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Tazmamart

Tazmamart (arabe : سجن تازمامرت), ou Tazmamert, était une prison secrète pour prisonniers politiques à l'est du Maroc dans l'Atlas. Réputée pour ses conditions d'incarcération très difficiles, elle se trouvait dans une zone désertique près d'Er-Rich, entre Errachidia et Midelt, dans la région de Meknès-Tafilalet.

Tazmamart
(ar) سجن تازمامرت
Image de l'Ă©tablissement
Localisation
Pays Drapeau du Maroc Maroc
CoordonnĂ©es 32° 16′ 32″ nord, 4° 20′ 14″ ouest
GĂ©olocalisation sur la carte : Maroc
(Voir situation sur carte : Maroc)
Tazmamart
Architecture et patrimoine
Construction
DĂ©molition
Installations
Type prison
Fonctionnement
Date d'ouverture 1972
Date de fermeture 1991

SurnommĂ©e « l'Alcatraz marocain Â», on raconte qu'il Ă©tait impossible de s'en Ă©vader Ă  cause du dĂ©sert très aride qui l'entourait. La ville la plus proche, Errachidia, se trouvait Ă  50 km. Entre 1972 et 1991, sous les ordres de Hassan II, Tazmamart est devenue un symbole d'oppression dans l'histoire politique du Maroc contemporain durant les annĂ©es de plomb, entre le dĂ©but des annĂ©es 1970 jusqu'Ă  la fin des annĂ©es 1990.

D’après les rescapés de cette prison, son directeur s’appelait Mohamed el Kadi. Ce dernier n’a jamais été jugé ni même entendu pour ce qu’il a fait subir et infligé aux détenus.

Histoire

La prison de Tazmamart fut construite entre 1972[1] et 1973, juste après le coup d'état de Skhirat contre le roi Hassan II du Maroc, le , ainsi que l'échec de la tentative du général Oufkir dans le seconde tentative de coup d'État militaire contre Hassan II, connue sous le nom « coup d'État des aviateurs », le . À la suite de dernière tentative de putsh, 58 officiers et sous-officiers des Forces armées royales furent envoyés à la prison centrale de Kénitra avant de rejoindre plus tard à Tazmamart.

Durant les années 1980, des allégations surgirent sur l'existence d'une prison appelée « Tazmamart ». Les autorités marocaines (makhzen) nièrent l'ensemble de ces allégations. Il fallut attendre jusqu'en 1990, avec la publication du livre Notre ami le roi par le journaliste et écrivain français Gilles Perrault, pour que le sujet atteigne un niveau politique.

En 1991, sous la pression des témoignages publics de Christine Daure-Serfaty (écrivaine française et veuve d'Abraham Serfaty qui s'est illustrée pour la défense des droits des victimes du roi Hassan II durant les années de plomb), Abdelkader Ababou (frère des colonels Ababou, à ne pas confondre avec son homonyme artiste de théâtre[2], cf. « Famille Ababou »), Abdelghani Ababou (fils du lieutenant colonel Mohamed Ababou) ou encore de la famille Manouzi[3], soutenus par des groupes internationaux de défense des droits de l'Homme, le roi Hassan II décida de fermer la prison et de relâcher les derniers détenus. Certains s'enfuirent à l'étranger, d'autres restèrent au Maroc, mais furent dissuadés d'aborder publiquement leur expérience de Tazmamart[4].

L'Instance équité et réconciliation (IER), organisme marocain mis en place le 12 avril 2004 par le roi Mohammed VI, qui a pour but de réconcilier le peuple marocain avec son passé durant les années de plomb sous le règne du roi Hassan II, finit d'établir les faits et de fournir reconnaissance ainsi que réparations aux familles des victimes dans le cadre d'un mouvement plus large d'ouverture politique et d'apaisement des mémoires voulu par le nouveau souverain (limogeage de Driss el Basri, retour de la famille Ben Barka[5]...).

Conditions de détention

La durée des peines infligées n'a jamais été respectée et les détenus y étaient en principe enfermés jusqu'à leur mort. Selon d'anciens détenus et associations de droits de l'homme, les conditions de détention à Tazmamart étaient extrêmement dures. Y sévissaient torture et mauvais traitements, les conditions effroyables de vie dans la prison étaient les plus grandes menaces sur la vie des détenus.

Les prisonniers étaient enfermés 24 heures sur 24 dans des cellules étroites, sans lumière, avec peu de protection contre la chaleur ou le froid. Il n'y avait pas de traitement contre les dommages causés par la torture ou les maladies (type tuberculose). Les rations de nourriture étaient minimales. Les contacts n'étaient pas permis. Il y eut aussi des allégations d'exécutions[6]. En tout, 35 prisonniers décédèrent, soit plus de la moitié des personnes incarcérées à Tazmamart durant les dix-huit ans d'existence du bagne[7], avant que la prison soit finalement fermée en 1991.

Révélations publiques par d'anciens détenus

Certains des anciens détenus de Tazmamart ont écrit des livres sur leur détention, de dix-huit ans :

  • Ahmed Marzouki dĂ©crit dans son livre Tazmamart, Cellule 10, l'un des plus gros succès d'Ă©dition que le Maroc ait jamais connus[8], les conditions terribles de sa dĂ©tention. Il a repris son tĂ©moignage dans une Ă©mission Ă  la chaĂ®ne Al Jazeera en 2009.
  • Ali Bourequat, Dans les jardins secrets du roi du Maroc.
  • Midhat Bourequat, Mort vivant.
  • En 2004, Salah et AĂŻda Hachad ont Ă©galement rĂ©digĂ©, avec l'aide d'Abdelhak Serhane, leurs mĂ©moires dans un ouvrage intitulĂ© Kabazal, les EmmurĂ©s de Tazmamart : MĂ©moires de Salah et AĂŻda Hachad, oĂą ils font le rĂ©cit de leur combat Ă  l'intĂ©rieur et Ă  l'extĂ©rieur de Tazmamart[9] (voir le roman de Tahar Ben Jelloun).
  • en 2000, Mohamed Raiss a publiĂ© en arabe, au Maroc, le rĂ©cit de son expĂ©rience au bagne de Tazmamart.
  • en 2011, la version française des mĂ©moires de Mohamed Raiss sur Tazmamart a paru sous le titre "De Skhirat Ă  Tazmamart - Retour du bout de l'Enfer" (Éditions Afrique Orient, Casablanca).

Les cinquante-huit bagnards de Tazmamart

BâtimentCelluleNomGradePeineRemarque
1[8]
1Benaïssa RachdiSergent3 ansDécédé le .
2Mohamed LghalouLieutenant20 ansDécédé le .
3Abdellatif BelkébirCapitaine4 ans
4Abdelali Moudine SefriouiLieutenant5 ans
5Abdellah AaguaouSergent3 ans
6Tigani BenradouaneLieutenant5 ansDécédé le .
7Mohamed SajjâiSergent3 ansDécédé le .
8Mohamed Afyaoui3 ans
9Adeblkarim SaoudiSous–lieutenant4 ans
10Ahmed Marzouki (Marzak)Sous-lieutenant5 ans
11 Driss Chberreq Sous-lieutenant 3 ans
12Mohamed Al ZemmouriLieutenant20 ans
13Ahmed BouhidaSergent3 ans
14Mohamed RaïssAspirantPerpétuité
15M’barek TouilLieutenant20 ans
16Mohamed MonsitLieutenant12 ans
17Jamel BezzaziCapitaine10 ans
18Moufaddal MagoutiAdjudant-chef20 ans
19Abderrahman SedkiSous-lieutenant3 ans
20Lahssen OusséadSergent3 ans
21Larbi AzianeSergent3 ansDécédé le . Cette cellule a été occupée par le sergent chef Driss Dghoughi, venu du deuxième bâtiment en 1981.
22Akka MajdoubSergent3 ans
23Jilali DikAdjudant–chef5 ansDécédé le .
24Mohamed BouamalatSergent3 ans
25Mohamed MoujahidSous-lieutenant4 ans
26Mimoune Al-FagouriSergent3 ansSuicidé le .
27Mohamed GhalloulCapitaine5 ans
28Moha BettySergent3 ansdécédé en .
29Salah HachadCapitaine20 ans
2[8] ... Akka Harrouch[10] - [11] - [12] Adjudant-chef Perpétuité ou 20 ans Tué le 23 juillet 1975 sur la plage de Témara après son évasion de la prison de Kénitra, et donc avant d'être envoyé à Tazmamart
…Mohamed ChemsiLieutenant3 ansPremière victime à Tazmamart, décédé le
30Amarouch KouiyenAdjudant10 ansDécédé le .
44M'hamed BoulmakoulAdjudant-chef5 ansDécédé le .
45Mahjoub lyakidiSous-lieutenant20 ansDécédé le , le même jour que l’adjudant Amarouch.
46Abdelkarim ChaouiSergent3 ansIl a été transféré au bâtiment 1 en 1981 après l’arrivée des frères Bouriquat.
47Ahmed RijaliSergent3 ansIl sera transféré au bâtiment 1 en 1981.
48Mohamed KinateSergent3 ansDécédé le .
49Abdellah FraouiSergent3ansTransféré au bâtiment 1 en 1981, il est retourné en 1983 où il est mort la même année.
50Abdelaziz DaoudiSous-lieutenant18 ans
51Thami AbousniSergent3 ansDécédé le .
52Skiba BouchaibSergent3 ansDécédé le .
53Mohamed Abdessadki (Manolo)Sergent-chef5 ansDécédé en 1983.
54Lamine RachidAdjudant-chef3 ansDécédé en 1984.
55Moha BoutouSous-lieutenant3 ansDécédé le .
56Mohamed El KouriSous-lieutenant12 ansDécédé le .
57Driss BahbahSergent3 ansDécédé en 1976.
58Boujemaâ Azendour5 ansDécédé en 1986.
59Abdelaziz BinebineSous-lieutenant10 ansCondamné pour avoir participé à tentative de coup d'État de Skhirat, il y restera 18 années[13]
60Abdessalam HaifiLieutenant20 ansDécédé en .
61Abdelaziz AbabouSergent-chef5 ansDécédé le .
62Abdessalam RabhiSergent3 ansDécédé à la cellule 1 du bâtiment 1 le après avoir transféré du bâtiment 2 en .
63Mohamed El AyadiAdjudant3 ansDécédé le .
64Rabah El BattiouiSergent3 ansDécédé le .
65Kacem KasraouiSergent3 ansDécédé le .
66Allal MouhajSergent3 ansDécédé le .
67Allal Al HadaneSergent3 ansDécédé dès les premières années de son incarcération.
68Jamel BezzaziSergent-chef3 ans
69Ghani AchourSergent-chefPerpétuité
70Abdelhamid Ben DoroCapitaine10 ansDernière victime à Tazmamart, décédé le .

Bibliographie

  • Ali Bourequat (1998), Dans les jardins secrets du roi du Maroc, Maurice Publishers.
  • Ahmed Marzouki (2000), Tazmamart Cellule 10, Éditions Paris MĂ©diterranĂ©e ; Casablanca : Tarik Éditions (ISBN 2070419916).
  • Tahar Ben Jelloun (2001), Cette aveuglante absence de lumière, Éditions du Seuil and New Press (ISBN 1565847237), roman inspirĂ© de tĂ©moignages.
  • Christine Daure-Serfaty (2002), Tazmamart, Une prison de la mort au Maroc (ISBN 2234024722).
  • Liliane Dayot (1999), Maroc AmnĂ©sie Internationale , Éditions Paris MĂ©diterranĂ©e.
  • Abdelhak Serhane, Salah et AĂŻda Hachad, Kabazal, Les EmmurĂ©s de Tazmamart : mĂ©moires de Salah et AĂŻda Hachad, Tarik Éditions, Casablanca, 2004 (ISBN 9954-419-144).
  • Mohamed Raiss, De Skhirat Ă  Tazmamart, Éditions Afrique Orient, Casablanca, 2011 (ISBN 9981-25-252-2).
  • Vivre Ă  Tazmamart, film documentaire rĂ©alisĂ© par Davy Zylberfajn, distribuĂ© par Cauri films en 2005.
  • Aziz Binebine : Tazmamort.

Notes et références

  1. (en) Political Authority in Crisis: Mohammed VI's Morocco
  2. « Décès. Le dramaturge Abdelkader Ababou sera inhumé ce mardi », sur Le360.ma (consulté le )
  3. Christine Daure-Serfaty, Tazmamart: Une prison de la mort au Maroc, (Stock) réédition numérique FeniXX, (ISBN 978-2-7062-8092-4, lire en ligne)
  4. (en) Morocco Country Report on Human Rights Practices for 1997
  5. Encyclopædia Universalis, « 9-27 novembre 1999 - Maroc. Limogeage de Driss Basri et retour de la famille Ben Barka - Événement », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  6. (en) Tazmamart: Fort-Militaire-Secret du Maroc. Conséquences d'un internement du 18 Années
  7. (en) HUMAN RIGHTS DEVELOPMENTS: Morocco
  8. Ahmed Marzouki : Tazmamart cellule 10
  9. Moroccan writer wins top prize
  10. Alain Martinet, Avocat, « El Manouzi Houcine » Accès libre [doc], sur maroc réalité, (consulté le )
  11. « Maroc: les familles réclament les corps des détenus morts à Tazmamart » Accès libre, sur Libération, publié le 15 mars 1996 à 2h42 (consulté le )
  12. Forum avec débats, « adjudant chef AKKA », ven 14 aoû 2009 - 0:58 début de conversation (consulté le )
  13. Biographie d'Aziz Binebine

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Marie Pierre, « MĂ©dias : Hassan II, Tazmamart et la tĂ©lĂ© française », Zamane, Casablanca, no 13,‎ , p. 92-95 (lire en ligne)

Lien externe

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