Ălie Reclus
Ălie Reclus, de son vrai nom Jean-Pierre Michel Reclus, nĂ© Ă Sainte-Foy-la-Grande (Gironde) le et mort Ă Ixelles dans la banlieue de Bruxelles le , est un journaliste, Ă©crivain, ethnologue et militant anarchiste français de la fin du XIXe siĂšcle. Porte-voix des ethnies minoritaires, il a beaucoup Ă©crit en faveur de ce qu'on appelait alors les « peuples sauvages ». Il est, sous la Commune de Paris, directeur de la BibliothĂšque nationale[2].
Naissance | |
---|---|
DĂ©cĂšs |
(Ă 76 ans) Ville de Bruxelles (RĂ©gion de Bruxelles-Capitale, Belgique) |
Nationalités | |
Activités | |
PĂšre | |
Fratrie |
ĂlisĂ©e Reclus ZĂ©line Reclus (d) OnĂ©sime Reclus Armand Reclus Paul Reclus |
Conjoint | |
Enfant |
Idéologie | |
---|---|
Mouvements | |
Archives conservées par |
Il est issu de la famille Reclus, une dynastie dont les membres (ainsi que certains de leurs descendants et collatéraux) ont acquis une certaine notoriété comme journalistes, géographes, médecins, explorateurs, enseignants, militants associatifs ou politiques.
Biographie
Son pĂšre, Jacques Reclus, nĂ© en 1796, Ă©tait pasteur (tout dâabord rĂ©munĂ©rĂ© par lâĂtat, puis indĂ©pendant) ; il a aussi Ă©tĂ© quelques annĂ©es professeur au collĂšge protestant de Sainte-Foy-la-Grande. Il eut quatorze enfants, dont trois ne vĂ©curent pas, avec ZĂ©line Trigant (1805-1887) parmi lesquels il convient de citer le gĂ©ographe ĂlisĂ©e Reclus (trĂšs liĂ© Ă Ălie), le gĂ©ographe OnĂ©sime Reclus (1837-1916), Armand Reclus (1843-1927) et Paul Reclus (1847-1914).
DĂ©sirant que son fils aĂźnĂ© Ălie devienne pasteur, tout en lui faisant donner une Ă©ducation soignĂ©e, Jacques Reclus lâenvoya en 1839 suivre des Ă©tudes dans un collĂšge protestant tenu par les « FrĂšres Moraves » Ă Neuwied, en Prusse, sur les bords du Rhin. Il y fut rejoint en 1843 par son frĂšre ĂlisĂ©e. Tous deux supportĂšrent mal lâhostilitĂ© de certains de leurs condisciples et dĂ©cidĂšrent en 1844 de rentrer Ă Orthez oĂč rĂ©sidaient dĂ©sormais leurs parents. Ălie achĂšve ses Ă©tudes secondaires au collĂšge dâOrthez, puis Ă celui de Sainte-Foy-la-Grande.
Dans le but de suivre des Ă©tudes de thĂ©ologie, Ălie repart en 1847 pour GenĂšve oĂč il ne reste dâailleurs pas, toujours en butte aux sarcasmes provoquĂ©s notamment par sa pauvretĂ©.
En 1848, les deux frĂšres sâinscrivent Ă la facultĂ© de thĂ©ologie protestante de Montauban. Ils en sont exclus en 1849 Ă la suite dâune fugue quâils firent en juin vers la MĂ©diterranĂ©e. Ălie part alors pour Strasbourg afin dây achever ses Ă©tudes de thĂ©ologie : il y est reçu comme pasteur en 1851 en soutenant une thĂšse jugĂ©e provocatrice ; il dĂ©missionna aussitĂŽt de sa charge. En compagnie dâĂlisĂ©e qui lâavait rejoint Ă Strasbourg, les deux frĂšres se rendirent Ă Orthez en traversant Ă pied la France profonde.
Ă Orthez, apprenant le coup dâĂtat du 2 dĂ©cembre 1851, les deux frĂšres manifestent publiquement leur hostilitĂ© au nouveau cours des choses. MenacĂ©s dâĂȘtre arrĂȘtĂ©s, Ălie et ĂlisĂ©e sâembarquent pour Londres. Ălie se rend ensuite en Irlande (1852) oĂč il trouve une situation stable de prĂ©cepteur. En 1855, il rentre en France pour sây marier (1856) avec lâune de ses cousines (NoĂ©mi Reclus) et trouve un emploi dans un organisme bancaire (le CrĂ©dit mobilier, dirigĂ© par les frĂšres Isaac et Ămile Pereire), quâil quittera en 1862 en dĂ©saccord avec les orientations capitalistes de cet organisme. Il collabore ensuite Ă plusieurs publications (la Revue Germanique, la Revue de lâouest de Saint-Louis dans le Missouri, le RousskoĂŻĂ© Slovo («РŃŃŃĐșĐŸĐ” ŃĐ»ĐŸĐČĐŸÂ») de Saint-PĂ©tersbourg). Pendant toute cette pĂ©riode, Ălie loge son frĂšre ĂlisĂ©e qui sâest Ă©galement mariĂ©.
Dans le courant de l'annĂ©e 1863, les deux frĂšres se fixent Ă VascĆuil (Haute-Normandie) chez leur ami Alfred Dumesnil, gendre de Jules Michelet. Câest lĂ quâĂlie Ă©crit une grande partie de sa production littĂ©raire. Lâun et lâautre vont partager leur temps entre VascĆuil et Paris oĂč ils se rendent frĂ©quemment. AprĂšs le dĂ©cĂšs de d'AdĂšle Michelet-Dumesnil, Alfred Dumesnil Ă©pouse Louise Reclus en 1871, sĆur d'Ălie et ĂlisĂ©e Reclus.
Au dĂ©but des annĂ©es 1860, Ălie fut admis franc-maçon (loge les Ămules dâHiram). Mais trĂšs rapidement déçu par lâesprit hiĂ©rarchique qui y rĂ©gnait, il sâen Ă©loigne progressivement[3].
Le , en collaboration avec plusieurs personnes (dont son frĂšre ĂlisĂ©e), il fonde une banque (la sociĂ©tĂ© du CrĂ©dit au Travail) dont le but Ă©tait dâaider Ă la crĂ©ation de sociĂ©tĂ©s ouvriĂšres. Dans le mĂȘme temps, il sâoccupe de la publication dâun journal (lâAssociation) dont il est Ă la fois le directeur et le principal rĂ©dacteur. Mais lâexpĂ©rience du CrĂ©dit au Travail sâachĂšve sur un constat dâĂ©chec en 1868. Lors de la parution du livre I Le Capital (Das Kapital) de Karl Marx en 1867, il est pressenti par le philosophe allemand pour en faire la traduction en français, mais le projet avorta. Câest comme correspondant de la revue russe Dielo ("ĐĐ”Đ»ĐŸ") quâil est amenĂ© ensuite Ă voyager en Russie (Saint-PĂ©tersbourg, Moscou et Nijni Novgorod), puis en Espagne, enfin en Ăgypte oĂč il assiste Ă lâinauguration du canal de Suez (aoĂ»t 1869).
Les annĂ©es qui suivent vont ĂȘtre dĂ©terminantes : la Commune est instaurĂ©e Ă Paris et Ălie, qui est handicapĂ© par un accident antĂ©rieur Ă la main droite, ne peut servir la Cause quâen se faisant employer comme brancardier de la Garde nationale (septembre 1870). Puis il est nommĂ© directeur de la BibliothĂšque nationale (), mais il devra quitter son poste le 24 mai suivant, poursuivi par les Versaillais pour ses activitĂ©s rĂ©volutionnaires. Clandestinement (il est condamnĂ© par contumace), il gagne ensuite lâItalie puis la Suisse et se fixe Ă Zurich.
En 1876, il voyage aux Ătats-Unis dans le but dây trouver un travail de correspondant. Câest un Ă©chec : il se rend Ă Londres oĂč il reste jusquâau prononcĂ© de son amnistie (). Il prĂ©sente, le , au Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, son texte paru dans la Revue internationale des sciences (Tome III, 1879, Paris) La circoncision, sa signification, ses origines et quelques rites analogues. Il rentre peu aprĂšs Ă Paris oĂč Hachette lui procure un emploi de bibliothĂ©caire. Il se consacre alors Ă la rĂ©daction dâouvrages dont plusieurs ne seront publiĂ©s quâaprĂšs sa mort, par son fils Paul. Ce dernier, recherchĂ© par la police qui le croit impliquĂ© dans lâattentat de Vaillant, sâenfuit en Angleterre. SoupçonnĂ© Ă tort de complicitĂ©, Ălie est arrĂȘtĂ© et placĂ© pour peu de temps Ă la Conciergerie. Toutes ces tracasseries le fatiguent et il rejoint son frĂšre ĂlisĂ©e Ă Ixelles (localitĂ© proche de Bruxelles) oĂč il collaborera Ă lâUniversitĂ© nouvelle de Bruxelles en occupant la chaire de mythologie comparĂ©e. Il finira sa vie des suites dâune grippe infectieuse. Ses restes sont enterrĂ©s, avec ceux d'ĂlisĂ©e, au cimetiĂšre d'Ixelles.
Ălie Reclus eut deux fils : Paul Reclus (1858-1941) et AndrĂ© Reclus (1861-1936), agriculteur en AlgĂ©rie puis au Maroc.
Ćuvres
- 1851 : Examen religieux et philosophique du principe de l'autorité, thÚse de théologie protestante à Strasbourg soutenue le , texte intégral.
- 1864 : Introduction au Dictionnaire des communes de France, en collaboration avec ĂlisĂ©e Reclus, Hachette.
- 1885 : Les Primitifs, Chamerot.
- 1894 : Les Primitifs dâAustralie, Dentu.
- 1896 : Renouveau dâune citĂ©, en collaboration avec ĂlisĂ©e Reclus, La SociĂ©tĂ© nouvelle.
- 1894-1904 : confĂ©rences Ă lâUniversitĂ© nouvelle de Bruxelles sur lâĂ©volution des religions.
Posthumes
- Le Mariage tel quâil fut et tel quâil est, 1907, Ăditions de L'IdĂ©e Libre, brochure n°76, 1924, texte intĂ©gral.
- La Commune de Paris au jour le jour. - , Paris, Schleicher FrÚres éditeurs, 1908, texte intégral.
- réédition, Association Théolib, 2011, (ISBN 978-2-36500-071-0), notice éditeur.
- Les Croyances populaires, cours Ă lâUniversitĂ© nouvelle.
- Le Pain, Ăditions de La SociĂ©tĂ© nouvelle, 1909, texte intĂ©gral.
- Les Physionomies végétales, Costes.
- Les Croyances populaires et autres pages retrouvées, textes choisis et présentés par Joël Cornuault, Pierre Mainard, 2001 (épuisé - réédition pour 2018)
Contributions
- Nombreux articles de journaux ou de revues, français ou étrangers, parmi lesquels :
- Revue de lâouest, Saint-Louis, Missouri, (Ătats-Unis) ;
- Mysl, puis Dielo ("ĐĐ”Đ»ĐŸ"), Saint-PĂ©tersbourg ;
- RousskoĂŻĂ© Slovo («РŃŃŃĐșĐŸĐ” ŃĐ»ĐŸĐČĐŸÂ») ;
- The Times ;
- Putnamâs Magazine,
- International, (San Francisco) ;
- La Gironde (« Lettres dâun cosmopolite ») ;
- La Rive gauche ;
- La Nouvelle Revue ;
- Revue de la SociĂ©tĂ© dâanthropologie ;
- La Commune.
Hommages
- Square Ălie-Reclus Ă Ăvry (Essonne).
- Rue des FrĂšres-Reclus Ă :
- Capdenac-Gare (Aveyron),
- Choisy-le-Roi (Val-de-Marne),
- Le Fleix (Dordogne),
- Orthez (Pyrénées-Atlantiques),
- Sainte-Foy-la-Grande (Gironde).
Notes et références
- « http://www.archiefbank.be/dlnk/AE_593 »
- Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, « Le Maitron » : notice biographique.
- LĂ©o Campion, Le Drapeau noir, l'Ăquerre et le Compas : les anarchistes dans la franc-maçonnerie, Ă©ditions Alternative libertaire, 1996, lire en ligne.
Voir aussi
Ouvrages
- GĂ©rard Fauconnier, Ălie Reclus, 1827-1904, Ăditions Gascogne, dans la sĂ©rie Le gĂ©nie des frĂšres Reclus, , 360 pages.
- Joseph Ishill, ĂlisĂ©e and Ălie Reclus, The Oriole Press, Berkeley Heights, New Jersey, USA, 1927.
- Paul Reclus, Les frĂšres Ălie et ĂlisĂ©e Reclus ou Du protestantisme Ă l'anarchisme, Les Amis d'ĂlisĂ©e Reclus, Paris, 1964.
- Joël Cornuault, Pourquoi des guirlandes vertes à Noël ?, Librairie La BrÚche, Bergerac, 1999.
- Ălie Reclus, La Commune de Paris au jour le jour, pages choisies, SĂ©guier, 2000.
- Ălie Reclus, La commune de Paris au jour le jour, texte complet, Lexique en annexe, 440 pp., Ăditions Lo Trebuc, Orthez, 2010.
- JoĂ«l Cornuault, Ălie Reclus, Les Croyances populaires, Librairie de La BrĂšche & Pierre Mainard, 2001.
- LĂ©o Campion, Le Drapeau noir, l'Ăquerre et le Compas : les Maillons libertaires de la ChaĂźne d'Union, Ăditions Alternative libertaire, 1996, lire en ligne, pdf.
- Christophe Brun, ĂlisĂ©e Reclus, une chronologie familiale, 1796-2015, 2e version, , 440 p., illustrations, tableaux gĂ©nĂ©alogiques, documents, texte intĂ©gral Ă tĂ©lĂ©charger en pdf, texte intĂ©gral Ă tĂ©lĂ©charger. CentrĂ©e sur ĂlisĂ©e Reclus, cette chronologie concerne conjointement les membres de la famille Reclus.
Articles
- Federico Ferretti, ââThe murderous civilizationââ: anarchist geographies, ethnography and cultural differences in the works of Elie Reclusâ, Cultural Geographies [early view], http://cgj.sagepub.com/content/early/2016/08/09/1474474016662293.full
- L. Lejeal, Ălie Reclus : Les Primitifs, Ătudes d'Ethnologie comparĂ©e, Journal de la SociĂ©tĂ© des AmĂ©ricanistes, 1904, vol. 1, n°3, pp. 372-373., texte intĂ©gral.
- Federico Ferretti, « Intellettuali anarchici nell'Europa del secondo Ottocento : I fratelli Reclus (1862-1872) », Società e Storia, n° 127, 2010, p. 63-93.
- Christophe Brun, Ădouard Grimard et Gustave Hickel, amis de jeunesse dâĂlie et ĂlisĂ©e Reclus, contribution Ă une mĂ©sologie reclusienne, 2e version, , 34 p.
Notices
Articles connexes
Vidéo
- Gérard Fauconnier, Le génie des frÚres Reclus, conférence à la MédiathÚque André LabarrÚre, Pau, , voir en ligne.
Radio
- Jean Lebrun, Gaetano Manfredonia, Les anarchistes et l'Ă©cologie, La marche de l'histoire, France Inter, , Ă©couter en ligne.
Liens externes
- Ressource relative Ă la recherche :
- Ressource relative Ă la vie publique :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :