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Bande enherbée

Les bandes enherbĂ©es, plus ou moins larges, sont des dispositifs agro-paysagers longeant les cours d'eau ou plantĂ©es transversalement Ă  la pente. Dans certains pays, par exemple en France en tant que « couvert environnemental permanent Â», elles sont obligatoires sur une partie minimale du territoire. En Belgique, on parle aussi de « tournières » pour dĂ©signer des zones enherbĂ©es en bout de champ, correspondant Ă  la zone oĂą les engins agricoles font leurs manĹ“uvres et demi-tour. Elles servent Ă©galement alors de zone-refuge (ou « zone tampon »).

Les « bandes enherbées » protègent l'eau et jouent éventuellement un rôle important de corridor biologique. Elles sont éligibles au dispositif PAC des « surfaces équivalentes topographiques ».
La bande enherbée est complémentaire de la ripisylve, qui peut la compléter, qui protège également les berge, mais en y portant de l'ombre
Zone de culture où un labour en terrasse a été associé à un maillage de zones tampons (talus enherbés, haies ou bandes enherbées) pour restaurer et protéger la qualité du sol et de l'eau (exploitation agricole comté de Woodbury, dans l'Iowa ; 1999.

Multifonctionnalité

Les bandes enherbées ont diverses fonctions, complémentaires, plus ou moins importantes selon leur taille, leur positionnement et la part du paysage qu'elles occupent :

  • lutte contre l'Ă©rosion des berges et des sols en zone alluviale ;
  • zone d'expansion de crue (utile pour la lutte contre l'Ă©rosion et la recharge de la nappe phrĂ©atique, elle est nĂ©cessaire Ă  la vie de nombreuses espèces);
  • rĂ©duction de la pollution de l'eau (eaux superficielles et de nappe) ; les organismes vĂ©gĂ©taux et microbiens de la bande enherbĂ©e "pompent" une partie des nitrates et du phosphore apportĂ©s par les engrais ou des lisiers et solubilisĂ©s par les eaux de ruissellement. Ces derniers n'accèdent alors plus Ă  la nappe ou aux cours d'eau et fossĂ©s[1]. L'augmentation de la teneur en matière organique, et le frein Ă  l'Ă©rosion ainsi qu'un enrichissement du sol en vie microbienne et fongique, font que certains pesticides sont Ă©galement significativement « filtrĂ©s Â» (adsorbĂ©s ou biodĂ©gradĂ©s [2] - [3] - [4] - [5]), mais leurs mĂ©tabolites peuvent parfois ĂŞtre facilement relarguĂ©s dans le milieu comme c'est le cas pour le mĂ©tolachlore.
  • pâturage possible (ou Ă©levage de volaille…)
  • lagunage naturel ponctuel dans le temps, ou frayère Ă  brochets si elles sont inondables ;
  • corridors biologiques ; extensivement pâturĂ©es et/ou fauchĂ©es, elles jouent un rĂ´le majeur de protection des berges et un certain rĂ´le de substitut Ă  certains corridors naturels (berges + cours d'eau et leurs Ă©cotones), si elles ne sont pas polluĂ©es ni trop isolĂ©es d'autres Ă©lĂ©ments naturels du paysage, par exemple pour des micro-mammifères[6] ou les carabes[7] ;
  • habitat refuge ou rĂ©servoir dans les paysages agricoles, pour des espèces adventices[8] - [9] et des espèces d'insectes (ex. criquet [10]). La diversitĂ© floristique y joue d'ailleurs un rĂ´le dans le maintien de la diversitĂ© de l'entomofaune [11].
  • amĂ©nitĂ©s (Cf. amĂ©lioration de la qualitĂ© du paysage et de la qualitĂ© de vie).
  • lutte intĂ©grĂ©e et agriculture biologique : ces bandes n'Ă©tant pas traitĂ©es par des pesticides, elles jouent le rĂ´le d'habitat-refuge pour des espèces auxiliaires de l'agriculture (mieux encore si elles sont associĂ©es Ă  un rĂ©seau de haies. Des Ă©tudes sont en cours pour mieux mesurer les processus de dispersion des auxiliaires et la colonisation des parcelles agricoles Ă  partir de ces bandes considĂ©rĂ©es comme des "habitats sources". Pour ce faire on utilise diverses mĂ©thodes de marquage et de suivi des individus, dont des marqueurs de variabilitĂ© gĂ©nĂ©tique des populations[12].

Dans le cas de l'agriculture dite "conventionnelle", c'est-à-dire utilisant engrais et pesticides chimiques, elles jouent une fonction supplémentaire pour l'agriculteur : elles accueillent des adventices sauvages dont les gènes se mélangeront (par pollinisation croisée) avec ceux des populations de mêmes adventices croissant dans les champs voisins (traités par des désherbants). Ce mélange de gènes fait que ces dernières risquent moins et moins rapidement de développer des résistances aux désherbants.

Avantages/Inconvénients

Il faut distinguer la mise en place des bandes enherbées en bord de cours d'eau, de celle implantée en pleine parcelle (cas de la vigne, par exemple)

Au moment de l'installation d'un enherbement dans des cultures, la concurrence hydrique et minĂ©rale peut ĂŞtre forte sur les bords de cette dernière les premières annĂ©es (c'est une technique utilisĂ©e en vigne trop « poussante Â»). En revanche, au bout de 4 Ă  5 ans, l'enherbement devient nutritionnel, toujours concurrentiel au niveau hydrique, mais favorisant l'infiltration de l'eau et une moindre Ă©rosion. Si une bande enherbĂ©e transversale Ă  la pente a une forme de noue ou qu'elle est bordĂ©e d'un talus, elle peut aussi favoriser une meilleure infiltration des eaux d'automne, d'hiver et de printemps, au profit de la recharge de la nappe superficielle, amĂ©liorant son effet tampon.

Lorsqu'elles sont implantées en bordures de parcelles, elles peuvent constituer une crainte de la part des agriculteurs d'un point de vue malherbologique ou économique [13]. Cette crainte malherbologique est compréhensible car de nombreuses adventices vont se développer en bordures, mais cette diversité végétale de bordures ne dispersent que très peu à l'intérieur de la parcelle [9] - [8].

Aspects historiques

Si le dispositif les imposant lĂ©galement est rĂ©cent et nouveau, du point de vue de l'histoire de l'environnement et de l'histoire de l'agriculture, les systèmes de polyculture-Ă©levage utilisant des talus enherbĂ©s et des fonds de vallĂ©es « toujours en herbe Â» ne sont pas rĂ©cents. Ces systèmes de cultures sont les plus frĂ©quents sur les reprĂ©sentations anciennes de paysages ou d'Atlas, dont les Albums de CroĂż ou l'Atlas de Trudaine plus rĂ©cent[14]. Par exemple (exemple 1, exemple 2) ; l'Atlas de Trudaine, nous montre que les bandes de prairies conservĂ©es le long des rivières formaient encore une vĂ©ritable trame verte et bleue cohĂ©rente, il y a plus de 200 ans. Par exemple, comme le montrent des photos prises en 1914 Ă  Fromelles, dans le nord de la France, la vallĂ©e de la Lys Ă©tait encore dans ce secteur entièrement enherbĂ©e. Cette zone est aujourd'hui assez intensĂ©ment cultivĂ©e et en grande partie labourĂ©e.

vue panoramique des alentours du village de Fromelles en 1914, à partir de l'observatoire installé dans l'école du village par l'armée allemande

Aspects légaux

Les bandes enherbées font dans certains pays partie des nouvelles mesures mises en place pour protéger l'eau notamment en Europe dans le cadre de la directive cadre européenne sur l'eau, et de la politique agricole commune, et/ou dans le cadre de politiques nationales, locales ou régionales de protection de l'Environnement, rendant leur financement éligible, sous certaines conditions.

La législation nationale, dans les bandes obligatoires peut imposer ou interdire certains types de couverts. Ainsi, en France dans les années 2000, seules quelques plantes sont autorisées, le ray-grass est le plus utilisé mais pose deux inconvénients : très faible intérêt pour la biodiversité et la nidification de la faune sauvage. Il nécessite un entretien, qui n'est pas toujours assuré en respectant les périodes de reproduction ou de plus grande vulnérabilité de la faune. Les fétuques et le dactyle sont également autorisées, plus utiles aux insectes, et granivores et plus susceptibles d'abriter des auxiliaires des cultures. Seules ou en mélange, ces deux herbacées ne nécessitent qu’un entretien réduit (fauche annuelle en septembre, hors période de reproduction). Pour les bandes tampons du bassin versant, comme celles situées le long des cours d’eau, « les implantations de miscanthus et, de manière générale, d’espèces invasives sont interdites »[15].

C'est une des mesures encouragées par les ateliers "Agriculture" du Grenelle de l'environnement de 2007, qui peut décliner localement la trame verte (nationale et locale), également plébiscitée par le Grenelle. La loi Grenelle II votée le impose des bandes enherbées larges d'au moins 5 mètres le long de cours et plans d’eau en cohérence avec ceux identifiés dans le cadre des BCAE ("bonnes conditions agricoles et environnementales" de la PAC) [16]. Ces mesures qui visent surtout à la protection et renaturation des cours d'eau, la protection de la faune et de la flore et le remaillage écologique peuvent aussi être des mesures conservatoires ou compensatoires, par exemple dans le cadre de remembrements. En 2007, le Grenelle de l'environnement a proposé l'idée d'un « remembrement écologique », dans lequel des bandes enherbées pourraient, avec un néo-bocage jouer un rôle majeur.

Elles peuvent être associées à des plantations de haies qui renforcent encore la protection du cours d'eau. Tout ou partie des traitements phytosanitaires peuvent parfois y être interdits.

En France, dans le cadre de la PAC

Pour limiter l'eutrophisation et certaines dystrophisations par les apports de nitrates à la mer et dans les eaux de surfaces, la loi impose des bandes enherbées autour de certains cours d'eau. Les DDT et les mairies renseignent les agriculteurs sur les listes départementales de cours d'eau devant être ainsi protégés. En l'absence d'arrêté, des bandes enherbées doivent être entretenues sur tous les cours d'eau matérialisés sur les cartes IGN au 1/25 000e (les plus récentes) par des traits bleus pleins, mais aussi en pointillé s'ils portent un nom.

Les bordures de cours d'eau ne doivent pas être traitées par des pesticides dans les ZNT (zones non traitées), ou IZNT (intervalles de zones non traitées), sont (par dérogation) en 2007 les mêmes que celles qui doivent être protégées par des bandes enherbées. En 2008, les ZNT pourraient être élargies aux bordures des points d'eau (Une bande de 5 m de large au minimum, est évoquée en 2007)[17] - [18]. En 2010 les bandes enherbées et/ou boisées obligatoires le long des cours d'eau passent à 5 m et 10 m suivant les départements et les rivières[19].

Il peut exister aussi des bandes enherbĂ©es en dehors des abords de cours d'eau. Ces « bandes vĂ©gĂ©talisĂ©es en couvert spontanĂ© ou implantĂ© » doivent ĂŞtre « diffĂ©rentiables Ă  l'Ĺ“il nu de la parcelle cultivĂ©e qu'elles bordent, de 1 Ă  5 m de large, situĂ©es entre 2 parcelles, entre parcelle et chemin ou lisière de forĂŞt ». Dans le cadre de l'Ă©coĂ©ligibilitĂ© de la nouvelle PAC, ces bandes enherbĂ©es (ainsi que quelques autres Ă©lĂ©ments paysagers semi-naturels d'intĂ©rĂŞt agroĂ©cologique et Ă©cologique sont Ă©ligibles au dispositif des « surfaces Ă©quivalentes topographiques Â».

Autres types de bandes enherbées

Bande enherbée utilisée comme séparateur pour une piste cyclable en site propre
Exemple de bande enherbée (et fleurie) transversale au sens d'écoulement de l'eau, qui freine l'érosion et peut aussi jouer un rôle de corridor biologique pour quelques espèces

Divers types de bandes enherbĂ©es peuvent ĂŞtre utilisĂ©es comme « zone tampon Â» (bas cĂ´tĂ©, sĂ©parateur en bord de canal, Ă©lĂ©ment paysager, etc.), on parlera ainsi de zones tampons sèches ou boisĂ©es... Leur valeur Ă©cologique sera dĂ©pendant de leurs fonctions et de la nature du contexte Ă©copaysager. Il peut parfois ĂŞtre significatif, ou pourrait souvent ĂŞtre renforcĂ©.

Notes et références

  1. « Pollution aquatique : redonner de l'eau de bonne qualité à la nature », sur /www.irstea.fr, (consulté le )
  2. Misra, A.K., J.L. Baker, S.K. Mickelson, and H. Shang. 1996. Contributing area and concentration effects on herbicide removal by vegetative buffer strips. Trans. ASAE
  3. Patty, L., B. Real, and J.J. Gril. 1997. The use of grassed buffer strips to remove pesticides, nitrate and soluble phosphorus compounds from runoff water. Pestic. Sci. 49:243–25139:2105–2111.
  4. Rankins, A., Jr., D.R. Shaw, and M. Boyette. 2001. Perennial grass filter strips for reducing herbicide losses in runoff. Weed Sci. 49:647–651.
    • Schmitt, T.J., M.G. Dosskey, and K.D. Hoagland. 1999. Filter strip performance and processes for different vegetation, widths, and contaminants. J. Environ. Qual. 28:1479–1489. (Full Text)
  5. Utilisation des bandes enherbées par la communauté de petits mammifères sur le site atelier bocager de Pleine-Fougères ; par David Ehatt (voir page 56)
  6. Influence des bandes enherbées sur les communautés de carabidae par Frédéric Jean (voir page 73)
  7. S Cordeau , S Petit , X Reboud , B Chauvel, « Sown grass strips harbour high weed diversity but decrease weed richness in adjacent crops », Weed research,‎ (lire en ligne)
  8. S Cordeau , S Petit , X Reboud , B Chauvel, « The impact of sown grass strips on the spatial distribution of weed species in adjacent boundaries and arable fields », Agric Ecosyst Environ,‎ (lire en ligne)
  9. Badenhauser I., Cordeau I., « Sown grass strip-A stable habitat for grasshoppers (Orthoptera: Acrididae) in dynamic agricultural landscapes », Agriculture Ecosystems & Environment,‎ (lire en ligne)
  10. Badenhausser, I., Gross, N., Cordeau, S., Bruneteau, L., & Vandier, M., « Enhancing grasshopper (Orthoptera: Acrididae) communities in sown margin strips: the role of plant diversity and identity », Arthropod-Plant Interactions,‎ (lire en ligne)
  11. Les caractéristiques écologiques et géophysiques du paysage peuvent être mises en relation avec les flux d’individus ou de communautés d'auxiliaires de l'agriculture dont l'étude de certaines caractéristiques génétiques (ex : discontinuités génétiques mesurées par des « microsatellites » permet d'optimiser la taille, la disposition et le mode de gestion de ces bandes enherbée pour améliorer leur intérêt agro-écologique. À titre d'exemple, l'université de Rennes (UMR Ecosystèmes-Biodiversité-Évolution) et la plateforme Ouest-Génopôle à l’INRA du Rheu (35) développent ce type d'étude
  12. S Cordeau , X Reboud , B Chauvel, « Farmers’ fears and agro-economic evaluation of sown grass strips in France », Agronomy for sustainable development,‎ (lire en ligne)
  13. Exemple de carte (Ramousies, dans le nord de la France) vers 1745-1780 (Atlas de Trudaine, Base de données ARCHIM, Centre historique des Archives nationales)
  14. Fiche d'aide au calcul de la valeur de la surface équivalente topographique (SET), version 2011 (barème et modalités de calcul susceptibles d'évoluer dans le temps)
  15. [Communiqué de Presse http://www.plan-batiment.legrenelle-environnement.fr/images/stories/CP_G2.pdf] Adoption définitive du projet de loi portant engagement national pour l’environnement dit « Grenelle 2 » (PDF, 15 pages, consulté 2010 07 09)
  16. France Agricole, page 14, 31 août 2007
  17. Zones Non Traitées, guide de l'arrêté préfectoral du 21 juillet 2017 par la DDT d'Indre et Loire.
  18. Grenelle 2 décrets d'application départementaux

Voir aussi

Articles connexes

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