Appareil d'appui
Un appareil d'appui de pont est un Ă©lĂ©ment de lâouvrage placĂ© entre le tablier et les appuis, dont le rĂŽle est de transmettre les actions verticales dues Ă la charge permanente et aux charges d'exploitation, routiĂšres ou ferroviaires, et de permettre des mouvements de rotation ou de translation.
Les premiers appareils d'appui Ă©taient mĂ©talliques, puis des articulations bĂ©ton ont Ă©tĂ© utilisĂ©es dans les petits ponts en bĂ©ton armĂ©. Mais Ă partir des annĂ©es 1950 l'utilisation des appuis en Ă©lastomĂšre va ĂȘtre dominante. Aujourd'hui les appareils d'appui en Ă©lastomĂšre frettĂ© et les appareils d'appui Ă pot reprĂ©sentent plus de 90 % des appareils d'appui utilisĂ©s sur les ponts en France[1].
L'appareil d'appui en élastomÚre fretté est adapté pour des réactions d'appui limitées à 12 MN, calculées à l'état limite ultime (ELU). Cette valeur correspond à des dimensions en plan de l'ordre de 700 x 700 mm. Au-delà de 20 MN, les appareils d'appui à pot sont préférables car ils limitent l'encombrement du dispositif. Entre ces deux valeurs il est possible de conserver des appuis en élastomÚre, soit en augmentant les dimensions jusqu'à 900 x 900 mm pour les grands ouvrages, soit en accolant deux appareils d'appui plus petits[1].
Histoire
Dans les ponts en maçonnerie, les charges se transmettent au sol par lâintermĂ©diaire des voĂ»tes. Mais avec les ponts mĂ©talliques qui font leur apparition au dĂ©but du XIXe siĂšcle, un tablier supporte la charge et la transmet au sol par lâintermĂ©diaire dâappuis (piles ou culĂ©es). Lâacier pouvant se dilater ou se contracter sous lâeffet de la tempĂ©rature, le tablier ne peut pas sâappuyer sur les piles sans quâun dispositif puisse absorber ces dilatations. On considĂšre alors qu'au-delĂ de 15 mĂštres de portĂ©e, les poutres du tablier doivent reposer sur des plaques de glissements ou bien des appareils de dilatation Ă rouleaux. Les dispositifs de dilatation sont des chariots sâappuyant sur des rouleaux en fonte ou en acier dont les formules de calcul sont formellement dĂ©finies par Koechling en 1900[2].
Les ouvrages en ciment, puis en ciment armĂ©, naissent aprĂšs lâinvention du ciment artificiel par Louis Vicat en 1840. Mais ce nâest quâĂ partir de 1892, lorsque François Hennebique imagine et fait breveter la premiĂšre disposition correcte des armatures d'une poutre en bĂ©ton armĂ©, sous le nom de poutre Ă Ă©trier, que les ponts en bĂ©ton armĂ© vont prendre leur essor. DĂšs les premiers ponts apparaĂźt ici aussi la nĂ©cessitĂ© de mettre en place des appareils dâappuis fixes ou mobiles, en acier ou en bĂ©ton armĂ©.
Les premiers appareils dâappuis en bĂ©ton sont les articulations Mesnager introduites en 1907[3], mais ils sont trĂšs rapidement supplantĂ©s par les articulations Freyssinet formĂ©es par une section rĂ©trĂ©cie de bĂ©ton traversĂ©e par des armatures passives de type goujons[4]. De nouvelles articulations, dites de type Caquot, apparaissent en 1928[4].
Lâutilisation du caoutchouc frettĂ©, matĂ©riau dĂ©nommĂ© Ă©galement Ă©lastomĂšre, au dĂ©but des annĂ©es 1950 constitue une Ă©volution majeure. Dâabord constituĂ©s de simple couches de caoutchouc et de grillages, lâadhĂ©rence par vulcanisation apparaĂźt en 1956[5]. Plus tard dans les annĂ©es 1990 sont utilisĂ©s des appuis en Ă©lastomĂšre enrobĂ©[6].
Les appareils Ă pot constituĂ©s dâune embase mĂ©tallique en forme de pot cylindrique dans laquelle est enserrĂ© un coussin en caoutchouc apparaissent au dĂ©but des annĂ©es 1960. Une plaque de glissement, gĂ©nĂ©ralement en PTFE (polytĂ©trafluoroĂ©thylĂšne), peut ĂȘtre insĂ©rĂ©e dans la partie supĂ©rieure pour permettre les glissements[7].
Appareils d'appui métalliques
Appareils à plaques métalliques
Ce sont les dispositifs les plus simples et les plus anciens. On les rencontre sur des ouvrages anciens avec des longueurs dilatables dépassant rarement 20 m et des descentes de charge réparties sur un assez grand nombre de points. Ils sont constitués d'une plaque de plomb ou de zinc pour les plus anciens ou de deux plaques glissant les unes sur les autres. En cas de rotation de flexion, la surface de contact se réduit à une ligne[8].
Appareils Ă balanciers
Ce type dâappareil dâappui comprend plusieurs piĂšces dont une prĂ©sente une surface courbe, cylindrique ou sphĂ©rique, nommĂ©e balancier, sur laquelle peut rouler un autre Ă©lĂ©ment plan ou courbe.
- Balanciers à contact linéaire
Ils sont composés d'une surface cylindre roulant sur une surface plane et permettent la rotation dans une direction et assurent la fonction d'appui fixe. Le guidage est assuré par des goujons ou des dents. Ces appareils sont encore fabriqués en France[9].
- Balanciers Ă rotule axiale
UtilisĂ©s seuls, ils jouent le rĂŽle d'appareil d'appui fixe. En gĂ©nĂ©ral, ils comportent un guidage qui empĂȘche un cheminement de l'axe. On les rencontre conjuguĂ©s avec un plan de glissement constituĂ© de rouleaux multiples pour assurer en plus la fonction de dĂ©placement longitudinal[9].
- Balanciers Ă contact ponctuel
Il sâagit de petits appareils dâappui composĂ©s d'une surface sphĂ©rique convexe sur laquelle se dĂ©place sans glisser, une surface plane ou une surface sphĂ©rique concave Ă grand rayon. Ils permettent les rotations dans toutes les directions, tout en jouant le rĂŽle d'appui fixe[10].
- Appareils d'appui sphériques et cylindres
Les calottes sphĂ©riques sont une variante des appareils prĂ©cĂ©dents. La surface de contact est sphĂ©rique, les balanciers supĂ©rieurs et infĂ©rieurs ayant le mĂȘme rayon. Il existe des calottes cylindriques variantes des balanciers Ă rotule axiale. Elles sont aussi appelĂ©es genouillĂšres.
Il existe des appareils plus récents dont les surfaces de frottement sont composées de plaques de PTFE (polytétrafluoroéthylÚne)[11].
Appareils Ă rouleaux
Ils assurent à la fois le déplacement longitudinal et la rotation d'axe transversal dû à la flexion du tablier. Il existe plusieurs types de dispositifs : rouleau simple, rouleau simple tronqué (ou galet), rouleau à cÎtés aplatis (ou pendule), rouleaux multiples[9].
Les bielles
Les bielles permettent une double articulation. Elles sont donc généralement utilisées à la jonction de deux éléments dont les mouvements sont indépendants. On peut en trouver sur les ponts suspendus, les cantilevers, etc[12]...
De par leur conception, les désordres éventuels sont à rechercher au niveau des surfaces de contact (axes, etc.), ovalisation par usure, jeu anormal, blocage par corrosion, déplacement. En cas de translation importante les bielles entraßnent des dénivellations entre les éléments[12].
Désordres des appareils d'appui métalliques
Les dĂ©gradations qui peuvent survenir aux appareils dâappui mĂ©talliques sont dues Ă la corrosion des parties mĂ©talliques ou au feuilletage des rouleaux lorsquâil y en a. On en distingue trois types[13].
Mauvais fonctionnement des rouleaux ou mauvaise inclinaison des balanciers
Ce dĂ©sordre peut ĂȘtre grave de consĂ©quence et des mesures de sauvegarde appropriĂ©es doivent ĂȘtre prises (pose de calage de sĂ©curitĂ© sous la structure en laissant un espace entre le calage et l'intrados, par exemple). Cette valeur de l'inclinaison doit ĂȘtre mesurĂ©e en fonction de la tempĂ©rature ambiante le jour de la mesure et calculĂ©e pour une position extrĂȘme du pont (basse et haute tempĂ©rature)[13].
Les causes de ces défauts d'inclinaison sont d'origines diverses :
- une erreur de calcul ou de positionnement d'un point fixe (la position de l'ensemble des appareils d'appui de l'ouvrage doit ĂȘtre reportĂ©e sur un plan pour analyser le comportement global de la structure et ne pas rester sur une seule ligne d'appui) ;
- une sous-Ă©valuation du retrait fluage ;
- un mouvement de la structure;
- un mouvement d'appui (poussée de remblai par exemple).
Rupture de dents et de dispositif anti-cheminement
Le rÎle des dents (boulonnées ou soudées) est d'assurer un roulement sans glissement. Elles ne sont donc pas fondamentalement nécessaires, mais leur rupture est révélatrice d'un problÚme soit de dessin, soit de fonctionnement. Pour les appareils d'appui fixes, ces dents assurent une reprise d'effort et, dans ce cas, leur rupture est grave[13].
DĂ©faut d'entretien
Ces dĂ©fauts dâentretien peuvent ĂȘtre[13] :
- grippage, par un graissage insuffisant, une corrosion, une mise en peinture des parties non prévues peintes à la conception, etc.
- aplatissement des rouleaux,
- blocage des rouleaux par accumulation de saletés.
- DĂ©tail de lâappareil dâappui du pont dâHenrious, Ă Bras-d'Asse (1927).
Appareils d'appui en béton
Les articulations Mesnager
Augustin Mesnager, ingĂ©nieur des ponts et chaussĂ©es français, invente ce type dâarticulation en 1907. Elles se composent de barres d'acier se croisant en X dans une section rĂ©trĂ©cie de bĂ©ton mĂ©nagĂ©e entre les piĂšces Ă articuler. Les barres sont disposĂ©es alternativement dans l'une ou l'autre direction et sont concourantes sur une mĂȘme droite : l'axe de l'articulation. La rĂ©sistance est demandĂ©e exclusivement aux barres croisĂ©es, Ă l'exclusion du noyau de bĂ©ton de la section rĂ©trĂ©cie, qui n'a qu'un rĂŽle de protection des armatures[3] - [14].
Le fonctionnement de l'articulation entraßne une fissuration du noyau et les aciers sont donc mal protégés de la corrosion. On trouve donc peu d'articulation Mesnager sur les ouvrages en service[3].
Les articulations Considere
InventĂ©es par lâingĂ©nieur des ponts et chaussĂ©es Armand ConsidĂšre au dĂ©but de XXe siĂšcle, ce sont des articulations provisoires qui se composent d'un Ă©lĂ©ment de bĂ©ton frettĂ© rĂ©duit Ă un noyau[3].
La prĂ©sence d'armatures en attente permettait ensuite d'enrober l'articulation et de reconstituer la section du poteau. De ce fait, elles sont difficilement identifiables mĂȘme si elles existent encore sur certains ouvrages en service et cela peut expliquer certains dĂ©sordres sur les poteaux[3].
Les articulations Freyssinet
Les articulations Freyssinet ou à sections rétrécies de béton ont trÚs rapidement remplacé les articulations ConsidÚre. Elles équipent de nombreux ouvrages et selon l'intensité des efforts horizontaux, elles possÚdent ou ne possÚdent pas d'aciers traversants (goujons). Le dimensionnement se trouve dans les rÚglements de calculs depuis 1964. Il est rarement constaté de désordres sur ces appareils d'appui[4] - [14] - [15].
Les articulations Caquot
Les articulations Caquot (ou Considere-Caquot) sont introduites vers 1928. Il sâagit dâarticulations Ă roulement de cylindre ou de sphĂšre sur un plan ou un cylindre dite articulation roulante. Elles remplissent le rĂŽle d'appareil d'appui fixe. Si les efforts horizontaux sont importants, des aciers traversent perpendiculairement la ligne de contact.
Les articulations doubles
Les articulations Caquot ou Freyssinet sont parfois dédoublées pour ajouter une capacité de translation à leur capacité normale de rotation[10].
L'articulation double Caquot permet des déplacements de plusieurs centimÚtres alors que l'articulation double Freyssinet n'autorise que de faibles déplacements. Toute opération de réparation doit veiller à conserver la stabilité de l'ouvrage[10].
Appareils d'appui en caoutchouc fretté
Les premiers appareils
Au dĂ©but des annĂ©es 1950, des grillages en fils trĂ©filĂ©s et Ă©tamĂ©s Ă mailles de 4 mm sont disposĂ©s entre des plaques de caoutchouc de 5 mm dâĂ©paisseur. Sous lâeffet de la pression les fils du grillage sâimpriment dans le caoutchouc. Les Ă©lĂ©ments empilĂ©s sont solidarisĂ©s par des attaches mĂ©talliques fixĂ©es sur les bords[16].
Avec les appareils LARGO-PILE, le grillage est remplacĂ© par des tĂŽles ayant subi un premier traitement, mais les vrais premiers appareils d'appui en caoutchouc frettĂ© adhĂ©risĂ© par vulcanisation apparaissent en France en 1956[17] et en 1957 aux Ătats-Unis[18].
Il sâagit dans un premier temps de plaques de caoutchouc comportant un feuillet adhĂ©risĂ©es Ă deux tĂŽles minces. Pour constituer un appareil d'appui permettant une dĂ©formation en cisaillement et une rotation plus importantes, les mono-feuillets ont Ă©tĂ© collĂ©s les uns sur les autres, puis alternĂ©s avec des tĂŽles[5].
On distingue alors les appareils non enrobés, les semi-enrobés et les enrobés[5]. Les frettes étaient en acier ordinaire ou en acier inoxydable. Les appareils d'appui unitaires étaient découpés dans une plaque mÚre d'environ 1 m2 et sont reconnaissables en France par la couleur de la peinture de protection[19] :
- rouge : qualité Ponts et Chaussées,
- verte : qualité Ponts Rails,
- grise : frettage en acier inoxydable,
- jaune : qualité Bùtiment.
Typologie des appareils actuels
La norme française NF EN 1337-3 définit six types d'appareils d'appui[20].
- Type A : appareil dâappui Ă une seule frette enrobĂ©e
- Type B : appareil dâappui comportant au moins deux frettes (ici cinq) et entiĂšrement enrobĂ©
- Type C : appareil dâappui comportant des plaques mĂ©talliques extĂ©rieures
- Type D : appareil dâappui glissant comportant en surface une feuille de PTFE (polytĂ©trafluoroĂ©thylĂšne)
- Type E : appareil dâappui glissant comportant en surface une plaque mĂ©tallique en contact avec la feuille de PTFE
- Type F : Appareil dâappui non frettĂ© et en bande.
- Type B: appareil dâappui comportant au moins deux frettes et entiĂšrement enrobĂ©.
- Type C : appareil dâappui comportant des plaques mĂ©talliques extĂ©rieures pour ancrage.
- Type E : appareil dâappui glissant comportant en surface une plaque mĂ©tallique en contact avec la feuille de PTFE.
Parties constitutives
Un appareil d'appui en Ă©lastomĂšre frettĂ© est un « bloc d'Ă©lastomĂšre vulcanisĂ© (âŠ) renforcĂ© intĂ©rieurement par une ou plusieurs frettes en acier, collĂ©es chimiquement (adhĂ©risation) pendant la vulcanisation. (âŠ). L'Ă©lastomĂšre est un matĂ©riau macromolĂ©culaire qui reprend approximativement sa forme et ses dimensions initiales aprĂšs avoir subi une importante dĂ©formation sous l'effet d'une faible variation de contrainte »[21].
Le caoutchouc
Le caoutchouc entrant dans la composition des appareils d'appui peut ĂȘtre soit naturel et d'origine vĂ©gĂ©tale, le latex, un polymĂšre de l'isoprĂšne, soit synthĂ©tique et, le composĂ© le plus souvent utilisĂ© Ă©tant un polymĂšre du chloroprĂšne (polychloroprĂšne ou CR pour "ChloroprĂšne Rubber" dans la norme). Il existe plusieurs formules qui, sur le marchĂ©, portent des noms de marques : NĂ©oprĂšne (Du Pont de Nemours), Butachlor (Ugine)[22]⊠Lâusage a retenu la marque nĂ©oprĂšne comme nom usuel.
Les frettes en acier
Les frettes sont des plaques en acier S 235 ou dâun acier prĂ©sentant un allongement minimal Ă la rupture Ă©quivalent. Leur Ă©paisseur ne pourra, en aucun cas, ĂȘtre infĂ©rieure Ă 2 mm[23].
Les éléments de glissement
Plusieurs dispositions existent. En France ces éléments de glissement comportent une plaque de PTFE alvéolée collée sur le dessus de l'appareil d'appui en élastomÚre, soit sur l'enrobage extérieur en élastomÚre (appareil de type D selon NF EN 1337-3), soit sur une tÎle extérieure en acier (appareil de type E selon NF EN 1337-3). Une tÎle en acier inoxydable poli liée à une platine supérieure en acier S235 glisse sur la plaque de PTFE[23].
Dispositifs anti-cheminement
Lorsque lâon veut Ă©viter les dĂ©placements, on met en place des dispositifs anticheminements constituĂ©s de butĂ©es ou taquets dâarrĂȘt, qui ne doivent par ailleurs pas gĂȘner les dĂ©formations : compression, distorsion et rotation. Notamment, les butĂ©es doivent venir en contact avec une plaque (ou frette extĂ©rieure) dont l'Ă©paisseur sera au moins Ă©gale Ă la hauteur de la butĂ©e (appareils d'appui de type C de la norme NF EN 1337-3). En aucun cas, la butĂ©e ne doit se faire sur le feuillet en Ă©lastomĂšre[24].
Caractérisation des appareils
Indicateurs généraux
Les appareils dâappui en Ă©lastomĂšre frettĂ© sont caractĂ©risĂ©s par leurs dimensions (largeur, longueur, Ă©paisseur), le nombre de feuillets (frettes), la charge admissible. Les appareils d'appui en Ă©lastomĂšre frettĂ© supportant des rĂ©actions d'appui infĂ©rieures Ă 12 MN, calculĂ©es Ă l'Ă©tat limite ultime (ELU) ont des dimensions en plan de l'ordre de 700 x 700 mm ou infĂ©rieures.
Indicateurs de performance
Les indicateurs de performance sont les suivants :
- Module de cisaillement G
- Raideur en compression Cc
- Résistance aux efforts répétés en compression
- Capacité de rotation statique
- Adhérence en cisaillement
- PropriĂ©tĂ©s physiques et mĂ©caniques de lâĂ©lastomĂšre
- Propriétés mécaniques des frettes internes
Dimensionnement
En rĂ©fĂ©rence Ă la norme NF EN 1337-3, quatre types de vĂ©rification aux Etats Limites Ultimes doivent ĂȘtre faits pour les appareils d'appui en Ă©lastomĂšre frettĂ© quel que soit leur type :
- la distorsion totale maximale en tout point de l'appareil d'appui est limitée ;
- l'Ă©paisseur des frettes doit ĂȘtre suffisante pour rĂ©sister Ă la traction qu'elles subissent ;
- la stabilitĂ© de l'appareil d'appui doit ĂȘtre assurĂ©e Ă la rotation, au flambement et au glissement ;
- les actions exercĂ©es par l'appareil d'appui sur le reste de la structure doivent ĂȘtre vĂ©rifiĂ©es (effet direct de l'appareil d'appui sur la structure et effet indirect dĂ» aux dĂ©formations de l'appui).
Distorsion
La distorsion dâun appareil dâappui en Ă©lastomĂšre frettĂ© est la dĂ©formation de lâensemble du dispositif due au cisaillement. Elle est mesurĂ©e par la valeur de la tangente , Ă©tant lâangle de distorsion.
Si on donne comme variables :
: l'angle de distorsion
u : déformation horizontale de l'appareil d'appui
T : Ă©paisseur totale de l'appareil d'appui
ts : Ă©paisseur des frettes
n : nombre de frettes
on a
Un appareil d'appui en caoutchouc frettĂ© est dimensionnĂ© pour une valeur maximale de = 0,7 appelĂ©e « capacitĂ© de distorsion » et cette valeur maximale correspond aux dĂ©placements relatifs extrĂȘmes entre l'appui et la structure. Dans la plupart des cas, le rapport u/T correspond Ă une bonne approximation.
Les mesures de distorsion in situ doivent tenir compte de la tempĂ©rature du pont, car la longueur du tablier varie en fonction de la tempĂ©rature et lâappareil est de fait dĂ©formĂ©.
Fissuration du caoutchouc
Le principal désordre est l'apparition de fissures ou « gerçures » des bourrelets des feuillets. L'origine possible de ces fissures est[25] :
- un excĂšs de compression.
- plus rarement, une mauvaise tenue aux effets de l'ozone avec une fissuration caractĂ©ristique Ă 45°. La profondeur de la fissure reste limitĂ©e Ă 1 Ă 2 cm et lâappareil peut ĂȘtre laissĂ© en place sous rĂ©serve d'un suivi rĂ©gulier
- un éclatement des feuillets par excÚs de compression (rare), qui donne une fissure caractéristique rectiligne et parallÚle au plan de frettage.
Corrosion des frettes
Les appareils d'appui anciens dĂ©coupĂ©s dans une plaque mĂšre ou comportant une frette extĂ©rieure sont au contact de lâair. Une corrosion des chants des frettes ou des frettes extĂ©rieures peut dĂšs lors Ă terme ĂȘtre constatĂ©e. Ă partir d'un certain degrĂ© de corrosion, ces appareils doivent ĂȘtre changĂ©s. Pour Ă©viter une corrosion des chants des frettes, il Ă©tait mis en Ćuvre une peinture de protection dont la tenue sous la formation des bourrelets et la distorsion Ă©tait particuliĂšrement mauvaise. Son Ă©caillage ou son faĂŻençage n'est toutefois pas grave[26].
Ce désordre ne devrait plus se voir avec les appareils d'appui actuels complÚtement enrobés. Toutefois il y a les frettes extérieures des appareils d'appui venant sur des taquets (dispositifs anti-cheminement) qui ne sont pas enrobés et sujets à des désordres dus à la corrosion.
Glissement des frettes
Le glissement des empilements frettes-feuillets apparaĂźt essentiellement dans les appareils dâappuis anciens non adhĂ©risĂ©s par vulcanisation. Un tel dĂ©sordre nĂ©cessite une intervention rapide pour Ă©viter une dĂ©nivellation brutale de la structure[27].
Distorsion anormale
Au-delĂ dâune valeur de la distorsion de 0,7 on considĂšre que le fonctionnement de l'appareil d'appui est anormal. Cela Ă©tant, on doit considĂ©rer que ces produits peuvent admettre des distorsions allant jusqu'Ă 1,5 et ce n'est qu'Ă ce niveau qu'on doit envisager le remplacement de l'appareil d'appui Ă court terme[28].
Il faut cependant vérifier si l'effort tangentiel engendré par cette déformation est compatible avec le fonctionnement de l'appui (cas de piles minces, par exemple).
Au-delà de 1,5, il y a le risque d'une déformation dite en S, d'un cheminement ou d'un échappement des appareils d'appui[28].
Les causes de distorsion anormale peuvent ĂȘtre :
- une erreur de calcul ou de positionnement d'un point fixe,
- une sous-évaluation des déformations différées,
- un mouvement de la structure,
- un défaut de réglage en cours de chantier,
- un mouvement d'appui (poussée de remblai),
- un grippage d'une plaque glissante.
Appareils d'appui Ă pot
Parties constitutives
Un appareil d'appui est constitué d'une embase métallique en forme de pot cylindrique de faible hauteur, dans laquelle est enserré un coussin en caoutchouc avec un joint périphérique pour assurer l'étanchéité[7].
Les pots sont en général usinés dans une plaque de forte épaisseur formant un ensemble monolithique[29]. Le piston (ou couvercle) emboßté avec un trÚs faible jeu dans le pot s'appuie sur le coussin et va transmettre les charges avec possibilité de rotation. Le coussin, emprisonné entre le piston et le pot, se comporte théoriquement comme un fluide[7].
La majorité de ces coussins sont en caoutchouc naturel, certains plus anciens sont en néoprÚne. Les joints périphériques sont le plus souvent en laiton ou en acier inoxydable[7].
Dans cette configuration, la fonction de l'appareil se limite à un rÎle d'appui fixe. Pour permettre la fonction de déplacement, on engrave dans la partie supérieure du piston un disque de PTFE (polytétrafluoroéthylÚne), sur lequel va glisser une plaque en acier dont la surface de contact avec le PTFE alvéolé ou non et graissé est en général en acier inoxydable. Cette plaque d'acier est fixée sur son support par collage, vissage ou soudage[7].
Les appareils peuvent ĂȘtre munis dâun dispositif de guidage qui autorise le glissement dans toutes les directions (appareil multidirectionnel) ou dans une seule direction (appareil unidirectionnel).
Ils peuvent ĂȘtre ancrĂ©s soit par simple frottement avec la structure, ou par une boulonnerie et des pattes de scellement. Ces ancrages devraient ĂȘtre disposĂ©s de maniĂšre Ă permettre en principe le dĂ©montage de l'appareil.
Typologie des appareils Ă pot
Les appareils se diffĂ©rencient essentiellement par leur type de guidage qui peut ĂȘtre central ou latĂ©ral.
Le guidage central peut ĂȘtre obtenu par une clavette centrale fixĂ©e au piston par boulons Ă serrage ou par soudage, ou bien par usinage de la plaque de glissement et engravure dans le piston.
Le guidage latĂ©ral peut ĂȘtre obtenu par des plaques latĂ©rales boulonnĂ©es, soudĂ©es ou usinĂ©es dans la masse.
- avec plaque de glissement, sans guidage (multidirectionnel).
- avec plaque de glissement et guidage central (unidirectionnel).
- avec plaque de glissement et guidage latéral.
DĂ©sordres et dysfonctionnements
Protection contre la corrosion du métal
Une dégradation de la peinture contre la corrosion du métal est le principal désordre rencontré. Elle est mesurée à l'aide d'appareil adapté (ElcomÚtre ou équivalent). En fonction de l'état de la protection, on peut prévoir, à terme une réfection de la peinture de protection[30].
Il est trÚs rare de rencontrer des parties métalliques fissurées.
Extrusion du coussin de caoutchouc
La rotation en service de l'appareil d'appui doit rĂ©guliĂšrement ĂȘtre mesurĂ©e, car en cas de dysfonctionnement, le coussin de caoutchouc peut sortir du pot et entraĂźner une dĂ©nivellation du tablier[30]. Les causes possibles sont :
- la conception du produit (défaut du joint anti-extrusion entre le piston et la virole),
- un problĂšme de pose,
- des mouvements anormaux de la structure.
- le décollement des appuis
Corrosion de la plaque de glissement
La plaque mĂ©tallique et celle en PTFE peuvent sâuser et dĂšs lors limiter voire empĂȘcher tout glissement de la structure. Des dĂ©collement de la partie en acier inoxydable ou en PTFE peuvent Ă©galement ĂȘtre observĂ©s[31].
Choix entre élastomÚre fretté et pot
L'appareil d'appui en élastomÚre fretté est adapté pour des réactions d'appui limitées à 12 MN, calculées à l'état limite ultime (ELU). Cette valeur correspond à des dimensions en plan de l'ordre de 700 x 700 mm. Au-delà de 20 MN, les appareils d'appui à pot sont préférables car ils limitent l'encombrement du dispositif. Entre ces deux valeurs il est possible de conserver des appuis en élastomÚre, soit en augmentant les dimensions jusqu'à 900 x 900 mm pour les grands ouvrages, soit en accolant deux appareils d'appui plus petits[1].
Cette derniĂšre solution n'est facile Ă mettre en Ćuvre que pour les ponts en caisson et les ponts Ă dalle en bĂ©ton pour des raisons d'encombrement de l'appareil d'appui. Elle est difficilement envisageable pour les ponts Ă poutres (mixtes ou en bĂ©ton prĂ©contraint)[1].
Par contre, en cas de rotations sur appui importantes, l'appareil en élastomÚre peut convenir, mais il faut souvent augmenter exagérément l'épaisseur d'élastomÚre, ce qui pose d'autres problÚmes. Au niveau des déplacements horizontaux, les systÚmes de glissement des Appareils à pot offrent une meilleure qualité et donc une meilleure durabilité : c'est donc le critÚre du déplacement qui va influer sur le choix[1].
Les contraintes de fabrications (dimensions des presses principalement) font que les plus grandes dimensions des appareils en élastomÚre sont limitées, à l'heure actuelle, à environ 1000 x 1000 x 300 mm pour les fabrications françaises et 1200 x 1200 x 300 mm à l'étranger (on peut atteindre parfois 1200 x 1200 x 300 mm)[1].
En zone sismique, mĂȘme pour de fortes descentes de charges, il est prĂ©fĂ©rable de prĂ©voir des appareils en Ă©lastomĂšre frettĂ©. En effet, en l'absence de point fixe, et compte tenu de la souplesse qu'ils apportent, le comportement global de l'ouvrage sous sĂ©isme d'amplitude modĂ©rĂ© est meilleur. Sous fort sĂ©isme, ils se dĂ©chireront, et leur remplacement sera moins coĂ»teux que s'il s'agit dâappareils Ă pot[1].
Normalisation
En Europe
La normalisation des appareils d'appui a été engagée au niveau européen à la suite de la Directive sur les Produits de la Construction en date du [32], qui fait partie des Directives dite nouvelle approche[33].
Le but de ces directives "nouvelle approche" Ă©tait de supprimer les barriĂšres techniques dans le domaine de la construction. Dans le ce cadre les ouvrages doivent satisfaire aux six exigences essentielles (Essential Requirements ou ERs)[34] :
- Résistance mécanique et stabilité,
- SĂ©curitĂ© en cas dâincendie,
- HygiÚne, santé et environnement,
- SĂ©curitĂ© dâutilisation,
- Protection contre le bruit,
- Ăconomie dâĂ©nergie et isolation thermique.
Les normes europĂ©ennes sont adoptĂ©es Ă la majoritĂ© pondĂ©rĂ©e, câest-Ă -dire quâau moins 71 % des votes exprimĂ©s (abstentions exclues) sont en faveur du texte. Elles sont obligatoirement reprises dans la collection nationale des pays membres qui doivent Ă©liminer dans leurs normes toutes les dispositions contradictoires.
Le domaine d'application de la norme NF EN 1337 « appareils d'appui structuraux » est trÚs général et concerne aussi bien le bùtiment que toutes structures de génie civil, dont les ponts et viaducs[34].:
Code | Nom | Date d'adoption | Date de publication NF EN en France |
---|---|---|---|
EN 1337-1 | Indications générales | ||
EN 1337-2 | ĂlĂ©ments glissants | ||
EN 1337-3 | Appareils d'appui en Ă©lastomĂšre | 09/03/2005[35] | 01/09/2005[35] |
EN 1337-4 | Appareils d'appui Ă rouleau | 07/04/2004 [36] | 01/12/2004[36] |
EN 1337-5 | Appareils d'appui Ă pot d'Ă©lastomĂšre | 09/03/2005[37] | 01/09/2005[37] |
EN 1337-6 | Appareils d'appui Ă balancier | 07/04/2004[38] | 01/02/2005[38] |
EN 1337-7 | Appareils d'appui sphériques et cylindriques | 17/03/2004[39] | 01/12/2004[39] |
EN 1337-8 | appareils d'appui guidés et bloqués | 10/10/2007[40] | |
EN 1337-9 | Protection contre la corrosion | ||
EN 1337-10 | Inspection et entretien | ||
EN 1337-11 | Transport, stockage et installation | ||
Notes
- Appareils dâappui en Ă©lastomĂšre frettĂ© â Guide SETRA (2007), p 6
- A.V. Magny, « La construction en béton armé: Théorie et pratique (1914) », (consulté le )
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 61
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 62
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 15
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 17
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 19
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 22
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 23
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 63
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 64
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 65
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 44
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- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 16
- Appareils dâappui en Ă©lastomĂšre frettĂ© â Guide SETRA (2007), p 15
- Norme NF EN 1337-3, § 3.1
- Appareils dâappui en Ă©lastomĂšre frettĂ© â Guide SETRA (2007), p 10
- Appareils dâappui en Ă©lastomĂšre frettĂ© â Guide SETRA (2007), p 11
- Appareils dâappui en Ă©lastomĂšre frettĂ© â Guide SETRA (2007), p 12
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 32
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 33
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 34
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 37
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 20
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 38
- Ouvrages dâart - Fascicule 13â Appareils dâappuis (2002), p 40
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- « EN 1337-4 - Appareils d'appuis structuraux - Partie 4 : Appareils d'appuis à rouleau », sur Réglementation européenne des produits de la construction (consulté le )
- « EN 1337-5 - Appareils d'appuis structuraux - Partie 5 : Appareils d'appui à pots », sur Réglementation européenne des produits de la construction (consulté le )
- « EN 1337-6 - Appareils d'appuis structuraux - Partie 6 : Appareils d'appui à balanciers », sur Réglementation européenne des produits de la construction (consulté le )
- « EN 1337-7 - Appareils d'appuis structuraux - Partie 7 : Appareils d'appui cylindriques et sphériques comportant du PTFE », sur Réglementation européenne des produits de la construction (consulté le )
- « EN 1337-8 - Appareils d'appuis structuraux - Partie 7 : Appareils d'appui cylindriques et sphériques comportant du PTFE », sur Réglementation européenne des produits de la construction (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
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- [PDF] Michel Dauvilliers, Michel Fragnet, Jean-Pierre Lhermitte, La tenue au vieillissement des appareils dâappui des ponts routiers, Bagneux, SETRA, coll. « Revue Ouvrages d'art n° 48 â p 11 », (ISSN 1266-166X)
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- Thierry Kretz, Appareils dâappui Ă pot - Utilisation sur les ponts, viaducs et structures similaires - Guide technique, Bagneux, SETRA,
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- (en) Par John F. Stanton,Charles W. Roeder,T. Ivan Campbell, High-load multi-rotational bridge bearings, New York, Transportation research board, (lire en ligne)