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Bataille d'Albuera

La bataille d'Albuera se dĂ©roula le , pendant la guerre d'Espagne, et oppose l'armĂ©e anglo-hispano-portugaise du gĂ©nĂ©ral William Carr Beresford Ă  l'armĂ©e française du marĂ©chal Soult Ă  Albuera, Ă  environ 20 kilomètres au sud de Badajoz, en Espagne. Bien que meurtrière, elle se solda par un statu quo stratĂ©gique et tactique pour les deux camps.

Bataille d'Albuera
Description de cette image, également commentée ci-après
Le maréchal Beresford désarmant un lancier polonais. Gravure par T. Sutherland, 1831.
Informations générales
Date
Lieu La Albuera, Espagne
Issue indécise
Forces en présence
23 000 fantassins
4 000 cavaliers
40 canons
6 500 Britanniques
10 000 Portugais
13 000 Espagnols
38 canons
Pertes
5 916 morts ou blessĂ©s5 936 morts ou blessĂ©s

Guerre d'indépendance espagnole

Batailles

Campagne de Castille (1811-1812)
CoordonnĂ©es 38° 43′ nord, 6° 49′ ouest
GĂ©olocalisation sur la carte : Espagne
(Voir situation sur carte : Espagne)
Bataille d'Albuera
Géolocalisation sur la carte : Estrémadure
(Voir situation sur carte : Estrémadure)
Bataille d'Albuera

Contexte

Le maréchal Jean-de-Dieu Soult.
Le général William Carr Beresford.

Les Français tentent de renouveler leur invasion du Portugal de l’année précédente. Le maréchal Soult met ses troupes en mouvement pour dégager Badajoz, assiégée par les Anglais alors que Masséna fait de même vers Almeida. Les Français sont repoussés avec de lourdes pertes. Les forces combinées anglo-portugaises sont sous le commandement de William Carr Beresford, maréchal de l'armée anglaise, tandis que les forces espagnoles sont commandées par le général Joaquín Blake.

Wellington passe l'hiver 1810-1811 à tenir la solide ligne de fortifications de Torres Vedras qui protège Lisbonne. Les troupes de Masséna, incapables de la prendre d'assaut, hivernent en face de cette ligne. Elles subissent des difficultés de ravitaillement et ont des problèmes de survie. En mars 1811, Masséna reconnaît le caractère intenable de la situation et se replie sur la forteresse de Ciudad Rodrigo, située en Espagne à la frontière du Portugal. Cette forteresse garde la route du Portugal à Salamanque. Le général anglais laisse une petite garnison dans la forteresse portugaise d'Almeida. L'hivernage face aux lignes de Torres Vedras et la retraite précipitée ont largement affectée la capacité offensive de son armée.

Au sud du Tage, la forteresse portugaise d'Elvas et la forteresse espagnole de Badajoz se dressent sur la même route allant du Portugal vers Madrid. Les opérations françaises dans cette zone sont sous la responsabilité de Soult, qui est par ailleurs très occupé, entre autres à poursuivre le siège de Cadix. En janvier 1811, Soult réduit le contingent de siège devant la ville afin de rassembler une armée de campagne et faire mouvement vers Badajoz. Les forces britanniques et espagnoles en profitent pour tenter de briser le siège lors de la bataille de Barrosa le 8 mars, qui se solde par une défaite tactique pour les Français mais n'est pas exploitée par les Alliés en vue de rompre le siège. Badajoz capitule le 10 mars[1], et Soult retourne sans attendre dans la région de Séville afin de reprendre le siège de Cadix et prévenir toute répétition des conditions qui avaient conduit à la confrontation de Barrosa.

Wellington considère de son cĂ´tĂ© que les quatre forteresses mentionnĂ©es ci-dessus doivent ĂŞtre prises afin de protĂ©ger le Portugal de toute nouvelle invasion, et de permettre l'entrĂ©e en Espagne des forces anglo-portugaises[2]. Il dĂ©cide donc de diviser ses forces et de tenter de prendre Ă  la fois Almeida et Badajoz. 20 000 hommes, dont 10 000 Britanniques, sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Beresford sont affectĂ©es au siège de Badajoz, alors que lui-mĂŞme marche avec environ deux fois cet effectif sur Almeida.

Malgré l'absence du matériel de siège nécessaire, Wellington entame le blocus d'Almeida avec une force de couverture à l'est. Masséna tente de porter secours à la garnison de la place mais il est repoussé à l'issue de la bataille de Fuentes de Oñoro le 5 mai. En conséquence, Almeida est évacué par la garnison française le 11 mai, au cours d'un des épisodes les plus humiliants de l'histoire de l'armée britannique : la garnison au grand complet se glisse à travers les lignes de siège sans perdre un homme ni provoquer l'alarme.

Pendant ce temps, Beresford rassemble son matĂ©riel Ă  partir d'anciens canons portugais venant d'Elvas et commence les opĂ©rations de siège contre Badajoz Ă  partir du 8 mai. Ă€ la tĂŞte d'une armĂ©e d'environ 24 000 hommes, Soult marche au secours de la ville. Beresford fait mouvement vers Albuera, forte position de couverture sur une crĂŞte orientĂ©e nord-sud, Ă  proximitĂ© de la route Badajoz-SĂ©ville et Ă  20 km de Badajoz. 12 000 soldats espagnols sous les ordres de Blake, stationnĂ©s plus loin au sud, marchent pour le rejoindre.

Le 15 mai, l'Ă©cran de cavalerie de Beresford, fort de 2 500 hommes, est aisĂ©ment refoulĂ© de la rive droite de la rivière Albuera par la cavalerie française[3]. Dans les premières heures du 16 mai, Ă  l'insu de Soult, les forces de Blake rejoignent celles de Beresford et sont dĂ©ployĂ©es au sud de la position.

DĂ©roulement de la bataille

Le plan de Soult est de feindre une attaque sur la ville d'Albuera avec une brigade et de garder le gros de ses forces pour un large mouvement de flanc par le sud, dirigĂ© contre l'aile droite alliĂ©e. Quatre pelotons des lanciers polonais de la Vistule traversent l'Albuera, ce Ă  quoi le gĂ©nĂ©ral Long rĂ©pond en dĂ©ployant deux escadrons du 3e dragons de la Garde. Le premier escadron de ce rĂ©giment est dĂ©truit par les cavaliers polonais. Pris sous un feu intense et attaquĂ©s par un deuxième escadron, les Polonais battent en retraite de l'autre cĂ´tĂ© de la rivière. Les Polonais comptent 14 morts et 3 blessĂ©s, contre 20 morts et blessĂ©s chez les Britanniques.

Une brigade d'infanterie française commandée par le général Godinot repousse une brigade de la King's German Legion commandée par le général von Alten. Ils traversent la rivière sur un pont mais subissent de lourdes pertes de l'artillerie portugaise, ce qui provoque le retrait du village d'une partie des Allemands.

Attaque française de flanc

Beresford détecte le mouvement de Soult et tente de redéployer ses forces. Les forces espagnoles (sur lesquelles l'attaque de flanc doit tomber) reçoivent l'ordre de faire face au sud. La 2e division britannique du général Stewart postée derrière Albuera est remplacée par une division portugaise et fait mouvement vers le sud afin d'étendre le flanc droit vers l'ouest, restant échelonnée derrière les Espagnols. La 4e division du général Cole demeure en réserve. Cependant Blake, qui commande les Espagnols, refuse de bouger ses troupes car il est sûr que l'attaque principale va porter sur le village d'Albuera.

Quand le Ve corps français du général Girard commence son attaque contre les trois divisions espagnoles des généraux Zayas, Lardizabal (es) et Ballesteros, seul Zayas a pris l'initiative de faire aligner ses hommes et peut faire face à l'attaque. Les flancs du Ve corps sont couverts par de l'artillerie à cheval. Sur son flanc gauche, la division de dragons du général Latour-Maubourg prend position. Sur son flanc droit se tient la division d'infanterie du général Werlé.

Destruction de la brigade de Colborne

Le 3e régiment des Buffs défend ses couleurs contre les lanciers polonais de la Vistule. Peinture de William Barnes Wollen.

La 2e division d'infanterie du général Stewart, accompagnée d'une batterie de la KGL, fait mouvement pour donner assistance aux Espagnols de Zayas. La brigade de Colborne avance également, déployée en ligne pour faire feu sur le flanc gauche de la colonne d'attaque française[4]. Les Français sont foudroyés et Stewart ordonne la charge. Cependant, à ce moment-là, une averse réduit la visibilité, rendant très difficile la mise à feu des mousquets. L'infanterie britannique est déployée en ligne, avec peu ou pas du tout de puissance de feu et ignorante du fait que la cavalerie française, qui a effectué un large mouvement de flanc, se trouve sur sa droite et derrière elle.

À ce moment, le général Latour-Maubourg envoie contre eux le régiment des lanciers polonais de la Vistule et le 2e régiment de hussards. Les trois régiments britanniques — les 3e, 48e et 66e régiments d'infanterie — sont presque totalement anéantis. Le 31e régiment d'infanterie réussit à former le carré d'infanterie juste à temps pour échapper à la destruction. Les lanciers capturent cinq drapeaux et cinq canons de la batterie de la KGL. Pendant ce temps, une partie des cavaliers attaquent un bataillon du 31e mais sont repoussés. Les lanciers attaquent ensuite une brigade espagnole commandée par le général d'Espana et l'état-major de Beresford. Une partie des troupes espagnoles, principalement celles des divisions de Ballesteros et de Lardizabal, s'échappent. Cette partie de la bataille se termine par une attaque sans succès du 4e régiment de dragons britanniques, qui perd 27 hommes.

L'attaque Ă©choue

Carte du champ de bataille.

L'attaque française tombe alors sur la brigade de Houghton[5] de la 2e division, qui tient sur place en dĂ©pit de lourdes pertes. TĂ´t dans la bataille, le colonel William Inglis (en), du 57e rĂ©giment d'infanterie « West Middlesex Â» (en), est blessĂ© par de la mitraille qui perfore un de ses poumons[6]. Il refuse d'ĂŞtre portĂ© Ă  l'arrière et reste couchĂ© au pied des couleurs. Tout au long de la bataille, il rĂ©pète calmement « vendez chèrement votre vie 57e, vendez… ». En obĂ©issant aux ordres, les hommes du 57e gagnent le surnom « Les durs Ă  cuire Â»[7] et deviennent le seul rĂ©giment Ă  avoir le droit de porter la distinction « Albuhera Â» aussi bien sur leurs couleurs que sur le badge de leur casquette. Jusque-lĂ , la bataille s'est bien dĂ©roulĂ©e pour les Français. Cependant, Soult se rend compte que Blake a fait sa jonction avec Beresford et il hĂ©site Ă  engager ses rĂ©serves.

La 4e division de Beresford, sous les ordres de Lowry Cole, monte alors Ă  l'attaque de la crĂŞte en venant de l'ouest. La brigade de fusiliers[8], la 11/23e brigade portugaise et le 7e chasseurs portugais s'y distinguent particulièrement. Ils repoussent les charges de cavalerie des dragons et des lanciers, puis s'avancent Ă  faible distance des colonnes françaises. Ils Ă©changent des tirs de mousquet pendant 20 minutes, souffrant la perte de 1 000 hommes. L'infanterie française a souffert au moins aussi durement, mais finit par lâcher lorsque les survivants britanniques lancent une violente charge Ă  la baĂŻonnette. Lors de cette charge, le gĂ©nĂ©ral Joseph PĂ©pin y perd la vie.

L'engagement se termine de façon non concluante après un combat très sanglant, la cavalerie polonaise de Soult détruit toute une brigade britannique, alors que les Espagnols repoussent l'une des plus puissantes attaques d'infanterie de cette guerre.

Conséquences

Soult n'est pas parvenu à faire lever le siège de Badajoz, qui est abandonné un peu plus tard, quand le maréchal Auguste Marmont joint ses forces aux siennes. La ville ne tombe aux mains des Alliés qu’en avril 1812.

Albuera eut peu d'effet sur le déroulement de la guerre. Toutefois, l'efficacité des lanciers polonais conduisit l'armée britannique à convertir quelques régiments de cavalerie en lanciers après Waterloo. Cette bataille confirma aussi la qualité combative de l'armée portugaise après sa réorganisation par les Britanniques.

Notes et références

  1. On suppose à la suite de la corruption de responsables plutôt que d'opérations militaires.
  2. Les villes fortifiées étaient particulièrement importantes à cause du mauvais état des voies de communication dans la péninsule Ibérique : elles étaient difficiles à contourner et la logistique nécessaire au déplacement et à l'approvisionnement du matériel de siège restait problématique.
  3. Le général de brigade britannique responsable fut relevé de son commandement un peu plus tard.
  4. La tactique française consistait alors Ă  lancer des colonnes compactes Ă  l'assaut, comme on lance un buttoir, pour dĂ©foncer les lignes ennemies en enlevant la position Ă  la baĂŻonnette, cette formation prĂ©sentait par contre l'inconvĂ©nient d'offrir une cible optimale aux salves de mousqueterie et Ă  la mitraille des canons ennemis, et de boucher le champ de tir des assaillants Ă  partir du troisième rang. Alors que la tactique britannique, consiste (en l'absence de menace sĂ©rieuse de la cavalerie ennemie, auquel cas on prĂ©voyait aussi l'ordre compact avec formation en carrĂ©), Ă  attendre l'assaut en dĂ©ployant les troupes en ordre peu serrĂ© sur trois rangs, afin d'offrir un bon angle de tir Ă  tous les soldats, qui pouvaient non seulement viser le front de la colonne ennemie, mais grâce au large dĂ©ploiement harasser aussi ses flancs. C'est prĂ©cisĂ©ment ce que Colborne fit Ă  ce moment-lĂ . Les soldats britanniques Ă©taient entraĂ®nĂ©s Ă  tirer et recharger au moins trois Ă  quatre fois Ă  la minute. Cette tactique permettait au second rang, puis au troisième de passer au premier rang pour dĂ©charger leurs armes, pendant que le premier rang rechargeait les siennes, et ainsi de suite, dĂ©livrant un feu roulant continu. Bien que le bilan des pertes montre que tous les tirs n'atteignaient pas une cible, (la visibilitĂ© Ă©tait rapidement bouchĂ©e par le nuage de fumĂ©e) ce feu roulant avait un effet dĂ©vastateur sur le moral des colonnes car il provoquait une hĂ©catombe dans leurs premiers rangs, et tous les assaillants devaient enjamber les morts et les blessĂ©s pour poursuivre l'assaut. Les mousquets de l'Ă©poque, Ă  canon lisse, perdaient toute prĂ©cision au-delĂ  de 50 Ă  60 mètres, faisant de ce genre d'assaut une course de vitesse entre la progression des colonnes dans les derniers 100 mètres et la capacitĂ© des dĂ©fenseurs Ă  maintenir un feu roulant meurtrier. Par contre le dĂ©ploiement en ligne ne permettait aucune rĂ©sistance aux attaques de la cavalerie qui arrivaient au contact avant que les fantassins n'aient pu tirer une deuxième salve.
  5. 29e régiment d'infanterie, 1/48e régiment d'infanterie et 57e régiment d'infanterie.
  6. Le colonel Inglis ne mourut pas de ses blessures et survécut pour atteindre le grade de lieutenant-général.
  7. Jeu de mots intraduisible de l'anglais au français Die hard Ă  l'impĂ©ratif signifiant « vendez chèrement votre peau Â», du verbe to die: mourir, et comme surnom Die hard signifie trempĂ© dur, ou dur Ă  cuire, du nom die : moule, matrice.
  8. 7e régiment d'infanterie et 23e régiment d'infanterie.

Voir aussi

Sources

Liens externes

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