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Viande transformée

Une viande transformĂ©e est une viande ou un mĂ©lange de viandes ou un produit essentiellement constituĂ© de viande ayant subi un ou plusieurs processus ayant modifiĂ© son Ă©tat initial (par exemple en vue de sa conservation hors de la chaine du froid, mais pas uniquement). Le terme est la traduction française de l'expression amĂ©ricaine processed meats[1]. En Europe, la catĂ©gorie « viande transformĂ©e » correspond pour l'essentiel aux produits de charcuterie, si bien que les termes « charcuterie » et « viande transformĂ©e » sont gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©s pour dĂ©signer les mĂȘmes produits[2] - [3] - [4].

Viande transformée dans les rayons d'un hypermarché

L'Institut national du cancer donne la définition suivante du terme « charcuterie », au sens scientifique : « Le terme "charcuteries" désigne ici la catégorie des processed meats qui prend en compte toutes les viandes conservées par fumaison, séchage, salage, ou addition de conservateurs (y compris les viandes hachées si elles sont conservées chimiquement, corned beef...) »[5].

Le CIRC (IARC) en 2015, qui a classĂ© cancĂ©rigĂšne la viande transformĂ©e, l'a dĂ©finie comme « viande qui a Ă©tĂ© transformĂ©e par le salage, le durcissement, la fermentation, le fumage, ou d'autres processus pour rehausser sa saveur ou en amĂ©liorer la conservation. Les viandes les plus transformĂ©es contiennent du porc ou du bƓuf, mais les viandes transformĂ©es peuvent aussi contenir d'autres viandes rouges, de la viande de volaille, des abats, de la viande ou des sous-produits tels que le sang »[6].

Le fumage et le salage associĂ© ou non au sĂ©chage sont trois techniques de transformation de viande pratiquĂ©es depuis la prĂ©histoire (de mĂȘme pour le poisson). Ces pratiques modifient l'aspect et le goĂ»t des viandes.

Le nombre de sortes de viandes transformĂ©es mises sur le marchĂ© ou transformĂ©es dans le foyer domestique varie selon les cultures et les Ă©poques. Dans certains pays, il peut y avoir des centaines de produits diffĂ©rents Ă  base de viande, chacun avec un nom, un goĂ»t et des caractĂ©ristiques propre, mais beaucoup de ces produits peuvent ĂȘtre regroupĂ©s dans quelques catĂ©gories correspondant Ă  un ou plusieurs types de technique de transformation.

Les hot-dogs (saucisses de Francfort), le jambon, les saucisses, le corned-beef, le biltong ou la viande de bƓuf sĂ©chĂ©e ou encore les conserves de viande (pĂątĂ©s...) et diverses prĂ©parations Ă  base de viande sont des exemples de « viande transformĂ©e ». Dans son rapport d'expertise, le Conseil SupĂ©rieur de SantĂ© belge souligne que l'appellation « viande transformĂ©e » est rĂ©servĂ©e aux charcuteries rĂ©alisĂ©es Ă  partir de viande rouge : « la charcuterie Ă  base de viande rouge est dĂ©finie dans ce rapport comme Ă©tant la viande rouge qui a subi un saumurage (le plus souvent par ajout de nitrite et/ou de nitrate) suivi d’un ou plusieurs traitements additionnels pour la conservation. Ceci concerne la plupart des charcuteries Ă  l’exception des produits prĂ©parĂ©s exclusivement avec du poulet ou d’autres volailles. »[7].

Aspects sanitaires

Lorsqu'elles sont fabriquées sans que les rÚgles d'hygiÚne soient respectées, les viandes transformées présentent des risques risques microbiens de type listériose[8], staphylocoque [9], plus rarement botulisme[10]. En outre, les viandes transformées sont depuis plusieurs décennies considérées comme sources de risque sanitaire individuel et en termes de santé publique en raison de leurs effets cardiovasculaires et en termes de risque de développer certains cancers (du tube digestif)[11] - [12], en particulier le cancer du cÎlon et le cancer du rectum (réunis sous le nom "cancer colorectal"). En 2009, l'institut national du cancer indiquait l'estimation suivante: le risque de cancer colorectal est augmenté de 21 % par portion de 50 g de charcuteries consommée par jour[5].

Les viandes transformĂ©es sont impliquĂ©es dans plusieurs autres pathologies (diabĂšte[13], maladies cardiovasculaires[14] - [15], cancers non-digestifs, en particulier cancer du pancrĂ©as[16] et de l'Ɠsophage[16]), cependant les donnĂ©es Ă©pidĂ©miologiques disponibles sont moins convaincantes que pour le cancer colorectal et, dans une moindre mesure, le cancer de l'estomac[17]. Dans le cas du cancer du poumon[18], deux types de cancers voient leur risque augmenter : l'adĂ©nocarcinome et le carcinome spinocellulaire, mais pas le carcinome Ă  petites cellules[18]. Par contre une mĂ©ta-analyse d'Alexander et al. (2010) ne conclut pas Ă  l’existence d'une corrĂ©lation linĂ©aire entre consommation de viande rouge (ou transformĂ©e) et le risque de dĂ©velopper un cancer de la prostate[19]. De mĂȘme selon une autre mĂ©ta-analyse (de 2010), s'il existe un lien avec le cancer du sein (autre cancer hormonal), il n'est pas clair et devrait encore ĂȘtre prĂ©cisĂ©, mieux expliquĂ© ou mieux dĂ©montrĂ©[20].

Selon une méta-analyse dose-réponse de 24 études de cohorte prospectives, chaque apport supplémentaire de 50 g par jour de viande transformée augmentaient de 12 % le risque de troubles cognitifs neurodégénératifs[21].

Différence viande transformée/non transformée du point de vue sanitaire

Il est observĂ© que de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, « les mangeurs de viande ont un indice de masse corporelle et un gain de poids plus Ă©levĂ© que les vĂ©gĂ©tariens »[22]. La viande rouge est associĂ©e au risque de cancer de l'estomac[23] - [24], de cancer du pancrĂ©as[25] (dans ce cas prĂ©cis chez l'homme, mais pas chez la femme[25]) et de cancer colorectal[26] - [27] mĂȘme non transformĂ©e, mais certains modes de transformation aggravent ce risque[28] - [29] - [30] - [31] - [32].

En matiÚre de viande rouge non transformée, le risque accru de cancer est au moins en partie lié à la production de benzo(a)pyrÚne (BaP) et/ou d'amines hétérocycliques (HCA) lors de la cuisson des viandes. Ces amines sont des produits de pyrolyse qui se forment durant certains processus de cuisson (de la viande rouge, de viande transformée ou de poisson). Ce sont de puissants agents mutagÚnes et/ou cancérogÚnes[33], fréquemment trouvés à doses significatives dans les viandes transformées cuites[34] - [35]. Mais en matiÚre de viande transformée, le risque accru de cancer est lié à plusieurs mécanismes qui révÚlent le rÎle central du couple fer héminique/peroxydation lipidique endogÚne[16].

Cancer

Le , le Centre international de recherche sur le cancer a classé l'ensemble des viandes transformées, dans la catégorie des produits cancérigÚnes certains (groupe 1)[36]. Si la dangerosité de la viande transformée reste en deçà de celle d'autres cancérigÚnes, comme notamment le tabagisme ou la pollution de l'air[37], le Fonds mondial de recherche contre le cancer recommande malgré tout de ne pas en consommer[38]. Selon le Global Burden of Disease, l'excÚs de mortalité par cancer est ainsi estimé à 1 million de morts pour le tabac, 600 000 pour la consommation d'alcool, 200 000 pour la pollution de l'air et 34 000 pour un régime riche en viande transformée[39]. En 2017, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail actualise ses repÚres nutritionnels et recommande de ne pas consommer plus de 25 grammes de charcuterie par jour[40].

Le mĂ©canisme le plus connu est liĂ© Ă  l'apparition de composĂ©s N-nitrosĂ©s (ou NOCs)[41]. Les NOCs sont issus des rĂ©actions de nitrosations (ajout d’ions nitrosonium NO+ sur une amine ou une amide formant, respectivement, des nitrosamines ou des nitrosamides) et des rĂ©actions de nitrosylation (ajout d’un ion nitrosyl NO- sur des mĂ©taux ou des groupements thiols, menant Ă  la formation de S-nitrosothiols, ou de fer nitrosylĂ©), toutes deux favorisĂ©es par les nitrites d’origine alimentaire, les plus communĂ©ment utilisĂ©s en transformation de viande Ă©tant le nitrite de sodium et le nitrate de potassium, lui-mĂȘme donnant lieu Ă  l'apparition de nitrite: "les nitrates et les nitrites contribuent Ă  l'effet promoteur des charcuteries, via la formation des NOCs"[42]. Le fer hĂ©minique est formĂ© d’un noyau porphyrine contenant un atome de fer (Fe2+). C’est un Ă©lĂ©ment constitutif de l’hĂ©moglobine et de la myoglobine. La capacitĂ© de l’atome de fer Ă  changer d’état d’oxydation en fait un catalyseur biologique polyvalent qui peut ĂȘtre impliquĂ© dans les rĂ©actions d’oxydation dont celle des lipides. L’hĂšme intervient d’une part en amplifiant la peroxidation des lipides qui conduit Ă  la formation d’alcĂ©nals cytotoxiques et promoteurs et d’autre part en catalysant les rĂ©actions de nitrosation qui donnent des composĂ©s N-nitrosĂ©s (NOCs) cancĂ©rigĂšnes, cette deuxiĂšme voie semblant majeure dans le cas des viandes nitritĂ©es[43].

Le sel commun (NaCl sans nitrite) n'est en lui-mĂȘme ni promoteur de la cancĂ©rogenĂšse chez les rongeurs, ni associĂ© au risque de cancer colorectal[42].

Enjeux de santé publique

Les enjeux de santĂ© sont Ă  nuancer selon les contexte sociaux et gĂ©ographiques : certaines transformation des viandes permettent de les conserver et/ou transporter plus facilement, dont dans des pays ou contextes oĂč la chaĂźne du froid peut difficilement exister ou ĂȘtre fiable, permettant Ă  des individus (marins au long cours par exemple) et populations isolĂ©es de bĂ©nĂ©ficier d'une plus grande quantitĂ© de protĂ©ines animales tout ou partie de l'annĂ©e, mais en altĂ©rant certaines propriĂ©tĂ©s des viandes et en augmentant certains risques pour la santĂ© (la consommation de viandes transformĂ©es a notamment Ă©tĂ© associĂ©e Ă  un risque accru de diabĂšte de type 2[44] - [45] - [46] et une corrĂ©lĂ©e linĂ©aire a Ă©tĂ© Ă©tablie avec le risque d'hypertension artĂ©rielle[22].

Pour le cancérologue Denis Corpet, "Aujourd'hui en France, l'essentiel des ressources humaines et financiÚres consacrées à la lutte contre le cancer sont affectées aux traitements curatifs des cancers déclarés. Leur efficacité ne progressant guÚre, il semble donc nécessaire de promouvoir les possibilités de prévention des cancers. Avec la lutte contre la tabagie et la détection précoce des tumeurs, l'alimentation est le principal moyen de prévention[42]." L'OMS a d'abord recommandé de limiter la consommation de viande rouge et/ou de certaines viandes transformées[47], puis le CIRC de l'OMS a classé en 2015 les viandes transformées dans la catégorie des produits cancérigÚnes ("groupe 1"), les viandes rouges étant, pour la part, classées en "groupe 2A".

Un double risque (cardiovasculaire-cancer) est encore plus net chez les consommateurs de « viande transformée » par rapport à ceux qui consomment plutÎt de la viande rouge mais non transformée[48] - [49]

En Europe, les contenus des aliments doivent ĂȘtre thĂ©oriquement traçables de la fourche Ă  la fourchette, ce qui est parfois difficile pour les viandes transformĂ©es. Il est maintenant possible d'identifier les espĂšces d'animaux prĂ©sent dans la viande via une analyse gĂ©nĂ©tique [50] et/ou d'ARN mitochondrial[51] ou de dĂ©tecter la prĂ©sence de protĂ©ines de soja dans de la viande transformĂ©e[52].
Des techniques de biologie molĂ©culaire peuvent aussi ĂȘtre utilisĂ©es pour permettre de prouver la prĂ©sence de porc dans une viande recomposĂ©e et/ou transformĂ©e et supposĂ©e ne pas en contenir[53].

Le risque de prĂ©sence de prion pathogĂšne est Ă©galement potentiellement plus Ă©levĂ© et plus difficile Ă  dĂ©tecter dans la viande transformĂ©e composite (comprenant des abats et d'autres sous-produits dont Ă©ventuellement issus ou accidentellement issus du systĂšme nerveux d'un animal victime d'une maladie Ă  prion. Le caractĂšre pathogĂšne de tels prions peut ĂȘtre inhibĂ© par un traitement de la viande sous ultra-haute pression[54].

Enjeux diététiques

Une Ă©tude ayant portĂ© sur la qualitĂ© diĂ©tĂ©tique d'irlandais et irlandaises adultes (hors pĂ©riode de grossesse ou d'allaitement pour les femmes) a conclu Ă  une corrĂ©lation entre une consommation plus importante de viandes transformĂ©es et une alimentation Ă©loignĂ©e des recommandations diĂ©tĂ©tiques[55]. Les auteurs concluent que ce fait peut induire des biais dans certaines Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques et qu'il devrait ĂȘtre mieux pris en compte.

Types de viandes transformées

Sur la base des techniques de transformation et en tenant compte de la maniÚre dont les matiÚres premiÚres sont utilisées ainsi que des étapes du traitement, la FAO a proposé de les catégoriser en six groupes :

Produits à base de viande fraiche transformée

Ce sont des mélanges de viandes fraiches (muscle cru essentiellement) broyées avec des quantités variables de graisses animales crues. Le mélange est généralement salé et épicé mais sans opération de séchage ou durcissement.

Des ingrédients non-carnés y sont ajoutés, mais uniquement en petites quantités comme adjuvants de saveur et/ou de liaison. Pour diminuer les coûts du produit, d'autres ingrédients sont parfois ajoutés pour augmenter le volume du produit final (des sels qui augmentent artificiellement la teneur en eau de la viande notamment)

Hors de la chaine du froid, un traitement thermique (friture, cuisson) doit ĂȘtre ensuite rapidement « appliquĂ© avant la consommation pour rendre les produits acceptable ».

Des boyaux sont parfois utilisés comme contenant, on parle alors de saucisses. La présentation à la vente peut se faire sous forme de viande hachée, en galettes, kebab, etc. ou sous des formes rendant la consommation plus commode (ex : nuggets de poulet via une technologie de traitement supplémentaire, avec passage par une friture pour les nuggets ; au stade de la fabrication durant la derniÚre étape de production).

Salaisons

Ces viandes sont généralement vendus en tranches et consommés crues et/ou cuites.

Ce sont des piÚces de viande entiÚres composées de viande maigre. Dans d'autres cas, ce sont des produits reconstitués. La piÚce est plus ou moins durcie et traitée avec de petites quantités de nitrites (par voie sÚche ou en solution).

Cette catégorie est subdivisée en charcuteries cuites et non cuites (avec dans ce dernier cas une période de traitement [durcissement, fermentation, maturation] effectuée dans des conditions contrÎlées et en atmosphÚre climatisée de maniÚre à rendre les produits "acceptables".

Produits Ă  base de viande cuite

Ils combinent du muscle, du gras qui sont mélangés et/ou malaxés à l'état cru.

Le mélange visqueux ou la pùte obtenue est ensuite divisé en portions (sous forme de saucisses par exemple) puis soumis à une cuisson qui coagule les protéines, ce qui durcit le produit tout en lui conservant une certaine élasticité et en lui conférant une sapidité particuliÚre et un peu plus de stabilité face à la contamination bactérienne ou fongique.

Produits précuits-cuits

Ces produits contiennent des mĂ©langes de garnitures de qualitĂ© infĂ©rieure : un peu de muscle (ou non) mais aussi, des tissus gras, de la viande de la tĂȘte, des pieds d'animaux, de la peau animale, du foie et d'autres abats et sous-produits comestibles.

Il existe deux procédures de traitement thermique intervenant dans la fabrication de produits précuits-cuits. Le premier est une précuisson des matériaux de base (crus). Le second traitement thermique est une cuisson du mélange de en fin du processus de traitement. Dans la famille des Précuits, les charcuteries se distinguent des autres catégories de produits de viande transformés par précuisson des matiÚres premiÚres avant le broyage ou hachage, mais en ce qu'elles contiennent une plus grande variété de viandes, de sous-produits animaux et ingrédients non-carnés.

Produits à base de viandes séchées

Ils résultent principalement d'une action de déshydratation simple ou accélérée d'une viande maigre et dégraissée.

La viande est séchée en conditions naturelles ou dans un environnement artificiellement contrÎlé.

Une fois parfaitement sĂšche, la viande ne se gĂąte pas facilement. À l'origine, ce traitement - qui conserve la plupart des propriĂ©tĂ©s nutritionnelles de la viande (taux de protĂ©ines notamment) - Ă©tait destinĂ© Ă  prolonger la durĂ©e de conservation de la viande et permettait aussi Ă  l'allĂ©ger pour la transporter plus facilement.

Voir aussi

Article connexe

Liens externes

Bibliographie

Références

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