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Statistiques ethniques

Les statistiques ethniques sont les donnĂ©es statistiques concernant l'appartenance ethnique des personnes. À la diffĂ©rence des statistiques par collectivitĂ©s territoriales qui relĂšvent du droit du sol et ne prennent en compte que la citoyennetĂ© des personnes (nommĂ©e « nationalitĂ© » en France), les statistiques ethniques relĂšvent du droit du sang qui dĂ©finit les individus par leur ascendance et leurs origines, et suscitent le dĂ©bat dans plusieurs pays. Dans de nombreux États du monde dont les constitutions diffĂ©rencient la citoyennetĂ© de la « nationalitĂ© » dans le sens d'ethnie[1], les deux types de statistiques coexistent lors des recensements et les mentions ethniques peuvent dĂ©finir la reprĂ©sentativitĂ© des partis politiques ethniques[2] ; en France mĂ©tropolitaine elles sont strictement encadrĂ©es d'un point de vue juridique, en Nouvelle-CalĂ©donie elles existent[3] - [4] - [5].

Utilisation

Union européenne

Le Royaume-Uni est le premier État de l'Union europĂ©enne (UE), Ă  avoir introduit dans son recensement, en 1991, des questions relatives Ă  l'« origine ethnique »[6] - [7]. Les Pays-Bas Ă©galement recensent l'origine nationale de leurs habitants, y compris celle des ressortissants nĂ©erlandais d'origine Ă©trangĂšre, avec aussi l'utilisation du concept d'allochtones et d'allochtones non occidentaux. Par ailleurs, la plupart des nouveaux pays membres ayant autrefois fait partie du Bloc de l'Est ont poursuivi la tradition de collecte des donnĂ©es ethno-nationales et/ou linguistiques aprĂšs leur adhĂ©sion Ă  l'Union[8].

France

Depuis la RĂ©volution de 1789, la population française est officiellement rĂ©partie en deux grands groupes liĂ©s non Ă  une ethnie, mais Ă  la « nationalitĂ© » au sens de citoyennetĂ© : les citoyens Français d’une part et les Ă©trangers d’autre part, non dotĂ©s de la nationalitĂ© française. Il ne faut pas confondre ces critĂšres avec ceux du lieu de naissance : France mĂ©tropolitaine d’une part (des Français et des Étrangers y naissent) et hors-mĂ©tropole d’autre part (toute personne nĂ©e hors-mĂ©tropole est immigrĂ©e, y compris celles nĂ©es Françaises hors-mĂ©tropole, auxquelles l’état-civil demande de faire preuve de leur nationalitĂ© et ascendance Française, ce dont les personnes nĂ©es en mĂ©tropole sont dispensĂ©es)[9]. En outre, certains tableaux de l’Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques (INSEE) distinguent entre les Français de naissance y compris par rĂ©intĂ©gration, et les Français par acquisition, c'est-Ă -dire par naturalisation, mariage, dĂ©claration ou Ă  leur majoritĂ©.

Ainsi, la population Ă©trangĂšre est dĂ©finie en fonction d’un critĂšre de nationalitĂ© : « est Ă©trangĂšre toute personne rĂ©sidant en France qui n’a pas la nationalitĂ© française. Un Ă©tranger peut acquĂ©rir la nationalitĂ© française au cours de sa vie, en fonction des possibilitĂ©s offertes par la lĂ©gislation. Il devient alors français par acquisition ». Le critĂšre du lieu de naissance permet de dĂ©finir la population immigrĂ©e : « est immigrĂ©e toute personne nĂ©e Ă©trangĂšre, dans un pays Ă©tranger, qui vit en France. Cette population se compose pour la plus grande partie d’étrangers mais aussi de personnes qui ont acquis la nationalitĂ© française. Tout Ă©tranger n’est pas nĂ©cessairement un immigrĂ©, et tout immigrĂ© n’est pas forcĂ©ment un Ă©tranger ».

Selon le recensement de 1999, la France comptait alors 52 898 680 Français de naissance et par exemple 522 504 Marocains, 574 208 Algériens, 393 289 originaires d'autres pays d'Afrique[10]. Le recensement ne permet par contre pas de comptabiliser :

  • les individus originaires de pays Ă©trangers et rĂ©intĂ©grĂ©s ;
  • les individus originaires de pays Ă©trangers et naturalisĂ©s ;
  • les enfants d’individus originaires de pays Ă©trangers et de nationalitĂ© française ;
  • les mĂ©tropolitains vivant en mĂ©tropole ;
  • les ultramarins vivant outre-mer.

La loi Informatique et LibertĂ©s du punit de 5 ans de prison et 300 000 euros d'amende le fait de recueillir et d'enregistrer des informations nominatives relatives aux origines ethniques ou Ă  l'appartenance religieuse des personnes interrogĂ©es[11]. NĂ©anmoins, des dĂ©rogations existent, en particulier sur le lieu de naissance et si les questions sont pertinentes par rapport Ă  la finalitĂ© de l'enquĂȘte. Ces dĂ©rogations ont eu lieu au moins deux fois : en Nouvelle-CalĂ©donie pour un recensement et pour une enquĂȘte de l'INED en 2008-2009 intitulĂ©e « Trajectoires et Origines Â» (TeO)[12].

Le dĂ©but de la dĂ©cennie 1990 voit se dĂ©velopper une polĂ©mique sur la prise en compte ou non de « l'ethnicitĂ© » dans les enquĂȘtes de l'Institut national d'Ă©tudes dĂ©mographiques (INED) et de l'INSEE. Le concept mĂȘme d'ethnie est problĂ©matique. Dans Population et SociĂ©tĂ©s ()[13], MichĂšle Tribalat a publiĂ© un article intitulĂ© « Les immigrĂ©s et leurs enfants » ; elle cherche Ă  "donner une dimension statistique Ă  la rĂ©alitĂ© ethnique" Ă  partir de caractĂ©ristiques objectives : le lieu de naissance des parents, la langue, etc. Selon elle, ces statistiques constituent avant tout un outil de connaissance[14].

De nombreux détracteurs, en particulier Hervé Le Bras, considÚrent sa terminologie comme aberrante. Ils considÚrent que les catégories « ethniques » de MichÚle Tribalat sont assez douteuses et peu pertinentes[14]. Ces détracteurs pensent que la classification de Tribalat « [se contente] d'appliquer des instruments mathématiques à des catégories de populations sans se poser de question sur la pertinence scientifique de ces catégories ».

Le projet de loi relative à la maßtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile prévoyait une disposition permettant le dénombrement des groupes ethniques. Cette disposition a suscité une opposition importante et le Conseil constitutionnel a été saisi, les 25 et respectivement, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs[15]. Dans sa décision du [16] - [17] - [18] - [19] - [20] - [21], il a conclu à la non-conformité de l'article 63 (concernant la réalisation de traitements de données à caractÚre personnel faisant « apparaßtre, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques ») :

  • cet article a Ă©tĂ© adoptĂ© Ă  l'issue d'une procĂ©dure irrĂ©guliĂšre, Ă©tant issu d'un amendement sans lien avec l'objet du texte dĂ©posĂ© sur le bureau de la premiĂšre assemblĂ©e saisie (texte qui portait essentiellement sur le regroupement familial, sur l'asile et sur l'immigration pour motifs professionnels ;
  • sur le fond, le Conseil ajoute que « si les traitements nĂ©cessaires Ă  la conduite d'Ă©tudes sur la mesure de la diversitĂ© des origines des personnes, de la discrimination et de l'intĂ©gration peuvent porter sur des donnĂ©es objectives, ils ne sauraient, sans mĂ©connaĂźtre le principe Ă©noncĂ© par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race. » Cette dĂ©cision n'interdit toutefois pas le recueil de donnĂ©es « subjectives », telles que le « ressenti d'appartenance »[22].

À la suite de cette censure du Conseil constitutionnel, l'INED et l'INSEE ont dĂ©cidĂ© de retirer leur question sur la couleur de la peau[23].

S'il est exact que le recensement de population, tant qu'il est obligatoire, ne permet pas le recueil d'information sur la religion ou l'origine ethnique, toute enquĂȘte non obligatoire peut le faire[24]. Ainsi, contrairement Ă  une idĂ©e reçue, comme le rappelle François HĂ©ran, directeur de l'Ined, il est permis depuis longtemps de poser des questions « sensibles » dans une enquĂȘte de la statistique publique, c’est-Ă -dire une question risquant de faire apparaĂźtre directement ou indirectement des appartenances (rĂ©elles ou supposĂ©es) Ă  un parti politique, un syndicat, une religion, une ethnie, une orientation sexuelle. Poser de telles questions n’est possible qu’à une double condition : « que la question soit pertinente pour le questionnaire (proportionnĂ©e aux objectifs poursuivis) et que les rĂ©pondants donnent leur accord exprĂšs, c’est-Ă -dire signĂ© (la signature Ă©tant apposĂ©e non pas sur le questionnaire, qui perdrait ainsi son caractĂšre anonyme, mais sur une feuille Ă  part prĂ©sentĂ©e par l’enquĂȘteur) » [25] - [26] - [27].

L’enquĂȘte Trajectoires et origines (TeO), par exemple, rĂ©alisĂ©e conjointement par l'Ined et l'Insee en 2008, pour faire suite Ă  l’enquĂȘte MobilitĂ© gĂ©ographique et insertion sociale (MGIS) de 1992, a permis de rĂ©colter non seulement des informations sur les pays d’origine et les langues parlĂ©es, mais aussi « sur les appartenances ethniques dĂ©clarĂ©es ainsi que sur les principales qualitĂ©s perceptibles qui peuvent servir de support aux discriminations dans notre sociĂ©tĂ© : couleur de la peau, coiffure, tenue vestimentaire, accent et autres signes corrĂ©lĂ©s de façon visible ou hypothĂ©tique Ă  une appartenance religieuse ou ethnique (pratiques alimentaires, respect d’un calendrier festif non chrĂ©tien, pratiques funĂ©raires, etc.) »[28] - [29]. Ainsi, selon cette enquĂȘte, 40 % des nouveau-nĂ©s entre 2006 et 2008 ont au moins un grand-parent nĂ© Ă©tranger Ă  l’étranger (dont 11 % au moins un grand-parent nĂ© dans l'Union europĂ©enne, 16 % au moins un grand-parent nĂ© au Maghreb et le reste au moins un grand-parent nĂ© dans une autre rĂ©gion du monde). Parmi eux, 15 % ont quatre grands-parents nĂ©s Ă©trangers Ă  l’étranger, 3 % en ont trois, 14 % en ont deux et 8 % ont un seul grand-parent nĂ© Ă©tranger Ă  l’étranger. Une part importante de ces naissances est donc issue d'unions mixtes. Si l’immigration est de l’Union europĂ©enne, pour 75 % des naissances d’un parent immigrĂ© ou descendant d’immigrĂ©, l’autre parent n’est ni immigrĂ©, ni descendant d’immigrĂ© ; cette part est de 45 % si elle est d’un pays hors Union europĂ©enne[30].

En France, « le fait, hors les cas prĂ©vus par la loi, de mettre ou de conserver en mĂ©moire informatisĂ©e, sans le consentement de l’intĂ©ressĂ©, des donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel qui, directement ou indirectement, font apparaĂźtre les origines raciales ou ethniques (...) est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende[31] ».

En , une étude[32] publiée dans le Bulletin de Méthodologie Sociologique utilise les noms de famille pour estimer les sur/sous-représentations d'origines dans plusieurs groupes de la société française (députés, maires, polytechniciens, pharmaciens, candidats à divers diplÎmes, etc).

Soudan français

En 1950, la Direction des affaires politiques générales du Soudan (français), actuel Mali, a effectué un recensement (voir tableau ci-contre[33]) par divisions administratives (cercles) et « races ».

Algérie française

À l'Ă©poque coloniale, l'administration effectuait des recensements sur base ethnique et religieuse, notamment en AlgĂ©rie française. Comme l'Ă©crit le dĂ©mographe Kamel Kateb, « jusqu’à l’entre-deux-guerres, la croissance dĂ©mographique des populations europĂ©ennes est, selon les statistiques, supĂ©rieure Ă  celle de la population indigĂšne algĂ©rienne. Les statistiques se prĂ©occupent des populations Ă©trangĂšres et des populations françaises d’origine Ă©trangĂšre, car il s’agit d’assurer la « prĂ©Ă©minence du sang français ». En termes plus clairs, seuls le dĂ©nombrement et la rĂ©partition de la population par nationalitĂ© semblent alors dignes d’intĂ©rĂȘt[34]. ».

Nouvelle-Calédonie

La CNIL a donnĂ© un avis favorable au recensement de 2009 pour la Nouvelle-CalĂ©donie, qui fait apparaĂźtre « l'origine ethnique » des personnes. Ces donnĂ©es Ă©taient enregistrĂ©es jusqu'en 1996, mais ne l'avaient pas Ă©tĂ© pour le recensement de 2004. La CNIL rappelle une dĂ©libĂ©ration de 2002, dans laquelle elle avait affirmĂ© que « le recueil de l'appartenance ethnique des personnes, compte tenu des caractĂ©ristiques sociodĂ©mographiques propres au territoire de Nouvelle-CalĂ©donie, rĂ©pond Ă  un motif d'intĂ©rĂȘt public [...][35] ».

États-Unis

Aux États-Unis, recensements, statistiques et Ă©tat-civil prennent en compte la notion de « race » (scientifiquement obsolĂšte en anthropologie, du fait de la non-concordance entre les groupes gĂ©nĂ©tiques et les morphologies physiques dans l'espĂšce humaine). Ils utilisent ainsi les descriptifs « Caucasien » (blanc d'ascendance europĂ©enne), « Hispanique » (mĂ©tis d'ascendance latino-amĂ©ricaine), « Afro-AmĂ©ricain » (noir d'ascendance africaine ou latino-amĂ©ricaine), « Asio-AmĂ©ricain » (d'ascendance asiatique), « AmĂ©ricain natif » (d'ascendance amĂ©rindienne) et, plus rarement, « OcĂ©ano-AmĂ©ricain » (principalement HawaĂŻens ou originaires des Ăźles amĂ©ricaines du Pacifique), « AlĂ©oute » ou « Inuit » (en Alaska) et autres. Depuis l'abolition de la sĂ©grĂ©gation raciale, ces statistiques jouent notamment sur les barĂšmes des conditions nĂ©cessaires pour acquĂ©rir divers statuts ou intĂ©grer universitĂ©s, administrations, entreprises ou logements (bien que ce ne fut pas constitutionnel et en dĂ©pit des lois sur la « discrimination positive », en pratique une origine « caucasienne » continue souvent Ă  valoir davantage de points, gĂ©nĂ©rant chaque annĂ©e plaintes et actions en justice)[36].

Canada

Depuis 1897, le recensement au Canada comporte une question sur l'« origine ethnique » [23], mais la rĂ©ponse est facultative et de plus en plus de citoyens canadiens se dĂ©clarent tout simplement « Canadiens »[23]. Entre-temps, l'État fĂ©dĂ©ral a modifiĂ© la question, introduisant en 1996 la notion de « groupe de population » analogue aux catĂ©gories des recensements, statistiques et Ă©tat-civil des États-Unis[23].

Brésil

Le Brésil enregistre des données sur la religion, la nationalité et la couleur de la peau depuis au moins le recensement de 1872[23]. Le principal critÚre de classement combine couleur de la peau et épaisseur des cheveux, du nez et de la bouche[23]. Ce critÚre « chromatique-phénotypique » a servi à légitimer une société démocratique et multiculturelle[23].

Depuis 1991, l'intitulé de la question du recensement sur la « couleur de la peau » est devenue une question sur la « race », ce qui soulÚve de nombreux débats[23].

Autres pays

Sur la base du rapport français Benbassa, moins d'une centaine de pays autorisent de nos jours les questions sur la nationalitĂ©, l'origine, la religion, voire la « race ». Mais cela se passe sur des bases dĂ©claratives et non sĂ©grĂ©gatives (ce n'est pas l'autoritĂ© publique qui classifie les citoyens) : c'est le « ressenti d'appartenance Â» qui compte. Par ailleurs, les ordres de grandeur et l'anonymat des sondĂ©s est respectĂ©. Cela sert avant tout aux communautĂ©s minoritaires Ă  avoir du poids pour rĂ©clamer ensuite des Ă©quipements publics, des quotas Ă  l'embauche ou dans l'enseignement supĂ©rieur ou encore de la visibilitĂ© dans les mĂ©dias. Le refus français des statistiques ethniques est en ce sens critiquĂ© par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), le ComitĂ© pour l'Ă©limination de la discrimination raciale (Cerd) et la Commission europĂ©enne contre le racisme et l'intolĂ©rance (Ecri)[12].

Critiques

ProblÚmes méthodologiques et éthiques

La question de la dĂ©finition scientifique de ce que constitue un « groupe ethnique » est elle-mĂȘme sujette Ă  dĂ©bat. Dans Économie et sociĂ©tĂ©, le sociologue Max Weber le dĂ©finit ainsi, mettant l'accent sur son caractĂšre subjectif (c'est-Ă -dire d'auto-reconnaissance) davantage que sur des qualitĂ©s qui seraient objectives, donc indĂ©pendantes de ce qu'en pense le sujet lui-mĂȘme :

« nous appellerons groupes ethniques, quand il ne reprĂ©sente pas des ‘groupes de parentage’, ces groupes humains qui nourrissent une croyance subjective Ă  une communautĂ© d’origine fondĂ©e sur des similitudes de l’habitus extĂ©rieur ou des mƓurs, ou des deux, ou sur des souvenirs de la colonisation ou de la migration, de sorte que cette croyance devient importante pour la propagation de la communalisation – peu importe qu’une communautĂ© de sang existe ou pas » [37].

Selon le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, une « ethnie » est un groupe humain d’une certaine densitĂ© qui n’a pas eu accĂšs au statut d’État mais qui prĂ©sente nĂ©anmoins de longue date plusieurs des caractĂ©ristiques suivantes :

  • un territoire (Ă  cheval ou non sur plusieurs États) ;
  • une langue propre ;
  • un nom collectif (parfois imposĂ© par les sociĂ©tĂ©s voisines, souvent retournĂ© par le groupe lui-mĂȘme) ;
  • une histoire singuliĂšre ;
  • des traits culturels originaux (architecture, cuisine, musique, littĂ©rature orale ou Ă©crite) ;
  • une identitĂ© revendiquĂ©e et plus ou moins assumĂ©e[6].

DĂšs lors, le dĂ©nombrement lui-mĂȘme des groupes ethniques est complexe Ă  mener, puisqu'il mĂȘle caractĂ©ristiques objectives et subjectives, et dĂ©pendrait in fine de l'auto-Ă©valuation des personnes interrogĂ©es. Nombre de chercheurs considĂšrent en effet que l'appartenance ethnique relĂšve d'une construction sociale[6].

En outre, ce dĂ©nombrement se passant le plus souvent Ă  l'intĂ©rieur d'un État-nation, il conduit Ă  une tension entre le projet unitaire de l'État-nation et la multiplicitĂ©, rĂ©elle ou allĂ©guĂ©e, des groupes ethniques qui le constituerait. Cette tension est Ă  l'origine des nombreux dĂ©bats sociaux, politiques et acadĂ©miques sur le sujet.

Enfin, le Code d'Ă©thique professionnelle de l’Institut international de statistique affirme que « le statisticien doit ĂȘtre attentif aux consĂ©quences vraisemblables que la collecte et la diffusion de diverses sortes d’informations peuvent entraĂźner. Il doit prĂ©venir les interprĂ©tations et utilisations erronĂ©es prĂ©visibles »[6]. Outre les questions mĂ©thodologiques sur l'existence et la possibilitĂ© de dĂ©nombrer les groupes ethniques, ce sont ces soucis Ă©thiques qui sont Ă  l'origine de nombreux dĂ©bats sur la lĂ©gitimitĂ© de telles collectes.

DĂ©finition subjective de l’ethnicitĂ©

Dans la mĂ©thode subjective, l’appartenance Ă  un groupe ethnique est gĂ©nĂ©rĂ©e par l’individu lui-mĂȘme sur simple dĂ©claration d’appartenance (Barth, 1969). Cette perspective rejoint le concept d’ethnicitĂ© (ou de groupe ethnique) qui se dĂ©finit en trois caractĂ©ristiques :

  • perception par les autres que le groupe est diffĂ©rent (unique) ;
  • perception par les membres du groupe d’ĂȘtre diffĂ©rent des autres, d’ĂȘtre un groupe unique ;
  • ceux qui se dĂ©finissent comme appartenant Ă  un mĂȘme groupe, Ă  une mĂȘme identitĂ©, partagent des activitĂ©s basĂ©es sur les similaritĂ©s perçues, que ces derniĂšres soient rĂ©elles ou imaginaires.

Cette maniĂšre de dĂ©finir l’ethnicitĂ© permet donc de pallier les lacunes de la dĂ©finition objective.

DĂ©termination de l’ethnicitĂ© d’un individu

Une mĂ©thode combinant les dĂ©finitions objectives et subjectives s’est dĂ©veloppĂ©e (Handleman 1977) permettant de mesurer le degrĂ© d’intensitĂ© d’affiliation Ă  un groupe ethnique Ă  travers des critĂšres mesurables et prĂ©dĂ©terminĂ©s (Hirshmann 1981 et Yankelovich, Skelly et White 1984). Il s’agit en premier lieu de recenser les membres d’une communautĂ© ethnique de maniĂšre objective (en fonction des critĂšres de langues, de valeurs, de couleur de peau
) puis d’administrer un questionnaire comportant des items permettant de quantifier le degrĂ© d’identification de l’individu Ă  cette communautĂ©. Cette mĂ©thode permet donc de ne pas considĂ©rer la cible ethnique comme un groupe parfaitement homogĂšne. En effet, tous les individus ne prĂ©sentent pas des degrĂ©s d’engagement d’adoption de valeurs communes identiques. Une hiĂ©rarchisation s’installe autour d’un noyau central ayant une forte implication des valeurs initiatiques (Ponthier 1997). L’identitĂ© ethnique est un aspect de l’acculturation qui se concentre sur le fait de savoir Ă  quel degrĂ© un groupe ethnique est liĂ© Ă  son propre groupe en tant que sous-groupe d’une plus large sociĂ©tĂ© d’accueil (Berry 1980). Le degrĂ© d’affiliation Ă  son groupe peut varier selon les individus Ă  l’intĂ©rieur mĂȘme de la culture minoritaire ce qui peut donc entraĂźner des diffĂ©rences de comportement d’achat. Les individus influencĂ©s par la culture dominante du pays auraient donc des comportements diffĂ©rents de ceux dont le degrĂ© d’identification Ă  la culture minoritaire est fort.

Par cette mĂ©thode, l’individu se dĂ©finira lui-mĂȘme comme appartenant ou non Ă  un « groupe ethnique ». Il dĂ©finira son degrĂ© d’implication dans ce dernier, ce qui permet, en agrĂ©geant au niveau de la population totale, de dĂ©terminer si ladite communautĂ© existe « bel et bien ».

Articles connexes

Références

  1. Fredrik Barth, en Ethnic Groups and Boundaries: The Social Organization of Culture Difference, Waveland Press, 11 mars 1998 (ISBN 9781478607953).
  2. Nikolaos Biziouras, art. (en) « Why Ethnic Parties? Evidence from Sri Lanka, Bulgaria and Malaysia on Mobilizational Resources, Political Entrepreneurs and Selective Incentives » in : The Midwest Political Science Association, Chicago, Illinois, 2005-04-07
  3. Jean-Luc Richard, « Statistiques ethniques et citoyenneté », sur laviedesidees.fr, (consulté le )
  4. « La difficile utilisation des statistiques ethniques en France », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Patrick Simon, « Collecting ethnic statistics in Europe: a review », Ethnic and Racial Studies, vol. 35, no 8,‎ , p. 1366–1391 (ISSN 0141-9870, DOI 10.1080/01419870.2011.607507, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Jean-Luc Richard, Statistiques ethniques et citoyenneté, La Vie des idées, 19 novembre 2008.
  7. voir aussi Classification of ethnicity in the United Kingdom.
  8. Voir aussi l'Ă©tude de Patrick Simon (Institut national d'Ă©tudes dĂ©mographiques), Statistiques «ethniques» et protection des donnĂ©es dans les pays du Conseil de l’Europe, Council of Europe, Study Report, Strasbourg, 2007.
  9. Alexis Spire, « Semblables et pourtant différents : la citoyenneté paradoxale des Français musulmans d'Algérie en métropole » in : GenÚses n° 53, 2003/4, pp. 48 à 68 - .
  10. INSEE, « Population immigrée et population étrangÚre en 1999 », sur insee.fr, (consulté le )
  11. « Les sanctions pénales (article 226-19) », sur CNIL.
  12. VĂ©ronique Grousset, « L'interdiction des statistiques ethniques, une autre exception bien française Â», Le Figaro Magazine, semaine du 15 mai 2015, pages 28-29.
  13. "Les immigrés et leurs enfants", Ined.fr
  14. « Faut-il des statistiques ethniques en France ? », sur Le Drenche - journal de débats, .
  15. « Recours par des dĂ©putĂ©s »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), commentaires : « http://dinersroom.free.fr/index.php?2007%2F10%2F27%2F689-le-recours-contre-la-loi-maitrise-de-l-immigration-i »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?) « http://dinersroom.free.fr/index.php?2007%2F10%2F28%2F690-le-recours-contre-la-loi-maitrise-de-l-immigration-ii »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?).
  16. [www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2007/2007557dc.htm DC°2007-557 - 15 novembre 2007]. .
  17. Bertrand Mathieu, « Décision sur les tests ADN : une occasion manquée », Les Echos, 19/11/07.
  18. Émilie Rive, « “Sages” dĂ©cisions sur la loi Hortefeux ? », L'HumanitĂ©, 19 novembre 2007.
  19. Renaud Dely, Frédéric Gerschel, « Conseil constitutionnel. Les tests ADN validés mais inapplicables », Aujourd'hui en France, 16 novembre 2007.
  20. Guy Carcassonne, « Les tests ADN », recueil Dalloz 2007, p. 2992.
  21. Ferdinand MĂ©lin-Soucramanien, « Le Conseil constitutionnel dĂ©fenseur de l'Ă©galitĂ© rĂ©publicaine contre les « classifications suspectes Â» », Recueil Dalloz 2007 p. 3017.
  22. « Commentaire de la décision de la décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007 », sur conseil-constitutionnel.fr, .
  23. Giulanca Manco, Comment quantifier les groupes sociaux ?, La Vie des idées, 3 février 2009.
  24. MichĂšle Tribalat, L'Islam en France, PUF, 2010, p.21.
  25. François HĂ©ran, InĂ©galitĂ©s et discriminations. Pour un usage critique et responsable de l’outil statistique, 3 fĂ©vrier 2010.
  26. François HĂ©ran, L’origine des immigrĂ©s et de leurs enfants dans les enquĂȘtes de la statistique publique. Quels principes dĂ©ontologiques ?, synthĂšse de l’exposĂ© de François HĂ©ran Ă  la rĂ©union du Conseil scientifique d’Économie et Statistique du 28/9/2005.
  27. Le 15 novembre 2007, le Conseil constitutionnel a censurĂ© DĂ©cision no 2007-557 DC l’article 63 de la loi relative Ă  la maĂźtrise de l’immigration, Ă  l’intĂ©gration et Ă  l’asile.
  28. EnquĂȘte « Trajectoires et origines » (TeO), site de l'Ined.
  29. Questionnaire TeO 2008.
  30. Les immigrés, les descendants d'immigrés et leurs enfants, Pascale Breuil-Genier, Catherine Borrel, Bertrand Lhommeau, Insee 2011.
  31. Article 226-19 du Code pénal.
  32. « Namograph », sur mazieres.gitlab.io, (consulté le )
  33. source: Viviana Paques, Les Bambara, Monographies ethnologiques africaines, 15 juin 2005, Éditions L'Harmattan, p. 7 (ISBN 9782747586160).
  34. Kamel Kateb, « La statistique coloniale en AlgĂ©rie (1830-1962). Entre la reproduction du systĂšme mĂ©tropolitain et les impĂ©ratifs d’adaptation Ă  la rĂ©alitĂ© algĂ©rienne », Courrier des statistiques no 112, dĂ©cembre 2004, p. 3-17.
  35. CNIL, DĂ©libĂ©ration no 2009-317 du 7 mai 2009 portant avis sur un projet d'arrĂȘtĂ© relatif au traitement automatisĂ© rĂ©alisĂ© Ă  l'occasion du recensement de la population de Nouvelle-CalĂ©donie en 2009, publiĂ© au Journal officiel du 26 juillet 2009.
  36. Benoßt Bréville, « Quelle est votre race ? », sur Le Monde diplomatique, (consulté le )
  37. Max Weber, Économie et sociĂ©tĂ©, tome II. CitĂ© in Giulanca Manco, Comment quantifier les groupes sociaux ?, La Vie des idĂ©es, 3 fĂ©vrier 2009.

Bibliographie

Lien externe

« MĂ©tissage : l'avenir ? Â», dĂ©bat sur France Ô,

« Statistiques ethniques, vers quelle taxonomie ? Â», Onomatique,

Voir aussi

Articles connexes

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