Libertas Schulze-Boysen
Libertas Schulze-Boysen est une journaliste allemande, membre de la résistance allemande au nazisme au sein du réseau Orchestre rouge, née à Paris le , exécutée par les nazis le à la prison de Plötzensee, à Berlin.
Naissance | |
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Décès |
(à 29 ans) Prison de Plötzensee |
Nom dans la langue maternelle |
Libertas Schulze Boysen |
Nom de naissance |
Libertas Viktoria Haas-Heye |
Nationalité | |
Activités |
Résistante, journaliste, scénariste de films d’animation, écrivaine |
Père |
Otto Haas-Heye (en) |
Fratrie |
Johannes Haas-Heye (d) |
Conjoint |
A travaillé pour |
Deutsche Zeichentrickfilme G.m.b.H (en) (- Metro-Goldwyn-Mayer (- |
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Parti politique | |
Membre de | |
Condamnation | |
Lieu de détention |
Biographie
Jeunesse et formation
Libertas Haas-Heye est née le à Paris. Elle est la plus jeune des trois enfants du créateur de mode de Heidelberg Otto Ludwig Haas-Heye (en) (1879-1959) et de Viktoria Ada Astrid Agnes Comtesse zu Eulenburg (1886-1967). La famille vit de façon provisoire à Londres et à Paris et les parents divorcent en 1913[1].
Libertas Schulze-Boysen passe son enfance près de Berlin, dans le domaine d'Eulenburg, au château Liebenberg, de son grand-père, le diplomate Philipp zu Eulenburg[1].
À partir de 1922, elle fréquente une école à Berlin et vit avec son père qui dirige le département mode du Kunstgewerbemuseum. De 1926 à 1932, elle fréquente le lycée pour filles de Zurich où elle obtient le baccalauréat (Abitur).
Après un séjour au Royaume-Uni, elle est engagée au printemps 1933 comme attachée de presse par les bureaux berlinois de la société cinématographique Metro-Goldwyn-Mayer qui vient de licencier tout son personnel juif[2]. À partir de 1935, elle travaille comme journaliste indépendante, notamment pour la National-Zeitung de Essen. Plus tard elle est employée dans une organisation cinématographique liée au ministère de l’Éducation du peuple et de la Propagande de Joseph Goebbels, la Kulturfilmzentrale[3].
Depuis le début des années 1930, Libertas Schulze-Boysen écrit des critiques de films qui indiquent une sympathie pour l'idéologie national-socialiste. En , elle devient membre du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) et, en 1935, s'implique dans le « Reichsarbeitsdienst der weiblichen Jugend » (RADwJ, service de travail du Reich pour les jeunes femmes) à Glindow, près de Potsdam[4] - [5].
RĂ©sistance
En 1934, elle rencontre Harro Schulze-Boysen qu'elle épouse le dans la chapelle du château de Liebenberg[1] - [6]. Il est l'éditeur d'un journal de la gauche libérale Der Gegner (l'opposant). En il est arrêté avec son ami juif Henry Erlanger qui est assassiné devant ses yeux. Lui-même est libéré grâce à l'influence de sa mère mais garde des séquelles des mauvais traitements subis. Après sa libération, Harro Schulze-Boysen continue son activité d'opposant politique secrètement, tout en entrant au service de Herman Göring au ministère de la Luftwaffe où il a accès à des informations confidentielles qu'il diffuse[7].
Le couple Schulze-Boysen fréquente un cercle de jeunes intellectuels et ouvriers parmi lesquels les artistes Kurt et Elisabeth Schumacher, la danseuse Oda Schottmüller, les écrivains Günther Weisenborn , Walter Küchenmeister (en), Greta Kuckhoff et Adam Kuckhoff, les journalistes John Graudenz, Walter Husemann (de)et Gisela von Poellnitz (en), les médecins John Rittmeister et Elfriede Paul[1] - [8].
Libertas Schulze-Boysen adopte les positions politiques de son mari et rejoint le mouvement d'opposition au régime nazi. Au début de 1937, elle quitte le NSDAP en prétextant un manque de temps depuis son mariage[1]. Sous couvert de critiques de films, elle profite de son travail au ministère du Reich à l'Éducation du peuple et à la Propagande pour amasser des informations sur les crimes de guerre nazis[1].
En , elle participe à la distribution du premier pamphlet illégal sur les accords de Munich. Lors de vacances en Prusse orientale en , elle est soupçonnée d'espionnage, mais est relâchée au bout de quelques jours faute de preuves[5].
Elle rédige des articles pour le journal clandestin Die Innere Front, prépare des brochures et des dépliants à distribuer. Ce journal est distribué dans de nombreuses villes d'Allemagne avec l'aide de plusieurs centaines d'anti-nazis[3].
En 1939, Harro Schulze-Boysen prend contact avec Arvid Harnack et son groupe, ainsi qu'avec les communistes Hilde et Hans Coppi. De ces réunions émerge un réseau de résistance berlinois, que la Gestapo va appeler l'Orchestre rouge (Rote Kapelle) et auquel appartiennent plus d'une centaine d'opposants de différents horizons sociaux et idéologiques. Plus d'un tiers sont des femmes. Ils considèrent l'Union soviétique comme un allié pour vaincre le régime nazi et font passer aux Soviétiques de nombreuses informations prises dans les enceintes des administrations du Troisième Reich. Au printemps 1941, ils informent l'ambassade soviétique des préparatifs de guerre allemands mais Staline ignore tous les avertissements[5] - [9].
Le , alors que les troupes allemandes sont aux portes de Moscou, Libertas Schulze-Boysen est contactée par Anatoli Gourevitch, un officier des services secrets soviétiques arrivé à Berlin depuis Bruxelles pour rétablir le lien entre l'URSS et les allemands anti fascistes.
Libertas Schulze-Boysen travaille à la Kulturfilmzentrale à partir de . Elle y a accès à nombreuses photos prises sur le front de l'Est et dans l'arrière-pays et des enregistrements d'atrocités contre la population russe. Libertas Schulze-Boysen et Alexander Spoerl (de)commencent à documenter ces crimes commis par les SS Einsatzgruppen, les bataillons de police et la Wehrmacht. Ce matériel sert de base à un fascicule dans lequel Adam Kuckhoff et John Sieg décrivent les crimes contre les civils et appellent les soldats allemands à rejoindre les partisans russes[7] - [5] - [6].
En , le service de décryptage du haut commandement de l'armée allemande réussit à décoder un ancien message contenant les adresses d'Adam Kuckhoff et de Harro Schulze-Boysen[5] - [10].
Harro Schulze-Boysen est arrêté le dans son bureau au ministère de l'aviation.
Lorsque Libertas Schulze-Boysen suspecte l'arrestation, elle essaie de détruire, avec Alexander Spoerl, la collection de photos sur les crimes commis par les SS et la Wehrmacht, informe leurs amis de l'arrestation et s'enfuit elle-même après avoir entrepris d'écrire de fausses lettres comme preuves de loyauté envers les nazis et expédié une valise contenant les papiers de Harro Schulze-Boysen à Günther Weisenborn pour qu'il les cache. Le , elle est arrêtée dans le train. Elle est emmenée dans les cellules du sous-sol du bureau principal de la sécurité du Reich au 8 Prinz-Albertstrasse où se trouve la Gestapo et mise en garde à vue[7] - [10].
En prison, elle rencontre Gertrud Breiter, une employée de la Gestapo qui feint d'être en révolte contre son administration et gagne sa confiance. Libertas Schulze-Boysen se confie à elle et lui remet des lettres. Elle est accusée par certains d'avoir ainsi provoqué l'arrestation de plusieurs de ses compagnons, ce qui a été infirmé par plusieurs rapports après la guerre : ni elle ni d'autres accusés n'ont fait de révélations qui n'étaient pas déjà connues de la Gestapo[7] - [5].
Procès et exécution
Libertas Schulze-Boysen est accusée de préparation d'un acte de haute trahison, d'aide à l'ennemi et d'espionnage. Le premier procès devant le Reichskriegsgericht, la cour martiale du Reich contre les couples Harnack, Schulze-Boysen et Schumacher ainsi que cinq autres accusés se termine le . Dix condamnations à mort sont prononcées, dont quatre avec exécution immédiate. La peine de mort pour Mildred Harnack et Erika von Brockdorff est prononcée mi-. Environ 139 personnes liées à l'Orchestre rouge sont arrêtées. En , plus de 90 personnes sont inculpées, dont 50 sont condamnées à mort, dont 20 femmes[5] - [7].
Libertas Schulze-Boysen est condamnée à mort le et guillotinée trois jours plus tard, le , à la prison de Plötzensee, son mari est pendu le même jour[11] - [12].
Post-mortem
Libertas Schulze-Boysen a demandé que son corps soit remis à sa mère pour qu'elle puisse l'enterrer — si possible — « dans un endroit magnifique au milieu d'une nature ensoleillée ». Sa dernière volonté ne sera pas exécutée. À peine quinze minutes après sa mort, le corps de Libertas Schulze-Boysen se trouve sur la table de dissection de l'anatomiste Hermann Stieve de l'université de Berlin qui étudie les effets du stress sur l'ovulation chez les jeunes femmes. L'assistante d'Hermann Stieve, Charlotte Pommer reconnaît ce jour-là plusieurs des personnes envoyées à l'autopsie, parmi lesquelles Libertas Schulze-Boysen et décide de donner sa démission[9] - [13].
Au moins 174 prisonnières exécutées se sont retrouvées dans les salles de dissection d'Hermann Stieve entre 1933 et 1945, comme le révèlent les recherches de l'anatomiste Sabine Hildebrandt de l'hôpital pour enfants de Boston[14]. Au moins dix instituts d'anatomie de l'ancien Reich ont utilisé les cadavres de 3 228 prisonniers exécutés, permettant à un régime criminel de disposer secrètement des restes d'un grand nombre de personnes exécutées. Beaucoup de ces anatomistes admettent après la guerre s'être abstenus de poser des questions sur l'origine des corps. « Personne ne s'en souciait, et pourquoi devrions-nous nous en soucier ? »[9] - [15]
En 2016, 300 tissus humains sont retrouvés dans le laboratoire d'Herman Stieve et, après un long processus d'identification, ils sont inhumés le dans le cimetière de Dorotheenstadt, à Berlin par l’hôpital de la Charité et le Mémorial de la résistance allemande[13].
Distinctions
- En 1972, une rue du quartier berlinois de Lichtenberg a été baptisée en l'honneur du couple Schulze-Boysen[16].
- L'écrivain allemand Alexander Spoerl (de)dédie son roman Memoiren eines mittelmässigen Schülers (1950) à Libertas Schulze-Boysen.
- La chapelle Libertas dans le château de Liebenberg où Libertas et Harro Schulze-Boysen se sont mariés lui est dédiée. Depuis 2004, une exposition spéciale du Mémorial de la résistance allemande sur la vie de Libertas Schulze-Boysen et la résistance au sein de l'Orchestre rouge contre le national-socialisme y est présentée, documentée par des photographies et de nombreux écrits.
- Une plaque commémorative est apposée au 19 Altenburger Allee 19 à Berlin-Westend où vivait le couple[17].
- Une école à Löwenberg porte le nom de Libertasschule.
- En 2011, la fondation DKB lui rend hommage à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes[18]
- En 2017, deux Stolpersteine sont apposées devant l'entrée du château de Liebenberg, une pour Libertas, l'autre pour Harro Schulze-Boysen[19].
Bibliographie
- Noman Ohler, Olivier Mannoni (trad.), Les infiltrés, Paris, Payot, 2020
- (de)Rolf Aurich, Wolfgang Jacobsen (ed.), Libertas Schulze-Boysen: Filmpublizistin, Edition Text + Kritik, 2008, 170 pages
- (de) Elsa Boysen: Harro Schulze-Boysen. Das Bild eines Freiheitskämpfers, Fölbach, Koblenz 1992 d'après l'édition originale de 1947 (ISBN 3-923532-17-2)
- (en) Bernard A. Cook, Women and War. ABC Clio, 2006, Lire en ligne
- (de)Silke Kettelhake, "Erzähl allen, allen von mir!": Das schöne kurze Leben der Libertas, Droemer, 2008 (ISBN 978-3426274378)
- (de) Harro Schulze-Boysen, Dieser Tod passt zu mir: Harro Schulze-Boysen, Grenzgänger im Widerstand : Briefe 1915 bis 1942, Aufbau Verlag, 1999 (ISBN 978-3351024932)
- (de) Frank Wecker, Der Tod der Freiheit: Der letzte Tag im Leben von Libertas Schulze-Boysen, Winterwork, 2018 (ISBN 978-3960144359)
Références
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- (en) Norman Ohler, Tim Mohr, Marshall Yarbrough, The Bohemians : the lovers who led Germany's resistance against the Nazis, Boston, Houghton Mifflin Harcourt, (ISBN 9781328566232)
- « Schulze-Boysen, Libertas (1913–1942) | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
- (de) Silke Kettelhake, Erzähl allen, allen von mir! Das schöne kurze Leben der Libertas Schulze-Boysen, Droemer, , 432 p. (ISBN 978-3-426-27437-8)
- (de) Hans Coppi, Johannes Tuchel, Libertas Schulze-Boysen und die Rote Kapelle, Berlin, Gedenkstätte Deutscher Widerstand Berlinauf Schloss & Gut Liebenberg, (ISBN 978-3-926082-55-8, lire en ligne)
- Hans Coppi: Nachdenken ĂĽber Libertas Schulze-Boysen. Gedenkfeier zum 100. Geburtstag von Libertas Schulze-Boysen am 17. November 2013 in Liebenberg. Lire en ligne (pdf)
- (en) Shareen Blair Brysac, Resisting Hitler: Mildred Harnack and the Red Orchestra, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-992388-5, lire en ligne)
- (en) Corina L. Petrescu, Against All Odds: Models of Subversive Spaces in National Socialist Germany, Peter Lang, (ISBN 978-3-03911-845-8, lire en ligne)
- (en) Heather Pringle, « The Last Word On Nothing | The Sad Fate of Libertas Schultze-Boysen », sur www.lastwordonnothing.com (consulté le )
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- (en) « Plaquette Libertas en Harro Schulze-Boysen - Berlin-Westend - TracesOfWar.nl », sur www.tracesofwar.nl (consulté le )
- « Starke Charaktere zum Internationalen Frauentag : Libertas Schulze-Boysen », sur Stiftung DKB,
- (de) « Stolpersteine in Liebenberg – DKB STIFTUNG » (consulté le )
Articles connexes
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- (de) Schulze-Boysen-StraĂźe