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Stellaria media

La Stellaire intermédiaire (Stellaria media L.), également appelée le Mouron blanc ou la Morgeline, est une espÚce de plantes annuelles, bisannuelle ou vivace de la famille des Caryophyllaceae. C'est une herbacée commune en Europe et dans une grande partie de l'hémisphÚre nord. Elle peut faire office de plante bioindicatrice car sa présence est la signature d'un sol équilibré et fertile[1].

Phytonymie et appellations

Le nom du genre vient du latin Stella, l'Ă©toile. Il fait rĂ©fĂ©rence aux cinq pĂ©tales Ă©chancrĂ©s qui donnent Ă  la corolle l'aspect d'une Ă©toile Ă  dix rayons. L'Ă©pithĂšte du nom botanique media, « milieu Â», fait rĂ©fĂ©rence Ă  la ligne de poils qui court alternativement d'un cĂŽtĂ© puis de l'autre de chaque entrenƓud de la tige ronde, cette caractĂ©ristique permettant de la distinguer de plantes toxiques qui affectionnent les mĂȘmes milieux, comme le Mouron rouge[2].

Elle est parfois appelĂ©e Mouron blanc ou Mouron des oiseaux. Ce nom vernaculaire vient des graines de la plante, trĂšs apprĂ©ciĂ©es par les oiseaux. Celui de Morgeline est une syncope du latin Morsus gallinĂŠ (« morsure des poules Â»), la volaille des cours de ferme Ă©tant avide de cette plante[3].

Pseudo-synonymie

D'autres plantes sont appelées Mouron dont le Mouron rouge (Anagallis arvensis), qui ressemble au Mouron des oiseaux par l'aspect des feuilles et le port de la plante. Voir l'article Mouron.

Description

Appareil végétatif

Cette plante annuelle, bisannuelle ou vivace de 5 Ă  40 cm de hauteur est trĂšs commune, couvrant souvent le sol d'un Ă©pais tapis vert. L'appareil souterrain, formĂ© de racines grĂȘles, lui permet de rĂ©sister au gel. La tige grĂȘle et cylindrique est d'abord Ă©talĂ©e (la multiplication vĂ©gĂ©tative se rĂ©alisant au niveau des nƓuds qui s'enracinent) puis dressĂ©e. La tige prostrĂ©e se multipliant par bouturage naturel a la capacitĂ© de coloniser l'espace Ă  courte distance par reproduction asexuĂ©e ou clonale. Ce dĂ©veloppement latĂ©ral est une stratĂ©gie de croissance clonale permettant une certaine mobilitĂ© vĂ©gĂ©tative[4]. Si on pince la tige et qu'on tire, on dĂ©couvre, comme chez la Stellaire graminĂ©e, un axe trĂšs Ă©lastique Ă  l'intĂ©rieur. Les petites feuilles (5 Ă  30 mm de long), entiĂšres, pĂ©tiolĂ©es[5], opposĂ©es, d'un beau vert tendre, sont soit sessiles et lancĂ©olĂ©es-linĂ©aires, soit Ă  pĂ©tiole ciliĂ© et limbe ovale, aigu au sommet, mais alors Ă  nervation pennĂ©e bien visible uniquement sur la face supĂ©rieure de la feuille adulte[6].

En conditions naturelles, sa pĂ©riode de vĂ©gĂ©tation la plus active s'Ă©tend de fĂ©vrier-mars Ă  novembre, et en condition clĂ©mentes elle maintient toute l'annĂ©e des populations hĂ©tĂ©rogĂšnes reprĂ©sentĂ©es par diffĂ©rentes classes d'Ăąge. En zone tempĂ©rĂ©e, elle fleurit toute l'annĂ©e, continue Ă  croĂźtre Ă  2 °C (quand la plupart des plantes sont en dormance)[7], se marcotte spontanĂ©ment et produit jusqu'Ă  6 gĂ©nĂ©rations par an (espĂšce polycarpique). L'allĂ©lopathie est en outre une composante de la nuisibilitĂ© de cette adventice dans certains contextes agricoles oĂč elle se montre trĂšs compĂ©titrice (quand elle est en situation de pionniĂšre, sur sol riche et qu'elle dispose d'une quantitĂ© suffisante de lumiĂšre[8]) ; elle produit des substances phĂ©noliques solubles dans le sol interfĂ©rant avec les jeunes pousses de blĂ© (Triticum aestivum)[9]. Cette plante comestible a nĂ©anmoins longtemps Ă©tĂ© cultivĂ©e et commercialisĂ©e.

Appareil reproducteur

La floraison se rĂ©partit sur presque toute l'annĂ©e. L'inflorescence est une cyme bipare qui porte des fleurs de 4 Ă  6 mm, composĂ©es de 5 pĂ©tales bifides, blancs, de mĂȘme longueur que les sĂ©pales. L'espĂšce, hermaphrodite, a un androcĂ©e composĂ© de 3 Ă  8 Ă©tamines Ă  anthĂšres rose-rougeĂątre, puis brunes. La protandrie favorise une pollinisation entomogame. Le fruit est une capsule ovale dĂ©passant du calice, contenant de nombreuses graines aplaties, brun-rouge ou noires. La dissĂ©mination des graines est barochore.

La plante pratique la nyctinastie : la fleur s'ouvre le matin et se ferme complĂštement le soir ; elle fait de mĂȘme par temps humide ou trĂšs nuageux. La nyctinastie a un impact positif sur la croissance, mais peut, par le processus d'exaptation, jouer un rĂŽle de dĂ©fense contre les herbivores la nuit, sachant que les principaux consommateurs de ces fleurs, les limaces et les chevreuils, sont surtout actifs de nuit[10].

Habitat et répartition

Utilisations

Usages alimentaires

Comme la Stellaire holostée, les jeunes pousses [13], feuilles et fleurs sont comestibles crues (léger goût de noisette) ou cuites (goût d'épinard).

Alphonse Legros, Chickweed Merchant (Marchand de mouron), 1884.

Cette espÚce ubiquiste et trÚs commune, rencontrée en toute saison, était autrefois cultivée, et il existait jusqu'au début du XXe siÚcle en France une corporation des marchands de mouron blanc [14]. C'était un des cris de Paris les plus fréquents.

C'est l'une des meilleures salades sauvages : douce, non amĂšre et renfermant calcium, silice, magnĂ©sium, vitamine C. Au Japon, elle fait partie de la traditionnelle salade en dĂ©but d'annĂ©e : la salade aux 7 herbes (voir la fĂȘte du Nanakusa-no-sekku). Elle est aussi consommĂ©e en soupe (par exemple hachĂ©e et mixĂ©e avec eau, huile d’olive, ail et pommes de terre), intĂ©grĂ©e dans les pĂątes Ă  crĂȘpe ou des smoothies [15] et des farces de ravioli[16]. Les tiges deviennent plus filandreuses avec l'Ăąge.

On peut aussi consommer ses minuscules graines [17].

Comme les pissenlits et d'autres composées, elle peut causer des irritations chez certains allergiques[18]. Elle est diurétique (et laxative si consommée en grande quantité) ; légÚrement toxique en raison de sa concentration en saponines [19]. Cette toxicité persiste en partie aprÚs dessiccation. Cette plante n'est pas appétente pour de nombreux animaux et consommée par d'autres (les oiseaux apprécient notamment ses graines). En contexte d'agriculture intensive (apports d'engrais, ensilage) cette plante nitrophile accumule des nitrates (à des taux dangereux pour le bétail selon A. Case en 1957[20] mais cette conclusion a été contredite par des études postérieures[21]).

En pĂ©riode de disette ou de famine, elle constituait dans les campagnes un aliment de complĂ©ment pour faire face aux difficultĂ©s et aux menaces de disette (c'est une des explications possible de l'expression « se faire du mouron Â»), mais consommĂ©e en trop grande quantitĂ©, elle provoquait des diarrhĂ©es. En voici deux exemples :

  • Un sou par-lĂ , deux sous par-ci ! La bonne femme dit merci. C’est avec les gros sous de cuivre Que l’on achĂšte de quoi vivre, Et qu’elle, la peau sur les os, Peut donner, Ă  l’heure oĂč l’on dĂźne, À son bambin, Ă  sa bambine, Du mouron pour les p’tits oiseaux ! — (Jean Richepin, La Chanson des gueux, 1881, pages 101-103).
  • Dans le film Little Palestine : journal d'un siĂšge (celui d'une ville syrienne de 2013 Ă  2015), une scĂšne montre une petite fille palestinienne expliquer pourquoi elle cueille Ă  longueur de journĂ©e des feuilles de mouron.

Cette plante ne doit pas ĂȘtre consommĂ©e si elle a poussĂ© sur des sols polluĂ©s, car elle prĂ©sente une certaine tolĂ©rance Ă  certains mĂ©taux toxiques qu'elle peut alors bioaccumuler. Elle remplit par exemple presque les critĂšres d'hyperaccumulateur de cadmium, qui est un contaminant de certains engrais et lisiers. Ce fait permettrait de l'utiliser en bioremĂ©diation, mĂȘme en hiver pour dĂ©contaminer certains sols. Sa taille, sa biomasse et sa croissance sont rĂ©duites quand la pollution augmente, mais sans autres marques visibles de stress[22]. Des chercheurs ont rĂ©ussi Ă  extraire via les pousses de mouron blanc jusqu'Ă  87,42 ÎŒg (max) par plant pour un sol contenant 100 mg de cadmium par kg[22].

Usages médicinaux

Les pharmacopĂ©es traditionnelles, notamment asiatique et indo-europĂ©enne, lui ont attribuĂ© — tout comme Ă  la Stellaire holostĂ©e — de nombreuses propriĂ©tĂ©s :

Les graines réduites en poudre, mélangées à du lait, soignent les infections cutanées et les allergies[30].

Chez les Indiens d'Amérique du Nord, la pùte de feuilles apaisait la toux, le rhume et le mal de gorge[31] et selon FK Fitzpatrick en 1954, la plante améliore l'immunité contre certains pathogÚnes respiratoires (Mycobacterium tuberculosis)[32].

S. media contient des acides phĂ©noliques et des flavonoĂŻdes[33], des C-glycosyl flavones[34], des saponines triterpĂ©noĂŻdes[35], un pentasaccharide[36], des lipides[37] et des constituants aqueux[38]. Une grande partie de ces composĂ©s chimiques sont retrouvĂ©s dans d'autres plantes du mĂȘme genre (120 espĂšces environ, dont plusieurs ont des usages phytopharmaceutiques reconnus)[39].

Une Ă©tude rĂ©cente (2012) sur le modĂšle animal (souris) confirme des vertus anxiolytiques en particulier sous forme d'extrait par le mĂ©thanol ; comparable Ă  l'effet du diazĂ©pam pour une dose de 100 mg/kg [24] mĂȘme si le mĂ©canisme n'est pas encore compris. Les auteurs montrent que cet extrait contient des flavonoĂŻdes, des triterpĂ©noĂŻdes, des protĂ©ines, des tanins, de glucides et lipides[24].

Un extrait de cette plante contenant des flavones glycosylĂ©es a un effet hypolipĂ©miant, d'oĂč l'hypothĂšse que ces composĂ©s pourraient servir d'agent amaigrissant [40].
Ils ont également des propriétés antivirales et antitumorales [41].

Selon une étude russe (2013), chez le rat de laboratoire, la fraction des polysaccharides hydrosolubles (à 100 mg/kg) s'est montré protectrice du foie de rats atteints d'hépatite induite par le CCl4[42].

Dans les années 2010, son potentiel photochimique et phytopharmaceutique, et celui de ses proches parentes fait encore l'objet de recherches[39]

Alimentation animale

Les parties aériennes de S. neglecta ont été utilisées en élevage pour les volailles et le bétail (jugées «rafraßchissantes» pour le bétail en Italie du Sud)[43].

Les graines de la plante sont trÚs appréciées par les oiseaux, y compris la volaille des cours de ferme.

Plante-hĂŽte

La chenille du lépidoptÚre appelé Brocatelle d'or (Camptogramma bilineata) se nourrit notamment de Mouron des oiseaux.

RĂ©sistance aux pesticides

Elle fait partie des plantes dont certains biotypes ont développé des résistances croisées à certaines désherbants (chlorsulfuron, triazolopyrimidine)[44], Mécoprop[45], Oxyfluorfen[46] sulfonylurées[47]

Références

  1. « Comprendre son sol avec les plantes bio-indicatrices - Ferme de Sainte Marthe », sur www.fermedesaintemarthe.com (consulté le )
  2. François Couplan, Les plantes et leurs noms. Histoires insolite, Éditions Quae, (lire en ligne), p. 86.
  3. Alexandre de Théis, Glossaire de botanique, G. Dufour et Cie, (lire en ligne), p. 18.
  4. (en) TomĂĄĆĄ Herben, FrantiĆĄek Krahulec, Věra HadincovĂĄ & Sylvie PecháčkovĂĄ, « Is a grassland community composed of coexisting species with low and high spatial mobility ? », Folia Geobotanica & Phytotaxonomica, vol. 29, no 4,‎ , p. 459-468.
  5. Les pétioles sont plus longs sur feuilles du bas.
  6. François Couplan, Eva Styner, Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques, Delachaux et Niestlé, , p. 38.
  7. Turkington R, Kenkel N.C & Franko G.D (1980) The Biology of Canadian Leeds : 42. Stellaria media (L.) Vill. Canadian Journal of Plant Science, 60(3), 981-992.
  8. Van Delden, A., Lotz, L. A. P., Bastiaans, L., Franke, A. C., Smid, H. G., Groeneveld, R. M. W., & Kropff, M. J. (2002). The influence of nitrogen supply on the ability of wheat and potato to suppress Stellaria media growth and reproduction. Weed Research, 42(6), 429-445 (résumé).
  9. (en) KMM Dakshini, « Allelopathic interference of chickweed, Stellaria media with seedling growth of wheat (Triticum aestivum) », Revue canadienne de botanique, vol. 76,‎ , p. 1317-1321 (DOI 10.1139/b98-159).
  10. (en) Pavol Prokop, Peter Fedor, « Why do flowers close at night? Experiments with the Lesser celandine Ficaria verna Huds (Ranunculaceae) », Biological Journal of the Linnean Society, vol. 118, no 3,‎ , p. 698-702 (DOI 10.1111/bij.12752).
  11. Ankei T (1982) Habitat gradient and reproductive habits of the seven Stellaria species in Japan, Bot Mag Tokyo, 94, 35-48.
  12. Josselyn cité par Rousseau C (1968) in Histoire, habitat et distribution de 220 plantes introduites au Québec. Natur. Can. 95: 49-17l.
  13. Éviter les tiges rasant le sol car elles ont un goĂ»t terreux.
  14. Philippe Jauzein, Olivier Nawrot et GĂ©rard Aymonin, Flore d'Ile-de-France, Quae, , p. 179.
  15. ex : Mixage dans un blender de trois poires bien mûres, une pomme, deux poignées de stellaire, une petite poignée de mùche et un verre d'eau.
  16. "Recettes avec des plantes sauvages" - Myriam de MahĂ© - Éditions Le mercure dauphinois - 2009
  17. François Couplan, Eva Styner, Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques, Delachaux et Niestlé, , p. 39.
  18. Jovanović, M., Poljački, M., Mimica‐Dukić, N., BoĆŸa, P., Vujanović, L. J., Ðuran, V., & Stojanović, S. (2004) Sesquiterpene lactone mix patch testing supplemented with dandelion extract in patients with allergic contact dermatitis, atopic dermatitis and non‐allergic chronic inflammatory skin diseases. Contact dermatitis, 51(3), 101-110.
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  20. Case A.A (1957) Some aspects of nitrate intoxication in livestock. J. Amer. Vet. Med. Assoc. 130:323
  21. Davison K.L, Hansel W.M, Krook L, McEntee K & Wright M.J (1964) Nitrate toxicity in dairy heifers. I. Effects on reproduction, growth, lactation, and vitamin A nutrition. Journal of Dairy Science, 47(10), 1065-1073.
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  42. Gorina Y.V, Saprykina E.V, Gereng E.A, Perevozchikova T.V, Krasnov E.A, Ivanova E.V, ... & Baranova O.V (2013) Evaluation of hepatoprotective activity of water-soluble polysaccharide fraction of Stellaria media L. Bulletin of experimental biology and medicine, 154(5), 645-648.
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Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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