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Torrey Canyon

Le Torrey Canyon est un pĂ©trolier dont le naufrage est survenu le . Ce pĂ©trolier de la filiale libĂ©rienne de l'Union Oil Company of California, compagnie amĂ©ricaine, armĂ© par une filiale amĂ©ricaine de l’Union Oil Company of California, chargĂ© de 120 000 tonnes de pĂ©trole brut, s’échoue entre les Ă®les Sorlingues et la cĂ´te britannique. MalgrĂ© une mobilisation de tous les moyens de lutte disponibles, plusieurs nappes de pĂ©trole dĂ©rivent dans la Manche, venant toucher les cĂ´tes britanniques et françaises. Il se rĂ©vĂ©lera plus tard que certains des dispersants utilisĂ©s pour la lutte Ă©taient plus toxiques que le pĂ©trole.

Torrey Canyon
Type pétrolier
Histoire
Lancement 1959
Statut Échouement le
Caractéristiques techniques
Longueur 267,30 m
MaĂ®tre-bau 41,25 m
Tirant d'eau 17,2 m
Port en lourd 120 000 tpl
Propulsion Diesel 2 temps, 1 hĂ©lice
Vitesse 17 nĹ“uds
Carrière
Propriétaire Unocal Corporation
Armateur Barracuda Tanker
Affréteur British Petroleum
Pavillon Liberia
Port d'attache Monrovia

Cet accident fait découvrir à l’Europe un risque qui avait été négligé. Il donne naissance aux premiers éléments des politiques française, britannique et européenne de prévention et de lutte contre les grandes marées noires.

L’échouement du Torrey Canyon fut l’une des fortunes de mer les plus célèbres du XXe siècle, à l’origine d’une catastrophe écologique majeure et sans précédent dans l’histoire du transport maritime. Cette catastrophe fut à la base d’une prise de conscience, par les populations européennes, du fait qu’une telle catastrophe puisse toucher leurs côtes.

Présentation

Le Torrey Canyon est Ă  l’origine un pĂ©trolier de 60 000 tonnes construit par le chantier naval Newport News Shipbuilding, en Virginie (États-Unis) et livrĂ© le . Il fut jumboĂŻsĂ© au Japon en 1964 pour finalement atteindre une capacitĂ© de 120 000 tonnes de port en lourd ; les modifications ayant Ă©tĂ© effectuĂ©es par des ingĂ©nieurs de nationalitĂ©s, de langues et de technologies diffĂ©rentes.

Après jumboĂŻsation, sa longueur hors tout est de 267,30 m pour une largeur hors membres de 41,25 m. Ă€ l’époque, sa capacitĂ© fait de lui le treizième plus gros navire Ă  flot. Son tirant d'eau maximum est de 17,20 m.

Il est propulsĂ© par un moteur principal Diesel 2 temps couplĂ© Ă  une hĂ©lice qui lui permettent de rĂ©aliser une vitesse de route libre de 17 nĹ“uds. Sa capacitĂ© Ă  manĹ“uvrer est plutĂ´t restreinte : il lui faut environ milles (9,26 km) pour s’arrĂŞter une fois le moteur stoppĂ©. Son Ă©quipement de navigation est composĂ© d’un radar, d’un LORAN qui au moment des faits n’est pas opĂ©rationnel, d’un sondeur et d’un sextant. Il n’est donc pas Ă©quipĂ© d’un DECCA ni d’un système de positionnement moderne de type GPS, alors en cours d’expĂ©rimentation.

L’armateur du Torrey Canyon est une filiale de l'Union Oil of California, basée aux Bermudes et qui porte le nom de Barracuda Tanker Corporation. Le navire est alors enregistré au Liberia et affrété par la British Petroleum. Son équipage est composé de marins italiens.

Le , il quitte le KoweĂŻt avec une pleine cargaison de 120 000 tonnes de pĂ©trole brut en direction de Milford Haven, en passant par le cap de Bonne-EspĂ©rance. Il est commandĂ© par le capitaine Pastrengo Rugiati.

Lieu du naufrage du Torrey Canyon.

Le Torrey Canyon appareille du golfe Persique via le cap de Bonne-EspĂ©rance vers les Ă®les Canaries et navigue Ă  une vitesse moyenne de 16 nĹ“uds. Il passe entre l’île de Tenerife et la Grande Canarie l’après-midi du 14 mars et prend alors une route fond au 018° pour passer Ă  5 milles des Ă®les Sorlingues. L’objectif est de prendre la marĂ©e du 18 mars au soir Ă  l’entrĂ©e du port de Milford Haven. Sinon, il devra attendre jusqu’au 24 mars, date de la prochaine marĂ©e favorable. Le dernier point au sextant est fait le Ă  midi, et place le navire Ă  moins de 300 milles au sud des Ă®les Sorlingues sur la route estimĂ©e.

Le capitaine laisse pour consigne de nuit de l’appeler dès que les îles Sorlingues apparaissent au radar ou au plus tard à 6 h 0. Il part se coucher à 2 h 40 le .

Ă€ 4 h 0, le second capitaine prend le quart, le pilote automatique Ă©tant calĂ© au cap gyro 018°, et la vitesse estimĂ©e est de 15,5 nĹ“uds. Le vent est de force 5 et la mer peu agitĂ©e. Le vent et le courant n’ont pas Ă©tĂ© pris en compte dans les calculs d’estime.

Ă€ environ 5 h 0, le second capitaine allume le radar et le règle sur l’échelle 40 milles.

ConformĂ©ment aux ordres, il appelle le commandant Ă  6 h 0 et lui dit que les Ă®les Sorlingues n’apparaissent pas encore sur le radar. Vers 6 h 30, elles apparaissent sur l’avant bâbord Ă  environ 24 milles, le vent et le courant ont dĂ©portĂ© le navire Ă  l’est de la position estimĂ©e.

Ă€ 6 h 55, le second capitaine prend la dĂ©cision de venir au 006° droit sur Bishop Rock, il en informe rapidement le commandant, et la rĂ©ponse de ce dernier est expĂ©ditive : « Qui vous a dit de prendre cette dĂ©cision ? ». Il demande alors si pour un retour au 018°, les Ă®les Sorlingues resteraient claires. La rĂ©ponse fut : « Peut-ĂŞtre ». Brusquement le capitaine ordonne de revenir au cap initial, le second s'exĂ©cute. Ă€ la suite de cette conversation, le commandant monte sur la passerelle vers 7 h 0. Ă€ ce moment, le navire aurait Ă©tĂ© Ă  18 milles lĂ©gèrement au sud-ouest de Sainte Marie, et Ă  28 milles des Seven Stones.

À 8 h 0, changement de quart : le commandant, le lieutenant et un matelot expérimenté prennent le quart. Le lieutenant est alors chargé de la navigation, le pilote automatique est enclenché.

Ă€ 8 h 15, le Torrey Canyon passe les Sorlingues. Le commandant manĹ“uvre sur tribord, en direction de Seven Stones, afin d’éviter les filets des navires de pĂŞche, se rapprochant d’autant plus du rocher. Ă€ l’issue de cette manĹ“uvre d’évitement des navires de pĂŞche, le commandant remet le pilote automatique en fonction, et va Ă  la table Ă  carte afin de vĂ©rifier la route et les dangers qui s’y trouvent. Le point de 8 h 38 ne sera pas acceptĂ© par le commandant, le lieutenant l’ayant dĂ©terminĂ© par un seul relèvement / distance. Le point suivant Ă  8 h 40 semble ĂŞtre plus juste et permet de positionner le navire dans le sud de Stone Rock au 198,5° Ă  2,5 milles. Ă€ ce moment, le courant et le vent ne sont toujours pas estimĂ©s par le lieutenant de quart. Le danger Ă©tant proche, il devient nĂ©cessaire de manĹ“uvrer pour Ă©viter l’échouement. Le commandant ordonne au matelot de changer de route et de venir au nord. En hâte, il passe en pilotage manuel, vient Ă  gauche au 000° et rĂ©-enclenche le mode de pilotage automatique.

Après un nouveau positionnement radar la route amène toujours sur le récif. Une route d’urgence doit alors être adoptée. Il faut maintenant venir au 340°; le capitaine repasse en manuel — du moins le pense-t-il —, fait de nouveau un point radar et se rend sur la table à carte. Le matelot crie au commandant que les clics indiquant le passage des degrés ne s’entendent pas, mais le capitaine ne l’entend pas. Tout à coup, le commandant se rend compte qu’il n’entend pas ces fameux clics. Comme c’était déjà arrivé auparavant, il fonce pour vérifier si les fusibles ne sont pas grillés. Ils sont intacts.

Il cherche alors à vérifier le bon fonctionnement de la pompe hydraulique, une avarie qui s’était aussi déjà produite auparavant. Pour cela, il téléphone à la machine; dans son empressement, il appelle la cuisine, le cuisinier lui dit : « Oh ! Capitaine, le petit-déjeuner est servi… ».

Le commandant vĂ©rifie alors le commutateur du pilote automatique et rĂ©alise la nature du problème : le pilote est encore sur automatique. Il passe alors la barre en manuel et change de cap. Trop tard, Ă  17 nĹ“uds, le Torrey Canyon prend de plein fouet Pollard’s Rock qui fait partie du rĂ©cif de Seven Stones et se dĂ©chire sur 6 citernes.

Causes

Cette catastrophe, comme c'est généralement le cas, a été due à une suite d’événements, mineurs en soi mais qui, combinés, ont entraîné la fortune de mer. L’accident du Torrey Canyon est la conséquence des raisons suivantes :

Construction du navire

  • Problème de manĹ“uvrabilitĂ©. Le navire est peu manĹ“uvrant ;
  • Conception du pilote automatique. Le pilote auto fonctionne bien mais l’emplacement du levier peut entraĂ®ner la sĂ©lection d’un mauvais mode de gestion de la barre.

Desiderata de la compagnie

  • Planification des opĂ©rations des navires. Atteindre les Ă®les Canaries avant de dire au commandant la destination finale est certainement favorable du point de vue financier ; cependant, si cela entraĂ®ne un stress supplĂ©mentaire des personnes responsables, ce n’est pas si bon. ĂŠtre pressĂ© par le temps augmente la probabilitĂ© d’erreurs et de mauvaises dĂ©cisions ;
  • Équiper les navires selon les plannings. Toutes les cartes nĂ©cessaires n’étaient pas Ă  bord. Si la compagnie attend pour annoncer la destination au navire, elle doit au moins s’assurer de la mise Ă  jour des cartes indispensables ;
  • Le lieutenant fait une erreur de navigation Ă©vidente. Il s’avère qu'il est peu compĂ©tent et a peu d’expĂ©rience.

Erreurs relatives aux opérations

  • Pas de rĂ©elle prise en compte du danger. Le commandant semble avoir Ă©tĂ© lent Ă  rĂ©aliser ce qui se passait. Sa courte nuit peut ĂŞtre mise en cause ;
  • Contraintes de temps. Dans plusieurs catastrophes, le temps a jouĂ© un rĂ´le important ;
  • Le jeune lieutenant s’occupant de la navigation. D’un cĂ´tĂ©, il doit acquĂ©rir de l’expĂ©rience et le commandant peut vĂ©rifier son travail mais dans ce cas, son erreur a jouĂ© un rĂ´le prĂ©pondĂ©rant ;
  • ProcĂ©dure de navigation raccourcie. La solution de facilitĂ© est dans la nature humaine, c’est pourquoi des procĂ©dures efficaces sont nĂ©cessaires pour Ă©viter ce genre de raccourci. Dans ce cas le vent et le courant n’ont pas Ă©tĂ© pris en compte dans le calcul de l’estime ;
  • Prise de dĂ©cisions secondaires. Aucune des dĂ©cisions du commandant, par elles-mĂŞmes, n'est mauvaise (exceptĂ©e peut-ĂŞtre pour celle oĂą il dĂ©cide d’emprunter le chenal avec un navire non manĹ“uvrant) ; c’est la combinaison de toutes ces dĂ©cisions secondaires qui ont conduit Ă  la catastrophe ;
  • Manque de contrĂ´le de la situation.

Analyse

Aucune mention n’a été reportée concernant les efforts pour rectifier la route entre le point de midi et la première position radar. Les effets combinés du vent et de la marée ont été ignorés, et il semble que le Radio Direction Finder (radiogoniomètre) et le sondeur n’étaient pas en service pour l’établissement de la position du navire. Dans ces conditions, ignorer la dérive globale rend impossible de suivre une route fond au 018°. Il aurait été prudent de partir vers l’est tout de suite. Pour cela il aurait fallu changer de plan et passer entre Seven Stones et Wolf Rock.

Étant incapable de dĂ©terminer avec prĂ©cision oĂą les Ă®les Sorlingues devaient apparaĂ®tre Ă  l’atterrissage, il aurait Ă©tĂ© plus prudent de la part du commandant de prendre des mesures pour naviguer vers l’est en notant dans ses ordres de nuit : « Si le navire se trouve vers l’est lors de l’atterrissage, alors nous devrons gouverner vers l’ouest pour passer autour de Bishop Rock, et prendre une route pour passer Ă  5 milles Ă  l’est du bateau-feu de Seven Stones et devrons le signaler ». En faisant ainsi, il n’aurait pas uniquement pris un pied de pilote raisonnable pour toute Ă©ventualitĂ©, mais aurait empĂŞchĂ© en cas de mauvais positionnement de se retrouver plus vers l’est que ce qui Ă©tait indiquĂ© par l’estime. Mais aucune solution n’a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e pour une telle Ă©ventualitĂ©.

Ayant malmené le second capitaine pour sa critique implicite de la route initiale (« Qui vous a demandé de prendre cette décision ? »), le commandant Rugiati se sentait obligé de conserver la route aussi longtemps qu’il la savait sûre et que le second ne soit pas en position de témoigner d’un changement. C’est également la raison pour laquelle il n’est pas passé à l’est de Seven Stones.

Il n’y avait pas d’instructions nautiques pour les Sorlingues. Cela discrédite un tant soit peu les procédures de voyage planning en vigueur à bord. Manquant de connaissances au sujet d’une navigation autour des Sorlingues et ses dangers alentour, il était périlleux de tenter un tel passage. Mais la première précaution étant de réduire la vitesse, l’option de leur contournement fut immédiatement abandonnée. Si le capitaine avait eu les instructions nautiques en main et s'il les avait étudiées avant l’approche, il n’aurait pas pu manquer l’avertissement qui stipule qu’en naviguant entre les îles Sorlingues et Land’s End, un navire ne doit pas passer entre Seven Stones et le bateau-feu mais à l’est de ce dernier. Passer entre Seven Stones et les Sorlingues n’est pas recommandé surtout pour les gros navires.

Bien que la prudence voudrait que l’on passe suffisamment loin des Sorlingues, le navire aurait pu passer de chaque côté à une distance de sécurité. Il apparaît que s'il y ait assez d’eau entre les Sorlingues et les Seven Stones, il n’y avait pas plus d’avantage à passer en cet endroit plutôt qu’à l’est de Seven Stones, passage qui était tout aussi praticable. De plus, le commandant Rugiati ayant précédemment emprunté ce passage sur un autre navire en tant que second capitaine, était familier de l’endroit.

Cependant le quart avait changé et ne permettait plus à l’officier de faire évoluer son navire comme désiré. En effet, des navires de pêche se présentèrent sur l’avant bâbord, contrariant la manœuvre prévue par l’officier de quart de revenir sur bâbord après avoir passé les Sorlingues pour passer entre elles et Seven Stones. Une incertitude pèse toujours à ce moment-là sur la précision de la navigation. Il apparaît que le 2e lieutenant s’est positionné depuis huit heures par relèvement/distance radar dont l’imprécision ne lui a pas permis d’appréhender la force et la direction de la dérive globale.

La position reportĂ©e Ă  8 h 38 par le lieutenant est rejetĂ©e par le commandant la considĂ©rant manifestement imprĂ©cise. La position suivante obtenue Ă  8 h 40 n’est apparemment pas fausse et est utilisĂ©e comme rĂ©fĂ©rence Ă  la route Ă  suivre, cependant cette position fut suspectĂ©e d’erreur et peut avoir contribuĂ© Ă  l’échouement survenu quelque dix minutes plus tard. La position observĂ©e au radar Ă  8 h 40 dans le 198,5° de Stones Rock Ă  une distance de 2,5 milles, impliquerait une route fond au 010° pour s’échouer sur Pollard’s Rock. Étant donnĂ© que le navire gouverne plein nord Ă  partir de ce moment-lĂ , il apparaĂ®t clairement que le courant subi aurait Ă©tĂ© de 2,3 nĹ“uds portant Ă  l’est. Or, d’après les diagrammes de courant de la zone en vive eau, le courant en ce lieu aurait variĂ© de 134°/1 nĹ“ud Ă  089°/0,6 nĹ“ud. Ceci Ă©quivaudrait Ă  un courant moyen de 0,8 nĹ“ud portant au 112° impliquant une dĂ©rive du navire de 003° et qui prouve que la position rĂ©elle Ă  8 h 40 se situe Ă  0,4 mille au N/E de la position observĂ©e. Sans cette erreur, le capitaine Rugiati aurait pu prendre immĂ©diatement, et non 6 ou 7 minutes plus tard les mesures nĂ©cessaires pour sauver le navire.

Un autre point troublant de ce drame est que peu de temps avant que le commandant n’arrive Ă  la passerelle, le second capitaine ait passĂ© la barre en manuel. Cependant après la relève de quart toute l’approche des Sorlingues s’est faite en pilote automatique comme le stipulaient les ordres du commandant. Deux changements de route effectuĂ©s en barre manuelle ont Ă©tĂ© suivis d’un retour en barre automatique, 10 minutes avant l’échouement. Ces changements successifs de mode, ont entraĂ®nĂ© une confusion qui d’après l’analyse finale a inĂ©vitablement amenĂ© l’accident. Le fait que le navire soit restĂ© sous pilote automatique près des Sorlingues et Ă  proximitĂ© de navires de pĂŞche, constitue une faute grave directement imputable au commandant. Le refus apparent de considĂ©rer une rĂ©duction de la vitesse comme une alternative au changement de cap est plus comprĂ©hensible mais tout aussi inexcusable.

Il était prévu de venir sur bâbord aussitôt paré la pointe nord-est des Sorlingues, laissant ainsi les Seven Stones sur tribord. Cette manœuvre apparaît dépourvue de bon sens marin, mais aurait pu se dérouler sans encombre.

Il faut penser que pour les marins effectuant de grandes traversées, l’action sur la barre qui est la meilleure façon de manœuvrer peut avoir une action restreinte par la présence d’autres navires ou d’écueils comme ce fut le cas pour le Torrey Canyon. Alors que l’idée de modifier la vitesse lors d’une grande traversée, à moins qu’elle ne soit forcée par les éléments ou dans l’urgence, est tout simplement dédaignée. Ce qui montre une confusion entre la prudence et la timidité de certains officiers. On s’attend généralement à ce qu’un commandant ait une attitude assurée, et ordonner une mesure énergique ou même une simple réduction d’allure juste parce que la navigation rencontre une petite difficulté s’oppose à l’image de confiance que beaucoup de commandants s’obligent à donner.

Conséquences

Moyens mis en Ĺ“uvre dans la lutte antipollution

Un Blackburn Buccaneer de la Royal Navy ayant participé au bombardement du Torrey Canyon.

La rĂ©ponse immĂ©diate a Ă©tĂ© d’essayer de sauver le navire. 30 000 gallons de pĂ©trole se sont Ă©chappĂ©s et Ă©taient en mouvement vers les cĂ´tes aidĂ©s par le vent et le courant. En l'absence de tout système de lutte contre les marĂ©es noires Ă  cette Ă©poque, le gouvernement britannique, face Ă  l'inertie du LibĂ©ria, prend diffĂ©rentes mesures. Des dragueurs de mines de la Royal Navy dĂ©versent Ă  la mer 10 000 tonnes de dĂ©tergents pour essayer d'Ă©mulsionner et disperser le pĂ©trole[1]. Le Torrey Canyon commence Ă  se briser et rend cette mesure inefficace. Lors d'une cellule de crise tenue Ă  la base aĂ©ronavale de Culdrose (en), il est dĂ©cidĂ© de bombarder l'Ă©pave afin de tenter d'enflammer le reste de la cargaison pour Ă©viter que la pollution ne s’aggrave.

Dans le même temps, le HMS Daring est au milieu de sa préparation à Portland. Sa présence est requise pour assurer la sécurité lors du bombardement prévu.

Le , plusieurs avions de combat de la Royal Air Force et la Fleet Air Arm envoient 42 bombes sur l’épave, suivies de jerricans de gazole afin de former un gigantesque brasier sur les deux sections de l’épave. Ils ont ensuite envoyĂ© du napalm (bien que le Gouvernement britannique ait niĂ© en possĂ©der dans son arsenal) afin d’allumer le pĂ©trole jusqu’à ce que l’épave ne contienne plus du tout de pĂ©trole.

Cette opĂ©ration est un Ă©chec : le pĂ©trole libĂ©rĂ© se rĂ©pand sur les cĂ´tes de Cornouaille britannique puis sur les cĂ´tes de Bretagne Nord[2]. Lors de l'Ă©vènement et d'après les estimations de l'association d'ornithologie Aves, les victimes du naufrage se dĂ©nombrent Ă  près de 100 000 oiseaux. Les espèces concernĂ©es sont : les Petits Pingouins (Alca torda), les Guillemots de TroĂŻl (Uria aalge), les Macareux moines (Fratercula arctica), les Cormorans huppĂ©s (Phalacrocorax aristotelis), les Fous de Bassan (Sula bassana) et les GoĂ©lands (Larus sp.)[3]. L'armĂ©e de terre française est venue prĂŞter main-forte aux pĂŞcheurs locaux pour installer des barrages et nettoyer les souillures. Parmi ces rĂ©giments, participait le 117e rĂ©giment d'infanterie de la Lande d'OuĂ©e.

La Marine nationale a également participé avec le dragueur de mines La Glycine de la classe MSC-60 dont l'équipage a répandu de la craie sur la nappe.

RĂ©action en droit international

L'une des conséquences directes du naufrage du Torrey Canyon fut l'adoption le à Bruxelles de la Convention internationale sur l'intervention en haute mer en cas d'accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures[4].

En effet, le naufrage du Torrey Canyon ayant eu lieu dans des eaux internationales (à l'époque), selon la loi du pavillon l'intervention des avions de la RAF était illégitime puisque le navire était sous pavillon libérien (un pavillon de complaisance).

La convention de Bruxelles de 1969 va donc définir les modalités et les conditions d'intervention en haute mer, en stipulant notamment dans son article 1[5] que « Les Parties à la présente Convention peuvent prendre en haute mer les mesures nécessaires pour prévenir, atténuer ou éliminer les dangers graves et imminents que présentent pour leurs côtes ou intérêts connexes une pollution ou une menace de pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures à la suite d’un accident de mer ou des actions afférentes à un tel accident, susceptibles selon toute vraisemblance d’avoir des conséquences dommageables très importantes ».

Avec la Convention CLC (en) (convention internationale sur la responsabilitĂ© civile des propriĂ©taires des navires pour les dommages dus Ă  la pollution par les hydrocarbures)[6], signĂ©e le mĂŞme jour Ă  Bruxelles, l'on assiste Ă  l'Ă©dification du premier vĂ©ritable système juridique international visant Ă  encadrer les pollutions maritimes par les hydrocarbures. Ces deux conventions menèrent en outre Ă  la mise en place en 1971 des Fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus Ă  la pollution par les hydrocarbures (en) (FIPOL), fonds visant Ă  indemniser les victimes des pollutions par les hydrocarbures et qui permit Ă  titre d'exemple le versement de 52 millions d'euros aux victimes du naufrage du navire Erika en 1999.

Hommages

  • 1968 : Serge Gainsbourg dĂ©die une chanson sur l'Ă©vènement dans l'album : Initials B.B. ;
  • 1973 et 1974 : Le scĂ©nariste, VĂ­ctor Mora et le dessinateur Artur Puig, s'inspirent de la tragĂ©die dans une bande dessinĂ©e intitulĂ©e : Le Naufrage du « Mickey Runyon », seule de la sĂ©rie Les Commandos de la nature, parue dans Spirou[7] ;
  • 1978 : Georges Perec Ă©voque le naufrage dans le 277e des 480 souvenirs dans l'ouvrage : Je me souviens.

Notes et références

  1. (en) Richard Petrow, In the Wake of Torrey Canyon, D. McKay Company, , p. 86.
  2. « Dérive des nappes d'hydrocarbures », sur Mothy (consulté le )
  3. Jean-Louis Dambiermont et Albert Demaret (1933-2011), « Que penser de la catastrophe de Torrey Canyon », Bulletin Aves, Bruxelles, Aves, no 4,‎ , p. 6 / 6 (ISSN 0005-1993, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  4. Convention internationale sur l'intervention en haute mer en cas d'accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures, Lire en ligne
  5. Article 1
  6. Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, Lire en ligne
  7. Spirou, no 1863 (27 décembre 1973), no 1866 (17 janvier 1974), no 1870 (14 février 1974) et no 1881 (2 mai 1974).

Annexes

Bibliographie

  • QuĂ©neudec JP (1968) L'incidence de l'affaire du Torrey Canyon sur le droit de la mer. Annuaire français de droit international, 14(1), 701-718.

Articles connexes

Liens externes

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