Prison de Plötzensee
La prison de Plötzensee (en allemand : Justizvollzugsanstalt Plötzensee) est un établissement pénitentiaire allemand, situé dans le quartier de Charlottenbourg-Nord à Berlin. Elle regroupe plusieurs régimes de détention pour hommes ; actuellement, le nombre de places de détention s'élève à 369 dans les établissements fermés et à 90 en milieu ouvert.
Prison de Plötzensee (de) Justizvollzugsanstalt Plötzensee | |
La poterne de la prison | |
Localisation | |
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Pays | Allemagne |
Land | Berlin |
DĂ©partement | Berlin |
Quartier | Charlottenbourg-Nord |
Coordonnées | 52° 32′ 28″ nord, 13° 19′ 19″ est |
Architecture et patrimoine | |
Construction | 1869-1879 |
Installations | |
Type | Prison pour hommes (d), lieu d'exécution (d) et prison musée (d) |
Fonctionnement | |
Date d'ouverture | |
Opérateur(s) | Sénat de Berlin |
La prison, qui doit son nom au lac Plötzen voisin, fut construite de 1869 à 1879 sur décision du gouvernement prussien et est rattachée au Grand Berlin en 1920. Elle comprenait cinq bâtiments de détention de trois étages, d'une capacité de 1 400 détenus environ[1]. C'est durant la période nazie de 1933 à 1945 qu'elle devient tristement célèbre pour sa fonction de lieu central des exécutions, notamment des résistants condamnés à mort par le Volksgerichtshof. Le mémorial de Plötzensee, ouvert en 1952 au bord de la prison, rappelle au sort des victimes.
Histoire
Sous le régime nazi, la peine capitale n'est exécutée que dans un certain nombre d’établissements pénitentiaires répartis sur tout le territoire du Reich allemand. Le Code pénal (Strafgesetzbuch, StGB) dispose que le verdict doit être exécuté par décapitation. La prison de Plötzensee est, avec la prison de Brandebourg, le site central des exécutions du district judiciaire de la Kammergericht et, plus tard, du Volksgerichtshof à Berlin.
De l’ouverture de la prison aux années 1930, les sentences sont exécutées à la hache ; puis Hitler, sur proposition du ministre de la Justice Franz Gürtner, décide, le , que les exécutions se feront par la guillotine (Fallbeil). Afin d’augmenter la cadence des exécutions, qui se font plus nombreuses, une guillotine est transférée le de la prison de Bruchsal et montée dans un ancien hangar situé à l’arrière de la prison. Au début de la Seconde Guerre mondiale, le nombre des exécutions augmente encore fortement.
Au début des années 1940, le bourreau en chef est Johann Reichhart, descendant d'une famille bourgeoise de bourreaux remontant jusqu'au milieu du XVIIIe siècle et réputé être le bourreau ayant exécuté le plus de personnes, avec 3 165 exécutions à son actif. Le , Wilhelm Röttger lui succède à Plötzensee et à Brandebourg. Il y effectue la majorité des exécutions de sa carrière, parmi lesquelles celle de Helmuth Hübener, âgé de 17 ans, le .
Le , sur instructions de Hitler, une barre métallique portant cinq crochets de boucher est placée dans la chambre d'exécution, qui servent aux pendaisons. Puis, ce sont huit crocs qui permettent d’augmenter les cadences. Les premiers pendus sont les membres de l'« Orchestre rouge » le , dont Harro Schulze-Boysen et Arvid Harnack. Une partie des conspirateurs du furent pendus avec des cordes de piano.
Le , le théologien Harald Poelchau (1903–1972) devient l’aumônier protestant des prisons de Berlin, le premier nommé par le régime nazi. Fonctionnaire du ministère de la Justice, il est d'un grand secours aux victimes de la violence et apporte un réconfort spirituel à des centaines de condamnés à mort, avant leur exécution. À partir de 1941, il fait partie du cercle de Kreisau créé par Helmuth James von Moltke. Après l'échec du complot du , il transmet de nombreux derniers messages et lettres d'adieu aux parents des condamnés du procès de l’attentat.
Le massacre du 7 au
En été 1943, à la suite du bombardement partiel de la prison par l'aviation alliée, au cours duquel la guillotine est endommagée, le ministère de la Justice ordonne l'exécution immédiate de toutes les condamnations à mort pour gagner de la place et éviter des évasions. Selon les mémoires de Harald Poelchau, la tuerie commence au crépuscule, le soir du . Jusqu'au , plus de 250 prisonniers, dont six par erreur, sont pendus par groupes de huit alors même que les raids aériens continuent. Comme il n'y a plus d'électricité, les exécutions ont lieu à la lueur des bougies. Les bourreaux, épuisés, ne s'arrêtent qu'au matin, à huit heures, pour reprendre leur activité le soir[2].
Au total, 2 891 personnes sont exécutées à Plötzensee de 1933 à 1945 – parmi lesquelles les membres de l'« Orchestre rouge » et du cercle de Kreisau, ainsi que la plupart des conjurés du 20 juillet 1944 après leur jugement devant le Volksgerichtshof.
MĂ©morial
En souvenir des condamnés, un site commémoratif est inauguré avec le soutien du mémorial de la Résistance allemande le au lieu des exécutions. Il s'agit d'une petite bâtisse en briques rouges, qui est le seul édifice existant à ce jour.
Sur le mémorial est écrit : « Aux victimes de la dictature d'Hitler des années 1933-1945 ». Un document a été inséré dans la première pierre du mémorial: « Ici, de 1933 à 1945, sous la dictature hitlérienne, des centaines d'hommes ont péri par meurtre légal, payant de leur vie leur lutte pour les droits de l'homme et la liberté politique. Ils étaient issus de toutes les couches de la société, et de presque toutes les nations. Par ce mémorial, Berlin honore les millions de victimes du Troisième Reich, diffamées, maltraitées, privées de leur liberté ou assassinées à cause de leur conviction politique, de leur confession religieuse ou de leur appartenance raciale. »
Sur les 2 891 exécutés entre 1933 et 1945, on trouve 1 437 Allemands, 677 Tchèques, 253 Polonais, 245 Français, 89 Autrichiens, 65 Belges, 115 personnes d'autres nationalités.
Les prisonniers polonais
Certains condamnés polonais appartiennent à l'Armée nationale secrète (Armia Krajowa) ou lui apportent leur soutien et ont été poursuivis pour détention illégale d'armes et d'explosifs, sabotage et atteinte à la sûreté de l'État. d'autres sont des prisonniers de guerre évadés ou des réquisitionnés du travail arrêtés par la Gestapo en Allemagne et qui, au début du moins, sont traduits devant les cours spéciales. À Plötzensee sont également exécutés des Polonais ayant essayé d'aider des compatriotes persécutés[3].
Les prisonniers tchèques
Beaucoup appartiennent Ă un mouvement de rĂ©sistance militaire portant le nom de "DĂ©fense nationale" (Obrana národa), composĂ© d'officiers de l'ex armĂ©e tchĂ©coslovaque. Quelque quatre cents pĂ©rissent Ă Plötzensee entre et . Dans la mĂŞme pĂ©riode, plus de deux cent vingt autres Tchèques sont exĂ©cutĂ©s, dont quatre-vingts environ appartiennent Ă la rĂ©sistance communiste et Ă peu près cent quarante Ă d'autres rĂ©seaux civils. Utilisant divers moyens, ils luttent pour une TchĂ©coslovaquie indĂ©pendante, ce que les tribunaux allemands jugent particulièrement rĂ©prĂ©hensible depuis l'annexion des Sudètes et l'instauration du Protectorat de Bohème-Moravie en . Parmi les condamnĂ©s exĂ©cutĂ©s dans la nuit du 7 au se trouvait le communiste tchèque Julius FuÄŤĂk qui a laissĂ© un volumineux tĂ©moignage sous le titre "reportages, Ă©crits sous le gibet"[3].
Le groupe RĂĽtli
Petit réseau de résistance composé d'anciens élèves de l'école Rütli, créé par Hanno Günther et Elisabeth Pungs (de). Arrêtés en juillet et , tous les membres sont internés dans la prison de Plötzensee. La plupart seront exécutés[4].
Le groupe Baum
En 1942, la Gestapo détient dans ses geôles les membres d'un groupe de juifs communistes dirigé par le couple Herbert et Marianne Baum. Depuis le milieu des années trente, Herbert Baum rassemblait autour de lui des personnes d'origine juive partageant ses convictions. Considérés par les réseaux communistes clandestins comme particulièrement menacés, ils étaient tenus à l'écart des liaisons avec le Parti, ce qui ne les empêchait pas de rédiger des tracts antinazis. Le , ils commettent un attentat contre l'exposition de propagande anticommuniste « Le paradis soviétique » (Das Sowjet-Paradies)[5], sur la place du Lustgarten à Berlin. Peu après, Herbert et Marianne Baum, Werner Steinbrink, Hildegard Jadamowitz et beaucoup d'autres membres du groupe sont arrêtés. Herbert Baum meurt sans qu'on sache s'il s'est suicidé ou s'il est mort des suites des tortures subies. Deux autres se suicident en détention à la suite des sévices subis. Vingt complices sont condamnés à mort au cours de six grands procès. D'autres, dont le destin n'a jamais été élucidé, ont sans doute péri en camps de concentration. Les condamnés du groupe Baum sont exécutés à Plötzensee les , , , et : Suzanne Wesse (1914-1942), Heinz Rotholz (1922-1943), Heinz Birnbaum (1920-1943), Herbert Budzislawski, Hella Hirsch (1921-1943), Hanni Meyer (1921-1943), Marianne Joachim (1922-1943), Lothar Salinger (1920-1943), Helmut Neumann (1922-1943), Hildegard Löwy et Siegbert Rotholz (1922-1943), Werner Steinbrink (1916-1942) et sa fiancée Hildegard Jadamowitz (1917-1942)[6].
Le réseau Orchestre rouge
Le réseau Harnack/Schulze-Boysen est plus connu sous le nom d'« Orchestre rouge ».
Quelques personnalités exécutées dans cette prison
- Judith Auer, résistante allemande au nazisme.
- Maurice Bavaud, citoyen suisse qui tenta d'assassiner Hitler en 1938.
- Liane Berkowitz, membre de l'Orchestre rouge.
- Irena Bernášková, résistante allemande au nazisme.
- Erika von Brockdorff, membre de l'Orchestre rouge.
- Eduard BrĂĽcklmeier, diplomate allemand, membre du complot du .
- Peter Buchholz, aumĂ´nier de la prison.
- Marianne Baum et Herbert Baum, résistants communistes allemands, membre du groupe Baum.
- Karl Behrens, membre de l'Orchestre rouge
- Eugen Bolz, homme politique catholique allemand, membre du parti Zentrum et opposant au nazisme.
- Rudolf Claus, résistant au nazisme.
- Hilde Coppi et Hans Coppi, résistants communistes allemands, membres de l'Orchestre rouge.
- Alfred Delp, jésuite allemand membre du complot du .
- Moussa Djalil, poète soviétique tatar, combattant de la résistance.
- Arthur Emmerlich, résistant communiste.
- Erich Fellgiebel, général allemand, membre du complot du .
- Julius FuÄŤĂk, Ă©crivain tchèque et journaliste communiste.
- Jakob Gapp, prĂŞtre catholique marianiste, bienheureux, le 13 .
- Carl Friedrich Goerdeler, homme politique conservateur allemand et membre du complot du .
- John Graudenz, membre de l'Orchestre rouge.
- Nikolaus Gross, membre du complot du .
- Hanno GĂĽnther, membre du groupe RĂĽtli.
- Hans Bernd von Haeften, membre du cercle de Kreisau et du complot du .
- Albrecht von Hagen, membre du complot du .
- Otto et Elise Hampel, couple de résistants allemands au nazisme.
- Arvid Harnack et Mildred Harnack, membres de l'Orchestre rouge.
- Paul von Hase, général allemand, membre du complot du .
- Ulrich von Hassell, diplomate allemand, membre du complot du .
- Elli Hatschek, membre du groupe Union européenne.
- Theodor Haubach, membre du cercle de Kreisau.
- Wolf-Heinrich von Helldorf, membre du complot du .
- Liselotte Herrmann, militante communiste allemande
- Helmut Himpel (de), membre de l'Orchestre rouge
- Erich Hoepner, général allemand membre du complot du
- Caesar von Hofacker, colonel allemand membre du complot du
- Heinz et Marianne Joachim, résistants communistes allemands du groupe Baum.
- Otto Kiep, diplomate allemand membre du complot du .
- Friedrich Klausing (de) avocat, membre du complot du .
- Karlrobert Kreiten, victime d'une dénonciation anonyme.
- Adam Kuckhoff, membre de l'Orchestre rouge.
- Julius Leber, membre du cercle de Kreisau.
- Paul Lejeune-Jung, membre du complot du .
- Heinrich von Lehndorff, membre du complot du .
- Ludwig von Leonrod officier allemand membre du complot du .
- Wilhelm Leuschner, membre du complot du .
- Wilhelm von Lynar, officier allemand membre du complot du .
- Michael von Matuschka, membre du complot du .
- Helmuth James von Moltke, aristocrate allemand membre du complot du .
- Arthur Nebe, criminel de guerre nazi, membre du complot du .
- Véra Obolensky, princesse russe, héroïne de la résistance française.
- Wolfgang Pander, communiste allemand résistant membre du groupe Rütli.
- Joseph Péters, prêtre catholique belge, guillotiné le .
- Erwin Planck, membre du complot du .
- Johannes Popitz, membre du complot du .
- Siegfried Rädel, résistant allemand au nazisme
- Adolf Reichwein, membre du cercle de Kreisau
- Rose Schlösinger, membre de l'Orchestre rouge, guillotinée le
- Elfriede Scholz, guillotinée le pour « atteinte au moral de l'armée ».
- Harro Schulze-Boysen, membre de l'Orchestre rouge.
- Libertas Schulze-Boysen, membre de l'Orchestre rouge.
- Oda SchottmĂĽller, danseuse, sculptrice, membre de l'Orchestre rouge.
- Friedrich-Werner von der Schulenburg, diplomate allemand membre du complot du .
- Elisabeth et Kurt Schumacher, membres de l'Orchestre rouge.
- Ulrich Wilhelm Schwerin von Schwanenfeld, officier allemand membre du complot du .
- Bernard Sikorski, communiste allemand du groupe RĂĽtli.
- GĂĽnther Smend, officier allemand membre du complot du .
- Berthold von Stauffenberg, juriste allemand membre du complot du .
- Hellmuth Stieff, général allemand membre du complot du .
- Hermann Stöhr, pacifiste allemand décapité le .
- Carl-Heinrich von Stülpnagel, général allemand membre du complot du .
- Elisabeth von Thadden, résistante allemande au nazisme.
- Maria Terwiel, membre de l'Orchestre rouge.
- Adam von Trott zu Solz, membre du cercle de Kreisau et du complot du .
- Nikolaus von ĂśxkĂĽll-Gyllenband, membre du complot du .
- Peter Yorck von Wartenburg, membre du complot du .
- Erwin von Witzleben, général allemand membre du complot du .
Liane Berkowitz Karl Behrens Eugen Bolz Eduard Brücklmeier Hans Coppi Hilde Coppi Erika Gräfin von Brockdorff John Graudenz Nikolaus et Elisabeth Gross Mildred et Arvid Harnack Arvid Harnack Wolf-Heinrich Graf von Helldorf Adam Kuckhoff Ludwig Freiherr von Leonrod Michael von Matuschka Joseph Péters Adolf Reichwein Harro Schulze-Boysen, le premier à droite. Friedrich-Werner von der Schulenburg Elisabeth Schumacher Ulrich Wilhelm Schwerin von Schwanenfeld Hellmuth Stieff Hermann Stöhr Maria Terwiel avec son fiancé Helmut Himpel Nikolaus von Üxküll-Gyllenband
Statistiques
Notes et références
Notes
- Grade équivalent en France à général de corps d'armée, ici spécialisé dans l’arme des transmissions.
- Grade équivalent en France à général de division.
- Grade équivalent en France à général d'armée.
- Grade équivalent en France à général de division, mais pour Nebe il s'agit d'un grade dans la police.
- Grade équivalent en France à général de corps d'armée, ici spécialisé dans l’infanterie.
- Grade sans équivalent en France, supérieur à celui de général d'armée, pouvant être comparé à celui d’un maréchal de France qui disposerait d’un commandement opérationnel militaire.
Références
- Le mémorial de Plötzensee. Publication du mémorial de la Résistance allemande, Brigitte Oleschinski, p. 6.
- Le mémorial de Plötzensee, p. 19. Témoignage de deux aumôniers de la prison, le pasteur Harald Poelchau et son homologue catholique, Peter Buchholz.
- Le Mémorial de Plötzensee page 29
- Le mémorial de Plötzensee
- (de) « Was konnten Sie tun - Themen », sur was-konnten-sie-tun.de (consulté le ).
- Le Mémorial de Plötzensee. Page 24
Liens externes
- Page d'accueil de la prison (de)
- Plötzensee (en) (de)
- Biographie d'Arvid Harnack (de)
- L'Orchestre rouge (fr)