Mohand ben Messaoud Ababou
Alias Cheikh Messaoud, Cheikh Moh', Hadj Messaoud ou encore Cheikh el Hadj Messaoud. Né à la fin du XIXe siècle à Tamjount (Maroc) mort en avril 1977 à Boured (Maroc). Père, beau-père et tuteur de cinq des principaux acteurs du coup d'état de Skhirat, tour à tour seigneur féodal de la tribu Gzenaya, vétéran de la guerre du Rif et figure de l'indépendance marocaine. Il était proche à la fois d'Abdelkrim el-Khattabi et du docteur el-Khattib,
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Bourd (en) |
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Personnes liées |
Biographie
Origine et famille
Né à la toute fin du XIXe siècle à Tamjount, commune de Boured cercle d’Aknoul province de Taza, au sein du fief familial de la famille Ababou (faction asht Assem de la tribu des Igzennayen), fils unique d’un seigneur féodal local du bled as siba (Messaoud ben Mohand Ababou) il est le père de 20 enfants (9 garçons et 11 filles) parmi lesquels les lieutenants-colonels M'hamed et Mohamed Ababou, coorganisateurs du coup d'État de Skhirat, et le sergent-chef Abdelaziz Ababou (mort à Tazmamart). Mohand ben Messaoud Ababou alias Cheikh Messaoud est issu d'une veille famille[1] - [2] de la noblesse[3] terrienne et guerrière marocaine[4](il est en outre un cousin éloigné du grand chambellan de Moulay Youssef, le hajib si el Hadj Thami Ababou[5], dont il demeura proche jusqu'à sa mort en 1942).
Au moment de sa mort le caïd Medbouh de Gzenaya lui confie son jeune fils général Medbouh un futur commanditaire du coup d'État de Skhirat dont il financera une partie de l’éducation.
Avant la guerre du Rif
Élevé par son clan comme orphelin après la mort de son père lors d'un affrontement tribal, il étudiera le coran et la science du hadith à l'école coranique de Tamjount et auprès des nombreux savants invités par son clan. Lettré, il a été seigneur féodal d'une région[6] autour de Tamjount (asht Assem des igzennayen) du bled es-siba qui ne connait encore aucune présence coloniale, et ce au cours d'une période obscure de relative anarchie et marquée par des affrontements violents entre seigneurs locaux.
Dans le Rif central, des rivalités opposaient principalement trois grands clans : celui d'Omar Hamidou (Mernissa), celui de Ahmed Bekkcih (Gzenaya) et celui des Ababou (Gzenaya)[7]. La guerre du Rif va bientôt venir se superposer à ce jeu à trois bandes car seuls les Ababou et leur faction choisiront définitivement le camp d'Abdelkrim el Khattabi en répondant à son appel[8].
Guerre du Rif (1921-1926)
Il est l’un des seuls seigneurs du nord du Maroc à répondre positivement à l’appel[6] d'Abdelkrim el Khattabi au début de la guerre du Rif, il ne rendra les armes qu’à la toute fin du conflit car la prise de son territoire (Boured, Bou Zineb, Tamjount, etc.) par les troupes des capitaine Bournazel et du colonel Corap [9], marquera le début de l’assaut du dernier bastion rifain à Targist et mènera donc à la reddition[10] d’Abdelkrim el-Khattabi[11] en compagnie duquel il se trouvait alors.
Mohand ben Messaoud Ababou participera avec son clan aux batailles d'Ain Mediouna, Ain AĂŻcha, Mernissa, l'Ouergha, el Achaich ou encore Bou Zineb et Targist.
Après tergiversations des autorités françaises et devant leur incapacité à désigner un notable accepté par la tribu, Il sera finalement nommé de 1926 à octobre 1955 cheikh d’Asht Assem par le protectorat, malgré sa proximité avec Abdelkrim el-Khattabi.
PĂ©riode du protectorat (1926-octobre 1955)
Les autorités françaises refusent de le nommer caïd de Gzenaya en raison de sa proximité affichée avec Abdelkrim et de son trop grand pouvoir local, et préfèrent nommer un caïd fantoche, le caïd Boutahar. Jusqu'à l’indépendance, les autorités lui proposeront des postes de caïd dans d’autres tribus ce qu’il refusera systématiquement. Il restera donc cheikh d'Asth Assem de 1926 à octobre 1955. Cependant, de par son influence sur les autres cheikhs de la tribu et la taille du territoire administré directement (environ 1/3 de la tribu Gzenaya) il se verra doté de tous les attributs d'un caïd du protectorat, à savoir la grande tente, les chevaux anglo-arabes et la limousine américaine avec chauffeur.
Indépendance du Maroc
De 1954 à octobre 1955 il protège les entraînements et la constitution de l’armée de libération nationale (ALN) sur son territoire.
À l’été 1955, des rumeurs de soulèvement de Gzenaya parviennent aux autorités françaises, une troupe de plus de 15 000 hommes est dépêchée le 26 septembre 1955 à Boured accompagnant le ministre de la Défense Marie-Pierre Kœnig et le résident général[12] Pierre Boyer de Latour du Moulin qui se rendent chez le cheikh Mohand ben Messaoud Ababou afin de tirer cela au clair. Le cheikh à l’aide de son fils Mohammed alors sous-lieutenant de l’armée française et qui sert de traducteur, parviendra à tromper les autorités, en les assurant de la pacification de la région[13]. Une attaque contre la personne du Résident avait bien été projetée par l'ALN, mais devant le déploiement massif de forces françaises, menaçant la vie même de la population civile en cas d'offensive, le Cheikh Messaoud Ababou dissuadera les combattants de l'ALN, avec qui il était en contact étroit, de procéder à une telle attaque. Persuadés de la loyauté et de la stabilité de la tribu, les autorités françaises ainsi que leurs troupes se retireront aussitôt. Cet épisode permettra les évènements d’octobre 1955, l’incendie du bureau indigène de Boured et la fuite du capitaine de l’armée française Taddi, responsable de la zone, marquant ainsi le début des affrontements pour l’indépendance du Maroc. Condamné à mort par les autorités françaises, mis aux arrêts, le cheikh Mohand ben Messaoud Ababou parvient à fuir miraculeusement avec son fils, le futur capitaine Abderrahmane Ababou, le 3 octobre 55 au petit matin soit quelques heures avant l'heure prévue pour son exécution et après une nuit enfermés dans une pièce fermée en compagnie des cadavres des trois douaniers tués lors de l'attaque de l'annexe. En représailles sa maison de Boured sera incendiée, réduite en cendre et le fief des Ababou à Tamjount sera bombardé par l'aviation française sur ordre des autorités militaires du protectorat. Sur le chemin de sa fuite vers la zone espagnole, du haut d'une crète il parvint à prévenir à temps une centaine de combattants de son clan venus le délivrer, de l'arrivée imminente d'une colonne de blindés venus de Taza[14].
Sa fille Fatima Boulmakoul (née Ababou), morte d'un éclat d'obus français en 1955 est inhumée au cimetière des martyrs de l'indépendance à Ajdir.
Sa famille mise à l’abri dans le fief familial de Tamjount et à Beni Ammart, Cheikh Messaoud lui, continue la lutte en sein du "groupe de Tétouan" et en étroite collaboration avec le docteur Abdelkrim El Khatib dont il deviendra un proche.
Maroc indépendant
À son retour d’exil, après avoir rebâti une maison à Boured, Il recevra les honneurs par la visite du roi Mohammed V à Boured en 1957 et la remise d’une carte de moudjahid de l’armée de libération nationale (ALN)[15].
À partir de fin 1957 de vives tensions se font sentir entre le Parti de l'Istiqlal (PI) soutenu par les élites urbaines, et le Mouvement populaire (MP) soutenu par les grands notables berbères et les membres de l'Armée de libération nationale. Suite à l'enterrement de son chef des opérations, Abbas Messaâdi, à Ajdir des Igzennayen dans le rif le 2 octobre 1958 par une foule en colère de plus de 10 000 personnes[16], Abdelkrim El Khatib et Mahjoubi Aherdane membres fondateurs du MP sont arrêtés et incarcérés[16]. En conséquence, les anciens membres de l'ALN reprennent les armes. Le capitaine Medbouh est dépêché par le Palais à l'annexe de Boured du cercle d'Aknoul où Mohand ben Messaoud Ababou agira de facto en qualité d' intermédiaire entre le Palais et certains membres de l'ALN (Abdeslam Haddouch un parent, el Hadj Boujben et d'autres dont Massoud Akjouj etc.). Ceux-ci feront alors part de leurs revendications, dont la libération de Abdelkrim El Khatib et Mahjoubi Aherdane. Après avoir obtenu gain de cause, la situation s'apaisera, l'action de Mohand Ben Messaoud Ababou et son influence contribuant ainsi à éviter un conflit armé chez les Igzennayen[16], contrairement à ce qui se passera un mois plus tard, plus au nord, dans la tribu voisine des Beni Ouriaghel (voir Révolte du Rif).
Après cet épisode, Mohand Ben Messaoud Ababou se retirera des affaires politiques, se contentant d’user de son influence pour faire élire son ami le docteur Abdelkrim El Khatib comme député puis premier président de la Chambre des représentants, et cela d'autant plus facilement qu'au même moment (1962) son fils le capitaine Mohamed Ababou est alors super-caïd (60-63) du cercle d'Aknoul (Gzenaya, bni Mhemmed, et une partie de Mtalsa).
Jusqu'à la fin de sa vie, Abdelkrim el-Khattabi continuera à envoyer, depuis ses différents exils, au Hadj Mohand ben Messaoud Ababou des chapelets et des tapis de prière, preuves de leur profonde amitié. De même Mohand ben Messaoud Ababou entretiendra jusqu'à sa disparation une relation familiale avec le docteur Omar el Khattabi (cousin d'Abdelkrim el-Khattabi) et le colonel Abdeslam EL Khattabi (fils d'Abdelkrim el-Khattabi) ancien directeur de l'École Royale militaire de Ahermoumou (successeur à ce poste du futur général Driss Ben Omar, et prédécesseur de quelques années du lieutenant-colonel M'hamed Ababou).
Malgré le fait que trois de ses fils, deux de ses gendres et son pupille aient été impliqués dans le coup d'État de Skhirat, il n'en sera jamais inquiété ni même soupçonné et finira paisiblement sa vie à Boured au milieu des siens et de ses terres en avril 1977, preuve du profond respect dont il jouissait encore après une vie riche où il aura été tour à tour seigneur féodal rifain, vétéran de la guerre du Rif, cheikh du protectorat et figure de l’indépendance marocaine. Toutefois jusqu'à son décès il demeurera profondément affecté par la disparition de son fils le lieutenant-colonel Mohamed Ababou après son évasion de l'été 1975.
SĂ©pulture
Bien qu'originaire de Tamjount il a été inhumé à la demande des habitants d'Asht Assem à proximité directe de la mosquée de Boured.
Une foule de plusieurs milliers de personnes originaires de tout le Maroc s'est réunie à Boured pour son enterrement afin de lui rendre un dernier hommage.
Articles connexes
- Famille Ababou
- M'hamed Ababou son fils
- Mohamed Ababou son fils
- Mohamed Medbouh son pupille
- Thami Ababou son grand cousin
- Igzennayen
- Guerre du Rif
- Armée de libération nationale (Maroc)
- Coup d'État de Skhirat
- Tazmamart
- Rif central
Références
- Mouna Hachim, Dictionnaire des noms de famille du Maroc
- « Thami Ababou »
- (ar) Maalamat al-Maghrib
- « Origines du nom EL JAI »
- « eljai.com/celebrite.php?url=Ab… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- « Relecture de lhistoire héroïque et dramatique du Rif amazigh », sur quicontole.blogspot.com (consulté le ).
- Vincent Courcelle-Labrousse, Nicolas Marmié, la guerre du Rif, Babelio
- « Relecture de l'histoire héroïque et dramatique du Rif amazigh » (consulté le )
- Max Schiavon, André-Georges Corap, Place des éditeurs, (ISBN 978-2-262-07248-3, lire en ligne)
- Henri de Bournazel, L'épopée marocaine
- https://www.jstor.org/stable/44853729
- Yabiladi.com, « Armée de libération marocaine #6 : La situation avant le 2 octobre 1955 », sur www.yabiladi.com (consulté le )
- Colonel Roger Cunibile, « Maroc 1954-1955: commandement avant l'indépendance », Épaulette,‎ , p. 44-45-46 (lire en ligne)
- Yabiladi.com, « Armée de libération marocaine #6 : La situation avant le 2 octobre 1955 », sur www.yabiladi.com (consulté le )
- « Armée de libération marocaine #6 : La situation avant le 2 octobre 1955 », sur yabiladi.com (consulté le ).
- Nabil Mouline, « Qui sera l’État ? Le soulèvement du Rif reconsidéré (1958-1959) », sur Le carnet du Centre Jacques Berque (consulté le )