Bambois (toponyme)
Banbois (ou Bambois), dans la plupart des patois des Vosges bambĂŽ [bÉÌbo:][1] - [2], dĂ©signe dans le Massif des Vosges, mais aussi en Suisse (cantons du Jura[3] - [4] et de Berne), en Belgique[5] - [6], et en Franche-ComtĂ©[7], une partie de la forĂȘt qui est mise en ban ou en dĂ©fens[8]. De ce fait, le bambois est une partie de forĂȘt soumise Ă des rĂšgles dâexploitation par opposition aux rapailles[9]. Elle servait gĂ©nĂ©ralement Ă entretenir les Ă©difices publics[10]. Le pĂąturage et les dĂ©frichements y Ă©taient gĂ©nĂ©ralement interdits[11]. Le terme « bambois » est synonyme de « bois banni » ou « dâembannie »[12].
Origine, usages et répartition
Banbois est la transcription du terme fĂ©odal allemand Bannwald qui signifie « forĂȘt mise en ban » ou « bois appartenant au ban[13] ». Le terme français ban est d'ailleurs issu du vieux bas francique *ban pour dĂ©signer une « loi dont la non-observance entraĂźne une peine » (ancien haut allemand ban « commandement sous menace de peine, dĂ©fense, juridiction et son domaine »)[14].
Contrairement au terme rĂ©gional français bambois tombĂ© en dĂ©suĂ©tude, le terme Bannwald est restĂ© en usage en Allemagne et en Autriche. En Autriche, selon le code forestier de 1975, §§ 21, il a gardĂ© son sens initial de « mise en dĂ©fens » et dĂ©signe aujourd'hui une forme encore plus stricte de la forĂȘt protĂ©gĂ©e[15]. En Allemagne, il prend des sens diffĂ©rents suivant les LĂ€nder. En Bade-Wurtemberg, Bannwald est trĂšs usitĂ© et dĂ©signe des rĂ©serves naturelles intĂ©grales (Totalreservate) avec une lĂ©gislation trĂšs restrictive.
Le terme allemand est attesté sur le flanc alsacien du massif vosgien ; on le retrouve notamment dans les piÚces d'archives et les livres de comptes de l'abbaye de Munster qui indique que les BannwÀldt se situaient à Metzeral et à Soultzeren. Les bambois munstériens représentaient 9 % de la surface forestiÚre[16].
Le terme est attestĂ© dans les diffĂ©rents secteurs du massif vosgien comme sur le cĂŽtĂ© welche en Alsace[17], dans le pays d'Ăpinal[18] - [19], dans la moyenne vallĂ©e de la Meurthe[20] - [21], mais encore dans la VĂŽge dans le pays de Darney[22]. Il est bien reprĂ©sentĂ© dans l'arrondissement de Remiremont en direction des crĂȘtes[23] - [24] - [25].
La commission de toponymie de l'IGN a Ă©galement relevĂ© le terme bambous, apparentĂ© Ă bambois et usitĂ© en Moselle [26]. En rĂ©alitĂ©, l'Ă©lĂ©ment -bous [bu:] (il ne faut pas prononcer le s, purement graphique par imitation du s de bois et ajoutĂ© pour faciliter l'identification du mot patois) correspond Ă la forme dialectale du mot bois dans les patois lorrains du nord-est, tandis qu'en vosgien la forme patoisante est bo [bo:][27]. Le dictionnaire des patois romans de LĂ©on ZĂ©liqzon[28] l'atteste sous cette mĂȘme forme avec la mĂȘme dĂ©finition (bois mis en ban ou en dĂ©fens). Il Ă©voque deux prononciations pour le secteur d'Ă©tude qui l'occupe, Ă savoir le pays messin en plaine, les Vosges mosellanes et le plateau sous-vosgien : [bÉÌbuË] ou [bÉÌbo:].
Dans les départements des Vosges, de la Haute Marne, de la Haute-SaÎne, du Doubs et du Jura on trouve, dans la toponymie, une forme francisée en "Bois Banal". Le terme "banal" n'a, a priori, pas de lien direct avec le droit seigneurial de banalité mais s'en inspirerait par métonymie de par le caractÚre collectif des équipements qui en relevaient (four banal, moulin banal, pressoir banal...).
à l'ancien terme régional de banbois répond le terme français banlieue, de structure identique, ancienne coutume de droit féodal signifiant « espace (d'environ une lieue) autour d'une ville, dans lequel l'autorité faisait proclamer les bans et avait juridiction ». Il se superpose lui aussi à un terme germanique, moyen haut allemand banmile, composé des éléments ban- et -mile qui a donné en allemand Meile « lieue ».
Fonction et part des forĂȘts communales
D'un cĂŽtĂ© comme de l'autre des crĂȘtes vosgiennes, indĂ©pendamment de la langue des administrĂ©s, on constate une dĂ©marche identique dans l'affectation des forĂȘts selon les besoins, il s'agit d'un zonage qui confĂšre Ă la forĂȘt un rĂŽle multifonctionnel[29].
Le village est entouré comme une couronne[30] par :
- les terres cultivées ;
- les basses rapailles (environ 61 % du territoire) : broussailles de hĂȘtres, de bouleaux et de bois dĂ©gradĂ©s oĂč l'on pratique la vaine pĂąture ;
- les hautes rapailles (environ 35 % du territoire) : bois oĂč on a le droit d'affouage. Les bois de charpente sont pris dans ce secteur ;
- et enfin le banbois (environ 4,5 % du territoire) : bois strictement réservé à la communauté pour l'entretien des bùtiments publics, il est mis aux dépens, donc il y est interdit de défricher ou de pratiquer le pùturage[31].
On retrouve ce zonage Ă Vagney en 1764[32] avec les mĂȘmes proportions. La commune voisine de Zainvillers a affectĂ© un site escarpĂ© de son territoire en bambois pour pouvoir entretenir le pont qui enjambe la Moselotte pour aller Ă Vagney[33]. MĂȘme si globalement un bambois Ă©tait destinĂ© Ă alimenter en bois les travaux publics, chaque communautĂ© attribuait une fonction trĂšs prĂ©cise Ă un bambois[34].
Liste des banbois et bambois
Vosges
- Bambois, commune de Tendon
- Le Bambois, commune de Cheniménil, Mossoux
- Le Bambois, commune de Raon-l'Ătape
- Le Bambois, commune de Taintrux
- Le Banbois, commune de Gerbépal
- Le Bambois, commune de Basse-sur-le-Rupt, Planois
- Banbois d'Urbainroche, commune de Rochesson
- Banbois de BouvacĂŽte, commune du Haut du TĂŽt
- Bambois, commune de Saulxures-sur-Moselotte, BĂąmont
- Banbois de Fresse, commune de Julienrupt
- Le Banbois, Ă©cart Le Vic, vallee de la Petite Meurthe
- Chemin du Bambois, rue de la commune de La Bresse[35]
- Banbois de Crémanvillers, commune de Vagney
- Le Banbois, commune de Sapois
- Le Bambois, commune de Basse-sur-le-Rupt
- Le Bambois, commune de Gerbamont[36]
Dans les Vosges alsaciennes, Bambois, hameau Ă Plaine et Bambois, lieu-dit prĂšs de Rothau.
Suisse romande
- Le Bambois ou Le Banbois commune de Undervelier (Il en existe deux dans cette commune)
- Le Banbois ou Le Bambois, commune de Courroux (Il en existe deux dans cette commune)
- Le Banbois ou Le Baimbo, commune de Bonfol
- Le Banbois ou Le Bambois, commune de Courchapoix
- Le Banbois, commune de Epiquerez
- Le Banbois ou Le Bambois, commune de Vermes
- Le Banbois ou Le Banné, commune de Porrentruy
- Le Banbois ou Le Bonné, commune de Damphreux
- Le Bambois, commune de Delémont
Notes et références
- Chanoine Hingre, Vocabulaire complet du patois de la Bresse, lettre B, page 11, vue 12/521, au 3e article « Ban »
- Marc Georgel, Les noms de lieux-dits de l'arrondissement de Remiremont (Vosges) : étude de caractérisation toponymique, Loos, 1966 - 401 pages, item no 180, page 84
- Eclogae geologicae Helvetiae, Volume 11, Schweiz. Geologische Gesellschaft, 1910, The reports of the Schweizerische PalĂ€ontologische Gesellschaft are included in v. 16, no. 5- Jan. 1922 : « Auf dem RĂŒcken des Clos du Douds, in Le Bambois, erwarten uns die Herren Baltzer und Blösch (âŠ)
- Gilbert Lovis, Au temps des veillées : essai sur la mentalité paysanne jurassienne, 1880-1930, Association pour la sauvegarde du patrimoine rural jurassien, 1982 - 303 pages : on peut lire une définition succincte « de savoir que le mot Bam-bois désigne un bois jadis mis à ban »
- En Belgique, il donne également naissance à quelques variantes anthroponomymiques, à voir dans : Jean Germain, Jules Herbillon, Dictionnaire des noms de famille en Wallonie et à Bruxelles, Lannoo Uitgeverij, 1 janv. 2007 - 1061 pages. Bombois : nom d'origine, variante de Bambois, ban bois (= bois banal). Bomersomme -son, forme réduite du néerlandais Bom-mershoven
- Philippe Vandermaelen, Dictionnaire de la province de Namur , Ătablissement gĂ©ographique, 1832, (Livre numĂ©rique Google ) ; Bambois ou Ban-le-Bois, hameau de la commune de Fosse, dont le dictionnaire prĂ©cise quâil « sây fait un assez grand commerce du bois sciĂ© », pages 101-102
- Revue historique de l'armée : revue trimestrielle de l'état-major de l'armée, service historique, Volumes 25 à 29, MinistÚre des armées, 1973 : le Roulon sera relié à la vallée de la Moselle par un fort, situé au sommet du Bambois à 525 m d'altitude
- Marcel Lachiver, Dictionnaire du monde rural : Les mots du passé, Paris, Fayard, , 1766 p. (ISBN 2-213-59587-9, lire en ligne)
- AurĂ©lien Tavella, Chronique dâune fin annoncĂ©. La disparition de la forĂȘt usagĂšre au XIXe siĂšcle. : Ătude de droits dâusage forestiers dans les Vosges, t. 2, UniversitĂ© de Lorraine facultĂ© de droit, , Glossaire 8-16.
- E. Garnier, Terre de ConquĂȘtes, la forĂȘt vosgienne sous l'Ancien RĂ©gime, Fayard, Paris, 2004, page 446-447, y compris la dĂ©finition dans le glossaire des mots rĂ©gionaux de l'ouvrage, page 557
- M. Lachiver, Dictionnaire du monde rural, les mots du passé, Paris, Fayard, 1997, 1764 pages : bambois, page 155
- Tavella 2012, p. 9.
- Définition également donnée par Gilbert Lovis, Au temps des veillées : essai sur la mentalité paysanne jurassienne, 1880-1930, Association pour la sauvegarde du patrimoine rural jurassien, 1982 - 303 pages : on peut lire une définition succincte, « Bambois désigne un bois jadis mis à ban »
- Site du CNRTL : étymologie de « ban »
- Page wikipedia germanophone: In Ăsterreich ist der Bannwald nach §§ 27 ff. ein durch Bescheid mit einem Bann belegte, strengere Form des Schutzwaldes nach §§ 21 ff. des Forstgesetzes von 1975
- AD HR C 1313, cahier, planche no 1, f°1-2, cité par E. Garnier
- Philippe-Frédéric de Dietrich, Description des gßtes de minerai et des bouches à feu de la France, Didot, 1789. De Dietrich parle de la montagne de Bambois dans le Ban de la Roche,
- Le Bambois de BĂąmont apparaĂźt Ă de nombreuses reprises dans la liste des plantes Ă©numĂ©rĂ©es par le directeur du musĂ©e. In : M.J. Laurent, Rapport sur lâaccroissement des collections du musĂ©e dĂ©partemental, botanique, herbier et flore, dans Annales SociĂ©tĂ© d'Ă©mulation du dĂ©partement des Vosges, Ăpinal, 1859, p. 418-427, (Livre numĂ©rique Google )
- Le Bambois, fort construit en 1879 de la commune d'Ăpinal, in LĂ©on Louis & Paul Chevreux, DĂ©partement des Vosges, dictionnaire des communes, hameaux, Ă©carts, fermes, volume 1, Res Universis, Paris, 1991, page 42
- Dans Bulletin des lois de la RĂ©publique Française , Volume 2 ; Volume 8, La RĂ©publique, 1836, on peut lire au bulletin no 173 que la dĂ©limitation entre les forĂȘts domaniales dites le Grand et Petit-Reclos et la forĂȘt de Bambois, appartenant Ă la ville de Raon-lâEtape » a Ă©tĂ© opĂ©rĂ©e. (Paris, 10.12.1835)
- Le Bambois, hameau de la commune de Colroy-la-Grande, in LĂ©on Louis & Paul Chevreux, DĂ©partement des Vosges, dictionnaire des communes, hameaux, Ă©carts, fermes, volume 1, Res Universis, Paris, 1991, page 42
- Le Bambois, hameau de la commune de Nonville, in LĂ©on Louis & Paul Chevreux, DĂ©partement des Vosges, dictionnaire des communes, hameaux, Ă©carts, fermes, volume 1, Res Universis, Paris, 1991, page 42
- Dans Bulletin des lois. Partie supplĂ©mentaire . Bulletin des lois, 2e partie. Ordonnances, 1re et 2e section, Imprimerie nationale, 1842, au bulletin no 605, article 64, on lit lâexistence des Petit et Grand Bambois Ă Raon-aux-Bois dont le bois est dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©, plutĂŽt destinĂ© Ă lâaffouage. Ă lâarticle 65, on constate lâexistence dâun « Bambois dâUrbain-Roche » de la commune de Rochesson
- Dans DĂ©partement des Vosges. Documents relatifs Ă la vente des biens nationaux, pub. par Leon Schwab, Volume 2, Impr. nouvelle, 1913 : no 135, vendu un prĂ© de Madame de Monspey sur le chemin du Bambois au Chapitre noble de Remiremont â no 182 le 21 nivĂŽse de lâan II, un prĂ©, situĂ© au Bambois, de 7 jours avec un choff pour faire hiverner le bĂ©tail
- Marc Georgel, Les noms de lieux-dits de l'arrondissement de Remiremont (Vosges) : Ă©tude de caractĂ©risation toponymique, Loos, 1966 - 401 pages, item no 180, Page 71, lâauteur Ă©voque Le Bambois des Ejols Ă Vagney et le Bambois de LĂ©jole Ă Gerbamont et Ă la page 85, il prĂ©cise que la « Gibolerie » fut un bambois particulier destinĂ© Ă fournir aux habitants le bois de chauffage dont ils avaient besoin, en outre ceux de Zainvillers et Brerre
- André Pégorier, Sylvie Lejeune et Elisabeth Calvarin, Les noms de lieux en France. Glossaire des termes dialectaux, commission de toponymie, IGN, Paris, 2006
- La graphie bos existe aussi
- Léon Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, 1re partie, A-E, Publications de la faculté des lettres de l'Université de Strasbourg, fascicule 10, éditions Librairie Istra, Paris-Strasbourg, Oxford University Press, Columbia University Press, 1922. A la page 75
- ibid. Garnier page 448
- Voir descriptif et croquis, ibid. Garnier, page 447
- Ceci est corroborĂ© par la dĂ©finition proposĂ©e par Marc Georgel : Il y avait des bois communs Ă tous les habitants et des bambois particuliers. Câest ce qui ressort dâun dĂ©cret du 19 octobre 1569 du duc de Lorraine (âŠ). In : Marc Georgel, Les noms de lieux-dits de l'arrondissement de Remiremont (Vosges) : Ă©tude de caractĂ©risation toponymique, Loos, 1966 - 401 pages, item no 180, page 84
- E. Garnier cite ADV 2 Fi 2770, plan lavis 191x178.5 cm page 446
- Op. cit. page 446
- Xavier Rochel, Gestion forestiÚre et paysages des Vosges d'aprÚs les registres de martelages du XVIIIe siÚcle, thÚse de doctorat du 28 mai 2004, école doctorale langages, temps, société, Université de Nancy II. Page 536 : le Banbois est un bois mis au ban avec des rÚgles spéciales. Il n'était exploité que par "une communauté, voire une fraction de communauté ou quelques particuliers"
- noms des rues de la Bresse, mairie de la Bresse, lire en ligne et derniÚrement consulté le 20/09/2014
- Les quatre derniers Bambois du secteur de Vagney sont cités par Nicolas Wintzer sur son blog personnel, toponymie du Ban de Vagney