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Samson Pirtskhalava

Samson Pirtskhalava (სამსონ ჀირáƒȘჼალავა en gĂ©orgien) Ă©tait un publiciste et homme politique gĂ©orgien nĂ© le en GĂ©orgie (Ă  l’époque annexĂ©e par l’Empire russe) et dĂ©cĂ©dĂ© durant les premiers jours de l’annĂ©e 1952 sur le chemin de la dĂ©portation en Asie centrale (Ă  l’époque en URSS).

De 1919 Ă  1921, il fut dĂ©putĂ© et vice-prĂ©sident de l’AssemblĂ©e constituante de la RĂ©publique dĂ©mocratique de GĂ©orgie[1].

Contexte historique

Au XIXe siĂšcle, le territoire gĂ©orgien est progressivement annexĂ© par l’’Empire russe ; la KakhĂ©tie et la Kartlie le sont dĂšs 1801, l’ImĂ©rĂ©thie Ă  partir de 1810, l’Abkhazie, la SvanĂ©tie et les autres provinces ensuite. Les rĂ©gimes autoritaires des tsars Alexandre Ier et Nicolas Ier donnent au vice-roi du Caucase, installĂ© Ă  Tiflis, des forces militaires d’intervention : les rĂ©voltes spontanĂ©es — notamment dans l’ouest de la GĂ©orgie — sont ainsi rapidement rĂ©primĂ©es. En 1855, le couronnement du tsar Alexandre II apporte un peu de libĂ©ralisme ; l’enseignement est rĂ©formĂ© (crĂ©ation des collĂšges et des lycĂ©es en 1864).

Biographie

Naissance et Ă©tudes (1872-1898)

Samson Pirtskhalava naĂźt dans une famille paysanne, sur la rive gauche de la riviĂšre Tskhenis-Tskhali, dans le village de Matkhoki du district de Khoni. Il reçoit un dĂ©but d’alphabĂ©tisation de la part de ses frĂšres aĂźnĂ©s, puis bĂ©nĂ©ficie de l’enseignement donnĂ© par le diacre du village ; il est envoyĂ© ensuite au collĂšge de Khoni, intĂšgre en 1889 le lycĂ©e de KoutaĂŻssi et en sort en 1893. Lorsqu’il rejoint la FacultĂ© de droit de Saint-PĂ©tersbourg, le tsar Alexandre III, en fin de rĂšgne, a dĂ©fait toutes les rĂ©formes libĂ©rales de son pĂšre Alexandre II et a durci la position du pouvoir russe vis-Ă -vis des peuples associĂ©s. Rapidement Samson Pirtskhalava s’imprĂšgne des idĂ©es d’éveil national circulant d’une maniĂšre souterraine dans l’Empire russe (Pologne, Ukraine, Pays baltes, Finlande, 
) et dĂ©veloppĂ©es en Europe de l’Ouest. De retour en GĂ©orgie, en 1898, il s’est dĂ©jĂ  dotĂ© d’un rĂ©seau d’amitiĂ© rassemblant des personnalitĂ©s qui joueront un rĂŽle important dans la constitution du mouvement national gĂ©orgien comme Zourab Avalichvili (1876-1944) futur diplomate de la RĂ©publique dĂ©mocratique de GĂ©orgie, ou Ivane Djavakhichvili (1876-1940) , futur fondateur de l’UniversitĂ© d'État de Tbilissi.

PremiĂšres actions politiques (1898-1910)

AprĂšs diverses activitĂ©s Ă  KoutaĂŻssi et Tchiatoura, il rejoint la capitale Tiflis en 1901. Sous couvert d’études littĂ©raires, les intellectuels gĂ©orgiens publient leurs positions politiques dans la presse gĂ©orgienne, parfois officielle, souvent clandestine. Deux grands courants les divisent, le mouvement social- dĂ©mocrate[Note 1] et le mouvement social-fĂ©dĂ©raliste[Note 2].

ParallĂšlement Ă  ses articles dans le journal Iveria, Samson Pirtskhalava est l’un des promoteurs du Parti social-fĂ©dĂ©raliste gĂ©orgien, dont il met en forme le programme politique. De 1902 Ă  1910, il assure Ă  la fois la direction de la SociĂ©tĂ© pour l’alphabĂ©tisation des GĂ©orgiens et des fonctions de bibliothĂ©caire. En 1905, les mouvements sociaux et politiques engagĂ©s Ă  Saint PĂ©tersbourg gagnent le Caucase : la prĂ©sence de troupes russes Ă  Tiflis, l’action de l’Okhrana — la police politique du tsar Nicolas II —, la division politique et les promesses du gouvernement tsariste (suppression de la dette paysanne et octroi d’une constitution) conduisent Ă  l’échec des rĂ©volutionnaires. Les dĂ©putĂ©s de la Douma russe Ă©lus sur le territoire gĂ©orgien et siĂ©geant de 1906 Ă  1917, appartiendront presque exclusivement au Parti social-dĂ©mocrate, plus structurĂ© que le Parti social-fĂ©dĂ©raliste. En 1906, il participe Ă  la rĂ©daction du journal Glekhi (Paysan), tout en assurant la vice-prĂ©sidence du Parti social-fĂ©dĂ©raliste oĂč il reprĂ©sente la tendance modĂ©rĂ©e, dite de droite, opposĂ©e aux agressions Ă  main armĂ©e destinĂ©es Ă  l’acquisition des fonds nĂ©cessaires Ă  l’action militante. En 1907, il est co-auteur du livre Mort et enterrement d’Ilia TchavtchavadzĂ©. En 1908, il est Ă©lu secrĂ©taire du ComitĂ© du jubilĂ© d’Akaki Tsereteli.

Exil dans l’Empire russe (1910-1913)

Sous l’impulsion de l’Okhrana, il est arrĂȘtĂ© et exilĂ© en 1910 Ă  Tver, dans le nord de la Russie, puis autorisĂ© Ă  revenir en 1913 sur le territoire gĂ©orgien.

Premier retour en GĂ©orgie (1913-1917)

Il mĂšne de front ses activitĂ©s littĂ©raires et politiques. Il se lance dans la rĂ©daction d’ouvrages historiques, Thamar MĂ©pĂ© (La Reine Thamar), L'ancienne MeskhĂ©tie, 
) et poĂ©tiques (dont une anthologie en 1914). De 1917 Ă  1921, il dirige le journal Sakhalkho SakmĂ© (L’affaire du peuple). En 1918, il publie le livre Eri da Erovnoba (Nation et nationalitĂ©).

Républiques transcaucasienne et géorgienne (1918-1921)

En fĂ©vrier 1918, il participe Ă  la crĂ©ation de la RĂ©publique dĂ©mocratique fĂ©dĂ©rative de Transcaucasie qui a pour vocation d’administrer les territoires armĂ©nien, azerbaĂŻdjanais et gĂ©orgien ; comme la majoritĂ© des GĂ©orgiens sociaux-fĂ©dĂ©ralistes (ou sociaux-dĂ©mocrates de tendance menchĂ©vique), comme la majoritĂ© des ArmĂ©niens du Parti dachnaktsoutioun et comme la majoritĂ© des AzerbaĂŻdjanais du Parti Moussavat, il soutient l’autonomie des nations fĂ©dĂ©rĂ©es au sein de la rĂ©publique transcaucasienne, il souhaite la reconquĂȘte par les voies dĂ©mocratiques des territoires de l’ex-Empire russe et espĂšre la fondation d’une fĂ©dĂ©ration globale rĂ©unissant toutes les nations de l’ex-Empire russe. Il est particuliĂšrement sensible au projet de rĂ©forme agricole prĂ©sentĂ© Ă  l'AssemblĂ©e parlementaire transcaucasienne en fĂ©vrier 1918 par NoĂ© KhomĂ©riki, ministre de l'agriculture dans le gouvernement transcaucasien d'EvguĂ©ni GuĂ©guĂ©tchkori et proposant de redistribuer la terre aux paysans sous forme de propriĂ©tĂ©s privĂ©es, Ă  l'exception des forĂȘts, des riviĂšres et de pĂąturages restant propriĂ©tĂ© partagĂ©e.

Devant la divergence des intĂ©rĂȘts armĂ©niens et azerbaĂŻdjanais, et la menace territoriale immĂ©diate de l’Empire ottoman, Samson Pirtskhalava cosigne le l’acte de restauration de l’indĂ©pendance de la GĂ©orgie. Il sera successivement membre du Conseil national, de l’assemblĂ©e parlementaire provisoire, de l’AssemblĂ©e constituante et du Parlement gĂ©orgiens (dont il assure la vice-prĂ©sidence au titre du Parti social-fĂ©dĂ©raliste). Du au , il soutient les deux gouvernements d’union nationale, rĂ©unissant sociaux-dĂ©mocrates, sociaux-fĂ©dĂ©ralistes et nationaux-dĂ©mocrates. À l’issue des Ă©lections parlementaires de fĂ©vrier 1919, il rejoint l’opposition, le Parti social-fĂ©dĂ©raliste arrivant en 2e position et ayant remportĂ© 8 siĂšges sur 130.

Exil en France (1922 -1948)

AprĂšs l’invasion du territoire de la RĂ©publique dĂ©mocratique de GĂ©orgie par les armĂ©es de la Russie soviĂ©tique, en fĂ©vrier 1921, aprĂšs la chute de Tbilissi, de KoutaĂŻssi et de Batoumi, il embarque le avec la classe politique sur le navire français Ernest Renan Ă  destination de Constantinople. En 1922, il rejoint le domaine gĂ©orgien de Leuville-sur-Orge, prĂšs de Paris, achetĂ© avec l’argent de l’État gĂ©orgien, domaine qui comptera un maximum de 31 rĂ©sidents permanents[2] - [Note 3].

En 1926, il devient l’un des 7 propriĂ©taires des lieux[Note 4]. Il publie de 1926 Ă  1935 le journal du Parti social-fĂ©dĂ©raliste en exil[3] - [Note 5], ainsi que de nombreux ouvrages dont Historiouli Landebi (Voies historiques) en 1934, Ambavta da Sakmeta Molodinchi (Attente de l’histoire et des affaires) en 1935, Thamar MĂ©pĂ© (La Reine Thamar) en 1939, Kartvelta Tsinaprebi da Mati Monatesave Tomebi Tsina Asiachi (Les ancĂȘtres des GĂ©orgiens et leurs apparentĂ©s en Asie mineure) en 1947[1].

ParallĂšlement il enseigne la langue gĂ©orgienne Ă  la gĂ©nĂ©ration d’enfants issus de l’émigration[4] - [Note 6], en particulier Ă  Georges CharachidzĂ© qui deviendra linguiste et professeur Ă  l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris[5].

Le dĂ©cĂšs de certains hommes politiques gĂ©orgiens en exil (Nicolas TchkhĂ©idzĂ© en 1926, NoĂ© Ramichvili en 1930), la dĂ©localisation progressive vers Paris des autres et le retour Ă  Tbilissi en 1945 d’EkvtimĂ© Takhaichvili font de Samson Pirtskhalava le dernier chef de file historique rĂ©sidant pleinement Ă  Leuville-sur-Orge. Le tarissement des ressources financiĂšres, les divisions de l’émigration, l’infiltration tour Ă  tour des agents nazis et des agents soviĂ©tiques[6], le peu de perspective de voir la GĂ©orgie libĂ©rĂ©e, les appels de Staline (et de Beria) au retour dans la patrie le dĂ©cident Ă  revenir en GĂ©orgie[Note 7].

Avant de partir, il laisse une lettre Ă  ses anciens Ă©lĂšves : Mes chers disciples, petits GĂ©orgiens loin de leur patrie, je vous quitte, je rentre en GĂ©orgie, mon cƓur brĂ»le, les larmes viennent Ă  mes yeux. Chers amis si merveilleux qui m’ont rendu tant heureux par votre gentillesse, vous aviez hĂąte de lire et d’écrire la langue gĂ©orgienne ; je vous racontais des histoires gĂ©orgiennes que vous Ă©coutiez avec respect et amour. Restez dĂ©finitivement gĂ©orgiens, aimez la GĂ©orgie, notre patrie[4].

DeuxiĂšme retour en GĂ©orgie (1948-1951)

En 1948, à 76 ans, il retrouve sa terre natale, et occupe un poste de bibliothécaire au Musée national de Tbilissi.

Exil en Union soviétique et mort (1952)

AprĂšs trois annĂ©es de rĂ©adaptation difficile, le pouvoir soviĂ©tique l’envoie le 25 dĂ©cembre 1951 vers une nouvelle dĂ©portation : il meurt dans les premiers jours de l’annĂ©e 1952 sur le chemin de l’Asie centrale.

L’homme

Humaniste, passeur de culture gĂ©orgienne (dont la langue), soucieux de l’équitĂ© sociale (en particulier vis-Ă -vis de la classe paysanne), idĂ©aliste déçu et initiateur avec beaucoup d’autres de la restauration de l’indĂ©pendance de la GĂ©orgie, meurtri par 27 annĂ©es d’exil loin de sa patrie (et par les divisions qui les ont accompagnĂ©), Samson Pirtskhalava, au crĂ©puscule de sa vie, s’oblige Ă  croire aux promesses du rĂ©gime soviĂ©tique : il en est finalement l’une des innombrables victimes.

Notes et références

Notes

  1. Le Parti ouvrier social-dĂ©mocrate gĂ©orgien est marxiste, se rĂ©fĂ©rant plutĂŽt Ă  la classe ouvriĂšre; en 1903, il se divise en deux tendances, d’une part les bolcheviks partisans de la dictature du prolĂ©tariat, d’autre part les mencheviks partisans d’un rĂ©gime parlementaire.
  2. Le Parti social-fĂ©dĂ©raliste gĂ©orgien n’est pas marxiste, il se rĂ©fĂšre plutĂŽt Ă  la classe paysanne. Il prend naissance en 1901 avec IvanĂ© AbachidzĂ©, Chalva Alexis-Meskhichvili, Andro DĂ©kanozichvili, Guiorgui DĂ©kanozichvili, Artchil DjordjadzĂ©, Guiorgui Laskhichvili, Samson Pirtskhalava, Tedo Sokhia et Varlam TcherkĂ©zichvili. Il prĂŽne le remplacement de l’Empire russe par une fĂ©dĂ©ration de nations disposant d’une pleine autonomie d’administration et partageant les affaires Ă©trangĂšres et la dĂ©fense. Il participe aux CongrĂšs du socialisme international, notamment lors de l’accord de Paris en novembre 1904 qui dĂ©finit une plate-forme d’opposition au rĂ©gime tsariste (il y est reprĂ©sentĂ© par Guiorgui Dekanozichvili et Aleksandre Gabunia) .
  3. Les archives du dĂ©partement de l’Essonne indiquent un maximum de 31 personnes comme rĂ©sidents permanents du domaine gĂ©orgien de Leuville-sur-Orge, maximum atteint en 1926.
  4. La propriĂ©tĂ© du domaine gĂ©orgien de Leuville-sur-Orge, achetĂ© avec l’argent de la RĂ©publique dĂ©mocratique de GĂ©orgie, est rĂ©partie entre sept hommes politiques — cinq sociaux-dĂ©mocrates, un national-dĂ©mocrate et un social-fĂ©dĂ©raliste — afin que l’Union soviĂ©tique ne puisse pas en rĂ©clamer le retour au titre de la continuitĂ© d'État.
  5. Le journal du Parti social-fĂ©dĂ©raliste en exil Sakhalkho Sakme (L’affaire du peuple), dont le rĂ©dacteur en chef est Samson Pirtskhalava, accueille les articles de Bedi Goliadze, Simon Leonidze, Vakhtang Meskhi, Pilipe Sharadze et Aleksandre Shatirishvili.
  6. Selon le tĂ©moignage de Thamaz Naskhidachvili, prĂ©sident de l’Association gĂ©orgienne en France de 1981 Ă  1986, Samson Pirtskhalava enseigne la langue gĂ©orgienne durant les annĂ©es 1930 et 1940, Ă  Leuville-sur-Orge, aux enfants issus de l’émigration
  7. Le titre de propriĂ©tĂ© du domaine gĂ©orgien de Leuville-sur-Orge attribuĂ© Ă  Samson Pirtskhalava, au nom du Parti social-fĂ©dĂ©raliste en exil, disparaĂźt aprĂšs son retour en GĂ©orgie et semble revenir comme celui d’EkvtimĂ© Takhaichvili, aux cinq autres propriĂ©taires (tous membres du Parti social-dĂ©mocrate en exil) ; il rĂ©apparait quelques annĂ©es plus tard, des hĂ©ritiers en GĂ©orgie l’ayant cĂ©dĂ©, devant notaire, Ă  un Ă©migrĂ© gĂ©orgien en France.

Références

  1. (ka) « სამსონ ჀირáƒȘჼალავა », sur áƒĄáƒáƒ„áƒáƒ áƒ—áƒ•áƒ”áƒšáƒáƒĄ პარლამენჱის ეროვნული ბიბლიოთეკა.
  2. Archives dĂ©partementales de l’Essonne, « L’immigration et la sociĂ©tĂ© française au XXe siĂšcle. Les GĂ©orgiens de Leuville-sur-Orge ».
  3. (en) Irma Ratiani, « Literature in Exile. Emigrants' Fiction 20th Century Experience », sur Cambridge Scholars Publishing, (ISBN 978-1-4438-9710-5), p. 408.
  4. Thamaz Naskhidachvili, « Samson Pirtskhalava (1872 - 1952), vice-président de l'Assemblée constituante », sur Colisée, .
  5. Mirian Méloua, « Georges Charachidzé (1930-2010), linguiste et historien du Caucase, d'origine géorgienne », sur Colisée, .
  6. Françoise Thom, « Beria :le Janus du Kremlin », sur Edition du Cerf, , p. 335.
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