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Second gouvernement pré-constitutionnel

Le gouvernement SuĂĄrez I (en espagnol : Primer Gobierno de Adolfo SuĂĄrez) est le gouvernement du royaume d'Espagne entre le [1] et le .

Gouvernement SuĂĄrez I
(es) Primer Gobierno SuĂĄrez

Royaume d'Espagne

Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Roi Juan Carlos Ier
Président du gouvernement Adolfo Suårez
Formation
Fin
DurĂ©e 11 mois et 27 jours
Composition initiale
Ministres 19
Femmes 0
Hommes 19
Description de l'image Flag of Spain (1945 - 1977).svg.

DirigĂ© par le nouveau prĂ©sident du gouvernement, Adolfo SuĂĄrez, prĂ©cĂ©demment secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Mouvement national, ce gouvernement se compose de 19 ministres.

Il est formé à la suite du renvoi de Carlos Arias Navarro, au pouvoir depuis et dernier chef du gouvernement nommé par Francisco Franco.

Il succÚde donc au gouvernement Arias III, premier cabinet constitué à la suite du couronnement de Juan Carlos Ier.

Le , SuĂĄrez prĂ©sente le projet de loi pour la rĂ©forme politique (LRP) en Conseil des ministres, qui prĂ©voit la liquidation de l'Espagne franquiste par l'instauration d'un vĂ©ritable État de droit et la transformation de l'assemblĂ©e monocamĂ©rale et corporatiste des Cortes d'Espagne en parlement bicamĂ©ral Ă©lu dĂ©mocratiquement, les Cortes Generales. Le texte est approuvĂ© le par 425 voix pour, un vote connu sous le surnom de « hara-kiri des Cortes franquistes ». Un rĂ©fĂ©rendum organisĂ© le permet la ratification de la LRP par 94,2 % des suffrages exprimĂ©s, 77,8 % des inscrits s'Ă©tant rendus aux urnes.

Suårez participe l'année qui suit à la fondation de l'Union du centre démocratique (UCD), dont il prend la présidence. L'UCD remporte les élections générales constituantes du , ce qui lui permet de former son deuxiÚme gouvernement.

Contexte

L'entre-deux critique du printemps 1976

Juan Carlos le 22 novembre 1975

Depuis le Juan Carlos de Bourbon, successeur dĂ©signĂ© du gĂ©nĂ©ral Franco, est roi d'Espagne. Il se retrouve titulaire de tous les pouvoirs du dictateur, donc Ă  la tĂȘte du dernier État autoritaire d'Europe de l'Ouest. Les commentateurs estiment qu'il amendera le rĂ©gime franquiste vers la dĂ©mocratie. Cependant, la reconduction[2] du dernier chef du gouvernement de Franco, Carlos Arias Navarro, brouille leur analyse[3]. - [n 1]

Pourtant en coulisses, le roi, aidĂ© en cela par le prĂ©sident des Cortes, Torcuato FernĂĄndez-Miranda, prĂ©pare la rĂ©forme du rĂ©gime vers la dĂ©mocratie[4]. La nomination du cabinet Arias III n’est constituĂ© que pour donner du temps Ă  Juan Carlos de trouver un potentiel chef de gouvernement en adĂ©quation avec son projet dĂ©mocratique, mais aussi pour calmer les ardeurs de blocages systĂ©miques du BĂșnker. Juan Carlos ne veut pas, Ă  ce stade, provoquer de rupture brutale dĂšs les premiers jours de son rĂšgne, face Ă  la nervositĂ© des franquistes ultra[5].

Cependant, l'erratisme et l'incohĂ©rence d'Arias Navarro depuis 1974 ont terni son capital politique. On le taxe volontiers « d’immobilisme ». Les membres du BĂșnker font certes bloc derriĂšre le dernier chef de gouvernement nommĂ© par Franco, mais ne semblent pas dĂ©sireux de l’aider Ă  se maintenir le plus longtemps possible au pouvoir*. Eux aussi se cherchent un candidat potentiel Ă  la prĂ©sidence du gouvernement pour neutraliser le roi. Du cĂŽtĂ© de l’opposition, c’est une question de principe, pas de discussion directe avec « le boucher de Malaga ». Arias n’en demande pas mieux.

Carlos Arias Navarro

Dernier point non nĂ©gligeable, Juan Carlos et Carlos Arias Navarro ne s’aiment pas. Durant l’agonie de Franco, les deux hommes se sont affrontĂ©s sur le Sahara occidental : les diffĂ©rentes initiatives de Juan Carlos pour dĂ©gager l’Espagne d’un possible conflit avec le Maroc ont agacĂ© Arias Navarro au point qu’il menaça de dĂ©missionner. Cet Ă©pisode a laissĂ© des traces indĂ©lĂ©biles dans leur relation. Juan Carlos fait donc en sorte d’annihiler l’autoritĂ© de son chef de gouvernement sur son propre gouvernement, tout en le poussant Ă  engager un plan de rĂ©forme sur les institutions, le droit du travail, la libertĂ© syndicale et d’association.

Il espĂšre aussi profiter des divisions et de la relative apathie de l'opposition antifranquiste : le Parti communiste est isolĂ© et a mauvaise rĂ©putation depuis la fin de la guerre civile mais a une forte prĂ©sence clandestine en Espagne et une aura indĂ©niable ; le Parti socialiste a tardĂ© Ă  se rĂ©organiser et vient de subir une querelle de gĂ©nĂ©rations en 1974 au CongrĂšs de Suresnes (es) ; le centre et la droite antifranquistes sont une galaxie difforme de courants idĂ©ologiques qui vont de la social-dĂ©mocratie en passant par les libĂ©raux, les dĂ©mocrates-chrĂ©tiens et les monarchistes, qui sont plus ou moins en concurrences les uns des autres. Fait notable depuis le « concubinage de Munich », en 1962, ces derniers sont passĂ©s d'une « opposition tolĂ©rĂ©e » Ă  une « opposition persĂ©cutĂ©e » par le rĂ©gime et depuis 1969 le comte de Barcelone est dans un isolement relatif mais jouit d'une certaine popularitĂ© au sein de la vieille droite anti-franquiste [3] - [6].

Du cĂŽtĂ© rĂ©publicain (hors communistes et socialistes) la situation n'est guĂšre brillante : malgrĂ© plusieurs tentatives de rapprochement, ce camp est extrĂȘmement divisĂ©. L'antagonisme et la mĂ©fiance entre communistes et socialistes y est pour beaucoup. Pire, les cadres de la Seconde RĂ©publique en exil ne se sont pas renouvelĂ©s et se sont petit Ă  petit coupĂ©s de la situation intĂ©rieure espagnole. Par consĂ©quent, le gouvernement en exil menĂ© par JosĂ© Maldonado GonzĂĄlez et Fernando Valera Aparicio (es) fait plus office d'association d'aide aux exilĂ©s rĂ©publicains. MalgrĂ© tout, il entretient des relations avec une partie des pays sud-amĂ©ricains hispanophones, l’URSS et les pays du bloc socialiste.

L'intĂ©rĂȘt du premier cabinet de la monarchie, qui durera 7 mois, rĂ©side dans la confrontation entre, pour simplifier, deux conceptions antagonistes de la transition. D’une part, le projet du gouvernement : une rĂ©forme modĂ©rĂ©e et contrĂŽlĂ©e du processus constitutionnel en Ă©cartant d’office l’opposition et restant, tout du moins dans l’esprit, dans le franquisme. D’autres, toujours au sein du gouvernement, sont plutĂŽt ouverts, sur le principe, Ă  une discussion avec l’opposition.

Mais le vrai intĂ©rĂȘt, pour Juan Carlos, c’est de dĂ©montrer, aux caciques du rĂ©gime, que le Franquisme sans Franco, c’est terminĂ©. Et qu’il peut, dorĂ©navant, faire acte de son droit d’inventaire pour liquidation dĂ©finitive.

Juan Carlos et Gerald Ford

AprĂšs avoir sondĂ© Washington sur ses intentions[7], Juan Carlos prĂ©textant d’une derniĂšre foucade du BĂșnker au Cortes espagnoles, fixe au 1976 la date du grand chambardement ministĂ©riel. L’affaire doit aller vite pour Ă©viter que les Ultras puissent rĂ©agir, on profite donc de la rĂ©union bi-hebdomadaire du Conseil du Royaume pour Ă©touffer les soupçons.

AprĂšs 3 jours de dĂ©libĂ©rations, une liste de 3 noms est remise au monarque. Par ordre dĂ©croissant des voix obtenues, cette liste se compose de Federico Silva Muñoz, ex-ministre des Travaux publics (15), Gregorio LĂłpez-Bravo, ex-ministre des Affaires Ă©trangĂšres (13) et Adolfo SuĂĄrez, ministre-secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du mouvement (12). Juan Carlos choisit Adolfo SuĂĄrez ; consternation et perplexitĂ© dans la presse et la classe politique espagnole, opposition comprise. MalgrĂ© un discours remarquĂ© lors de l‘examen sur la Loi d’association, Suarez ne semble pas ĂȘtre le bon candidat pour mener la rĂ©forme du rĂ©gime : il est peu ou pas connu par l’opinion publique, n’a pas l’envergure politique d’un Manuel Fraga ou JosĂ© MarĂ­a de Areilza et ses responsabilitĂ©s au sein du Moviento, parti unique du rĂ©gime, lui font mauvaise presse. Pio Cabanillas se montre indignĂ© et prĂ©conise la mise en quarantaine du nouveau PrĂ©sident du gouvernement, tandis que le secrĂ©taire du PCE Santiago Carrillo, dĂ©clare « il y a peu Ă  espĂ©rer. » Cette unanimitĂ© gĂ©nĂ©rale fera dire Ă  l’historien Franquiste Ricardo de la Cierva, dans son billet politique du 8 juillet publiĂ© dans El PaĂ­s « ! QuĂ© error ! QuĂ© inmenso error ! » [8].

La Formation du gouvernement

La nomination de Suarez fut tellement accueillie avec hostilitĂ© et mĂ©pris, par l’ensemble des rĂ©formistes du gouvernement prĂ©cĂ©dent, que ceux-ci refusent de rejoindre le nouveau cabinet. Pis, JosĂ© Maria de Areilza et Manuel Fraga tente de faire revenir le roi sur sa dĂ©cision en lui Ă©crivant une lettre et entraver la formation du nouveau gouvernement. Pio Cabanillas fait pression sur ses amis de FEDISA pour rejeter tout offre de participation gouvernementale. En refusant de participer Ă  la formation du nouveau gouvernement, Fraga, Areilza et Cabanillas laissent le champ libre Ă  une nouvelle gĂ©nĂ©ration de jeune rĂ©formateur qui n’avait pas cacher leurs hostilitĂ©s face au rĂ©formisme timorĂ© Ă  la sauce Arias. À cet effet, Suarez nomme Ă  la Vice-prĂ©sidence, le ministre de la PrĂ©sidence Alfonso Osorio membre du groupe TĂĄcito et de l’Union dĂ©mocratique espagnole qui en retour proposa Ă  Suarez de recrutĂ© ses ministres dans la mouvance dĂ©mocrate-chrĂ©tienne, liĂ© aux secteurs catholiques du franquisme. Parmi eux : Landelino Lavilla Alsina (Justice), Marcelino Oreja Aguirre (Affaire Ă©trangĂšre), Eduardo Carriles Galarraga (Finances), AndrĂ©s Reguera Guajardo (Information et Tourisme), Enrique de la Gorostizaga (Relations Syndicales). Seul Leopoldo Calvo-Sotelo, ministre du commerce dans le prĂ©cĂ©dent gouvernement, est rĂ©intĂ©grĂ© dans le cabinet SuĂĄrez, aux Travaux publics.

Toutefois, SuĂĄrez reconduit les ministres militaires, Ă  savoir le gĂ©nĂ©ral Fernando de Santiago Vice-prĂ©sident de l’ancien gouvernement, Pacheco (ArmĂ©e de Terre), Iribarnegaray (ArmĂ©e de l’Air), Pita da Veiga (Marine). On estimait qu’il Ă©tait inutile de dĂ©stabiliser les forces armĂ©es, surtout depuis les Ă©vĂšnements de Vittoria et Montejuna.

Suarez fait rentrer dans le gouvernement 3 de ses amis : Fernando Abril Ă  l’Agriculture, Ignacio GarcĂ­a LĂłpez au secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral du Mouvement et JosĂ© LladĂł au Commerce.

Rodolfo MartĂ­n Villa, est promu au ministĂšre de l'intĂ©rieur. Bien qu’issue du secteur Catholique du moviento, il ne fait pas partie de la mouvance « dĂ©mocrate-chrĂ©tienne » du rĂ©gime. Mais c’est un ancien leader du syndicat Ă©tudiant du rĂ©gime, membre de l’association catholique de propagande (ANCdP), trĂšs critique du rĂ©gime. Il entraine avec lui 2 autres membres de l’ANCdP au gouvernement, Aurelio MenĂ©ndez Ă  l’éducation et Francisco Lozano Vicente au logement, bien qu’il occupĂąt dĂ©jĂ  ce mĂȘme ministĂšre dans le cabinet prĂ©cĂšdent.

Enfin, Carlos PĂ©rez de Bricio, qui ne fait n’y parti du mouvement oĂč des mouvances rĂ©formatrices interne du rĂ©gime, est reconduit au ministĂšre de l’industrie.

En Ă©liminant les anciens leader rĂ©formistes, Suarez dispose d'une Ă©quipe soudĂ©e qui partagent une mĂȘme vision de l'avenir politique de l'Espagne. Le gouvernement peut compter sur l'appui sans rĂ©serve du roi, qui d'ailleurs manifeste publiquement son soutien lors du premier conseil des ministres, qu’il prĂ©side exceptionnellement. Il se fĂ©licite Ă  cette occasion de « l'arrivĂ©e d'une nouvelle gĂ©nĂ©ration au conseil des ministres et Ă  la tĂȘte des dĂ©partements ministĂ©riels », et encouragea le nouveau gouvernement Ă  avancer dans la voie de la rĂ©forme : « Attelez-vous sans tardez Ă  la tĂąche. DĂ©libĂ©rĂ© sereinement, consultez tous ceux qui s'intĂ©ressent nettement aux affaires publiques, prenez les dĂ©cisions qui s'imposent et agissez sans peur. Que votre gouvernement soit un gouvernement fort dans un Ă©tat fort. » [9]

Le programme de gouvernement

L'horizon de la rĂ©forme proposĂ©e par Arias Ă©tait celui d'une dĂ©mocratie limitĂ©e non calquĂ©e sur les dĂ©mocraties voisines mais crĂ©atrice d'un modĂšle espagnol spĂ©cifique [10]. Cette dĂ©mocratie sera monarchique selon les principes du : reprĂ©sentative non pas sur la base du suffrage universel mais elle sur un mode corporatiste. Il n’envisageait mĂȘme pas un dialogue avec l’opposition, au grand dĂ©sespoir de Juan Carlos qui, lui, rencontre et prend contact avec celle-ci. Il constate aussi que l’opposition s’est fortement polarisĂ©e durant ces derniers mois face Ă  la politique rĂ©pressive du gouvernement. Il y a donc une forme d’indisposition de l'opposition face au nouveau gouvernement que le roi a nommĂ©. Adolfo SuĂĄrez est conscient de la mĂ©fiance qu’il inspire, que ce soit en interne ou en externe, c’est pourquoi le , il s'adresse aux Espagnols Ă  travers une allocution tĂ©lĂ©visĂ©e dans laquelle il clarifie ses intentions :

« Le gouvernement que je vais prĂ©sider ne reprĂ©sente aucune option partisane. Il assumera les fonctions d'un mandataire lĂ©gitime afin de mettre en place un jeu politique ouvert Ă  tous. L'objectif final est trĂšs concret : les gouvernements du futur doivent ĂȘtre le rĂ©sultat de la libre remontĂ©e de la majoritĂ© des Espagnols. »

Tournant le dos Ă  toute la rhĂ©torique passĂ©e dans une ambiance dĂ©contractĂ©e[n 2], le nouveau prĂ©sident du gouvernement annonce de maniĂšre concrĂšte son programme d'action, en promettant une rĂ©forme lĂ©gislative destinĂ©e Ă  permettre « l'adaptation des textes lĂ©gaux Ă  la rĂ©alitĂ© nationale, la garantie de l'exercice responsable de la libertĂ© d'expression, le dialogue avec tous les groupes politiques, y compris ceux de l'opposition ». Il se dĂ©clarĂ© en outre « conscient de l'importance du fait rĂ©gional » et s'engage Ă  accorder « une plus grande autonomie aux rĂ©gions en favorisant la crĂ©ation d'instruments de dĂ©cision et de reprĂ©sentation propres Ă  chaque rĂ©gion ».

La crise Ă©conomique n’est pas oubliĂ©e : « [
] abordĂ© avec dĂ©termination et cohĂ©rence les problĂšmes socio-Ă©conomiques ». Mais le mauvais souvenir de Villar Mir [11] et de sa remarque sur les salaires, qui avait six mois plutĂŽt, mis en grĂšve l’ensemble de la fonction publique ainsi que du mĂ©tro de Madrid, vĂ©ritable top dĂ©part de l’ébullition de la Rue, rendait compliquĂ© le recours Ă  une politique d'austĂ©ritĂ© nĂ©cessairement impopulaire, qui compliquerait considĂ©rablement le processus politique. Il faut donc dĂ©cider de rĂ©aliser en prioritĂ© la rĂ©forme politique, car pour aborder en profondeur et avec des chances de succĂšs la crise Ă©conomique, il Ă©tait nĂ©cessaire d'Ă©tablir au prĂ©alable, et rapidement, les rĂšgles du jeu politique et social. Bien que depuis mai, la libertĂ© de RĂ©union fut accordĂ©e.

Pour conclure, SuĂĄrez s'engage, l’instar des promesses d’avril mais dans un autre contexte, Ă  organiser des Ă©lections gĂ©nĂ©rales avant le .

Cette dĂ©claration tĂ©lĂ©visĂ©e du nouveau chef de gouvernement surprit ses dĂ©tracteurs par les engagements prĂ©cis qu'elle contenait : bien qu’il dispose de tous les prĂ©requis nĂ©cessaires pour obtenir la confiance des membres du rĂ©gime (il en connaĂźt les arcanes, a servi dans les secteurs dĂ©cisifs : l'information, l'administration provinciale et il connaĂźt mieux que quiconque les hommes, les structures du mouvement et son idĂ©ologie), le Bunker avait dĂ©sormais en face de lui un homme qui jouissait de la confiance du roi et qui, contrairement Ă  Arias Navarro, ne se considĂ©rait pas comme l'exĂ©cuteur testamentaire de Franco. L’opposition, qui s’était rapprochĂ©e au sein de coalisions durant le printemps, reste circonspecte et attend des gages. Quant aux procuradores (les parlementaires du rĂ©gime), se « marais » dont l'opinion Ă©volue au grĂ© des circonstances et des manipulations/pressions du Bunker, ils comprirent que la conjecture Ă©tait devenue nettement favorable aux partisans de la rĂ©forme.

Composition

Poste Titulaire
Président du gouvernement Adolfo Suårez Gonzålez
Premier vice-président du gouvernement
Premier vice-président du gouvernement, chargé des Affaires de la Défense (23/09/1976)
Ministre sans portefeuille
Fernando de Santiago y DĂ­az de MendĂ­vil (jusqu'au 23/09/1976)[12]
Manuel Gutiérrez Mellado[13]
DeuxiÚme vice-président du gouvernement
Ministre de la Présidence
Alfonso Osorio GarcĂ­a
Ministre des Affaires Ă©trangĂšres Marcelino Oreja Aguirre
Ministre de la Justice Landelino Lavilla Alsina
Ministre de l'Armée Félix Álvarez-Arenas y Pacheco
Ministre de la Marine Gabriel Pita da Veiga y Sanz (jusqu'au 15/04/1977)[14]
Pascual Pery Junquera[15]
Ministre des Finances Eduardo Carriles Galarraga
Ministre de l'Intérieur Rodolfo Andrés Martín Villa
Ministre des Travaux publics Leopoldo Calvo-Sotelo y Bustelo (jusqu'au 25/04/1977)[16]
Luis Ortiz GonzĂĄlez (Ă  partir du 11/05/1977)[17]
Ministre de l'Éducation et de la Science Aurelio MenĂ©ndez y MenĂ©ndez
Ministre du Travail Álvaro Rengifo Calderón
Ministre de l'Industrie Carlos PĂ©rez de Bricio
Ministre de l'Air Carlos Franco Iribarnegaray
Ministre de l'Agriculture Fernando Abril Martorell
Ministre, secrétaire général du Mouvement national Ignacio García López
Ministre du Commerce José Lladó Fernåndez-Urrutia
MinistÚre de l'Information et du Tourisme Andrés Reguera Guajardo
Ministre du Logement Francisco Lozano Vicente
Ministre des Relations syndicales Enrique de la Mata Gorostizaga

Historique du gouvernement

La réforme tambour battant

La premiĂšre Ă©tape en ce dĂ©but d’étĂ© 1976, pour le nouveau gouvernement, est de reprendre la rĂ©forme du code pĂ©nal, et reprendre le fils de discussions, trĂšs mince, entamĂ© par Juan Carlos avec l’opposition*.

Le , la loi sur le droit d’association politique entre vigueur bien qu’il ne soit pas encore confirmĂ© par le code pĂ©nal [18]. Le lendemain, sept partis s’enregistre au MinistĂšre de l’intĂ©rieur dont quatre se rĂ©clament de l’idĂ©ologie Phalangistes. Les observateurs font remarquer que le Mouvement National est en mort cĂ©rĂ©brale, puisque cette lĂ©galisation symbolise l’éclatement du parti unique.

JosĂ© MarĂ­a Gil-Robles y Gil-Delgado (ici en 2011) est le premier interlocuteurs de l'opposition dĂ©mocrate-chrĂ©tienne Ă  ĂȘtre reçu par le nouveau gouvernement
Joaquim Ruiz GimĂ©nez (ici en 1983) est le premier interlocuteurs de l'opposition Social-dĂ©mocrate Ă  ĂȘtre reçu par le nouveau gouvernement

Le le vice-prĂ©sident Osorio rencontre le fils de JosĂ© Maria Gil-Robles, Joaquim Ruiz GimĂ©nez le lendemain. Osorio tenta de rassurer ses interlocuteurs sur les intentions du gouvernement, mais retira de ses entretiens, notamment de celui avec Ruiz GimĂ©nez, l'impression que l'acceptation du projet rĂ©formiste par l'opposition dĂ©pendait en grande partie de l'attitude que le gouvernement adopterait sur la question de la lĂ©galisation du Parti communiste. Le , les cortes examinent Ă  nouveau la rĂ©forme du code pĂ©nal. Le gouvernement prĂ©sente un nouveau texte dans lequel figure une clause selon laquelle les associations « soumises Ă  une discipline internationale oĂč qui se propose d'implanter un systĂšme totalitaire » seraient dĂ©clarĂ©es illĂ©gales. Mais le rapporteur de la commission des lois, prĂ©sente un amendement dont la formulation gomme le caractĂšre ouvertement anticommuniste de la premiĂšre formulation. Il proposait en effet que soit dĂ©clarĂ©e illĂ©gale les associations « contraire Ă  la dignitĂ© ou Ă  la libertĂ© humaine oĂč s'oppose au pluralisme associatif comme instrument de participation politique. » Fernandez Miranda, invoquant le rĂšglement, refusa de soumettre ce dernier amendement au vote des procuradores mais il tente en revanche de faire passer l'amendement de la commission des lois. Le rĂ©sultat du vote fut de 190 voix pour et 240 voix contre. Il y eut 49 attentions, parmi lesquelles celles des membres du gouvernement. Les ministres civils approuvaient la formule proposĂ©e par la commission des lois, mais il dure tenir compte de l'attitude du gĂ©nĂ©ral de Santiago qui se montre intraitable et menaces de « voter contre tout » sinon adoptĂ© un amendement qui permettait Ă  la lĂ©galisation du Parti communiste. La rĂ©forme du code pĂ©nal fut finalement adoptĂ©e dans sa rĂ©daction initiale par 245 voix pour, 175 contre et 57 abstentions. L'incident avait de quoi inquiĂ©ter le gouvernement, il confirmait que la question la plus dĂ©licate qu'ils auraient Ă  affronter serait celle de la lĂ©galisation du Parti communiste, et il laissait prĂ©sager aussi qu'il aurait des difficultĂ©s Ă  trouver la majoritĂ© des deux-tiers nĂ©cessaire Ă  la rĂ©forme des lois fondamentales. L'attitude intransigeante du gĂ©nĂ©ral de Santiago annonce, en plus, de future tension au sein de l'armĂ©e.

Le mĂȘme jour, Suarez reçu Gomez Llorente, reprĂ©sentant de l'opposition socialiste. Il fut surtout question de l'opposition du PSOE Ă  l'intervention du ministĂšre de l'IntĂ©rieur dans la lĂ©galisation des partis, ainsi que de son hostilitĂ© Ă  celle du PSOE historique. En revanche, le sort du Parti communiste ne fut pas Ă©voquĂ© lors de cet entretien.

Le , lors du conseil des ministres prĂ©sider par Juan Carlos et Adolfo Suarez Ă  La Corogne, un DĂ©cret-loi d’amnistie est promulguĂ© et qui concerne « tous les dĂ©lits et fautes d’intentionnalitĂ© politique et d’opinion » avec la seule exception de ceux qui auraient « mis en pĂ©ril ou blessĂ© la vie ou l’intĂ©gritĂ© des personnes ». Sont aussi incluses les infractions d'opinion [n 3] et les infractions Ă  l'intentionnalitĂ© politique [n 4]. Cette amnistie est beaucoup plus gĂ©nĂ©reuse que celle de novembre 1975 et elle est bien accueillie par l'opposition : le , la Coalition DĂ©mocratique publia un communiquĂ© dans lequel elle rĂ©affirme la nĂ©cessitĂ© d'une rupture dĂ©mocratique, mais reconnaissait aussi l'utilitĂ© d'une nĂ©gociation avec le gouvernement.

Le , Suarez reçoit les ministres militaires et 29 responsables des forces armĂ©es au cours de laquelle Suarez insista sur la rĂ©forme des institutions et la rĂ©conciliation nationale. Les militaires crurent recevoir, Ă  ce moment-lĂ , l’assurance que le Parti Communiste ne serait pas lĂ©galisĂ©.

Le , L'avant-projet de la loi sur rĂ©forme politique fut approuvĂ© par le Conseil des ministres : il se compose d'un prĂ©ambule de 5 articles, 3 dispositions transitoires et d'une disposition finale. Le projet Ă©tablie un systĂšme avec un congrĂšs des dĂ©putĂ©s de 350 membres Ă©lus Ă  la proportionnelle et un SĂ©nat qui assurerait la reprĂ©sentation des entitĂ©s territoriales et composĂ©e de 204 membres Ă©lus au scrutin majoritaire. Le roi dĂ©signerait les prĂ©sidents des 2 chambres et du conseil du Royaume et pourrait en outre nommĂ© un nombre de sĂ©nateurs non supĂ©rieurs au 5e des Ă©lus. L'initiative de la rĂ©forme constitutionnelle revenait au gouvernement et au congrĂšs des dĂ©putĂ©s et il Ă©tait prĂ©vu qu'en cas de dĂ©saccord entre le congrĂšs et le SĂ©nat, le texte litigieux devrait ĂȘtre approuvĂ© par la majoritĂ© absolue des 2 chambres rĂ©unies. Le roi Ă  la facultĂ© de consulter le peuple par rĂ©fĂ©rendum avant de sanctionner une rĂ©forme constitutionnelle. Il pourrait aussi organiser un rĂ©fĂ©rendum prospectif, sur une question de caractĂšre constitutionnel, dont les rĂ©sultats s'imposeraient Ă  tous les organes de l'Ă©tat.

Le , aprĂšs d’ñpre nĂ©gociations, le gouvernement autorise pour la premiĂšre fois depuis 1939, la cĂ©lĂ©bration de la fĂȘte patriotique catalane, la Diada.

le général Manuel Gutiérrez Mellado remplace le général de Santiago, démissionnaire

Le , prĂ©textant l'Ă©bauche d'un projet de loi portant sur la lĂ©galisation des organisations syndicales, qui ouvrirait selon lui la voix Ă  une lĂ©galisation du PCE, le gĂ©nĂ©ral de Santiago dĂ©missionne. Il fut remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Manuel GutiĂ©rrez Mellado qui occupait les fonctions de chef de l'État-major Central. Ancien combattant de la guerre civile mais de rĂ©putation libĂ©rale, il suscite la mĂ©fiance de ses collĂšgues gradĂ©s.

Le , le Conseil national du mouvement fait connaĂźtre son avis sur le projet de rĂ©forme. Il rejeta le prĂ©ambule, clairement dĂ©mocratique, et suggĂ©ra qu'il fut supprimĂ©. Il demanda que l'Ă©lection des 2 chambres se fasse au scrutin majoritaire et que le SĂ©nat demeure une chambre de reprĂ©sentation d'intĂ©rĂȘt culturel, professionnel et socio-Ă©conomique. Il recommande en outre que l'initiative constitutionnelle d'origine parlementaire soit exercĂ©e conjointement par le congrĂšs des dĂ©putĂ©s et par le SĂ©nat. Par ailleurs, il recommande que toute initiative de rĂ©forme constitutionnelle d'origine non parlementaire soit approuvĂ©e par les 2 chambres.

À travers ces amendements, le Conseil national cherche, sans aller jusqu'Ă  vider complĂštement le projet de son contenu rĂ©formateur, Ă  en limiter la portĂ©e en maintenant en vigueur le principe de la reprĂ©sentation corporative pour le recrutement de sĂ©nateurs, et en faisant participer ceci Ă  l'initiative constitutionnel, les dignitaires du rĂ©gime se mĂ©nageait une base de repli d'oĂč il pourrait continuer Ă  exercer un contrĂŽle sur le processus constitutionnel Ă  venir. Mais Suarez, qui s'Ă©tait contentĂ© de prononcer une brĂšve allocution pour prĂ©senter le projet et qui n'avait pas jugĂ© utile d'assister au dĂ©bat, n'a aucune intention de ne pas suivre les recommandations du Conseil national. Il accepta de supprimer le prĂ©ambule, mais ne modifie aucun article.

Le projet fut soumis au Cortes par la procĂ©dure d'urgence, si bien que les dĂ©bats commencĂšrent le . Le premier Ă  prendre la parole au nom de la commission de rapporteurs fut Miguel Primo de Rivera, le neveu de JosĂ© Antonio Primo de Rivera, fondateur de la Phalange. Choix stratĂ©gique et symbolique du prĂ©sident des Cortes, Fernandez Miranda face aux remuants parlementaire du Bunker. D’ailleurs, Miguel Primo de Rivera fera habillement rĂ©fĂ©rence de sa parentĂšle dans son discours de prĂ©sentation du rapport de la commission qui conservait intact le texte du gouvernement. Sauf que la commission rendit obligatoire la consultation rĂ©fĂ©rendaire. Le gouvernement n’y fit pas objection.

Blas Piñar opposant résolut à la Loi pour la réforme politique

S’en suivie la prise de parole du principale reprĂ©sentant du « Bunker », Blas Piñar, qui qualifia le texte de trahison. Puis celle d’un nouveau groupe, Alliance Populaire, qui proposa l’abandon du scrutin proportionnel pour un scrutin majoritaire ; en outre il rĂ©clama que la future loi Ă©lectorale fut approuvĂ©e par les Cortes franquistes et non par le gouvernement. Tout cela assortie d’une menace d’abstention si les amendements dĂ©posĂ©s par Alliance Populaire n’étaient pas pris en compte par le gouvernement.

Sans les voix des 183 « procuradores » d’Alliance Populaire, le gouvernement avait peu de chance de faire passer sa rĂ©forme sans les 2/3 nĂ©cessaires pour obtenir la majoritĂ©. transiger proposons une formule de compromis qui consistait Ă  maintenir la reprĂ©sentation proportionnelle, mais avec gratis destinĂ©e Ă  Ă©viter la fragmentation du congrĂšs dĂ©putĂ© de points au lieu d'une circonscription Ă©lectorale unique, ignorer longtemps de circonscription que de province et chacune d'entre elles Ă©lira un nombre minimal de dĂ©putĂ©s point une fois c'est cet obstacle levĂ© la bulle on procĂ©da au vote dont le rĂ©sultat n'est pas ça toutes les espĂ©rances du gouvernement point le projet de rĂ©forme politique fut en effet approuvĂ© le 18 novembre par 425 voix, contre 59 votes nĂ©gatifs et 13 abstentions.

La campagne référendaire

Affiche électoral du référundum du .

Le , l'opposition publie un communiquĂ© dans lequel elle accepte de nĂ©gocier avec le gouvernement sous rĂ©serve des modalitĂ©s suivant : lĂ©galisation de tous les partis politique et organisation syndicale ; reconnaissance et garantie des libertĂ©s politiques et syndicales ; dissolution du moviento et neutralitĂ© politique de l’administration publique ; amnistie politique complĂšte ; l'accĂšs aux mĂ©dias publics ; nĂ©gociation sur des normes de rĂ©gulations du rĂ©fĂ©rendum et des prochaines Ă©lections ; l'autonomie rĂ©gionale. Refus du gouvernement qui ne souhaite toujours pas reconnaĂźtre le Parti communiste espagnol comme l’un des interlocuteurs de l'opposition. Ce qui en rĂ©sulte l'Ă©clatement de l'unitĂ© de l'opposition. Le l'opposition publie la liste des personnes chargĂ©es de la reprĂ©senter dans les nĂ©gociations avec le gouvernement sans inclure Santiago Carrillo leader du Parti communiste. Le lendemain lors du 27e congrĂšs du PSOE, le premier depuis le la fin de la guerre civile espagnole [19], Felipe Gonzalez constata « une crise profonde au sein de l'opposition parce que le plan de rĂ©forme politique du gouvernement a exacerbĂ© les diffĂ©rences de conception qui existaient en son sein. »

Ne voulant pas se laisser faire isoler par le PSOE et le gouvernement, le PCE dĂ©cide de convoquer le une confĂ©rence de presse clandestine, Ă  Madrid. Santiago Carrillo affirme, devant un parterre de journaliste, qu’une Ă©ventuelle mise Ă  l’écart des communistes dans le processus Ă  venir, invaliderait la rĂ©forme politique et se dit prĂȘt Ă  s’entretenir avec le Roi. Une façon indirecte de reconnaitre les rĂ©sultats du rĂ©fĂ©rendum avant mĂȘme sa tenue.

Le , le GRAPO enlĂšve le prĂ©sident du conseil d’État, Antonio Maria de Oriol y Urquijo, ancien ministre de la justice sous Franco et membre du “Bunker”. Les ravisseurs, menace de tuer leur otage si le gouvernement ne se conformait pas Ă  leurs exigences.

Le le oui l’emporte avec 16 573 180 voix, soit 94,2% ; contre 450 102 voix pour le non, soit 2,5 %. Avec une participation de 77,4 % des citoyens, c’est un succĂšs pour le gouvernement mĂȘme si cela ressemble Ă  un score plĂ©biscitaire et que l’opposition est donnĂ©e une consigne d’abstention. Pour sa part, Adolfo Suarez s’empressa de dĂ©clarer qu’il n’y eu ni vainqueur ni vaincu et que seule la dĂ©mocratie Ă©tait sortie victorieuse du rĂ©fĂ©rendum. Cependant en Guipuzcoa et en Biscaye, l’abstention est supĂ©rieure Ă  50%.

La transition négociée et le cas du parti communiste

Alors que le gouvernement s’apprĂȘte Ă  recevoir la commission des neufs, Santiago Carrillo est arrĂȘtĂ© alors qu’il sort d’une rĂ©union politique du PCE, le . Stupeur et gĂȘne absolu, que faire de ce prisonnier trĂšs encombrant sans mettre le feu Ă  l’opposition et sans se laisser dĂ©border par la Droite ?* D’autant que selon la loi encore en vigueur, ĂȘtre ou se dĂ©clarer communiste est passible de prisons, sans jugement. AprĂšs moult hĂ©sitations, Suarez propose Ă  Carrillo entre l’exil ou le passage devant le tribunal d’ordre public. Carrillo choisit la seconde, panique. Le , un conseil des ministres extraordinaire se rĂ©unit, approuve la libĂ©ration de Carrillo ainsi que la suppression du Tribunal d’ordre public devant lequel Santiago Carrillo est inculpĂ©, enfin ĂȘtre ou se dĂ©clarer communiste entraine toujours une inculpation mais plus Ă  la prison sans jugement prĂ©alable [20]. Par cet acte, la question de la lĂ©galisation du Parti communiste espagnol est posĂ©e et la libĂ©ration de son leader fait de lui un politique courtisĂ© par une bonne partie de la classe politique naissante et discrĂštement protĂ©gĂ© par la police [21]

Symbole décrivant l'usage, explicité ci-aprÚs Drapeau basque appelé Ikurriña.

Le , l’ikurrina, le drapeau nationaliste basque, dont l'usage Ă©tait interdit depuis un dĂ©cret pris par Franco en 1937, est dĂ©sormais tolĂ©rĂ©.

Du 23 au 28 janvier 1977 se dĂ©roule Ă  Madrid un ensemble d'Ă©vĂšnements tragiques, Ă  dominante terroriste : le , un Ă©tudiant est tuĂ© par un activiste d'extrĂȘme droite lors d'une manifestation pro-amnistie. Le lendemain, le groupe GRAPO enlĂšve le lieutenant gĂ©nĂ©ral Viallaescusa Quilis, prĂ©sident du Conseil supĂ©rieur de justice militaire. Quelques heures plus tard, une Ă©tudiante dĂ©cĂšde dans une manifestation, percutĂ©e par une grenade lacrymogĂšne lors d'une charge policiĂšre. Plus tard, dans la soirĂ©e, une bande d’individus armĂ©s de mitraillettes pĂ©nĂštre dans un cabinet d’avocats, spĂ©cialisĂ© dans le droit du Travail et proche du parti Communiste, tuant Ă  bout portant 5 personnes et en blessant gravement quatre.

Les funĂ©railles des victimes, suivies par des dizaines de milliers de personnes, donnent au Parti Communiste l’occasion de fournir la preuve non seulement de sa force mais aussi de sa modĂ©ration. La manifestation pacifique contre les violences terroristes et de l’ultra-droite met Suarez face Ă  une Ă©vidence : comment doter les Ă©lections de juin d’une crĂ©dibilitĂ© dĂ©mocratique sans le PCE. Ses ministres les plus proches, Osorio et Martin Villa, sont du mĂȘme avis ainsi que le Roi [22].

Le , le GRAPO frappe à nouveau en assassinent 4 membres des forces de sécurité. Leurs enterrements donnent lieu à de vifs incidents provoqués par les sympathisants du bunker- vivas à Franco, salut phalangiste, slogans hostiles au communisme, au gouvernement, aux Francs-maçons, intonation du Cara al sol- et bousculant le vice-président du gouvernement, le général Guitiérez Mellado, accusé de trahison par la foule[23]

Le , Suarez transmet, via sa directrice de cabinet, Carmen Diez de Rivera, une demande de rencontre Ă  Santiago Carrillo, tout en prĂ©cisant que la lĂ©galisation de tous les partis politique Ă©tait un sujet complexe et qu’il subissait d’énormes pressions pour faire Ă©chouer le processus.

Le , sur la demande du PSOE [20], le gouvernement publie un nouveau dĂ©cret-loi [24] qui octroie au seul Tribunal SuprĂȘme la capacitĂ© de refuser l’inscription d’un parti politique au registre des associations. Le ministĂšre de l’intĂ©rieur peut diffĂ©rer la lĂ©galisation d’un parti, mais non la refuser [20].

Le , le PSOE-intĂ©rieur et le PSOE-historique prĂ©sentĂšrent leur demande de lĂ©galisation. Le lendemain, le PCE fit de mĂȘme, aprĂšs avoir rĂ©Ă©crit ses statuts sans en rĂ©fĂ©rer Ă  ses militants. Le ministĂšre de l’intĂ©rieur refusa et transmit le dossier au Tribunal suprĂȘme. Entre-temps eut lieu un incident imprĂ©vu : le , prĂ©textant son opposition Ă  la lĂ©galisation du PSOE-historique, le PSOE-intĂ©rieur quitte la commission de nĂ©gociation avec le gouvernement. Ce qui incita SuĂĄrez Ă  accĂ©lĂ©rer sa rencontre avec Santiago Carrillo, se disant convaincu qu'en obtenant que le PCE reconnaisse publiquement la monarchie et le drapeau « rojo y oro », il placerait les socialistes de l'intĂ©rieur dans une position difficile, puisque c'Ă©tait la vraie raison de leurs dĂ©parts de la commission des neufs.

La rencontre a lieu dans les faubourgs de Madrid, le . Aux revendications de Suarez, Carrillo lui rĂ©torque : ” [
] pour nous, l'essentiel c'est la dĂ©mocratie. Si dans les conditions actuelles le roi la rĂ©tablit, nous pourrons nous intĂ©grer dans une monarchie constitutionnelle. Nous sommes rĂ©publicains, mais non comprenons que si le roi joue un rĂŽle charniĂšre entre la dictature et la dĂ©mocratie, il aura crĂ©Ă© une situation de fait, irrĂ©versible.” [25]. RassurĂ© mais ne faisant aucune promesse, Suarez autorise cependant l'organisation Ă  Madrid les 2 et 3 mars, d'un sommet eurocommuniste auquel sont conviĂ©s Enrico Berlinguer et Georges Marchais [26]. Suarez attendit le verdict du tribunal suprĂȘme mais le , le tribunal se dĂ©clara incompĂ©tent en la matiĂšre, mettant ainsi le gouvernement dans une situation dĂ©licate. Il Ă©tait dĂ©sormais clair que la lĂ©galisation du PCE ne pourrait relever que d’une dĂ©cision politique. AprĂšs avoir obtenu l’accord du roi, Suarez prĂ©para minutieusement l’opĂ©ration qui devait ĂȘtre menĂ©e dans des conditions telles que les adversaires de la lĂ©galisation n’ait pas le temps de rĂ©agir. AprĂšs avoir mis au courant ses principaux ministres (Osorio, Garcia Lopez, Landellino lavilla, Martin Villa, Gutierrez Mellado) il prend la dĂ©cision de lĂ©galiser le PCE le , samedi saint oĂč l’activitĂ© politico-mĂ©diatique est moindre. Ce qui n’empĂȘche pas un large parti du spectre post-franquiste de la droite conservatrice de manifester sa plus vive dĂ©sapprobation [25] comme ABC ou Manuel Fraga. L’armĂ©e aussi, proteste en la personne du ministre de la marine, l’amiral Pita de la Veiga, qui dĂ©missionne le . Le lendemain, le comitĂ© central du PCE reconnait la monarchie et le drapeau rouge et or[25]. Ce qui, lĂ  non plus, ne se fit pas sans quelques remous [27].

MalgrĂ© cette Ă©tape dĂ©cisive, l’approche du revĂȘt encore d’un enjeu symbolique fort, si bien qu’à peine lĂ©galisĂ©s le , les syndicats se voient dans l'impossibilitĂ© d’organiser des manifestations ou des dĂ©filĂ©s le 1er mai par le ministĂšre de l’intĂ©rieur. S'il y a des nĂ©gociations ici ou lĂ  avec des gouverneurs civils, les consignes trĂšs sĂ©vĂšres du ministre de l’intĂ©rieur entrainent des crispations et des affrontements. Madrid et Barcelone seront les plus touchĂ©es par ces affrontements. Pourtant certains rassemblements se dĂ©roulent dans le calme comme l’hommage Ă  Pablo Iglesias organisĂ© par l’UGT Ă  Madrid [28].

Le , considérant le débat sur la légalisation des parties clos, Adolfo Suàrez annonce à la télévision la date des prochaines élections générales, le , ainsi que de sa propre candidature.

Notes et références

Notes

  1. Malgré son discours de couronnement plutÎt libéral.
  2. La retransmission de l’émission se fait depuis son domicile.
  3. les délits de presse et d'imprimerie, de propagande illégale, de réunion et de manifestation illicites, mais aussi les injures, outrages et calomnies
  4. pas seulement les dĂ©lits dirigĂ©s contre l'Ă©tat ou ses institutions mais tous ceux au « caractĂšre politico social », c'est-Ă -dire commis contre la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure et extĂ©rieure de l'Ă©tat

Références

  1. (es) Espagne. « Real Decreto 1607/1976, de 7 de julio, por el que se nombran los Ministros del Gobierno. » [lire en ligne (page consultée le )].
  2. Marcel Niedergang, « Le Roi Juan Carlos prĂȘte serment devant les cortes », sur Le Monde, Le Monde, (consultĂ© le ).
  3. Philippe Noury, Juan Carlos, Ă©dition Tallandier P-265/266
  4. Francisco Campuzano, L'Ă©lite Franquiste et la sortie de la dictature, l'Harmatan, P-167
  5. Marcel Niedergang, « M.Arias Navarro », sur Le Monde, Le Monde, (consulté le )
  6. Marcel Niedergang, « AprÚs la prise de position du Comte de Barcelone le souverain doit faire face sur plusieurs fronts », sur Le Monde, (consulté le )
  7. Thierry Maurice, La transition démocratique, Presses universitaires de Rennes, P-145
  8. Ricardo de la Cierva, « ¥Qué error, qué inmenso error! », sur El País, (consulté le ).
  9. Philippe Noury, Juan Carlos, Ă©dition Tallandier P-257
  10. Thierry Maurice, La Transition démocratique, Presses universitaires de Rennes, P-129
  11. Francisco Campuzano, L'Ă©lite Franquiste et la sortie de la dictature, l'Harmatan, P-174
  12. (es) Espagne. « Real Decreto 2216/1976, de 22 de septiembre, por el que se dispone el cese del Ministro sin cartera y Vicepresidente primero del Gobierno, don Fernando Santiago y Díaz de Mendivil. » [lire en ligne (page consultée le )].
  13. (es) Espagne. « Real Decreto 2217/1976, de 22 de septiembre, por el que se nombra Ministro sin cartera y Vicepresidente primero del Gobierno para Asuntos de la Defensa a don Manuel Gutiérrez Mellado. » [lire en ligne (page consultée le )].
  14. (es) Espagne. « Real Decreto 854/1977, de 14 de abril, por el que se dispone el cese de don Gabriel Pita da Veiga y Sanz como Ministro de Marina. » [lire en ligne (page consultée le )].
  15. (es) Espagne. « Real Decreto 855/1977, de 14 de abril, por el que se nombra Ministro de Marina a don Pascual Pery Junquera. » [lire en ligne (page consultée le )].
  16. (es) Espagne. « Real Decreto 773/1977, de 23 de abril, por el que se dispone el cese de don Leopoldo Calvo-Sotelo y Bustelo como Ministro de Obras PĂșblicas. » [lire en ligne (page consultĂ©e le )].
  17. (es) Espagne. « Real Decreto 1019/1977, de 10 de mayo, por el que se nombra Ministro de Obras PĂșblicas a don Luis Ortiz GonzĂĄlez. » [lire en ligne (page consultĂ©e le )].
  18. Angelo HĂŒsler, Du Franquisme Ă  la dĂ©mocratie, L’Age d’Homme, P-82
  19. autoriser par Adolfo Suarez="n"
  20. Sophie Baby, Le mythe de la transition pacifique, Casa de Velazquez, P-270/271
  21. Philippe Noury, Juan Carlos, Ă©dition Tallandier P-303
  22. Francisco Campuzano, L'Ă©lite Franquiste et la sortie de la dictature, l'Harmatan, P-167/168
  23. Sophie Baby, Le mythe de la transition pacifique, Casa de Velazquez, P-184
  24. (es) Espagne. « Real Decreto-ley 2/1977, de 4 de enero, por el que se suprimen el Tribunal y Juzgados de Orden PĂșblico y se crean en Madrid dos nuevos Juzgados de InstrucciĂłn » [lire en ligne (page consultĂ©e le )].
  25. Francisco Campuzano, L'Ă©lite Franquiste et la sortie de la dictature, l'Harmatan, P-229/230/231
  26. Thierry Maurice, La Transition DĂ©mocratique, Presses universitaires de Rennes, P-181
  27. Thierry Maurice, La Transition démocratique, Presses universitaires de Rennes, P-187
  28. Sophie Baby, Le mythe de la transition pacifique, Casa de Velazquez, P-259

Sources

  • Philippe Nourry, Juan Carlos : Une histoire exemplaire, Paris, Tallandier, 1986-2011, 485 p. (ISBN 978-2-84734-793-7) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Francisco Campuzano (prĂ©f. Guy Hermet), L'Ă©lite Franquiste et la sortie de la dictature, Paris, l'Harmattan, , 263 p. (ISBN 2-7384-5888-2) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Thierry Maurice, La Transition DĂ©mocratique : l'Espagne et ses ruses mĂ©morielles, 1976-1982, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 413 p. (ISBN 978-2-7535-2232-9) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Sophie Baby, Le Mythe de la Transition Pacifique : Violence et Politique en Espagne (1975-1982), Madrid, Casa de VelĂĄzquez, , 527 p. (ISBN 978-84-9096-082-0) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Angelo HĂŒsler, Du Franquisme Ă  la DĂ©mocratie : effondrement ou Ă©volution d’un rĂ©gime ?, Lausanne, L’Age d’Homme, (ISBN 2-8251-1833-8) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Annexes

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