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Bataillon d'Intelligence 601

Le bataillon d'intelligence 601 Ă©tait un corps spĂ©cial des services de renseignement de l'armĂ©e argentine, fondĂ© dans les annĂ©es 1970, avant le coup d'État de mars 1976, dans le cadre de la planification et de l'exĂ©cution de la « guerre sale Â», au cours de laquelle la junte de 1976-1983 assassina 30 000 personnes. Les locaux du bataillon Ă©taient utilisĂ©s pour des rĂ©unions entre les diffĂ©rents services de sĂ©curitĂ© argentins, fonctionnant ainsi comme organe transversal de direction[2].

Memorandum du de l'ambassade des États-Unis Ă  Buenos Aires, retraçant la discussion avec « Jorge Contreras », le directeur de la Task Force no 7 de la section Reunion Central de l'UnitĂ© d'intelligence 601 de l'armĂ©e, qui comprenait des effectifs de toutes les armes de l'armĂ©e argentine. Ce document[1] a Ă©tĂ© publiĂ© par la National Security Archive, ONG qui a obtenu (avec le journaliste John Dinges (en)) les premiers documents sur le bataillon d'intelligence 601.

Dirigé par le général Guillermo Suårez Mason (en) et dépendant du IIe Commandement de l'armée[3], le bataillon 601 a aussi eu un rÎle central non seulement dans l'opération Condor, mais aussi dans l'opération Charly, par laquelle Buenos Aires a étendu son « savoir-faire » contre-insurrectionnel à toute l'Amérique latine. Suårez Mason tenait ses ordres du chef de la junte Leopoldo Galtieri[2]. Le bataillon n'a été dissous qu'en 2000[4], et le service d'intelligence extérieur actuel de l'armée s'appelle « Central de Reunión de Inteligencia Militar (en) » (CRIM)[3].


Fonctionnement

Le gĂ©nĂ©ral Cristino Nicolaides en 1983. Il fut chef du bataillon 601 et responsable de l'Institut de Campo de Mayo, avant d'ĂȘtre nommĂ© commandant en chef de l'armĂ©e aprĂšs la guerre des Malouines, devenant Ă  ce titre membre de la junte. Aujourd'hui dĂ©cĂ©dĂ©, il a fait l'objet de poursuites judiciaires pour crimes contre l'humanitĂ©.

Le bataillon Ă©tait le « cerveau Â» des opĂ©rations de l'armĂ©e argentine, qui coordonnait les assassinats et les disparitions forcĂ©es[4], se chargeait des infiltrations, des arrestations et de la torture, etc[3] - [2]. Selon des archives dĂ©classifiĂ©es Ă  la suite du dĂ©cret du de la prĂ©sidente Cristina Kirchner (FPV, centre-gauche), il Ă©tait composĂ© de plus de 4 300 PCI (Personnel civil d'intelligence), classe qui comprenait 3 952 civils et 354 militaires, ceux-lĂ  allant de professeurs aux concierges[4] - [3]. Les civils Ă©taient dotĂ©s de grades Ă©quivalents Ă  ceux des militaires, et pouvaient obtenir jusqu'Ă  l'Ă©quivalent du grade de colonel[4]. En 2000, sous la prĂ©sidence de Fernando de la RĂșa (UCR, centre-droit), les 500 civils qui travaillaient encore dans l'unitĂ© ont Ă©tĂ© remerciĂ©s[4].

Le directeur de l'Archivo Nacional de la Memoria (en), Ramon Torres Molina, a refusĂ© de donner aucun nom tant que le magistrat Ariel Lijo n'aurait pas achevĂ© l'examen de ces archives[4]. Plusieurs noms sont cependant dĂ©jĂ  connus: outre celui du chef Guillermo SuĂĄrez Mason (en), AgustĂ­n Feced (en) (chef de la police de la province de Santa Fe, exerçant Ă  Rosario, qui faisait partie du bataillon depuis juin 1974), Pascual Guerrieri et Jorge Arias Duval[3], Leandro SĂĄnchez Reisse, qui tĂ©moigna en 1987 devant le CongrĂšs des États-Unis, dĂ©voilant un certain nombre d'opĂ©rations de trafic d'armes et de stupĂ©fiants effectuĂ©es par le bataillon[5], RaĂșl Guglielminetti, qui participa aux opĂ©rations extĂ©rieures, Carlos Alberto Roque Tepedino, qui dirigea un temps le bataillon, etc.

Un mémo de James J. Blystone, officier américain (Regional Security Officer (en)) à l'ambassade de Buenos Aires, du 6 février 1980, décrit l'évolution de la structure du bataillon, avec la division en deux groupes de la Division d'analyse de l'intelligence, qui avait surveillé le PCR, le PST (es) de Nahuel Moreno et le PO, ainsi que la création de deux nouvelles branches, l'une pour étudier les partis politiques et l'autre pour l'analyse des activités extérieures[2].

Opérations connues

Outre sa participation Ă  la Nuit des Crayons (septembre 1976), le bataillon infiltra ainsi, avec un de ses PCI, l'ArmĂ©e rĂ©volutionnaire du peuple (ERP), ce qui lui permit d'anticiper et de dĂ©jouer l'assaut de Monte Chingolo effectuĂ© le 23 dĂ©cembre 1975, sous le gouvernement d'Isabel PerĂłn[3]. Ils firent la mĂȘme chose pour dĂ©jouer la contre-offensive lancĂ©e par les Montoneros lors de la Coupe du monde de football de 1978[3]. Cette fois, ils arrĂȘtĂšrent dĂšs leur arrivĂ©e au pays les militants qui s'Ă©taient exilĂ©s (dont Ricardo Zucker, le fils de l'acteur Marcos Zucker[6]): cette affaire a valu l'inculpation de Leopoldo Galtieri et d'agents du bataillon 601 par le magistrat Claudio Bonadio dans les annĂ©es 2000[6].

Un document des États-Unis du , obtenu par la National Security Archive de l’universitĂ© George Washington, montre aussi que le bataillon 601 avait participĂ© Ă  :

  • l’enlĂšvement de deux Montoneros argentino-italiens[7] Ă  Lima, du 9 au (effectuĂ©s avec l'assistance des services pĂ©ruviens, sous la dictature de Francisco Morales BermĂșdez[7]). Deux autres Argentins furent enlevĂ©s lors de cette opĂ©ration, dont NoemĂ­ Gianetti de Molfino, des Grands-mĂšres de la place de Mai, qui se rendait Ă  une confĂ©rence sur les droits de l'homme[7], informant sur la disparition forcĂ©e de deux de ses enfants[8]. Les dĂ©tenus ont d'abord Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s aux services boliviens[7]. La dĂ©pouille de Gianetti de Molfino fut ensuite trouvĂ©e Ă  Madrid le [7]. Gustavo Molfino, le fils, Ă©chappa alors Ă  l'opĂ©ration[7] ;
  • l’assassinat d’un citoyen argentin Ă  Madrid ;
  • au coup d’État du en Bolivie (Cocaine Coup (en)) inaugurant la dictature de Luis GarcĂ­a Meza Tejada[2].

Ces différentes opérations extérieures prenaient cadre soit dans la phase 3 de l'opération Condor (pourchasser les opposants à l'extérieur, y compris en Europe), soit dans celui de l'opération Charly, qui débuta avec l'assistance fournie en Bolivie avant de culminer avec la formation des Contras pour lutter contre le régime sandiniste au Nicaragua et d'autres groupes paramilitaires au Salvador et au Honduras (entraßnement du bataillon 316 dans la base de Lepaterique).

Le colonel Osvaldo « balita » Ribeiro du bataillon 601 travailla ainsi au Honduras, avec JosĂ© Santiago Hoya et JosĂ© Luis Arias[6], et au Salvador[3] (ceci fut avouĂ© dĂšs 1982, dans la presse brĂ©silienne, par l'agent brĂ©silien HĂ©ctor FrancĂ©s GarcĂ­a, dĂ©tachĂ© au Costa Rica, qui admit la participation du BrĂ©sil Ă  la sĂ©questration de MĂłnica Pinus et de Horacio Campiglia, arrĂȘtĂ©s Ă  l'aĂ©roport de Rio de Janeiro le , et de Lorenzo Ismael Viñas, qui finirent tous Ă  Campo de Mayo[6]).

Transition démocratique

Avec l'Ă©lection de RaĂșl AlfonsĂ­n Ă  la prĂ©sidence, en 1983, beaucoup de membres du bataillon furent remerciĂ©s, et nombre d'entre eux, dont la bande de l'ex-agent de la SIDE (en) AnĂ­bal Gordon, se reconvertirent dans l'enlĂšvement d'entrepreneurs et le grand banditisme[3]. Sous Carlos Menem, le bataillon fut encore « dĂ©graissĂ© », n'Ă©chappant pas Ă  la politique gĂ©nĂ©rale de rĂ©duction des effectifs de la fonction publique[3].

ProcĂšs

Le , le magistrat Claudio Bonadio a dĂ©livrĂ© des mandats d'arrĂȘts contre Leopoldo Galtieri et une trentaine d'autres militaires (dont le chef du bataillon Carlos Alberto Roque Tepedino) pour leur implication prĂ©sumĂ©e dans la disparition forcĂ©e de deux prĂ©sumĂ©s Montoneros, Horacio Campiglia et Susana Binstock, capturĂ©s par le bataillon 601, en coopĂ©ration avec les services de renseignement de la dictature brĂ©silienne, selon un mĂ©morandum du RSO James Blystone Ă  l'ambassadeur Castro (en) du [2]. Campiglia et Binstock ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s au centre clandestin de dĂ©tention de Campo de Mayo avant de « disparaĂźtre »[2].

Les colonels Luis Arias et Waldo Carmen RoldĂĄn furent condamnĂ©s en dĂ©cembre 2007 Ă , respectivement, 25 et 23 ans de prison pour la sĂ©questration et l'assassinat des Argentins Ă  Lima en 1980[7]. Le colonel Julio CĂ©sar Bellene, inculpĂ© dans la mĂȘme affaire, est dĂ©cĂ©dĂ© le [7].

En , la prĂ©sidente Cristina Kirchner a promulguĂ© un dĂ©cret dĂ©classifiant toutes les archives concernant les violations des droits de l'homme, ce qui a permis notamment de transmettre Ă  la justice la liste des membres du bataillon : auparavant, les magistrats devaient faire des requĂȘtes individualisĂ©es pour obtenir la dĂ©classification d'un nom[3]. La plupart des archives ont Ă©tĂ© brĂ»lĂ©es sous l'ordre du gĂ©nĂ©ral Cristino Nicolaides dans les derniers jours de la dictature, mais ces listes ont Ă©tĂ© conservĂ©es, servant Ă  payer les retraites de ces agents de l'État[3].

Notes et références

Articles connexes


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