TĂ©trodotoxine
La tétrodotoxine (TTX) est une toxine (neurotoxique) isolée pour la premiÚre fois en 1909 et présente chez certaines espÚces de poisson, les tétraodons.
TĂ©trodotoxine | |||
Identification | |||
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Nom UICPA | Octahydro-12-(hydroxyméthyl)-2-imino-5,9:7,10a-diméthano-10aH-[1,3]diox ocino[6,5-d]pyrimidine-4,7,10,11,12-pentol | ||
No CAS | |||
No ECHA | 100.022.236 | ||
No CE | 224-458-8 | ||
No RTECS | IO1450000 | ||
PubChem | 11174599, 5460547 | ||
ChEBI | 9506 | ||
SMILES | |||
InChI | |||
Apparence | poudre cristalline blanche[1] - [2] | ||
Propriétés chimiques | |||
Formule | C11H17N3O8 [IsomĂšres] |
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Masse molaire[3] | 319,268 ± 0,013 g/mol C 41,38 %, H 5,37 %, N 13,16 %, O 40,09 %, |
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pKa | 8,76[2] | ||
Propriétés physiques | |||
T° fusion | 225 °C décomp[2]. | ||
Solubilité | estimé: 1 000 g·l-1 à 25 °C dans l'eau[2] | ||
Précautions | |||
SGH[1] | |||
H300, H310, H330, P260, P264, P280, P284, P301+P310 et P302+P350 |
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Transport[1] | |||
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Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |||
Elle est appelée également poison de Fugu, et poison de tétraodon. Elle a aussi été isolée dans d'autres espÚces incluant le triton de Californie, le poisson-perroquet, certaines grenouilles, certains crabes (ex. : l'Atergatis), chez des étoiles de mer de la famille des Astropecten, chez le poulpe à anneaux bleus, chez des limaces de mer (Babylonia japonica, Charonia sauliae, Tufufa lissostoma). On constate une prévalence certaine dans l'océan Indien.
Nature de la toxine
La tétrodotoxine est une neurotoxine puissante produite par quatre souches différentes de bactéries : Aliivibrio fischeri, Pseudomonas sp, Vibrio altermonas et Vibrio alginolyticus.
Chez les poissons Tétraodon (poisson globe ou Fugu), la tétrodotoxine se concentre dans le foie, les viscÚres, la peau et les gonades. Les poissons femelles sont considérés plus toxiques que les mùles puisqu'elles ont des concentrations élevées de toxines au niveau des ovaires. Comme c'est le cas pour la saxitoxine, les tétrodotoxines inhibent l'activité des canaux sodiques durant la phase ascendante du potentiel d'action. Ces toxines modulent l'allostérie des pores transmembranaires en se liant à des sites spécifiques des récepteurs orphelins. Le groupe des tétrodotoxines se compose de sept dérivés provenant d'une variété de souches bactériennes marines et terrestres. Sous sa forme cristalline elle peut avoir des propriétés du sucre de canne (goût, couleurs, etc.).
- Sa synthÚse nécessite au moins quinze étapes.
Mode d'action
La tĂ©trodotoxine bloque de maniĂšre trĂšs sĂ©lective le pore des canaux sodium voltage-dĂ©pendants, empĂȘchant ainsi le passage de l'influx nerveux. Ce blocage sous un certain niveau est rĂ©versible. La DL50 serait de 20 mg pour un ĂȘtre humain ou plus gĂ©nĂ©ralement on constate une DL minimale 8â20 ÎŒg·kg-1 ; in vitro le blocage apparaĂźt pour une concentration de 0,1 ÎŒg·ml-1. Les poissons y sont insensibles car leur canal est diffĂ©rent de celui des hommes. Pour bloquer un influx nerveux la tĂ©trodotoxine serait 2 500 fois plus puissante que la procaĂŻne.
SymptĂŽmes de l'intoxication
Au Japon, les donnĂ©es du Bureau de la protection sociale et de la santĂ© publique de Tokyo recensent entre 20 et 44 incidents par an dus Ă la consommation de fugu, dans tout le pays, entre 1996 et 2006, causant entre 34 et 64 hospitalisations et 0 Ă 6 morts par an, pour un taux de mortalitĂ© de 6,8 %[4]. Des 23 incidents recensĂ©s Ă Tokyo entre 1993 et 2006, un seul impliquait un restaurant, tous les autres concernaient des pĂȘcheurs consommant leurs propres prises[4]. Entre 2006 et 2009, 119 incidents furent recensĂ©s au Japon, impliquant 183 personnes dont 7 dĂ©cĂšs[5].
En cas dâintoxication, le taux de lĂ©talitĂ© est supĂ©rieur Ă 50 %. Une vingtaine de grammes de chair de fugu peuvent provoquer la mort. Les signes cliniques apparaissent assez rapidement (dix minutes Ă quatre heures aprĂšs ingestion). Ce dĂ©lai varie en fonction de lâindividu et de la dose de tĂ©trodotoxine ingĂ©rĂ©e. La tĂ©trodotoxine Ă©tant hydrosoluble, elle passe facilement la barriĂšre gastrique et est absorbĂ©e au niveau de lâestomac. Le pronostic est dâautant plus sĂ©vĂšre que le dĂ©lai dâapparition des premiers symptĂŽmes est court.
Le tableau clinique se présente ainsi[6] :
- atteinte du systÚme nerveux avec paresthésies orales et périorales, nausées souvent accompagnées de vomissements, parfois avec diarrhées et douleurs abdominales ;
- vertiges, pùleur, sensation de malaise, puis ataxie et engourdissement général avec la sensation de flotter. Fourmillements et picotements des extrémités précédant la paralysie des membres inférieurs et des extrémités ;
- modifications de la sensibilitĂ© profonde, la gorge et le larynx sont touchĂ©s trĂšs tĂŽt ce qui provoque une dysphagie voire une aphagie complĂšte, ainsi quâune dysphonie ;
- dilatation des pupilles (mydriase) ;
- dans le cas dâintoxication aiguĂ«, bradycardie et hypotension, hypersalivation, hypothermie, hypersudation, asthĂ©nie ;
- cyanose des extrémités et des lÚvres, hémorragies pétéchiales sur le corps.
Ces symptĂŽmes surviennent en moyenne huit heures aprĂšs ingestion. Par la suite, une paralysie spastique apparaĂźt.
Le dĂ©cĂšs est souvent dĂ» Ă une paralysie respiratoire, lâĂ©tat de conscience nâĂ©tant en gĂ©nĂ©ral pas affectĂ©.
On peut distinguer quatre stades dans lâintoxication :
- Paresthésies buccales suivies dans certains cas de nausées et vomissements ;
- Paralysie motrice des doigts et des membres (les réflexes ostéotendineux restent présents) ;
- Perte des mouvements musculaires volontaires, cyanose, hypotension, dysphagie et dysphonie. DĂ©tresse respiratoire ;
- La mort survient par arrĂȘt respiratoire. Les battements cardiaques persistent mais sont de courte durĂ©e. ArrĂȘt cardiaque par collapsus.
Rites vaudou haĂŻtiens
La tétrodotoxine n'est pas toujours fatale ; à des doses quasi létales, la victime peut sembler morte alors qu'elle reste consciente. Cela a amené l'ethnobotaniste Wade Davis à penser qu'elle était utilisée pour un rite vaudou haïtien, des personnes condamnées par la communauté étaient paralysées avec une mixture à base de tétrodotoxine qui les mettait dans un état proche de la mort puis plus tard leurs fonctions physiologiques étaient ramenées à la normale grùce à des décoctions de plantes contenant de l'atropine comme le datura par exemple, aprÚs quoi, divers psychotropes leur étaient administrés afin d'annihiler toute volonté, transformant les victimes en « zombies » qui étaient mis en esclavage[7]. Cependant, l'idée fut réfutée par la communauté scientifique à la fin des années 1980, les symptÎmes présentés par les victimes d'empoisonnement ne correspondant pas à la description des zombies du vaudou[8].
Culture populaire
Cinéma
- Dans l'épisode 22 de la saison 4 de Bones, le défunt a été tué avec de la tétrodoxine[9].
- Dans le film L'Emprise des ténÚbres, un anthropologue est envoyé à Haïti pour récupérer une poudre étrange qui aurait le pouvoir de ressusciter les morts.
- Dans le film Que justice soit faite (Law Abiding Citizen), Clyde Shelton utilise ce puissant poison pour neutraliser le bourreau de sa famille, Clarence Darby.
- Dans le film Ghost in the Shell, le docteur Ouelet doit tuer le major Mira Killian avec ce poison.
- Sa forme "B" (découverte par Bruce Banner) est utilisée par Nick Fury dans le film Captain America : Le Soldat de l'Hiver.
- Dans la série Astrid et Raphaëlle (2019, épisode 7/8, saison 1 : La nuit du mort-vivant), cette toxine est utilisée dans un sushi.
- Dans le film The Goya Murders de Gerardo Bergeron, sorti en 2019, les meurtres sont effectués par ce poison
- La tétrodotoxine est utilisée dans la série d'animation pour adultes Archer.
- Dans l'épisode 2 de la saison 7 de Columbo intitulé Un Meurtre à la carte, l'assassin empoisonne sa victime à l'aide d'extrait de fugu.
- Dans la série Grimm cette toxine est utilisée pour simuler la mort de Monroe et est citée plusieurs fois
- Dans la sĂ©rie MacGyver (Ă©pisode 6, saison 7 : Mort vivant (The walking dead), cette toxine est employĂ©e par un prĂȘtre vaudou pour paralyser ses victimes.
- Dans la série Balthazar (épisode 6, saison 1), cette toxine permet à un couple de pervers de simuler la mort de leurs futures victimes. C'est lorsque Eddy évoque un zombie que Balthazar fait le lien avec le prétendu rite vaudou et l'usage de la tétrodotoxine à cet effet.
- Dans le film L'Agence tous risques, il est fait référence à l'usage de la tétrodotoxine (pour sortir de prison).
- Dans la série Les Simpson (épisode 11, saison 2), appelé Un poisson nommé Fugu, Homer mange dans un restaurant japonais du Fugu, et apprend qu'il lui reste 24 h à vivre.
- Dans la série Les riviÚres pourpres (épisode 5/6, saison 2 : Kenbaltyu), cette toxine est également mentionnée.
- Dans la série Les Experts : Manhattan (épisode 4, saison 1 : Poisson mortel), un empoisonnement au fugu est mentionné.
- Dans le thriller américain Sushi Girl, sorti en 2012, il est fait référence à un empoisonnement au fugu.
- Dans le film Captain America : Le Soldat de l'hiver, sorti en 2014, utilisĂ©e afin de simuler la mort de Nick Fury (ralentit les battements du cĆur Ă 1bpm).
- Dans la série Kleo sortie en 2022, et diffusée sur Netflix, l'héroïne nommée Kleo est empoisonnée à la tétrodotoxine.
Littérature
- Dans "1991", roman de Franck Thilliez, les victimes étaient empoisonnées à la tétrodoxine.
- CitĂ©e par George C. Chesbro dans son roman Dream of a Falling Eagle paru en 2002 puis en français en 2005 Le rĂȘve d'un aigle foudroyĂ© p. 140.
- Dans son ouvrage Maléfices, paru en 2004, Maxime Chattam fait référence à l'usage de la tétrodotoxine.
- Citée par Bernard Werber dans son roman Le SixiÚme Sommeil, paru le . Un mélange de cette toxine avec de la mandragore et de belladone est utilisé pour explorer le sixiÚme sommeil.
Notes et références
- Fiche Sigma-Aldrich du composĂ© Tetrodotoxin â„98% (HPLC), consultĂ©e le 16/08/2015..
- PubChem CID11174599.
- Masse molaire calculĂ©e dâaprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- (ja) « Danger de la consommation amateur de fugu » [archive du ], Tokyo Bureau of Social Welfare and Public Health
- (ja) « Poisson : profil d'empoisennement naturel par le poison fugu » [archive du ], ćçćŽćç (Ministry of Health Labour and Welfare (Japan))
- J. Cheymol et François Bourillet, « D'une nouvelle classe de substances biologiques : tĂ©trodotoxine, saxitoxine, tarichatoxine », Actual Pharmacol (Paris), vol. 19,â , p. 1-61.
- Science et Vie, no 1067, août 2006, p. 51 ; cette idée a été développée par Davis dans son livre de 1985 : The Serpent and the Rainbow.
- (en) Terence Hines, Zombies and Tetrodotoxin, Skeptical Inquirer, mai/june 2008, vol. 32, no 3, p. 60â62.
- (en) « Bones 4.22 The Double Death of the Dearly Departed », TVOM,â (lire en ligne).
Articles connexes
- Ibériotoxine, toxine peptidique isolée du venin de scorpion rouge Hottentotta tamulus..
- Dendrotoxine, neurotoxine présynaptique produite par le serpent mamba (Dendroaspis).
- Charybdotoxine, toxine peptidique isolée du venin de scorpion Leiurus quinquestriatus.