Symbolique du chĂȘne
La symbolique du chĂȘne est l'Ă©tude de la reprĂ©sentation du chĂȘne, dans la mythologie, la religion, l'art, en tant que symbole dans sa capacitĂ© Ă dĂ©signer, Ă signifier un concept abstrait, au-delĂ de la rĂ©alitĂ© physique de lâarbre.
Longévité légendaire
Le chĂȘne est un arbre Ă longue durĂ©e de vie, avec une large couronne Ă©talĂ©e de branches robustes. Bien qu'il puisse naturellement vivre Ă un Ăąge de quelques siĂšcles, beaucoup des arbres les plus anciens ont Ă©tĂ© Ă©mondĂ©s ou Ă©levĂ©s en taillis, techniques d'Ă©lagage qui prolongent la durĂ©e de vie potentielle de l'arbre, sinon sa santĂ©.
De façon gĂ©nĂ©rale, la tendance montre que l'on attribue aux gros arbres qui nous entourent des Ăąges extraordinaires. En Europe tempĂ©rĂ©e, c'est sur les chĂȘnes que se portent le plus souvent les fantasmes[1].
Deux individus d'une longĂ©vitĂ© remarquable seraient le ChĂȘne de StelmuĆŸÄ en Lituanie et le chĂȘne de Granit en Bulgarie qui auraient plus de 1500 ans, ce qui en ferait les plus vieux chĂȘnes d'Europe ; un autre spĂ©cimen, appelĂ© « Kongeegen » (« ChĂȘne roi »), dont l'Ăąge serait estimĂ© Ă environ 1200 ans, pousse Ă JĂŠgerspris, au Danemark[2]. Encore un autre pourrait ĂȘtre le Kvilleken, en SuĂšde, ĂągĂ© de plus de 1000 ans et 14 m (46 pi) de circonfĂ©rence[3]. Parmi les spĂ©cimens vierges (non Ă©tĂȘtĂ©s), l'un des plus anciens serait le grand chĂȘne d'Ivenacker (de) en Allemagne ; la dendrochronologie lui donne un Ăąge estimĂ© de 700 Ă 800 ans. On estime Ă©galement que le chĂȘne de Bowthorpe dans le Lincolnshire, en Angleterre, aurait 1 000 ans, ce qui en ferait le plus ancien du Royaume-Uni, bien qu'il y ait le chĂȘne de Knightwood dans la New Forest qui serait Ă©galement aussi vieux. La plus haute densitĂ© de Q. robur avec une circonfĂ©rence de 4 m (13 pi) et plus, est en Lettonie[4].
Aucun chĂȘne vivant aujourdâhui nâa pu ĂȘtre datĂ© avec certitude Ă plus de 500 ans[1] ; il n'est pas rare qu'ils atteignent 300 ans ; il est plus exceptionnel qu'ils arrivent jusqu'Ă 400 ans. Mais certains vieux chĂȘnes sont creux, comme le ChĂȘne d'Allouville (selon la lĂ©gende, plantĂ© en 911 pour la naissance de la Normandie), et il ne sera dĂšs lors probablement jamais possible de les dater dĂ©finitivement par dendrochronologie[1]. Dans la marine en bois les chĂȘnes de plus de 100 ans avaient la prĂ©fĂ©rence ; les arbres approchant 200 ans Ă©taient considĂ©rĂ©s sur le retour, c'est-Ă -dire que le bois Ă©tait susceptible d'ĂȘtre en partie pourri. Atteignant un Ăąge avancĂ©, la couronne massive des arbres comme le chĂȘne ou le chĂątaigner commence Ă dĂ©pĂ©rir parce que leur systĂšme racinaire et vasculaire n'est plus en mesure d'entretenir une grande couronne. Cela permet Ă la lumiĂšre d'atteindre la couronne intĂ©rieure plus basse, et par lĂ de stimuler le dĂ©veloppement de bourgeons dormants, crĂ©ant Ă©ventuellement une nouvelle couronne infĂ©rieure plus petite. Les vieilles branches qui formaient la haute couronne d'origine meurent, mais sur des espĂšces comme le chĂȘne qui ont le bois trĂšs rĂ©sistant, ces branches mortes restent pendant des dĂ©cennies, voire des siĂšcles ; en anglais on dit qu'ils sont Stag headed, c'est-Ă -dire qu'ils prennent l'apparence de la ramure d'un cerf[5].
La marine, mur de bois sur la mer
Les associations navales sont renforcĂ©es par le fait que le chĂȘne Ă©tait le principal matĂ©riau de construction des navires de guerre Ă voile. Une des plus cĂ©lĂšbres associations est l'Oracle du « mur de bois » donnĂ© Ă ThĂ©mistocle, confrontĂ© Ă la flotte perse[6]. Venise, comme plus tard l'Angleterre, vont le reprendre Ă leur compte.
La Royal Navy Ă©tait souvent dĂ©crite comme « Les murs en bois de la vieille Angleterre »[7]. Dans Sylva, or A Discourse of Forest-Trees and the Propagation of Timber, John Evelyn invite les grands propriĂ©taires (Landed nobility) Ă planter des arbres pour fournir le bois dâĆuvre et particuliĂšrement le chĂȘne, exigĂ© par le dĂ©veloppement de la Royal Navy. Sylva commence par un avertissement :
« There is nothing which seems more fatally to threaten a weakening of this famous and flourishing nation [than the] decay of her wooden walls »
« Il n'y a rien qui semble menacer plus fatalement un affaiblissement de cette nation célÚbre et florissante [que la] pourriture de ses murs de bois ».
« wooden walls» dans Sylva devient l'expression de la dĂ©fense de la nation au travers de la construction des navires ; Sylva peut ĂȘtre vu comme un ouvrage de botanique mais aussi comme un ouvrage de propagande[8].
On retrouve la mĂȘme association pour Venise. Baldissera Drachio, gastaldo de l'Arsenal dans une lettre Ă Giacomo Foscarini, sans chĂȘne il n'y a pas d'arsenal dĂšs lors pas de vie[9] :
« CosĂŹ senza il rovere non Ăš Arsenal, senza Arsenal non vâĂš preminenza, nĂ© stabilitĂ , nĂ© sicurtĂ , nĂ© libertĂ , nĂ© per conseguenza vit »
â Baldissera Drachio, Pensieri, 1596
Si, dans les Ă©crits des magistratures vĂ©nitiennes, l'image des navires (d'abord les galĂšres et plus tard les vaisseaux) revient souvent comme celle des murs de la ville, nĂ©s sur l'eau, un instrument essentiel de sa dĂ©fense, de son pouvoir sur la mer et de sa propre existence, ici une fonction identique est attribuĂ©e directement au bois de chĂȘne, principal matĂ©riau utilisĂ© dans la construction navale, et Ă l'arbre qui le fournit[9].
Par pays
Pays Basque
Au Pays Basque (Espagne et France) le chĂȘne symbolise les libertĂ©s traditionnelles basques. Ceci est basĂ© sur l'arbre de Gernika, un chĂȘne ancien situĂ© Ă Gernika, au-dessous duquel depuis au moins le XIIIe siĂšcle les seigneurs de Gascogne d'abord, puis leurs successeurs les rois de Castille et les rois d'Espagne ont jurĂ© solennellement de respecter la charte de Gascogne, qui garantissait des droits Ă©tendus aux habitants de Gascogne. Depuis le XIVe siĂšcle, la Juntas Generales (le parlement de Gascogne) se rĂ©unit dans un bĂątiment Ă cĂŽtĂ© du chĂȘne, et adopte symboliquement ses lois Ă©galement sous l'arbre. Aujourd'hui, le Lehendakari (premier ministre basque) prĂȘte serment sous le sapin.
Bulgarie
Le blason national de la Bulgarie comprend deux branches de chĂȘne croisĂ©es avec des fruits - comme compartiment de l'Ă©cusson.
Croatie
Des feuilles de chĂȘne avec des glands sont reprĂ©sentĂ©es au revers de la piĂšce croate de 5 lipa, frappĂ©e depuis 1993. Le chĂȘne pĂ©donculĂ© de la rĂ©gion croate de Slavonie (considĂ©rĂ© comme une sous-espĂšce distincte - le chĂȘne de Slavonie) est un symbole rĂ©gional de la Slavonie et un symbole national de la Croatie[10].
France
Le chĂȘne en France a une valeur symbolique depuis l'AntiquitĂ©. Certains chĂȘnes Ă©taient considĂ©rĂ©s comme des arbres sacrĂ©s par les Gaulois. Les druides coupaient le gui qui poussait sur eux. MĂȘme aprĂšs la christianisation, les chĂȘnes Ă©taient considĂ©rĂ©s comme protecteurs car la foudre tombait sur eux plutĂŽt que sur les habitations voisines. Ces arbres frappĂ©s seraient souvent transformĂ©s en lieux de culte, comme la chapelle du ChĂȘne. Le roi Saint Louis a Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ© rendant justice sous un chĂȘne. Pendant la RĂ©volution française, les chĂȘnes Ă©taient souvent plantĂ©s comme arbres de la LibertĂ©. L'un de ces arbres, un chĂȘne plantĂ© lors de la RĂ©volution de 1848, a survĂ©cu au massacre d'Oradour-sur-Glane par les nazis. La branche de chĂȘne fait partie de l'emblĂšme national de la France. AprĂšs l'annonce de la mort du gĂ©nĂ©ral Charles de Gaulle, le caricaturiste Jacques Faizant l'a reprĂ©sentĂ© comme un chĂȘne tombĂ©.
Allemagne
En Allemagne, le chĂȘne est utilisĂ© comme objet et symbole typique du romantisme. On le retrouve dans plusieurs tableaux de Caspar David Friedrich et dans « De la vie d'un bon Ă rien » Ă©crit par Joseph Freiherr von Eichendorff comme symbole de l'Ătat protĂ©geant chaque citoyen. Dans ces Ćuvres, le chĂȘne est reprĂ©sentĂ© dans diffĂ©rentes situations, avec des feuilles et des fleurs ou mort sans aucune de sa beautĂ© antĂ©rieure. Ces conditions sont principalement des symboles des conditions dans lesquelles l'Allemagne se trouve ou traverse. De plus, la tige du chĂȘne est un symbole de la force et de la stabilitĂ© de l'Allemagne. Des branches de chĂȘne Ă©taient affichĂ©es au revers des piĂšces de l'ancienne monnaie Deutsche Mark (1 Ă 10 Pfennigs ; la piĂšce de 50 Pfennigs montrait une femme plantant un plant de chĂȘne), et sont dĂ©sormais Ă©galement affichĂ©es au revers des piĂšces en euros d'Ă©mission allemande 1 Ă 5 cents).
Irlande
En Irlande, au chùteau de Birr, un exemple de plus de 400 ans a une circonférence de 6,5 m. Il est connu sous le nom de Carroll Oak, en référence aux chefs locaux, Ely O'Carroll, qui ont régné avant l'occupation normande[11].
Lettonie
En Lettonie, le chĂȘne est le symbole national. De nombreuses chansons folkloriques lettones parlent de chĂȘne. La base des armoiries est ornĂ©e de branches de chĂȘne.
Roumanie
L'Ă©quipe roumaine de rugby Ă XV est connue sous le nom de The Oaks.
Royaume-Uni
En Angleterre, le chĂȘne anglais a assumĂ© le statut d'emblĂšme national. Cela a ses origines dans le chĂȘne de Boscobel House, oĂč le futur roi Charles II s'est cachĂ© de ses poursuivants parlementaires en 1650 pendant la PremiĂšre rĂ©volution anglaise ; l'arbre est depuis connu sous le nom de Royal Oak. Cet Ă©vĂ©nement a Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ© Ă l'Ă©chelle nationale le sous le nom de Oak Apple Day, qui se poursuit encore aujourd'hui dans certaines communautĂ©s[12]. « The Royal Oak » est le troisiĂšme nom de pub (en) le plus populaire en Grande-Bretagne (541 en 2007)[13] et a Ă©tĂ© le nom de huit grands navires de guerre de la Royal Navy. Dans le folklore, le Major Oak est l'endroit oĂč Robin des Bois se serait rĂ©fugiĂ©[14]. De plus, le chĂȘne est l'arbre forestier le plus rĂ©pandu en Angleterre[15]. Un chĂȘne a Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ© au revers de la piĂšce de monnaie (les numĂ©ros de 1987 et 1992) et un brin de feuilles de chĂȘne et de glands est l'emblĂšme du National Trust. La marche rapide officielle de la Marine est « Heart of Oak ».
Références
- Jean-Luc Dupouey, « Le plus vieil arbre », Rev.For.Fr. LXII-6-2010,â (lire en ligne)
- « Kong Frederik den Syvendes Stiftelse paa JÊgerspris », www.kongfrederik.dk (consulté le )
- Moström, « The Oak Tree, from Peasant Torment to a Unifying Concept of Landscape Management », The Oak â History, Ecology Management and Planning, Linköping, Sweden, National Heritage Board of Sweden,
- EniĆĆĄ, Guntis (2008). 100 diĆŸÄkie un svÄtÄkie, AS Lauku AvÄ«ze, p. 25. (ISBN 978-9984-827-15-5)
- (en) « Stag headed trees », sur National Trust (consulté le )
- Jules Labarbe, « Chapitre IV. Lâoracle du « mur de bois » et la formation progressive de la flotte athĂ©nienne », dans La Loi navale de ThĂ©mistocle, Presses universitaires de LiĂšge, coll. « BibliothĂšque de la facultĂ© de philosophie et lettres de lâuniversitĂ© de LiĂšge », (ISBN 978-2-8218-2873-5, lire en ligne), p. 109â138
- « National Maritime Museum », Nmm.ac.uk (consulté le )
- (en-GB) « Trees: A personal and national legacy of Evelyn's Sylva », BBC News,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Antonio Lazzarini, Boschi, legnami, costruzioni navali. LâArsenale di Venezia fra XVI e XVIII secolo, Viella editrice, (ISBN 978-88-3313-765-0, lire en ligne)
- « Croatian National Symbols », kwintessential.co.uk/ (consulté le )
- Fifty Trees of Distinction by Prof.
- « Wiltshire - Moonraking - Oak Apple Day », BBC, (consulté le )
- « Real Ale and Pub News Features Archive » [archive du ], Solihullcamra.org.uk, (consulté le )
- (en-GB) « The Definitive List of British Oak Trees & Their History », English Heritage Buildings,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Smith, « The National Inventory of Woodland and Trees - England », UK, Forestry Commission, p. 52