SS, des garages, des pavillons pour les sous-officiers et officiers SS. En parallèle plusieurs transports ont lieu vers Sachsenhausen, notamment en provenance des camps de Sachsenbourg, Frankenbourg et Chemnitz, soit environ mille nouveaux prisonniers qui viennent grossir les rangs pour construire le camp.

Premiers assassinats

Les premiers assassinats connus ont lieu Ă  partir de . Le , un SS arrache le bĂ©ret d'un prisonnier, le jette sur la clĂ´ture qui court de l'autre cĂ´tĂ© de la « zone interdite Â» et lui ordonne d'aller le rechercher. Le dĂ©tenu est alors abattu, pour « tentative d'Ă©vasion Â» : il s'agit de Gustav Lampe, ancien dĂ©putĂ© communiste au Reichstag[7]. Au moins cinq autres assassinats sont attestĂ©s dans cette pĂ©riode : ceux de prisonniers incarcĂ©rĂ©s parce qu'ils Ă©taient juifs, morts sous la torture entre et : Julius Burg, Benrhard Bishburg, Franz Reyerbach, Kurt Zeckendorf et le Dr Friedrich Weissler[5].

Construction de la prison

Les SS ordonnent la construction d'une prison en forme de T, devant accueillir 80 cellules, et séparée du camp par un mur, au début de l'année 1937. Cette prison est le lieu de diverses exactions : c'est là que les SS réalisent leurs interrogatoires utilisant les peines corporelles telles que la bastonnade, la pendaison au poteau, l'isolement dans une cellule sans lumière, etc. De nombreux prisonniers succomberont aux mauvais traitements.

« Les fesses meurtries par les coups étaient soignées avec des emballages de margarine mis de côté spécialement à cet effet. Néanmoins, il n'était pas rare que les gens meurent, les reins éclatés après avoir reçu le “traitement 25”. »

— Ab Nicolaas, 1995, déporté néerlandais à Sachsenhausen de 1941 à 1945

Le « traitement 25 Â», c'est l'administration au suppliciĂ© de 25 coups sur les fesses, alors qu'il est attachĂ© Ă  un chevalet de bastonnade (le « Bock Â»). Les coups peuvent ĂŞtre administrĂ©s soit par les SS, soit par des prisonniers de droit commun. Plus tard, les SS choisiront de rĂ©aliser les bastonnades non plus Ă  la prison, mais sur la place d'appel, et de charger les dĂ©portĂ©s d'infliger eux-mĂŞmes la peine Ă  leurs codĂ©tenus. Se faire prendre Ă  fumer dans le camp, avoir mal fait son lit ou avoir discutĂ© pendant l'appel pouvait rendre passible du « traitement 25 Â» : la bastonnade est alors considĂ©rĂ©e par les SS comme la punition la plus lĂ©gère dans l'Ă©chelle des sanctions.

La prison sert également à l'incarcération de personnages célèbres, comme le théologien Martin Niemöller, ou encore Georg Elser, auteur d'un attentat manqué contre Hitler en 1939[8]. Après le déclenchement de la guerre, des hommes politiques des pays occupés ou des dirigeants nazis en disgrâce seront également détenus dans la prison. L'écrivain communiste hongrois Julius Alpari, arrêté à Paris en 1941, est fusillé au camp le de la même année[6].

Transfert de la compagnie disciplinaire

Il existe une compagnie disciplinaire depuis l'ouverture du camp. Cette compagnie est composĂ©e de dĂ©tenus qui doivent ĂŞtre punis ou soumis Ă  un « traitement renforcĂ© Â» selon les SS ou les surveillants du camp. Ils sont alors affectĂ©s Ă  des kommandos oĂą le travail Ă©tait particulièrement pĂ©nible. C'est la compagnie qui connaĂ®t le plus fort taux de mortalitĂ©. En , la compagnie est transfĂ©rĂ©e dans une « zone d'isolement Â», c'est-Ă -dire que les dĂ©tenus sont regroupĂ©s dans des baraques entourĂ©es d'une rangĂ©e de barbelĂ©s Ă  l'intĂ©rieur mĂŞme du camp.

Inauguration d'une zone de quarantaine

Ă€ partir de 1938, les nouveaux arrivants passent plusieurs semaines Ă  l'isolement, dans des baraques sĂ©parĂ©es du reste du camp par des barbelĂ©s. Les SS entassent ainsi dans les baraques 11,12, 35 et 36 des prisonniers juifs, homosexuels, sintis et roms, des repris de justice et des prisonniers du « service spĂ©cial de la Wehrmacht Â».

Construction du camp annexe « Klinkerwerk Â»

Hitler a pour dessein de bâtir Ă  Berlin une « capitale du monde Â», qui rĂ©unirait les peuples germaniques au sein du Reich : Germania. Pour ce faire, la SS ordonne la construction d'une briqueterie sur le canal Oder-Havel. Les dĂ©portĂ©s considèrent ce kommando comme une antichambre de la mort, car les assassinats y sont frĂ©quents. Klinkerwerk prend le statut de camp annexe en 1941, lorsque les baraquements pour loger les prisonniers sont construits. Avant cela, il faut faire l'aller-retour tous les jours entre le « grand camp » de Sachsenhausen et le kommando. Ă€ partir de 1942 la force de travail des dĂ©portĂ©s est reconvertie Ă  la production d'armement, notamment de grenades.

« J'ai fini par m'écrouler à force de porter des sacs de ciment. Bubi Krüger m'a donné un coup de crosse en plein dans la gueule — nez cassé, paumé toutes mes dents. »

— Heinz Wollmann, 1997, Juif allemand à Sachsenhausen en 1938/1939

Tenue vestimentaire des prisonniers

Jusqu'Ă  la fin de l'annĂ©e 1938, les prisonniers sont habillĂ©s avec de vieux uniformes de la police ou de treillis gris. Pour les diffĂ©rencier des vrais uniformes, des bandes de peinture sont appliquĂ©es sur le devant et le dos de la veste, ainsi que sur les jambes du pantalon. Les sous-vĂŞtements sont rapiĂ©cĂ©s et la plupart des dĂ©tenus, n'ayant plus de chaussettes, s'entourent les pieds dans des bouts de chiffons, les fameuses « chaussettes russes Â». En 1940, les chaussures sont remplacĂ©es par des socques Ă  semelles de bois, appelĂ©s des « Holländer Â».

Introduction des triangles de couleur

À partir du printemps 1938, les SS instaurent un système permettant d'identifier immédiatement le motif de la présence au camp de chaque détenu : les prisonniers sont contraints de coudre des triangles de couleur sur leurs habits, pointe en bas, la couleur renvoyant aux diverses catégories établies. Il faut coudre le triangle au niveau de la poitrine et à gauche sur la veste, ainsi que sur le haut d'une jambe du pantalon. Les SS classifient souvent de manière arbitraire or, dans la mesure où ils traitent les groupes de détenus avec plus ou moins de brutalité, ces classements peuvent signifier la vie ou la mort. Au-dessous du triangle est cousue une bande de tissu blanc sur laquelle est peint ou cousu le numéro matricule du détenu.

Lorsque des prisonniers étrangers arrivent au camp, une ou plusieurs lettres sont ajoutées sur le triangle pour signifier la nationalité. Seuls les Allemands n'ajoutent pas de lettres. Par ailleurs, s'ils n'étaient ni juifs, ni sintis ou roms, les étrangers sont quasiment tous affublés d'un triangle rouge. En général, les déportés en provenance des pays occupés par l'Allemagne nazie, qui arrivent en masse au camp de Sachsenhausen après le début de la guerre, sont plus mal traités par les SS que les détenus allemands[5].

Tenue de la Strafkompanie

Les déportés affectés à la compagnie disciplinaire portent en plus une croix jaune sur le dos de leur veste, ainsi que des points noirs ou rouges, au niveau du cœur, dans le dos et sur le pantalon, qui les signalent comme autant de cibles aux SS ou aux surveillants.

  • EntrĂ©e du camp de Sachsenhausen en 2010
    Entrée du camp de Sachsenhausen en 2010
  • DĂ©portĂ©s Ă  Sachsenhausen en 1938
    Déportés à Sachsenhausen en 1938
  • Heinrich Himmler (ReichsfĂĽhrer SS) en visite au camp de Sachsenhausen en 1936
    Heinrich Himmler (ReichsfĂĽhrer SS) en visite au camp de Sachsenhausen en 1936

C'est dans ce camp que Heinrich Himmler installa son état-major et que l'inspection centrale des SS fit expérimenter ses méthodes d'extermination avant de les faire appliquer dans les autres camps : les camions à gaz destinés à l'Est ainsi que la « station Z » installation pour l'extermination par le gaz[9]. 96 déportés juifs y sont assassinés.

Parmi les activités du camp, on trouve des ateliers destinés à découdre les vêtements et les chaussures des Juifs assassinés à Auschwitz et à Majdanek pour découvrir d'éventuels trésors cachés.

Administration SS

Sachsenhausen a connu différents commandants et commandants intérimaires :

Déportés

En , Ă  la suite de la Nuit de Cristal, près de 6 000 Juifs sont dĂ©portĂ©s dans le camp bientĂ´t rejoints par d’autres[10]. Ceux qui n'ont pas Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s contre rançon sont dĂ©portĂ©s en .

Mais on déportait essentiellement des prisonniers dits politiques ressortissants de nombreuses nationalités, y compris des résistants français.

Les déportés étaient utilisés pour l'effort de guerre des nazis et travaillaient alors dans des conditions extrêmement pénibles dans des petites unités souvent extérieures au camp principal et constituant des camps annexes, appelés kommandos. Outre des travaux de manufacture (menuiserie), certains déportés devaient réparer le matériel de guerre allemand.
Un atelier de fausse monnaie y fut Ă©galement installĂ© Ă  partir de l'Ă©tĂ© 1942. Le kommando de faussaires comprenait 29 dĂ©tenus juifs au dĂ©part, mais passa ensuite Ă  plus de 140[11]. Il produisit environ 15 millions de livres sterling utilisĂ©es pour contourner le blocus anti-nazi. C'Ă©tait l'opĂ©ration Bernhard.

Au moins un millier d'homosexuels ont été déportés à Sachsenhausen au titre du paragraphe 175. Affectés aux deux commandos les plus durs (le commando disciplinaire Schuhläufer — marche forcée — et le commando extérieur Klinkerwerk - la briqueterie), ils connaissent une mortalité particulièrement élevée[12].

Il existait plus de cent Kommandos extérieurs dont l'usine-camp de construction Heinkel[13].

Dignité des prisonniers

Face à la violence gratuite des SS, une « soirée chantante » est organisée le soir de Noël 1936 : les déportés se regroupèrent pour chanter « à en faire vibrer les murs », une manière de signifier qu'ils n'abdiquaient pas leur dignité[5].

Après la guerre

MĂ©morial

Fin , le camp fut libĂ©rĂ© par l'ArmĂ©e rouge. De nombreux prisonniers Ă©taient morts entretemps au cours de l'une des nombreuses marches de la mort. Il restait environ 3 000 survivants au camp dont la moitiĂ© de femmes.

En , l'administration militaire soviĂ©tique (SMAD) utilisa le camp de concentration de Sachsenhausen en tant que camp spĂ©cial n° 7. Dans ce camp soviĂ©tique de prisonniers, ont Ă©tĂ© internĂ©s des sociaux-dĂ©mocrates, des fonctionnaires nazis des niveaux infĂ©rieur et intermĂ©diaire, des membres des forces armĂ©es, des adolescents soupçonnĂ©s d'avoir appartenu aux « Werwolfs Â», des opposants au nouvel ordre politique et des personnes arrĂŞtĂ©es de manière arbitraire. Il existait en RDA au total 10 camps similaires, les Speziallager. En 1950, la RDA ferme le camp, rebaptisĂ© camp spĂ©cial n° 1 en 1948, dernier, encore en fonction, de ces camps spĂ©ciaux. La Kasernierte Volkspolizei (prĂ©curseur de l'armĂ©e populaire nationale de la RDA) s'est octroyĂ© le site la mĂŞme annĂ©e et en a utilisĂ© une partie comme caserne.

On estime Ă  12 000 le nombre de morts lors de cette pĂ©riode, dues essentiellement aux Ă©pidĂ©mies et aux mauvaises conditions de dĂ©tention.

Le camp, qui a Ă©tĂ© transformĂ© en mĂ©morial (Gedenkstätte), couvre une superficie de 600 hectares.

Allemagne de l'Est - Site du mémorial national de Sachsenhausen (Nationale Mahn- u. Gedenkstätte Sachsenhausen)

En 1956, on a commencé à planifier l'adaptation du site du camp de concentration en tant que mémorial national. Celui-ci est inauguré quatre ans plus tard, le 23 avril 1961, par Walter Ulbricht, premier secrétaire du Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED)[14]. Le premier directeur du nouveau « Lieu commémoratif national de Sachsenhausen » (Nationale Mahn- u. Gedenkstätte Sachsenhausen) est Christian Mahler, à l'époque, officier supérieur de police et qui, sous le régime nazi, avait été détenu à Sachsenhausen entre 1938 et 1943. Les plans prévoient la suppression de la plupart des bâtiments d'origine et la construction d'un obélisque, d'une statue et d'une zone de rencontre, reflétant les perspectives du gouvernement de l'Allemagne de l'Est de l'époque.

Outre les sites commémoratifs de Buchenwald et de Ravensbrück, le mémorial de Sachsenhausen, où se tenaient les célébrations officielles de la République démocratique allemande (RDA), était situé dans l'ancien camp de concentration[15]. Il était contrôlé par le ministère de la Culture, et comme les sites commémoratifs nationaux de Buchenwald et de Ravensbrück, Sachsenhausen servait de lieu d'identification et de légitimation de la RDA[16].

Le gouvernement de l'Allemagne de l'Est a mis l'accent sur la souffrance des prisonniers politiques par rapport à celle des autres groupes détenus à Sachsenhausen. L'obélisque du mémorial contient dix-huit triangles rouges, symbole que les nazis donnaient aux prisonniers politiques, généralement des communistes. Il y a une plaque à Sachsenhausen construite en mémoire de la Marche de la mort. Cette plaque comporte une photo de prisonniers masculins mal nourris marchant, tous portant le triangle rouge du prisonnier politique.

S'appuyant sur des articles du journal Neues Deutschland, l'historienne Anne-Kathleen Tillack-Graf montre comment le site du mémorial national de Sachsenhausen a été instrumentalisé politiquement en RDA, notamment lors des célébrations de la libération du camp de concentration[17].

L'Allemagne unifiée - Mémorial et musée de Sachsenhausen (Gedenkstätte und Museum Sachsenhausen)

Après la réunification allemande, l'ancien camp a été confié à une fondation qui a ouvert un musée sur le site. Ainsi, depuis 1993, le Gedenkstätte und Museum Sachsenhausen (mémorial et musée de Sachsenhausen) est responsable des expositions et des recherches sur l'histoire du camp. Le travail éducatif de l'institution se concentre sur l'histoire du camp de concentration d'Oranienburg, sur divers aspects de l'histoire du camp de concentration de Sachsenhausen, sur le camp spécial soviétique et sur l'histoire du mémorial lui-même.

Le musée présente des œuvres d'art créées par les détenus et un tas de dents en or de 30 centimètres de haut (extraites par les nazis ), des modèles réduits du camp, des photos, des documents et d'autres objets illustrant la vie dans le camp. Les bâtiments administratifs à partir desquels était géré l'ensemble du réseau allemand de camps de concentration, ont été préservés et peuvent également être vus.

Depuis 2015, le site du camp de Sachsenhausen, situé au 22, Strasse der Nationen à Oranienburg, est ouvert au public en tant que musée et mémorial. Plusieurs bâtiments et structures subsistent ou ont été reconstruits, notamment les tours de garde, l'entrée du camp, les fours crématoires et les baraquements du camp.

Évolution de la population des détenus dans le complexe du camp de Sachsenhausen

Les "types" de population incarcérés dans le complexe de Sachsenhausen (c'est-à-dire kommandos compris) varient considérablement au cours des neuf années d'existence du complexe. Les graphiques ci-dessous présentent les principales évolutions, en réutilisant la classification des détenus établie par l'administration SS. Ils sont issus des travaux du Mémorial et musée de Sachsenhausen, présentés dans l'exposition dite « des cuisines »[5] - [18].

Définition des catégories

  • Schutzhäftlinge : Personnes soumises Ă  un « internement de protection » pour raisons politiques. En 1938, cette catĂ©gorie comprend les opposants politiques (c'est-Ă -dire principalement communistes, socialistes et syndicalistes allemands), les personnes persĂ©cutĂ©es pour leurs convictions religieuses (notamment les tĂ©moins de JĂ©hovah) et les homosexuels arrĂŞtĂ©s par la Gestapo. Ă€ partir de 1939, on trouve Ă©galement des prĂŞtres catholiques et des pasteurs protestants, ainsi que les dĂ©portĂ©s d'origine polonaise et les Ă©tudiants tchèques. Au fur et Ă  mesure de l'occupation de nouveaux territoires par les nazis, cette section comprend des rĂ©sistants de plusieurs nationalitĂ©s, dont près de deux mille Français au dĂ©but de l'annĂ©e 1943, ainsi que les Polonais dĂ©portĂ©s après l'insurrection de Varsovie en 1944.
  • Vorbeugungshäftlinge : Personnes soumises Ă  un « internement de protection » pour raisons de droit commun. Cette catĂ©gorie dĂ©signe en fait les rĂ©cidivistes de droit commun coupables de divers crimes ou dĂ©lits. Les homosexuels arrĂŞtĂ©s par la Kripo font Ă©galement partie de cette catĂ©gorie. Ă€ partir de fin 1939 elle est appelĂ©e « BV », c'est-Ă -dire befristete Vorberbeugungshäftlinge ou Berufverbrecher. Deux cents douaniers polonais de Dantzig arrivĂ©s au camp fin 1939 sont classĂ©s dans cette section.
  • RĂ©fractaires au travail : CatĂ©gorie hĂ©tĂ©rogène dans laquelle sont regroupĂ©s les indigents, les sans domiciles fixes, les alcooliques, les divorcĂ©s qui ne paient pas la pension alimentaire Ă  leur conjoint, des grĂ©vistes, ainsi que des personnes ayant dĂ©missionnĂ© de leur emploi. En 1938, plus de 400 Sintis et Roms et près de 800 Juifs sont Ă©galement classĂ©s dans cette catĂ©gorie. Ă€ partir de 1939, elle est rebaptisĂ©e « Asociaux ».
  • Juifs : Cette catĂ©gorie apparaĂ®t en , consĂ©cutivement Ă  la nuit de Cristal. Les lois de Nuremberg donnent les critères permettant de discriminer quels citoyens allemands doivent ĂŞtre considĂ©rĂ©s comme Juifs. En 1939, on compte dans cette section un millier de personnes juives originaires de Pologne et d'Europe de l'Est.
  • Étudiants de la Bible : TĂ©moins de JĂ©hovah
  • Service spĂ©cial de la Wehrmacht (SAW) : Dans cette catĂ©gorie sont classĂ©s les soldats ayant dĂ©sertĂ© ou refusĂ© d'obĂ©ir, transfĂ©rĂ©s Ă  Sachsenhausen après la dissolution des unitĂ©s disciplinaires de la Wehrmacht.
  • Travailleurs civils russes : DĂ©portĂ©s du travail venant de l'Union soviĂ©tique ayant essayĂ© de s'Ă©vader ou ayant commis des infractions dans les usines oĂą ils travaillaient.
  • Polonais : Bien que Schutzhäftlinge, l'administration SS les classe Ă  part jusqu'en .
  • Prisonniers de guerre soviĂ©tiques : soldats de l'ArmĂ©e Rouge.
  • Divers : CatĂ©gorie qui regroupe des Allemands ayant Ă©migrĂ© ainsi que des soldats de la SS punis pour diverses raisons, puis des TĂ©moins de JĂ©hovah et des homosexuels en 1939. Ă€ partir de 1942 elle comprend les personnes qui ont reçu pour sanction « l'extermination par le travail » et des rĂ©publicains espagnols.

1938

Population du camp au 15 juin 1938, selon la répartition établie par la SS
Schutzhäftlinge
1 721
Vorbeugungshäftlinge
1 162
RĂ©fractaire au travail
0
Juifs
0
Divers
93
Total
2 976
Population du camp au 28 juin 1938, selon la répartition établie par la SS
Schutzhäftlinge
1 739
Vorbeugungshäftlinge
1 175
RĂ©fractaire au travail
6 221
Juifs
0
Divers
93
Total
9 228
Population du camp au 20 novembre 1938, selon la répartition établie par la SS
Schutzhäftlinge
1 736
Vorbeugungshäftlinge
902
RĂ©fractaire au travail
4 854
Juifs
6 471
Divers
93
Total
14 062

1939

Population du camp au 31 août 1939, selon la répartition établie par la SS
Schutzhäftlinge
1 322
Vorbeugungshäftlinge/BV
3 315
Asociaux
964
Juifs
247
Etudiants de la Bible
367
Service spécial de la Wehrmacht
0
Divers
348
Total
6 563
Population du camp au 30 décembre 1939, selon la répartition établie par la SS
Schutzhäftlinge
4 854
BV
3 625
Asociaux
1 452
Juifs
1 332
Etudiants de la Bible
412
Service spécial de la Wehrmacht
166
Divers
346
Total
12 187

1943

Population du camp au 30 avril 1943, selon la répartition établie par la SS
Schutzhäftlinge
7 264
BV
1 509
Asociaux
826
Travailleurs civils russes
7 169
Polonais
4 993
Prisonniers de guerre russes
857
Divers
788
Total
23 408

1945

Population du camp au 2 février 1945, selon la répartition établie par la SS
Schutzhäftlinge
27 627
BV
1 891
Camp des femmes
13 303
Travailleurs civils Ă©trangers
13 659
Prisonniers de guerre russes
732
Juifs
10 983
Divers
1 660
Total
69 855

Liste des personnalités connues déportées du camp de Sachsenhausen

Livres en français

  • Amicale d'Oranienburg-Sachsenhausen, Sachso : au cĹ“ur du système concentrationnaire nazi (Biographie), Paris, Minuit/Plon, coll. « Terre humaine », , 617 p. (ISBN 978-2-259-00894-5, OCLC 21331375)
  • Jean Bezaut, Oranienbourg, 1933-1935, Sachsenhausen, 1936-1945 : Ă©tude, MaulĂ©vrier, France, HĂ©rault, , 366 p. (ISBN 978-2-903851-71-2)
  • Le camp de concentration de Sachsenhausen 1936-1945 : Chronologie et Ă©volution [« Das Konzentrationslager Sachsenhausen 1936-1945: Ereignisse und Entwicklungen »], Berlin, Metropol Verlag, coll. « Schriftenreihe der Stiftung Brandenburgische Gedenkstätten » (no 44), , 1re Ă©d., 192 p. (ISBN 978-3-86331-142-1, OCLC 865165737)
  • Gerhart Seger (trad. de l'allemand), Oranienbourg 1933, Grenoble, La pensĂ©e sauvage, , 127 p. (ISBN 2-85919-048-1)
    • C'Ă©tait la nuit, Pedro Martin rĂ©sistant dĂ©portĂ©, Ă©ditions Cahier du temps, 2014, 160 pages. (ISBN 978-2-35507-062-4)
        • Christian Bernadac, Le Rouge-gorge : le dernier camp (Biographie), MontrĂ©al, Éditions SĂ©lect, coll. « G1261 », (1re Ă©d. 1980), 242 p. (ISBN 978-2-89132-260-7, OCLC 851048896)

Notes et références

  1. « Le camp d’Oranienbourg-Sachsenhausen avant et pendant la seconde guerre mondiale. », sur ecpad.fr,
  2. Jean Bezaut, Oranienbourg, 1933-1935, Sachsenhausen, 1936-1945 : Ă©tude, HĂ©rault, , 366 p. (ISBN 978-2-903851-71-2, lire en ligne)
  3. Gerhart Seger (trad. de l'allemand), Oranienbourg 1933, Grenoble, La pensée sauvage, , 127 p. (ISBN 2-85919-048-1)
  4. Lettre de Theodor Eicke à l'Office des forêts de Sachsenhausen, du 18 juin 1936, Stanislas Zamecnick, C'était ça, Dachau : 1933-1945, Cherche-midi, , 551 p. (ISBN 978-2-7491-3296-9 et 2-7491-3296-7, lire en ligne)
  5. Le camp de concentration de Sachsenhausen 1936-1945 : Chronologie et évolution [« Das Konzentrationslager Sachsenhausen 1936-1945: Ereignisse und Entwicklungen »] (trad. de l'allemand), Berlin, Metropol Verlag, coll. « Schriftenreihe der Stiftung Brandenburgische Gedenkstätten » (no 44), , 1re éd., 192 p. (ISBN 978-3-86331-142-1, OCLC 865165737).
  6. Amicale d'Oranienburg-Sachsenhausen, Sachso : au cœur du système concentrationnaire nazi (Biographie), Paris, Minuit/Plon, coll. « Terre humaine », , 617 p. (ISBN 978-2-259-00894-5, OCLC 21331375), p. 16-17
  7. Jean Bezaut, Oranienbourg, 1933-1935, Sachsenhausen, 1936-1945: Ă©tude, HĂ©rault, (ISBN 978-2-903851-71-2, lire en ligne), p. 47
  8. (en) Kurt Wallach, Man's Inhumanity To Man, Lulu.com, (ISBN 978-1-6781-0462-7, lire en ligne), p. 57
  9. Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN 978-2-03-583781-3, OCLC 470608318) , p. 476.
  10. Dictionnaire de la Shoah, p. 475
  11. Nikolaus Wachsmann, KL. Une histoire des camps de concentration nazis, Paris, Gallimard, , 1159 p., p. 452-453.
  12. Joachim Müller, Andreas Stemweiler (dir.), Homosexuelle Männer im KZ Sachsenhausen, Rosa Winkel, Verlag, 2000, 397 p. (ISBN 9783861490975), ainsi que Régis Schlagdenhauffen, Triangle rose : la persécution nazie des homosexuels et sa mémoire, Paris, Autrement, , 314 p. (ISBN 978-2-7467-1485-4) [EPUB] (ISBN 9782746720459) emplacements 960-993 sur 6260.
  13. Emmanuel Filhol et Marie-Christine Hubert (préf. Henriette Asséo), Les Tsiganes en France, un sort à part, 1939-1946, Paris, Perrin, , 398 p. (ISBN 978-2-262-03063-6, OCLC 822827128), p. 371, Note 7.
  14. Köpp, Ulrike (1996). Die Einweihung der Nationalen Mahn- und Gedenkstätte Sachsenhausen im April 1961. „Das Hochlassen der Tauben ist zu streichen.“ – Die Vorbereitung von oben. In: Morsch, Günther (ed.), Von der Erinnerung zum Monument. Die Entstehungsgeschichte der Nationalen Mahn- und Gedenkstätte Sachsenhausen. Metropol Verlag: Berlin. p. 289-314.
  15. (de) Anne-Kathleen Tillack-Graf, Erinnerungspolitik der DDR. Dargestellt an der Berichterstattung der Tageszeitung "Neues Deutschland" über die Nationalen Mahn- und Gedenkstätten Buchenwald, Ravensbrück und Sachsenhausen, Frankfurt am Main, Peter Lang, (ISBN 978-3-631-63678-7), p. 7-8
  16. Gesetzblatt der Deutschen Demokratischen Republik vom 4. September 1961, Teil II, Nr. 61.
  17. (de) Anne-Kathleen Tillack-Graf, Erinnerungspolitik der DDR. Dargestellt an der Berichterstattung der Tageszeitung "Neues Deutschland" über die Nationalen Mahn- und Gedenkstätten Buchenwald, Ravensbrück und Sachsenhausen., Frankfurt am Main, Peter Lang, (ISBN 978-3-631-63678-7), p. 2–3, 88–91
  18. hg merz architekten + museumsgestalter de Berlin et de Dietmar Burger

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