Bataille d'Ayacucho
La bataille d’Ayacucho est le dernier affrontement des grandes campagnes terrestres des guerres d'indépendance en Amérique du Sud (1809-1826) commencées avec la Révolution de Chuquisaca en 1809 dans le Haut-Pérou et culminant avec l'occupation des forteresses de Callao en 1826. La bataille se déroule le sur la pampa de Quinua (es), aux environs d'Ayacucho au Pérou. La victoire des indépendantistes, dirigés par Antonio José de Sucre, sur les loyalistes du vice-roi du Pérou José de la Serna scelle de fait l'indépendance du Pérou avec la capitulation militaire de l'armée royaliste.
Date | |
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Lieu | Ayacucho, PĂ©rou |
Issue | Capitulation du vice-roi du Pérou et fin de la domination espagnole en Amérique du Sud |
PĂ©rou Grande Colombie | Espagne |
Antonio José de Sucre Guillermo Miller | Vice-roi José de la Serna |
4 500 soldats de Grande Colombie 1 280 soldats péruviens, chiliens et argentins[1] | 6 900 soldats de la Vice-royauté du Pérou[2] |
370 morts et 609 blessés | 1 800 morts et 700 blessés |
Guerre d'indépendance du Pérou
Batailles
m Premiers soulèvements autonomes
- Insurrection de Tacna (1811)
- Rébellion de Huánuco (1812)
- Insurrection de Tacna (1813)
- RĂ©bellion de Cuzco (1814)
- Bataille de la Apacheta (es)
- Bataille de Umachiri (es)
Campagne Libératrice du Sud (1820-1823)
- DĂ©barquement de Paracas (es)
- Première campagne d'Arenales
- Bataille de Pasco (es)
- Capture de l’Esmeralda
- Discours d'Aznapuquio (es)
- Seconde campagne d'Arenales
- Combat de Quiapata (es)
- Campagne d'Intermedios de Miller
- Combat de Mirave (es)
- Premier siège de Callao
- Expédition auxiliaire de Santa Cruz à Quito
- Bataille d'Ica
- Combat de Paras (es)
- Campagne d'Intermedios d'Alvarado (es)
- Bataille de Torata (es)
- Bataille de Moquegua (es)
- Combat de Mito (es)
Campagne Libératrice du Nord (1823-1826)
- MotĂn de Balconcillo (es)
- Campagne d'Intermedios de Santa Cruz
- Bataille de Zepita (es)
- Combat d'Arequipa (es)
- Combat d'Alzuri (es)
- Soulèvement de Callao (es)
- Rébellion d'Olañeta (es)
- Bataille de JunĂn
- Combat de Bellavista (es)
- Bataille de Corpahuaico (es)
- Bataille d'Ayacucho
- Campagne de Sucre dans le Haut-PĂ©rou
- Combat de Tumusla
- Second siège de Callao (es)
Coordonnées | 13° 02′ 33″ sud, 74° 07′ 54″ ouest |
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Situation
En 1820, la situation politique en Espagne change radicalement avec la restauration de la Constitution libĂ©rale de 1812 et la soumission de Ferdinand VII devant la rĂ©volte menĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Rafael del Riego. Ce changement radical de situation entraĂ®ne l'annulation de l'expĂ©dition de 20 000 soldats qui devait ĂŞtre envoyĂ©e en AmĂ©rique du Sud pour aider le vice-roi du PĂ©rou Ă combattre le mouvement indĂ©pendantiste en pleine expansion et Ă reconquĂ©rir les territoires perdus. Au PĂ©rou, le vice-roi JoaquĂn de la Pezuela est discrĂ©ditĂ© Ă cause de l'Ă©chec de l'expĂ©dition militaire de Mariano Osorio au Chili et plus encore par le dĂ©barquement de l'armĂ©e de JosĂ© de San MartĂn au PĂ©rou. Le vice-roi est finalement renversĂ© le par un coup d'État menĂ© par le gĂ©nĂ©ral JosĂ© de la Serna, qui prend sa place et proclame son adhĂ©sion Ă la Constitution libĂ©rale.
Les indĂ©pendantistes dĂ©butent Ă Cerro de Pasco une campagne militaire prometteuse et entrent dans Lima en juillet 1821 mais l'armĂ©e royaliste, solidement entraĂ®nĂ©e, triomphe des insurgĂ©s commandĂ©s par AgustĂn Gamarra Ă Ica le . L'annĂ©e suivante, en janvier 1823, après que JosĂ© de San MartĂn s'est retirĂ© Ă la suite de l'entrevue de Guayaquil avec SimĂłn BolĂvar, une nouvelle expĂ©dition visant Ă libĂ©rer le Haut-PĂ©rou est Ă©crasĂ©e par les royalistes et l'annĂ©e se termine sur un nouvel Ă©chec des indĂ©pendantistes, commandĂ©s cette fois par Antonio JosĂ© de Sucre, qui sont obligĂ©s d'Ă©vacuer Arequipa après avoir perdu la majeure partie de leur cavalerie.
L'optimisme affichĂ© par les insurgĂ©s s'Ă©vanouit peu Ă peu, d'autant que les prĂ©sidents pĂ©ruviens JosĂ© de la Riva AgĂĽero y Osma et JosĂ© Bernardo de Tagle sont successivement accusĂ©s de trahison. Riva AgĂĽero, après avoir dĂ©portĂ© certains dĂ©putĂ©s du Congrès et organisĂ© un Congrès parallèle Ă Trujillo, est accusĂ© de haute trahison[3] et est exilĂ© au Chili. Tagle, qui lui succède Ă la prĂ©sidence, est peu après accusĂ© Ă son tour par SimĂłn BolĂvar de nĂ©gocier avec les royalistes[4] et doit trouver refuge dans la forteresse de Callao, qui est assiĂ©gĂ©e par les indĂ©pendantistes.
NĂ©anmoins, en dĂ©pit de leurs derniers succès, la situation reste critique pour les royalistes, qui sont coupĂ©s de toute communication avec l'Espagne, et BolĂvar, de son cĂ´tĂ©, demande de nouveaux renforts de Colombie pour prĂ©parer une campagne dĂ©cisive contre l'armĂ©e royaliste de JosĂ© de la Serna.
Le traité de Buenos Aires et la révolte de Callao
Le , le gouvernement des Provinces-Unies du RĂo de la Plata conclut un traitĂ© avec le vice-roi et envoie des nĂ©gociateurs aux autres gouvernements sud-amĂ©ricains afin que ce traitĂ© puisse ĂŞtre effectif[5]. Il y est stipulĂ© que les hostilitĂ©s devront cesser soixante jours après sa ratification et que cette trĂŞve devra durer un an et demi, pĂ©riode durant laquelle une paix dĂ©finitive serait nĂ©gociĂ©e. Ainsi, Juan Gregorio de las Heras et Baldomero Espartero se rencontrent Ă Salta pour nĂ©gocier mais ne parviennent pas Ă un accord. Le gouvernement des Provinces-Unies du RĂo de la Plata pense que ce projet Ă©tablira la paix, bien que ce soit au dĂ©triment de la cause pĂ©ruvienne, refusant son aide Ă cette dernière et retirant ses troupes des postes avancĂ©s Ă la frontière avec le Haut-PĂ©rou[6].
Au dĂ©but de l'annĂ©e 1824, BolĂvar tombe gravement malade alors que, dans le mĂŞme temps, un ministre plĂ©nipotentiaire envoyĂ© par les Provinces-Unies du RĂo de la Plata arrive Ă Lima pour demander au PĂ©rou d'adhĂ©rer au traitĂ©, demande toutefois rejetĂ©e par le Congrès pĂ©ruvien. Peu après, le 4 fĂ©vrier, un soulèvement de la garnison de Callao Ă©clate et près de 2 000 hommes passent du cĂ´tĂ© royaliste, libĂ©rant les prisonniers et hissant le drapeau espagnol sur la forteresse de Callao[7]. Le rĂ©giment de grenadiers montĂ©s des Andes se rĂ©volte Ă son tour le 14 fĂ©vrier et deux escadrons se rendent Ă Callao pour rejoindre les Ă©meutiers mais, quand ils voient que ceux-ci ont ralliĂ© la cause royaliste, une centaine d'hommes ainsi que tous les officiers du rĂ©giment retournent Ă Lima. Ces Ă©vènements ont pour consĂ©quence une brève occupation de Lima par les royalistes, avant que ceux-ci ne se replient sur Callao et dans les rĂ©gions andines, et vont surtout prolonger la guerre jusqu'en 1826, date Ă laquelle la forteresse de Callao fait enfin sa reddition.
La rébellion d'Olañeta
José de la Serna connaît lui aussi de graves problèmes car, au début de cette même année 1824, l'armée du Haut-Pérou commandée par le général Pedro Antonio Olañeta se révolte contre le vice-roi après avoir reçu la nouvelle que le gouvernement libéral espagnol était tombé à la suite de l'expédition française en Espagne. Ferdinand VII rétablit ainsi l'absolutisme, avec le soutien des troupes françaises, et Rafael del Riego est pendu alors que les autres dirigeants libéraux sont exécutés, exilés ou en fuite. Le monarque espagnol décrète l'abolition de toutes les décisions prises durant les trois années précédentes, ce qui annule la désignation de José de la Serna comme vice-roi du Pérou.
Olañeta donne Ă ses forces l'ordre d'attaquer les troupes restĂ©es fidèles Ă JosĂ© de la Serna[8], obligeant le vice-roi Ă changer sa stratĂ©gie de descendre sur la cĂ´te pour combattre BolĂvar. Ă€ la place, il envoie une armĂ©e de 5 000 vĂ©tĂ©rans dirigĂ©e par GerĂłnimo ValdĂ©s (es) traverser la rivière Desaguadero, traversĂ©e effectuĂ©e le 22 janvier 1824, avec comme ordre de marcher sur PotosĂ pour livrer combat Ă son ancien subordonnĂ©. Après une longue campagne et quatre batailles livrĂ©es entre les deux armĂ©es, la dernière le , les troupes des libĂ©raux et des absolutistes se sont mutuellement dĂ©cimĂ©es.
BolĂvar, qui est en communication avec Olañeta, tire pleinement avantage de cette situation en passant Ă l'offensive et bat une armĂ©e royaliste isolĂ©e, commandĂ©e par JosĂ© de Canterac, lors de la bataille de JunĂn le 6 aoĂ»t 1824. Ainsi commence une campagne qui a pour consĂ©quence de pousser 2 700 soldats royalistes Ă dĂ©serter et Ă rejoindre les forces indĂ©pendantistes. Finalement, le 7 octobre 1824, BolĂvar, dont l'armĂ©e est dĂ©sormais aux portes de Cuzco, donne le commandement Ă Antonio JosĂ© de Sucre et retourne Ă Lima pour collecter des fonds et accueillir une division colombienne de 4 000 hommes qui n'arrive nĂ©anmoins qu'après la bataille d'Ayacucho[9].
La campagne d'Ayacucho
La dĂ©route des troupes de Canterac Ă JunĂn oblige le vice-roi Ă rappeler JerĂłnimo ValdĂ©s de PotosĂ, celui-ci revenant Ă marche forcĂ©e avec ses soldats. Après avoir rassemblĂ© ses troupes, JosĂ© de la Serna rejette toutefois l'idĂ©e d'un assaut direct en raison du manque d'expĂ©rience de son armĂ©e, renforcĂ©e depuis quelques semaines par un enrĂ´lement massif de paysans. Son intention est au contraire de couper Sucre de son arrière-garde par une sĂ©rie de marches et de contre-marches, plan qu'il met Ă exĂ©cution peu après le dĂ©part de l'armĂ©e de Sucre de Cuzco, pendant sa traversĂ©e des Andes. Ainsi, l'armĂ©e royaliste frappe le 3 dĂ©cembre Ă la bataille de Corpahuaico (es) oĂą elle cause Ă ses adversaires environ 500 morts et blessĂ©s ainsi que la perte d'une grande partie de son artillerie pour un coĂ»t limitĂ© Ă trentaine d'hommes. Sucre et ses lieutenants rĂ©ussissent toutefois Ă prĂ©server l'organisation de leur armĂ©e, empĂŞchant le vice-roi d'exploiter son succès. Bien qu'ayant souffert de pertes importantes, Sucre organise une retraite en bon ordre et s'assure de monter le camp dans des positions d'accès difficile, comme la pampa (plateau) de Quinua (es), Ă 20 km au nord-est d'Ayacucho.
L'armée royaliste finit ainsi par consommer toutes ses provisions dans une guerre de mouvements sans avoir obtenu de victoire décisive. En raison des conditions extrêmement difficiles d'une campagne dans les Andes, les effectifs des deux armées se trouvent drastiquement réduits par les désertions et les maladies. Elles passent ainsi respectivement de 8 500 (pour l'armée indépendantiste) et 9 300 hommes (pour l'armée royaliste) au début de la campagne, à 5 800 et 6 900 hommes à la veille de la bataille d'Ayacucho. L'armée royaliste se positionne sur les hauteurs de Condorcunca (ce qui signifie « le cou du condor » en quechua), une bonne position défensive mais qu'elle ne peut espérer tenir trop longtemps car il ne lui reste que cinq jours de réserves de nourriture. Elle est donc condamnée à vaincre rapidement pour éviter sa dispersion et une défaite certaine à l'arrivée des renforts colombiens attendus par les indépendantistes.
Ordre de bataille
Armée unifiée libératrice du Pérou (Ejército Unido peruano colombiano Libertador del Perú)
- Commandant en chef : général Antonio José de Sucre
- Chef d'Ă©tat-major : gĂ©nĂ©ral AgustĂn Gamarra
- Cdt de la cavalerie : général Guillermo Miller (es)
- Première division : gĂ©nĂ©ral JosĂ© MarĂa CĂłrdova (2 300 hommes)
- Deuxième division : général José de La Mar (1 580 hommes)
- Réserve : général Jacinto Lara (1 700 hommes)
Dans son rapport de la bataille d'Ayacucho, Sucre dĂ©crit ainsi son ordre de bataille : « Notre ligne formait un angle ; la droite, composĂ©e des bataillons de Bogotá, Boltijeros, Pichincha et Caracas, de la première division de Colombie, sous le commandement du gĂ©nĂ©ral CĂłrdova. La gauche, composĂ©e des premier, deuxième et troisième bataillons et de la lĂ©gion pĂ©ruvienne, avec les hussards de JunĂn, sous le commandement du gĂ©nĂ©ral La Mar. Au centre, les grenadiers et hussards de Colombie, commandĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Miller, et en rĂ©serve les bataillons Rifles, Vencedor et Bargas, de la première division de Colombie, sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Lara »[10].
Sucre ne mentionne pas les grenadiers montĂ©s du RĂo de la Plata, au contraire du gĂ©nĂ©ral Miller qui les cite comme faisant partie des troupes placĂ©es sous son commandement, de mĂŞme que les hussards de JunĂn, ce qui contredit le rapport de Sucre[11].
A. Positions royalistes dans la nuit du 8 au 9
B. Manœuvre préparatoire de l'attaque royaliste
C. Marche des bataillons du colonel RubĂn de Celis
D. Manœuvre et attaque de la division Monet
E. Attaque de l'avant-garde de Valdés sur la maison occupée par les indépendantistes
F. Charge de la cavalerie royaliste
M. Dispersion des bataillons de Gerona, une partie de la réserve royaliste
K. Bataillon Ferdinand VII, dernière réserve royaliste.
Armée royaliste du Pérou (Ejército Real del Perú)
- Commandant en chef : vice-roi José de la Serna
- Chef d'état-major : lieutenant général José de Canterac
- Cdt de la cavalerie : brigadier ValentĂn Ferraz
- Cdt de l'avant-garde : général Gerónimo Valdés (es) (2 000 hommes)
- Première division : général Juan Antonio Monet (es) (2 000 hommes)
- Deuxième division : général Alejandro González Villalobos (1 700 hommes)
- Réserve : général José Carratalá (es) (1 200 hommes)
Toujours dans son rapport, Sucre décrit ainsi les positions ennemies : « Les Espagnols firent descendre leurs troupes, envoyant dans les brèches sur notre gauche les bataillons Cantabria, Centro, Castro, le premier bataillon Imperial et deux escadrons de hussards ainsi qu'une batterie de six pièces d'artillerie, concentrant leur plus forte attaque dans cette zone. Au centre se trouvaient les bataillons Burgos, Infante, Victoria, Guias et le 2° du premier régiment, avec en soutien sur leur gauche trois escadrons du bataillon Unión, le bataillon San Carlos, les grenadiers de la Guardia ainsi que cinq pièces d'artillerie. Et sur les hauteurs à notre gauche se trouvaient les premier et deuxième bataillons de Gerona, le deuxième bataillon Impérial, le premier bataillon du premier régiment, celui des Fernandinos et l'escadron de grenadiers hallebardiers »[10].
DĂ©roulement de la bataille
Le plan royaliste prévu par José de Canterac est que la division d'avant-garde prenne à revers, seule, les positions ennemies en traversant la rivière Pampas, sécurisant de cette façon les unités situées à la gauche de Sucre. Le reste de l'armée royaliste doit alors abandonner ses positions défensives et charger le corps principal de l'armée ennemie, qu'il espère trouver désorganisé, alors que les bataillons Gerona et Ferdinand VII restent en réserve pour être envoyés seulement si la situation le requiert.
Sucre prend immĂ©diatement conscience de la manĹ“uvre très risquĂ©e des royalistes, alors que ceux-ci sont lancĂ©s dans la descente de leurs positions sans aucune chance de couvrir leurs mouvements. La division du gĂ©nĂ©ral CĂłrdova, soutenue par la cavalerie, frappe alors de plein fouet la masse dĂ©sorganisĂ©e des troupes royalistes qui descendent des montagnes et sont incapables de former une ligne de bataille. Le colonel JoaquĂn RubĂn de Celis, qui commande le premier rĂ©giment royaliste dont la tâche est de protĂ©ger l'artillerie, se lance Ă l'assaut avec insouciance et son unitĂ© est Ă©crasĂ©e et lui-mĂŞme tuĂ© durant l'attaque de la division de CĂłrdova, dont le feu efficace disperse les troupes ennemies de Villalobos.
Voyant le désastre qui se déroule sur sa gauche, le général Monet, sans attendre que sa cavalerie se forme dans la plaine, mène sa division contre celle de Córdova et réussit à mettre en ordre de bataille deux de ses bataillons mais, attaqué soudainement, il se trouve encerclé avant que le reste de ses troupes ait pu s'organiser. Monet est blessé et trois de ses lieutenants sont tués, et les troupes royalistes entraînent dans leur retraite la milice paysanne inexpérimentée. La cavalerie royaliste charge alors les escadrons ennemis qui sont lancés à la poursuite de la division de Monet mais ceux-ci, soutenus par le feu roulant de leur infanterie, causent de lourdes pertes aux cavaliers de Ferraz, dont les survivants sont forcés de quitter le champ de bataille.
À l'autre bout du champ de bataille, la division de José de La Mar et la réserve de Jacinto Lara stoppent ensemble l'assaut mené par les vétérans de l'avant-garde de Valdés dans le but de prendre une maison occupée par des compagnies de l'armée indépendantiste. Ces compagnies, d'abord bousculées, reçoivent bientôt des renforts et repartent à l'attaque avec l'aide de la division victorieuse de Córdova[13]. José de la Serna essaie alors de réorganiser ses troupes dispersées en pleine retraite et José de Canterac emmène en personne les réserves à l'assaut. Mais ces réserves ne sont pas les mêmes que celles qui ont repoussé les invasions de 1823, car la plupart des vétérans ont été tués pendant la rébellion d'Olañeta, et ces jeunes recrues se débandent après une faible résistance. À une heure de l'après-midi, le vice-roi est blessé et fait prisonnier et, même si l'avant-garde de Valdés livre encore combat, la bataille est d'ores et déjà gagnée pour les indépendantistes. Dans son rapport, Sucre affirme que les pertes de son armée s'élèvent à 370 morts et 609 blessés alors que celles de ses adversaires sont de 1 800 morts et 700 blessés.
Avec les restes de sa division, Valdés réussit à battre en retraite sur les hauteurs où il rejoint 200 cavaliers qui se sont rassemblés autour du général Canterac ainsi que quelques soldats dispersés des divisions royalistes qui ont fui et dont les hommes démoralisés ont même tué leurs officiers qui tentaient de les regrouper. Voyant que le corps principal de l'armée royaliste et que le vice-roi lui-même a été fait prisonnier, Valdés et Canterac décident de se rendre.
Capitulation d'Ayacucho
La principale conséquence de la capitulation signée le soir de la bataille d'Ayacucho par José de Canterac et Antonio José de Sucre est la cessation de tout combat par les troupes du vice-roi José de la Serna. Les troupes royalistes tenant la forteresse de Callao vont cependant continuer à résister. Le gouvernement du Pérou contracte une dette économique et politique envers les pays qui ont contribué militairement à son indépendance.
Le 7 dĂ©cembre, BolĂvar, sentant la victoire finale toute proche, appelle depuis Lima Ă l'organisation d'un Congrès de reprĂ©sentants, qui se tient Ă Panama du au , dans le but d'unir les nouvelles nations. Mais ce projet d'union Ă©choue car il n'est ratifiĂ© que par les reprĂ©sentants de la Grande Colombie et, quatre ans plus tard, en raison des ambitions personnelles des gĂ©nĂ©raux de BolĂvar et de l'absence d'une vision unifiĂ©e de l'AmĂ©rique du Sud en tant qu'une seule nation, la Grande Colombie Ă©clate Ă son tour en quatre pays diffĂ©rents, anĂ©antissant ainsi le rĂŞve d'union de BolĂvar.
Le Haut-Pérou après la bataille d'Ayacucho
Après sa victoire Ă Ayacucho, et suivant en cela les instructions prĂ©cises de BolĂvar, Sucre entre dans le territoire du Haut-PĂ©rou le . Son rĂ´le se limite Ă donner une apparence de lĂ©galitĂ© au processus que les PĂ©ruviens ont dĂ©jĂ entamĂ©, maintenir l'ordre et installer une administration indĂ©pendante. Le gĂ©nĂ©ral royaliste Pedro Antonio Olañeta tient toujours PotosĂ, oĂą il est rejoint au mois de janvier par le bataillon Union venant de Puno, et rassemble un conseil de guerre qui dĂ©cide de continuer la rĂ©sistance. Olañeta distribue ses troupes entre la forteresse de Cotagaita et Chuquisaca, alors que lui-mĂŞme marche sur Vitichi, emmenant avec lui 60 000 pièces d'or de la Casa de la Moneda de PotosĂ.
Toutefois, à Cochabamba et à Chuquisaca, les bataillons royalistes se soulèvent et se prononcent en faveur de l'indépendance alors que la majorité des troupes du Haut-Pérou renoncent à continuer le combat contre la puissante armée de Sucre. Le colonel Medinacelli et 300 de ses hommes se révoltent à leur tour contre Olañeta et lui font face le 2 avril 1825, à Tumusla, dans une bataille qui se termine par la mort d'Olañeta. Quelques jours plus tard, le 7 avril, les dernières troupes fidèles à Olañeta se rendent, mettant ainsi fin à la guerre dans le Haut-Pérou.
Création de la Bolivie
Il est instaurĂ© par dĂ©cret que la nouvelle nation crĂ©Ă©e Ă la place du territoire du Haut-PĂ©rou porte le nom de RepĂşblica BolĂvar, en l'honneur de son libĂ©rateur, qui est lui-mĂŞme dĂ©signĂ© « père de la RĂ©publique et chef suprĂŞme de l'État ». NĂ©anmoins, BolĂvar dĂ©cline l'honneur de la prĂ©sidence de la RĂ©publique, qui revient alors au vainqueur d'Ayacucho, Antonio JosĂ© de Sucre. Plus tard, la question du nom de la nouvelle nation est Ă nouveau soulevĂ©e et un dĂ©putĂ© de PotosĂ, Manuel MartĂn Cruz, propose alors que, comme de Romulus est venue Rome, de BolĂvar vienne la Bolivie.
BolĂvar, bien que flattĂ© par l'honneur qui lui est fait, n'est pas favorable Ă la crĂ©ation de cette nouvelle nation ; il est en effet inquiet pour l'avenir de la Bolivie dont la situation centrale en AmĂ©rique du Sud, l'impliquera, selon lui, dans de nombreux conflits. BolĂvar souhaiterait plutĂ´t que la Bolivie s'intègre Ă un pays dĂ©jĂ existant, de prĂ©fĂ©rence le PĂ©rou (elle a fait partie de la Vice-royautĂ© du PĂ©rou durant des siècles) ou les Provinces-Unies du RĂo de la Plata (puisque, au cours des dernières dĂ©cennies, elle a fait partie de la Vice-royautĂ© du RĂo de la Plata), mais il finit se laisser convaincre par l'attitude de la population. Le 18 aoĂ»t, lors de l'arrivĂ©e de BolĂvar Ă La Paz, il est accueilli par une grande manifestation de liesse populaire et la mĂŞme scène se rĂ©pète lorsqu'El Libertador arrive Ă Oruro, Ă PotosĂ et enfin Ă Chuquisaca. De telles dĂ©monstrations de ferveur de la part de la population touchent profondĂ©ment BolĂvar, qui surnomme la nouvelle nation sa « fille prĂ©fĂ©rĂ©e ».
Sucre rĂ©unit une AssemblĂ©e de reprĂ©sentants Ă Chuquisaca le 8 juillet 1825 et celle-ci se conclut par une dĂ©cision de proclamer l'indĂ©pendance du Haut-PĂ©rou sous la forme d'une rĂ©publique. Finalement, une commission prĂ©sidĂ©e par JosĂ© Mariano Serrano (es) Ă©crit l'acte d'indĂ©pendance qui est datĂ© du 6 aoĂ»t 1825 en l'honneur de l'anniversaire de la bataille de JunĂn, gagnĂ©e par BolĂvar un an plus tĂ´t jour pour jour. L'indĂ©pendance est dĂ©crĂ©tĂ©e par 7 reprĂ©sentants de Chuquisaca, 14 de PotosĂ, 12 de La Paz, 13 de Cochabamba et 2 de Santa Cruz de la Sierra.
Notes et références
- (es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Batalla de Ayacucho » (voir la liste des auteurs).
- 5 780 hommes en tout(es) Luis Martinez Delgado, Historia extensa de Colombia, Academia Colombiana de Historia (lire en ligne).
- (es) Jorge Basadre, El PerĂş Republicano y los fundamentos de su emancipaciĂłn (lire en ligne).
- (es) « (es) El congreso constituyente del Perú, decreto declarando reo de alta traición a José de la Riva Aguero, 8 de agosto de 1823 ».
- (es) « Manifiesto del Presidente del Perú, Gran Mariscal José Bernardo Tagle, 6 de mayo de 1824 ».
- (es) Diego Barros Arana, Historia general de Chile : Parte novena : OrganizaciĂłn de la repĂşblica 1820 (lire en ligne).
- (es) Daniel Florencio O'Leary, JunĂn y Ayacucho (lire en ligne).
- (es) Alberto Wagner de Reyna, Ocho años de la Serna en el Perú (lire en ligne).
- (en) Jaime E. RodrĂguez O., The Independence of Spanish America, , 274 p. (ISBN 0-521-62673-0, prĂ©sentation en ligne).
- (es) Indalecio LiĂ©vano Aguirre, BolĂvar, Madrid, Cultura Hispánica del Instituto de CooperaciĂłn IberoamĂ©ricana, , 425 p. (ISBN 84-7232-311-0).
- (es) Antonio José de Sucre, Parte de la batalla de Ayacucho.
- (en) Guillermo Miller, Memoirs of General Miller : in the service of the republic of Peru, Longman, Rees, Orme, Brown, and Green, , p. 194-195.
- (es) Mariano Torrente, Historia de la revoluciĂłn hispano-americana, vol. 3, p. 490.
- (en) Guillermo Miller, Memoirs of General Miller : in the service of the republic of Peru, Longman, Rees, Orme, Brown, and Green, , p. 170.
Bibliographie
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