Contexte avant la course
Le championnat du monde
Ayant succédé en 1973 au championnat international des marques (en vigueur de 1970 à 1972), le championnat du monde des rallyes se dispute sur un maximum de treize manches, comprenant les plus célèbres épreuves routières internationales, telles le Rallye Monte-Carlo, le Safari ou le RAC Rally. Depuis 1979, le championnat des constructeurs a été doublé d'un championnat pilotes, ce dernier remplaçant l'éphémère Coupe des conducteurs, organisée à seulement deux reprises en 1977 et 1978. Le calendrier 1983 intègre douze manches pour l'attribution du titre de champion du monde des pilotes dont dix sélectives pour le championnat des marques (le Rallye de Suède et le Rallye de Côte d'Ivoire en étant exclus). Les épreuves sont réservées aux catégories suivantes :
- Groupe N : voitures de grande production de série, ayant au minimum quatre places, fabriquées à au moins 5000 exemplaires en douze mois consécutifs ; modifications très limitées par rapport au modèle de série (bougies, amortisseurs).
- Groupe A : voitures de tourisme de grande production, fabriquées à au moins 5000 exemplaires en douze mois consécutifs, avec possibilité de modifications des pièces d'origine ; poids minimum fonction de la cylindrée.
- Groupe B : voitures de grand tourisme, fabriquées à au moins 200 exemplaires en douze mois consécutifs, avec possibilité de modifications des pièces d'origine (extension d'homologation portant sur 10% de la production).
- En outre, les anciennes voitures des groupes 2 (tourisme spécial) et 4 (grand tourisme spécial) sont admises à participer aux manches mondiales, mais leurs résultats ne seront pas pris en compte dans le cadre du championnat[2].
Champion du monde des constructeurs en 1982 avec la Quattro groupe 4 à transmission intégrale, Audi remet son titre en jeu après avoir adapté sa voiture à la nouvelle réglementation groupe B. La concurrence est toutefois plus cette année, la Scuderia Lancia disposant, avec sa Rally 037 spécialement conçue pour la course, d'une arme particulièrement efficace sur asphalte. À l'issue des quatre premières manches, la marque italienne, grâce à la victoire de Walter Röhrl au Rallye Monte-Carlo et à celle de Markku Alén au Tour de Corse, a pris une courte avance sur sa concurrente allemande qui compte bien profiter des nombreuses épreuves sur terre pour reprendre l'avantage. Vainqueur du Rallye de Suède (manche ne comptant pas pour l'attribution du titre des constructeurs) et de celui du Portugal, Hannu Mikkola, premier pilote Audi, devance nettement Röhrl et Alén au classement provisoire du championnat des conducteurs.
L'épreuve
Disputé depuis 1953, le Rallye de l'Acropole est l'un des plus éprouvants rallyes européens, équipages et mécaniques rencontrant de nombreuses difficultés sur les pistes grecques, devant affronter ornières, poussière et boue sur un terrain mettant à mal pneumatiques, suspensions et transmission, pilotes et copilotes souffrant en outre de la chaleur intense régnant dans l'habitacle des voitures[3]. Le taux d'abandons y est très élevé, les trois quarts des engagés ne parvenant généralement pas au terme de l'épreuve. Victorieuse en 1982 sur son Audi Quattro, Michèle Mouton avait démontré les bénéfices de la transmission intégrale sur ce type de parcours.
Les forces en présence
Une Audi Quattro A2 lors d'une manifestation historique.
Le constructeur d'Ingolstadt a engagé trois Quattro A2 groupe B à transmission intégrale pour Hannu Mikkola, Michèle Mouton et Stig Blomqvist, qui participe pour la première fois au Rallye de l'Acropole. En configuration terre, ces coupés pèsent plus de 1100 kg. Ils sont dotés d'un moteur cinq cylindres vingt soupapes de 2109 cm3 à injection Bosch et suralimenté par un turbocompresseur KKK[2]. Avec une pression du turbo légèrement réduite pour l'épreuve grecque, la puissance maximale est de 340 chevaux à 7000 tr/min. En plus des trois voitures officiellement engagées par l'usine, exclusivement chaussées de pneus Michelin, l'importateur autrichien d'Audi aligne une Quattro A1 (version précédente de ce modèle, un peu plus lourde), confiée à Franz Wittmann, qui pourra disposer, de pneus Kléber ou de Michelin[6].
La Scuderia Lancia aligne trois Rally 037 groupe B pour Walter Röhrl, Markku Alén et Attilio Bettega. Conçues exclusivement pour la compétition, ces berlinettes de 970 kg sont équipées d'un moteur de quatre cylindres de 1995 cm3 placé en position centrale arrière. Muni d'une injection mécanique Bosch Kügelfischer et suralimenté par un compresseur volumétrique Abarth, il développe 310 chevaux à 8000 tr/min. Les Lancia utilisent des pneus Pirelli[5].
Nissan Europe est présent avec trois coupés 240RS groupe B, confiés à Timo Salonen, Shekhar Mehta et Iórgis Moschous. Ces voitures de 1050 kg sont dotées d'un moteur quatre cylindres de 2340 cm3 alimenté par deux carburateurs double corps Solex, développant 250 chevaux. Elles utilisent des pneus Dunlop de fabrication japonaise[2].
Trois Opel Manta 400 groupe B seront au départ.
L'écurie Rothmans aligne trois Opel Manta 400 groupe B pour Ari Vatanen, Henri Toivonen et Jimmy McRae. Pesant 980 kg, ces coupés reprennent la mécanique de la précédente Ascona 400 : moteur quatre cylindres de 2420 cm3 développé par Cosworth, deux carburateurs double corps, 270 chevaux. Ils utilisent des pneus Michelin[2].
Jean Ragnotti dispose d'une Renault 5 Turbo groupe B engagée par Renault Sport. Elle pèse 925 kg ; son moteur quatre cylindres de 1397 cm3, en position centrale arrière, est alimenté par un système d'injection indirecte Bosch K-Jetronic et muni d'un turbocompresseur Garrett. Sa puissance maximale est de l'ordre de 285 chevaux. Ragnotti utilise des pneus Michelin[2].
Le constructeur français engage officiellement trois Citroën Visa Chrono groupe B pour Maurice Chomat, Philippe Wambergue et Christian Rio. Pesant moins de 800 kg, ces petites berlines sont munies d'un moteur quatre cylindres de 1434 cm3 alimenté par deux carburateurs Weber double corps. Leur puissance maximale, transmise aux roues avant, est de 140 chevaux à 7200 tr/min. Huit pilotes privés s'alignent sur des modèles identiques, les plus en vue étant Christian Dorche et Alain Coppier. Les Visa sont chaussées de pneus Michelin[2].
Déroulement de la course
Première étape
Victorieuse l'année précédente, Michèle Mouton a cette fois dû renoncer dès les premiers kilomètres de course.
Les cent vingt équipages s'élancent du pied de l'Acropole le lundi matin. Dès la première épreuve spéciale, Michèle Mouton heurte un rocher à l'intérieur d'une épingle et effectue un tonneau ; elle parvient à repartir mais l'Audi Quattro est sérieusement endommagée, le capot arrière (dans lequel est fixé le radiateur d'huile) tenant à peine. Une conduite d'huile se rompt peu après, et le moteur ne tarde pas à casser, provoquant l'abandon de l'équipage numéro un. Sur ce tronçon mixte (asphalte puis terre), les Lancia se montrent très à l'aise et Attilio Bettega prend la tête de la course devant son coéquipier Walter Röhrl. Hannu Mikkola a perdu plus de deux minutes et demie à cause d'une crevaison et c'est son coéquipier Stig Blomqvist qui est le mieux placé des pilotes Audi, le pilote suédois ne pointant toutefois qu'à la quatrième place, précédé par l'Opel de Jimmy McRae. Également retardé par une crevaison, Ari Vatanen est à plus de quatre minutes sur son Opel. Les Lancia confirment leur compétitivité dans le secteur suivant : Alén, qui avait perdu du temps au départ à cause de la poussière soulevée par les concurrents partis devant lui, y devance les Audi et remonte à la troisième place du classement général derrière Röhrl et Blomqvist. Vatanen a de nouveau perdu du temps, à cause d'un problème de freins, tandis que son coéquipier McRae a été retardé de plusieurs minutes à la suite d'ennuis d'alimentation d'essence. Retardé par un filtre à air obstrué sur sa Renault 5 Turbo, Jean Ragnotti a rétrogradé de la cinquième à la dixième place. Blomqvist est à son tour victime d'une crevaison dans le secteur d'Alikí, où il perd près de trois minutes ; les Lancia occupent désormais les trois premières places, Röhrl et Alén, au coude à coude, devançant Bettega. Mikkola est remonté à la cinquième place, juste derrière l'Opel d'Henri Toivonen. Ce dernier perd une roue dans le tronçon suivant et tombe à la onzième place, tandis qu'Alén s'empare du commandement de la course devant Röhrl. Exploitant au mieux les pistes de terre, les Audi vont dès lors s'avérer les plus rapides, Mikkola comblant rapidement son retard sur les Lancia. Dans le secteur de Sikea, disputée sous la pluie, Alén tombe en panne d'essuie-glace et perd une minute, cédant la première place à Röhrl. Ragnotti, qui occupait la dixième place, vient alors d'abandonner, goujons de roue cassés. Les pilotes Audi poursuivent leur remontée et, à l'issue de l'épreuve spéciale de Makrirahi, Mikkola prend la tête de la course, précédant Röhrl de quatre secondes ; le pilote allemand est désormais sous la menace de Blomqvist, qui a débordé Alén. Mikkola accentue rapidement son avance et rallie Kalambaka après près d'une demi-minute de marge sur la première Lancia. Tous deux ralentis par des crevaisons, Blomqvist et Alén ont concédé un peu de terrain mais conservent les troisième et quatrième places, seulement séparés de trois secondes. Cinquième, Bettega a perdu du temps à cause d'un échappement cassé et accuse près de cinq minutes de retard sur l'Audi de tête. Il devance les trois Opel de Vatanen, McRae et Toivonen.
Deuxième étape
Une Nissan 240 RS semblable à celle de Salonen, un des nombreux perdants de cette deuxième étape.
Les concurrents repartent de Kalambaka le mardi. D'emblée, les Audi confirment leur supériorité sur terre et Blomqvist s'empare bientôt de la deuxième place au détriment de Röhrl (qu'une crevaison a retardé) et commence à se rapprocher de Mikkola. Alors qu'il est revenu sur les talons de son coéquipier, il est cependant ralenti par un début d'incendie, puis par un problème de direction. La réparation lui coûte treize minutes de pénalisation routière, le faisant chuter à la septième place du classement général, derrière les Opel de Vatanen et Toivonen. Celui-ci fait le forcing au cours de la nuit et va profiter d'une double crevaison de Bettega pour accéder à la quatrième place, tandis que Mikkola a conforté sa position en tête, achevant l'étape avec une marge de trois minutes sur la Lancia de Röhrl et de six sur celle d'Alén. Malgré la casse d'une roue et une fin de parcours effectuée en partie sur la jante, Vatanen a rallié Lagonissi à la cinquième place, juste devant Blomqvist. Ayant dû faire remplacer la boîte de vitesses de sa Nissan, Timo Salonen s'est retrouvé hors délai, la réparation ayant pris beaucoup trop de temps et le pilote finlandais a dû renoncer. L'étape a été particulièrement difficile pour l'ensemble des équipages, seulement quarante-sept voitures restant en course.
Troisième étape
Les concurrents repartent de Lagonissi le mercredi soir, pour une boucle au cœur du Péloponnèse. Plusieurs pilotes se font piéger dès le premier tronçon chronométré : Toivonen sort de la route et doit renoncer ; Röhrl a également fait une incursion hors piste, mais sa Lancia n'est pas trop endommagée, et le pilote allemand a pu repartir, ayant perdu une minute et demie. Son retard sur Mikkola reste cependant inchangé, le Finlandais ayant perdu un temps équivalent à cause d'une crevaison. Blomqvist attaque sans relâche et se montre le plus rapide dans les six premières épreuves spéciales, à l'issue desquelles il est remonté à la quatrième place, après avoir débordé l'Opel de Vatanen. En tête, Mikkola, qui se contente de contrôler ses adversaires, compte alors un peu plus de deux minutes d'avance sur Röhrl et cinq sur Alén. Il semble avoir course gagnée, mais dans le secteur de Likohia une attache du capot arrière de l'Audi cède. Il fait toujours nuit aussi l'équipage ne s'en aperçoit-il pas. Le capot traîne par terre et le radiateur d'huile finit par se détacher ; le moteur n'est plus lubrifié et casse presque aussitôt. Mikkola doit renoncer, cédant le commandement à Röhrl. Le pilote allemand possède alors trois minutes et demie d'avance sur son coéquipier Alén. Désormais troisième, Blomqvist compte près d'un quart d'heure de retard et ne peut plus menacer les Lancia. Les positions sont acquises ; Röhrl remporte l'épreuve grecque pour la troisième fois et prend la tête du championnat du monde, Lancia accentuant son avance au classement des constructeurs. Troisième devant l'Opel de Vatanen et la Lancia de Bettega, Blomqvist permet toutefois à Audi de garder le contact avec la marque italienne. Auteur d'une course sage, Shekhar Mehta se classe sixième sur la seule Nissan officielle rescapée. Trente-six voitures ont rallié l'arrivée.
Classements intermédiaires
Classements intermédiaires des pilotes après chaque épreuve spéciale[5]
Première étape (ES1 à ES15) |
Deuxième étape (ES16 à ES32)
- La vingt-deuxième épreuve spéciale (Tsouka) a été annulée
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Troisième étape (ES33 à ES46) |
Classement général
Après la Corse, nouveau triomphe des Lancia Rally 037 en Grèce, sur un terrain où les Audi étaient pourtant largement favorites au départ.
Équipages de tête
Vainqueurs d'épreuves spéciales
- Stig Blomqvist - Björn Cederberg (Audi Quattro A2) : 19 spéciales (ES 6 à 10, 15, 16, 18, 19, 25, 33 à 38, 43 à 45)
- Hannu Mikkola - Arne Hertz (Audi Quattro A2) : 8 spéciales (ES 3 à 5, 10, 21, 23, 28, 31)
- Markku Alén - Ilkka Kivimäki (Lancia Rally 037) : 5 spéciales (ES 2, 11, 26, 29, 30)
- Walter Röhrl - Christian Geistdörfer (Lancia Rally 037) : 5 spéciales (ES 20, 27, 37, 39, 41)
- Ari Vatanen - Terry Harryman (Opel Manta 400) : 5 spéciales (ES 17, 24, 40, 42, 46)
- Henri Toivonen - Fred Gallagher (Opel Manta 400) : 3 spéciales (ES 13, 14, 32)
- Attilio Bettega - Maurizio Perissinot (Lancia Rally 037) : 1 spéciale (ES 1)
- Iórgis Moschous - Kóstas Fertakis (Nissan 240RS) : 1 spéciale (ES 12)