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Pietà (prononcé : [pjeˈta]), ou Vierge de Pitié, est un thème artistique de l'iconographie en sculpture et peinture chrétienne ; il représente la Vierge Marie en Mater dolorosa, mère pleurant son fils, Jésus-Christ qu'elle tient sur ses genoux au moment de la descente de croix, après la crucifixion et avant sa mise au tombeau.
Les exemples les plus anciens se trouvent en Italie et en Allemagne, notamment au sein de la tradition du Vesperbild (de), les images de dévotion pour l’office des vêpres. La scène de la Déploration du Christ est, quant à elle, traitée de manière plus ample et représente, en plus du Christ et de sa Mère, les personnages présents au pied de la Croix.
Sommaire
Historique
Ce thème chrétien de souffrance et de mort est le premier, dans l'ordre chronologique, après les épisodes de la Passion du Christ ; il précède la Résurrection. Il est en vigueur entre les années 1350-1500 (des XIVe et XVe siècles) très marquées par de graves périodes d'épidémies de peste noire et par la guerre de Cent Ans[1]. Il complète d'autres thèmes de la Madone, ou « Vierge à l'Enfant », plus traditionnellement inscrits dans la petite enfance de Jésus.
À strictement parler, le thème ne doit comporter, dans sa représentation, que deux des personnages de la chronologie de la Vie du Christ : lui-même mort et Marie, sa mère éplorée, soutenant le corps du Christ mort. Certaines représentations de la Pietà incluent l'apôtre Jean, Marie-Madeleine et parfois d'autres personnages de chaque côté de la Vierge, mais la grande majorité ne montre que Marie et son Fils[2].
Le thème, qui n’a pas de source littéraire est né du thème de la lamentation sur le corps du Christ. Il est apparu pour la première fois au début du XIVe siècle en Allemagne. Il se répandit rapidement en France et jouit d'une grande popularité dans le nord de l'Europe aux XIVe et XVe siècles. Bien que la Pietà soit restée principalement un thème franco-allemand, sa représentation suprême est celle achevée par Michel-Ange en 1499 et abritée dans la basilique Saint-Pierre de Rome[2].
Comme dans beaucoup d'autres représentations sacrées, certains personnages (des saints, le donateur ou le commanditaire) peuvent, de manière anachronique, assister à la scène, comme on peut le voir également dans les Conversations sacrées.
Sculpture
Les sculptures de pietà sont présentes dans de nombreuses églises. Celles de Michel-Ange figurent parmi les œuvres les plus connues.
Montluçon, église Saint-Pierre, pietà du XVe siècle.
Moulins, église du Sacré-Cœur, pietà du XVe siècle.
Ainay-le-Château, pietà du XVIe siècle.
Etain, piéta de Ligier Richier (XVIe siècle).
Vierge de pitié, 1457, Petit Palais, Avignon.
Piéta dans la chapelle des Sept-Saints (Vieux-Marché) (Côtes-d'Armor).
La Pietà , plâtre de Michele Tripisciano (it), Caltanissetta.
Antonio Corradini, église San Moisè, Venise.
Pietà du faubourg Reclus à Chambéry.
Les Pietà de Michel-Ange
- La Pietà la plus connue de Michel-Ange est une statue en marbre à la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome. C'est une commande datant de 1497 par le cardinal français Jean Bilhères de Lagraulas, cardinal et ambassadeur de France auprès du pape. Elle était destinée à orner le monument funéraire du cardinal dans la chapelle des rois de France, Santa Petronilla de l’ancienne basilique Saint-Pierre. Le , elle est sauvagement mutilée à coups de marteau par un déséquilibré hongrois, Lazlo Toth.
- Les travaux de restauration font apparaître sur la main gauche de la Vierge le monogramme de Michel-Ange resté caché pendant près de 500 ans : un « M » dessiné sur la paume avec les lignes de la main. Depuis sa restauration, la Pietà est protégée par une vitre blindée.
- Pietà Bandini ou Pietà aux quatre figures est également une sculpture de Michel-Ange ; elle est exposée au musée dell'Opera del Duomo à Florence.
- Pietà Rondanini (1560 - 1564), Castello Sforzesco, Milan.
- Pietà di Palestrina (1550), Galleria dell'Accademia de Florence (attribution et datation incertaine).
- Pietà pour Vittoria Colonna (en), dessin conservé au Musée Isabella Stewart Gardner de Boston.
Pietà laïque
Des sculpteurs ont utilisé cette image emblématique de Pietà dans des œuvres laïques pour symboliser la douleur des hommes. On retrouve nombre de ces sculptures dans les monuments aux morts dont celui de Strasbourg. La femme représente l'Alsace pleurant ses deux enfants, le Français et l'Allemand, dont les corps sont nus, dévêtus de l'uniforme qui en faisait des ennemis. D’autres exemples fort connus de pietà consacrées aux soldats morts à la guerre, où la mère incarne en fait une allégorie de la patrie, sont le monument aux morts installé en 1935 le long de l’avenue Joffre à Metz (sculpture de Paul Niclausse) et le monument aux héroïques Défenseurs de Léningrad (redevenu Saint-Pétersbourg) érigé en 1970. Il ne s’agit pourtant pas d’interprétations laïques des pietàs chrétiennes. L’iconographie de la pietà semble en effet avoir précédé de plusieurs siècles la religion chrétienne. L’exemple le plus antique est une sculpture archaïque en bronze conservée au Musée archéologique national de Cagliari, en Sardaigne, qui représente une mère tenant sur ses genoux le corps inanimé d’un soldat encore armé. L’œuvre remonte au VIIIe-Ve siècle av. J.-C.
Peinture
La Pietà fait partie des thèmes de la peinture religieuse chrétienne.
Dans la terminologie italienne de la peinture, elle désigne également la représentation du Christ en homme de douleurs.
Peinture flamande
- Jean Malouel, vers 1400, Pitié de Notre Seigneur dit Grande Pietà ronde, Paris, musée du Louvre
- Maître de Rohan, 1418, Les Grandes Heures de Rohan, enluminure sur vélin, Bibliothèque nationale de France
- Dirk Bouts, 1455-1460, Déploration, musée du Louvre[4]
- Gérard David, vers 1500, Lamentation sur le Christ mort, Art Institute of Chicago[5]
- Quentin Metsys, 1466-1530, La Déploration du Christ, musée national de Varsovie [6]
- Antoine van Dyck, 1618-1620, La Lamentation, musée du Prado, Madrid[7]
- Gaspard de Crayer, 1649-1656, La Lamentation sur le Christ, musée d'Histoire de l'art de Vienne[8]
- Jacob Jordaens, 1650-1660, Pietà , musée du Prado, Madrid[9]
- Vincent van Gogh, période moderne, d'après le tableau de Delacroix
Dirk Bouts, Déploration, musée du Louvre.
Vincent van Gogh, d'après Delacroix.
Peinture italienne
- Giotto di Bondone
- Piero di Cosimo, 1495-1500, Pietà avec les saints Jean l'Evangeliste, Marie Madeleine et Martin de Tours, galerie nationale de l'Ombrie, Pérouse[10]
- Andrea del Sarto, 1519-1520, Lamentation du Christ, musée d'Histoire de l'art de Vienne[11]
- Titien
- Bronzino, vers 1530, Pietà , musée des Offices, Florence[12]
- Sebastiano del Piombo
- Giovanni Battista Zelotti, 1526-1578, Le Christ mort, basilique San Zanipolo, Venise[13]
- Paul Véronèse, 1576-1582, La Lamentation (Pietà ), musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg[14]
- Ludovico Cigoli, 1599-1600, Pietà avec les saints Jean l'Evangeliste et Madeleine, musée d'art sacré, Colle di Val d'Elsa[15]
Piero di Cosimo, Pietà avec les saints Jean l'Évangéliste, Marie Madeleine et Martin de Tours, galerie nationale de l'Ombrie, Pérouse.
Gallerie dell'Accademia à Venise par Le Titien.
Simone de Filippo, Pietà et le donateur Giovanni de Elthini, 1368, peinture sur bois, musée Davi Bergellini, Bologne.
Gian Battista Zelotti, Le Christ mort, Venise, basilique San Zanipolo.
Peinture française
- Enguerrand Quarton, avant 1457, Pietà de Villeneuve les Avignon, Paris, musée du Louvre[16]
- Eugène Delacroix
- William Bouguereau, 1876, Pietà , collection particulière
- Bernard Buffet, 1961, La Chapelle de Château l’Arc - Pietà , collection Bernard Buffet aux musées du Vatican[17]
Eugène Delacroix, vers 1842-1843, musée national Eugène-Delacroix.
Peinture espagnole
- Bartolomé Bermejo, 1490, Pietà du chanoine Luis Desplá, cathédrale Sainte-Croix de Barcelone[18]
- Le Greco
Peinture germanique
- Albin Egger-Lienz, 1926, Pietà , musée Leopold, Vienne
Photographie
Le photographe polonais Gregor Podgorski a réinterprété le thème de la Pietà en 1998 à travers une série de 500 clichés. Pour cette œuvre, il demanda à des couples de tous horizons de prendre la pose en s'inspirant de la Pietà , et plus précisément de la version de Michel Ange. Les mises en scène qui créent à chaque fois un univers différent transposent le sujet initial de la mort à l'émotion et parfois même à l'humour. Il intègre parfois, en plus de la référence à la Pietà des éléments reconnaissables d'autres grandes toiles comme La Mort de Marat, ou La Liberté guidant le peuple[19].
Notes et références
- Images de la Vierge dans l'art du vitrail, Rencontre avec le patrimoine religieux, , p. 22 .
- (en) Virginia Gorlinski, « Pieta », sur Encyclopédie Britannica (consulté le ).
- Vierge de Pitié de Dannes dans la base Mérimée du ministère de la Culture.
- « Dirk Bouts », sur Louvre (consulté le ).
- (en) « Gérard David », sur Art Institut of Chicago (consulté le ).
- (pl) « Quentin Metsys », sur Collections numériques du musée national de Varsovie (consulté le ).
- (en) « Van Dyck », sur Musée du Prado (consulté le ).
- (de) « Gaspard de Crayer », sur Kunsthistorisches Museum (consulté le ).
- (es) « Jordaens », sur Musée du Prado, Madrid (consulté le ).
- (pt) « Piero di Cosimo », sur Piero di Cosimo (consulté le ).
- (de) « Andrea del Sarto », sur Kunsthistorisches Museum (consulté le ).
- (en) « Angelo Bronzino », sur WebGallery (consulté le ).
- (en) « Giovanni Battista Zelotti », sur Webgallery (consulté le ).
- (en) « Lamentation », sur Musée de l'Ermitage (consulté le ).
- (en) « Ludovico Cigoli », sur Google Arts (consulté le ).
- « Pieta de Villeneuve », sur Base Joconde (consulté le ).
- Lydia Harambourg, « Buffet », sur Canalacademie (consulté le ).
- (en) « Bartolomé Bermejo », sur Webgallery (consulté le ).
- Site officiel de l'artiste.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (en)Â Grove Art Online
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :