Nuit des Crayons
La nuit des Crayons (en espagnol : La Noche de los Lápices) est une opération de répression illégale menée par la police argentine en 1976, sous la dictature militaire, engagée dans ce qu'elle appelait une « guerre sale ». Une dizaine d'étudiants mineurs furent enlevés par les forces de sécurité, quatre d'entre eux seulement survécurent.
La nuit des crayons (La Plata)
Selon le rapport de la CONADEP (« Commission nationale sur la disparition des personnes »)[1] de 1983, qui n'a recensé qu'une petite partie des crimes de la dictature, dix étudiants du secondaire furent enlevés, certains dans la nuit du et les autres les jours suivants, à La Plata, une ville proche de Buenos Aires. La plupart des victimes étaient des militants de l'Union des étudiants du secondaire (UES, péroniste et dissoute par la dictature) de La Plata, et faisaient partie d'un groupe de seize collégiens et lycéens qui avaient organisé des manifestations, vers , en faveur du transport gratuit pour les étudiants[1]. Or, selon la CONADEP, la junte de Videla considérait ceci comme de la « subversion dans les écoles »[1]. Des vols de bijoux furent aussi commis, à cette occasion, par les forces de répression[2].
Toutefois, l'une des quatre survivantes, Emilce Moler, raconta en 2006 que la campagne pour les transports gratuits Ă©tait trop ancienne pour intĂ©resser les militaires, qui les avaient enlevĂ©s principalement en raison de leur activitĂ© militante (Ă l'UES) en gĂ©nĂ©ral[3]. Moler affirme que lors de la transition dĂ©mocratique, la sociĂ©tĂ© argentine n'Ă©tait pas prĂŞte Ă entendre les motifs vĂ©ritables des « disparitions », et avait donc mis en avant cette histoire de manifestations pour les transports[3]. Elle rappelle aussi le contexte de l'Ă©poque, l'un de leurs camarades ayant Ă©tĂ© assassinĂ© en (soit avant le coup d'État de mars 1976) pour son activitĂ© militante[3]. Par ailleurs, d'autres adolescents avaient Ă©tĂ© enlevĂ©s Ă La Plata, dont, le , VĂctor Treviño, Fernanda GutiĂ©rrez et Mercado, tous les trois âgĂ©s de 17 ans[2].
Plus tard, les militaires dirent à Emilce Moler (fille de policier, ce qui lui valut d'être torturée pour cela), que sa sœur aînée, étudiante en philosophie, n'avait pas été enlevée, faute de place dans la voiture[3]. Moler, qui fut détenue plus de deux ans dans des centres clandestins de détention, avant d'être officiellement inculpée et incarcérée à la prison de Devoto pour « association illicite », « possession d'armes » et « d'explosifs » (sic), raconte ainsi qu'on les torturait sans tenter d'obtenir quelque information que ce soit[3].
Toutes les victimes furent détenues dans les centres clandestins de détention, et trois seulement furent libérées, les autres assassinées[1]. Six sont devenus des desaparecidos et quatre ont survécu. Cette opération fut réalisée par le bataillon 601 des services de l'Intelligence (qui participa ensuite à l'opération Charly), assistée de la police de la province de Buenos Aires, le tout sous la direction de Ramón Camps (es), également impliqué dans la disparition de Jacobo Timerman. Selon l'un des survivants, les commissaires Miguel Etchecolatz et Luis Héctor « Lobo » Vides auraient également participé à l'enlèvement et à la torture des adolescents[2]. Etchecolatz a été condamné à perpétuité en 2006.
Ă€ partir d'un tĂ©moignage d'un survivant de cette opĂ©ration de rĂ©pression illĂ©gale, Pablo DĂaz, lors du procès de la Junte en 1985, cette histoire fit l'objet d'un film d'HĂ©ctor Olivera en 1987.
Les lycĂ©ens de BahĂa Blanca
Le rapport de la CONADEP a Ă©galement reçu un tĂ©moignage concernant l'enlèvement d'une douzaine de lycĂ©ens, âgĂ©s de 17 ans, Ă BahĂa Blanca, en . Leur « faute » : leurs parents avaient rĂ©clamĂ© la rĂ©intĂ©gration Ă leur Ă©cole après que ceux-ci furent expulsĂ©s par leur professeur en raison de chahuts joyeux et « excessifs »[1]. Au moins deux d'entre eux furent torturĂ©s Ă la gĂ©gène[1]. DĂ©tenus pendant plus d'un mois, ils auraient ensuite Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s[1]. Claudio Luis Roman MĂ©ndez, collĂ©gien de CĂłrdoba, enlevĂ© le , n'eut pas cette « chance », son cadavre ayant Ă©tĂ© rendu, après plusieurs demandes de la famille, Ă l'hĂ´pital le , avec de nombreuses traces de torture[1].
Les victimes
Les étudiants enlevés lors de la Nuit des crayons furent[4] - [5] :
Noms | Ages (en 1976) | Date de la disparition forcée | État actuel | Précisions |
---|---|---|---|---|
Claudio de Acha | 17 ans | Disparu | Enlevé dans la maison d'Horacio Ungaro. | |
Gustavo Calotti | 18 ans | 8 | Bien qu'il ait été enlevé le , Gustavo Calotti est considéré comme étant un des survivants | |
Maria Clara Ciocchini | 18 ans | 16 | Disparue | EnlevĂ©e avec MarĂa Claudia Falcone. |
Pablo DĂaz | 18 ans | 21 septembre 1976 | Survivant | |
MarĂa Claudia Falcone | 16 ans | 16 septembre 1976 | Disparue | Elle a Ă©tĂ© enlevĂ©e Ă la maison de sa grand-mère avec Maria Clara Ciocchini |
Francisco LĂłpez Muntaner | 16 ans | 16 septembre 1976 | Disparu | |
Patricia Miranda | 17 ans | 17 septembre 1976 | Survivante | Enlevée le . Étudiante des Beaux Arts, elle ne faisait pas partie de la campagne pour les billets de bus scolaires gratuits. Détenue dans les centres de détention clandestins d'Arana, de Pozo de Quilmes, de Valentin Alsina et de Devoto. |
Emilce Moler | 17 ans | 17 septembre 1976 | Survivante | |
Daniel A. Racero | 18 ans | 16 septembre 1976 | Disparu | |
Horacio Ungaro | 17 ans | 16 septembre 1976 | Disparu |
Notes et références
- CONADEP, Nunca más, chap. III, §Estudiantes secundarios
- Témoignage de Pablo Diaz le 2 décembre 1998 devant la Chambre d'appel de La Plata
- Una de las sobrevivientes de La noche de los lápices contó su historia en el Nacional, Diario Hoy, 14 septembre 2006
- Agencia TĂ©lam. Una a una, las vĂctimas
- Agencia TĂ©lam. Los chicos que sobrevivieron
Annexe
Source originale partielle
- (es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « La noche de los lápices » (voir la liste des auteurs).
Bibliographie
- Seoane, MarĂa y Hector Ruiz Nuñez: La Noche de los Lápices. Buenos Aires: Sudamericana, 2003. (ISBN 950-07-2352-2) « Registro en Cámara Argentina del Libro »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
- Comisión Nacional sobre la Desaparición de Personas (CONADEP): Nunca más. Buenos Aires: Eudeba, 1984.
Liens internes
Liens externes
- (es) Agencia Télam. Serie de notas conmemorativas del trigésimo aniversario de La noche de los lápices
- (es) El Ortiba. La noche de los lápices. Serie de notas de varios autores
- (es) Diario Página/12. Reportaje a una de las sobrevivientes
- (es) Noche de los lápices sur Google Video (film complet)