PremiĂšre guerre de l'opium
La premiĂšre guerre de l'opium (珏äžæŹĄéŽçæ°ç, First Opium War) est un conflit militaire, motivĂ© par des raisons commerciales, entre le Royaume-Uni et lâempire Qing en Chine de 1839 Ă 1842. Il est considĂ©rĂ© comme la premiĂšre manifestation du dĂ©clin de l'empire de Chine, incapable de rĂ©sister Ă l'Occident. Les hostilitĂ©s Ă©clatent en raison de la volontĂ© des autoritĂ©s chinoises de mettre un terme au trafic d'opium orchestrĂ© par les Britanniques en saisissant les stocks entreposĂ©s Ă Canton et en instituant la peine de mort pour les futurs contrevenants. Le gouvernement britannique insiste sur les principes du libre-Ă©change, de la reconnaissance diplomatique Ă©gale entre les nations, et soutient les demandes des marchands. La marine britannique dĂ©fait les Chinois en utilisant des navires et des armes technologiquement supĂ©rieurs, et les Britanniques imposent un traitĂ© forçant l'ouverture du commerce avec la Chine et leur cĂ©dant Ă perpĂ©tuitĂ© l'Ăźle de Hong Kong.
Date |
â (2 ans, 11 mois et 25 jours) |
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Lieu | Chine |
Issue |
Victoire britannique Ătablissement de cinq ports de traitĂ© Ă : |
Changements territoriaux | Concession de Hong Kong |
Charles Elliot Anthony Blaxland Stransham Henry John Temple George Elliot (en) James Bremer (en) Hugh Gough Henry Pottinger William Parker Humphrey Fleming Senhouse (en) | Daoguang Lin Zexu Qishan Guan Tianpei (en)â Chen Huacheng (en)â Ge Yunfei (en)â Yishan Yijing Yang Fang (en) |
19 000 hommes[1] :
37 navires[1] :
| 222 212 hommes2 :
|
69 tués au combat[1] 451 blessés 284 prisonniers tués ou morts en captivité à Formose[2] - [3] | environ 3 100 tués et 4 000 blessés3 [4] |
Notes
1 Incluant 5 transports de troupes, 3 bricks, 2 bateaux Ă vapeur, 1 bĂątiment hydrographique et 1 navire-hĂŽpital.2 Fait rĂ©fĂ©rence au nombre total de troupes dans les provinces qui Ă©taient sur le thĂ©Ăątre de guerre, mais seulement environ 100 000 soldats ont Ă©tĂ© effectivement mobilisĂ©s pour la guerre elle-mĂȘme[5].
3 Les pertes incluent les bannerets mandchous et leurs familles qui se sont suicidés en masse à la bataille de Chapu et la bataille de Chinkiang[6] - [7].
Batailles
m
Au XVIIIe siÚcle, la demande de produits de luxe chinois (en particulier la soie, la porcelaine et le thé) provoque un déséquilibre commercial entre la Chine et la Grande-Bretagne. L'argent européen afflue donc en Chine via le systÚme de Canton (en), qui limite le commerce extérieur entrant à la ville portuaire méridionale de Canton. Pour contrer ce déséquilibre, la Compagnie britannique des Indes orientales commence à cultiver de l'opium au Bengale et autorise certains marchands britanniques à vendre de l'opium à des contrebandiers chinois pour alimenter un trafic illégal en Chine. L'afflux de stupéfiants inverse l'excédent commercial chinois, draine l'argent hors des frontiÚres et augmente le nombre d'opiomanes à l'intérieur du pays, des conséquences qui inquiÚtent sérieusement les autorités chinoises.
En 1839, l'empereur Daoguang, rejetant les propositions de lĂ©galisation et de taxation de l'opium, charge le vice-roi Lin Zexu de se rendre Ă Canton pour faire cesser dĂ©finitivement le trafic de l'opium[8]. Lin adresse une lettre ouverte Ă la reine Victoria, qui ne la verra jamais, faisant appel Ă sa responsabilitĂ© morale d'arrĂȘter le commerce de l'opium[9]. Il a alors recours Ă la force dans la concession des marchands occidentaux. Il confisque toutes les marchandises et ordonne un blocus des navires Ă©trangers sur la riviĂšre des Perles. Il confisque Ă©galement et fait dĂ©truire une quantitĂ© importante d'opium europĂ©en[10]. Le gouvernement britannique rĂ©pond en envoyant une force militaire en Chine et dans le conflit qui s'ensuit, la marine britannique utilise sa puissance navale et son artillerie pour infliger une sĂ©rie de dĂ©faites dĂ©cisives Ă l'empire de Chine[11], une tactique dĂ©signĂ©e plus tard sous le nom de diplomatie de la canonniĂšre. En 1842, la dynastie Qing est forcĂ©e de signer le traitĂ© de Nankin, le premier de ce que les Chinois appelleront plus tard les traitĂ©s inĂ©gaux, qui accorde une indemnitĂ© et l'extraterritorialitĂ© aux sujets britanniques en Chine, ouvre cinq ports de traitĂ© aux marchands britanniques et cĂšde l'Ăźle de Hong Kong Ă l'empire britannique. L'Ă©chec du traitĂ© Ă satisfaire les objectifs britanniques d'amĂ©lioration des relations commerciales et diplomatiques conduit Ă la seconde guerre de l'opium (1856â60).
Ce dĂ©clin entraĂźne la Chine, soumise Ă l'impĂ©rialisme tant occidental que nippon, dans une longue pĂ©riode dâinstabilitĂ© et d'affaiblissement croissant de sa souverainetĂ©. Les troubles sociaux qu'elle connaĂźt ensuite sont Ă l'origine de la rĂ©volte des Taiping[12]. En Chine, l'annĂ©e 1839 est considĂ©rĂ©e comme le dĂ©but de l'histoire chinoise moderne[13]. Cette pĂ©riode est jalonnĂ©e par l'extension des concessions territoriales aux puissances Ă©trangĂšres, des dĂ©faites militaires majeures notamment lors de la premiĂšre et de la seconde guerre contre le Japon, ainsi que lors de la guerre avec la France, la chute du systĂšme impĂ©rial, remplacĂ© en 1912 par la rĂ©publique de Chine, et finalement, la proclamation de la rĂ©publique populaire de Chine en 1949.
Le commerce extĂ©rieur de la Chine avant les guerres de lâopium
Le commerce extérieur direct de la Chine avec les pays européens débute dÚs le XVIe siÚcle, avec pour premiers partenaires économiques les Portugais (1517) qui se sont installés à Canton (sud-est de la Chine). Ils fondent en 1550 la cité de Macao. Ensuite viennent les Espagnols aux Philippines (1565). Ils y fondent Manille en 1571. Ces pays sont notamment motivés par un objectif missionnaire.
Les Hollandais s'installent en IndonĂ©sie, dâabord Ă Penghu (1603) Ă cĂŽtĂ© de TaĂŻwan, puis en 1619 Ă Batavia (actuelle Jakarta), puis encore Ă TaĂŻwan (1624). Les Russes viennent en voisins par voie terrestre.
En 1685, sous le rĂšgne de lâempereur Kangxi (1662â1723), un Ă©dit impĂ©rial autorise lâouverture de tous les ports chinois aux bateaux Ă©trangers. Le premier navire arrive Ă Canton en 1689. Cependant, ce commerce reste trĂšs limitĂ©, car soumis Ă des rĂšgles trĂšs strictes : taxes pour les nĂ©gociants Ă©trangers, obligation de passer par un seul intermĂ©diaire (le marchand de lâempereur) qui prĂ©lĂšve des taxes au profit de lâĂtat. En 1720, cet intermĂ©diaire est remplacĂ© par un organisme collĂ©gial, une guilde de marchands Hong appelĂ©e Co-hong[14].
Sous le rĂšgne de lâempereur Qianlong (1736â1796), la politique commerciale sâinverse. Elle est limitĂ©e dans son Ă©tendue et dans son intensitĂ©. En 1757, un Ă©dit impĂ©rial Ă©nonce que le Co-hong fixera maintenant les prix et les quantitĂ©s des marchandises Ă©changĂ©es, que les frontiĂšres maritimes vont ĂȘtre fermĂ©es (sauf Canton) et que les Ă©trangers ne pourront pas sâinstaller oĂč ils veulent Ă Canton. Ils n'auront pas le droit dâapprendre le chinois, le but Ă©tant d'empĂȘcher les contacts directs. Les Ă©trangers sont alors regroupĂ©s dans treize comptoirs dominĂ©s par la Compagnie britannique des Indes orientales[15].
La Chine est un empire plutĂŽt refermĂ© sur lui-mĂȘme, autant commercialement que dans le domaine de lâĂ©change des idĂ©es et des innovations. Ceci est dĂ» Ă un protectionnisme strict appliquĂ© par la bureaucratie impĂ©riale, idĂ©ologiquement soutenu Ă la fois par les Ă©lites, soucieuses de ne pas Ă©branler les rites dâune sociĂ©tĂ© traditionnelle trĂšs conservatrice (voire immobiliste) et par la population qu'une mĂ©fiance extrĂȘme confinant Ă la xĂ©nophobie maintient Ă distance de lâĂ©tranger.
Rien nây est plus important que la rĂ©pĂ©tition du connu (qui puise sa force de conviction dans le respect des ancĂȘtres et dans la croyance que la perfection a Ă©tĂ© atteinte) sans se permettre de dĂ©roger Ă la rĂšgle sous peine de chĂątiments. DĂšs lors, quel besoin, quel intĂ©rĂȘt y aurait-il Ă acheter des produits Ă©trangers, donc inconnus, donc extĂ©rieurs Ă la tradition, et ainsi « imparfaits » par essence et non-conformes aux rites, leur utilitĂ© fĂ»t-elle avĂ©rĂ©e ?
Ainsi les tentatives prĂ©cĂ©dentes des marins Ă©trangers dâĂ©tablir des comptoirs et de commercer avec l'Empire qui se considĂšre au centre du monde, nâont pas toujours Ă©tĂ© fructueuses : sĂ©grĂ©gation, brimades, interdiction de communiquer avec la population, arbitraire impĂ©rial, taxation frauduleuse, confiscation de biens, etc.
Lâempereur, en plusieurs circonstances, ne considĂšre pas que la Chine puisse avoir un intĂ©rĂȘt Ă commercer avec le reste du monde. LâEurope « sinomaniaque » de la fin du XVIIIe siĂšcle sâentiche de la civilisation chinoise et raffole de ses manufactures. Les Britanniques importent ainsi de plus en plus de marchandises chinoises (thĂ©, soie, porcelaine[16], objets laquĂ©sâŠ).
Cet Ă©tat de fait crĂ©e un dĂ©sĂ©quilibre commercial. Mais si les nĂ©gociants Ă©trangers demandent de lâaide Ă leur gouvernement, câest avant tout pour mettre fin aux brimades et surtout aux sĂ©grĂ©gations quasi-institutionnalisĂ©es dont ils sont les victimes. Deux missions diplomatiques verront le jour : la premiĂšre en 1793 menĂ©e par lord Macartney pour ouvrir dâautres ports. Elle est rejetĂ©e par Qianlong qui refuse (en 1796, Qianlong abandonne son trĂŽne), la seconde en 1816, dirigĂ©e par lord Amherst, nâa pas plus de succĂšs.
De plus, la Chine, Ă©tant autosuffisante, ne veut pas dâĂ©change « marchandise contre marchandise », mais exige dâĂȘtre payĂ©e en monnaie dâargent uniquement. Ceci nâest pas du goĂ»t des Britanniques qui, contrairement aux Espagnols, grĂące Ă leurs colonies en AmĂ©rique du Sud, notamment au Mexique, ont peu dâargent et beaucoup de marchandises en nature, venant principalement de leurs colonies aux Indes.
Pour rĂ©pondre Ă la demande au Royaume-Uni, les Britanniques achĂštent dâĂ©normes quantitĂ©s de thĂ© aux Chinois. Ces derniers, voyant que le commerce du thĂ© est trĂšs lucratif, Ă©tendent leurs plantations au dĂ©triment dâautres cultures, principalement celle du coton. Ce dĂ©sĂ©quilibre fait sortir la Chine de l'autarcie et le pays doit accepter les Ă©changes de marchandises.
Chronologie
- 1729 : premier Ă©dit chinois de lâempereur Yongzheng dĂ©clarant le trafic dâopium comme de la contrebande.
- 1796 : second Ă©dit chinois proclamĂ© par lâempereur Jiaqing et rendant le trafic dâopium passible de la peine de mort.
- : nomination par lâempereur de Lin Zexu au poste de commissaire impĂ©rial du Guangdong.
- : Lin Zexu confisque tous les stocks dâopium de Canton.
- : Lin Zexu adresse Ă la reine Victoria un message lui demandant lâarrĂȘt du trafic dâopium.
- : destruction de la drogue confisquée ; nouveau rÚglement stipulant que tout navire étranger pénétrant dans les eaux territoriales chinoises sera systématiquement fouillé ; le Premier ministre britannique, lord Melbourne, convainc le Parlement britannique de déclarer la guerre à la Chine.
- : premier affrontement entre les flottes chinoise et britannique.
- : fermeture du port de Canton aux navires britanniques.
- : débat à la Chambre des communes entre les partisans de la guerre et les opposants ; victoire des partisans.
- : arrivĂ©e Ă Canton dâune armada britannique sous les ordres de lâamiral Charles Elliot qui ne put accoster au port grĂące aux dĂ©fenses mises en place par Lin Zexu ; conquĂȘte de Hong Kong par les Britanniques ; disgrĂące et remplacement de Lin Zexu par Qishan.
- : dissolution de la milice et réduction des effectifs par Qishan ; début des négociations ; Qishan refuse les exigences mais, devant les assauts britanniques, finit par accepter.
- : remplacement de Qishan par Yishan ; déclaration de guerre aux Britanniques.
- : signature dâune convention dâarmistice et rachat de Canton aux Britanniques.
- : signature dâun traitĂ© concĂ©dant aux Britanniques le libre commerce de lâopium.
- : signature d'un deuxiĂšme traitĂ© Ă©tablissant les bases du commerce entre le Royaume-Uni et la Chine et ouvrant la Chine au commerce d'autres pays comme les Ătats-Unis ou la France.
Offensive commerciale des puissances Ă©trangĂšres
Les Chinois connaissent dĂ©jĂ lâopium comme analgĂ©sique, mais Ă partir du XVIIe siĂšcle, ils lâutilisent comme drogue ou stimulant. Lâopium provient dâInde, et les Portugais sont les premiers Ă leur en vendre.
Les Britanniques se lancent dans ce commerce lucratif qui se dĂ©veloppe : en 1729, environ deux cents caisses dâopium entrent chaque annĂ©e en Chine ; Ă la fin du XVIIIe siĂšcle, le chiffre dĂ©passe les 4 000 unitĂ©s, et en 1838, plus de 40 000 caisses sont vendues par les AmĂ©ricains et les Britanniques.
Les Britanniques exigent dâĂȘtre payĂ©s en lingots d'argent, rĂ©cupĂ©rant ainsi le prĂ©cieux mĂ©tal prĂ©cĂ©demment cĂ©dĂ© dans le commerce du thĂ©. La balance commerciale entre la Chine et l'Empire britannique s'inverse rapidement et spectaculairement en faveur des Britanniques. La corruption des fonctionnaires chinois contrĂŽlant le trafic de drogue en Chine devient prĂ©occupante en mĂȘme temps que la drogue provoque des ravages dans la population. L'empereur dĂ©cide alors de rĂ©agir en sâen prenant aux intĂ©rĂȘts britanniques.
En 1798, le gouvernement du Premier ministre britannique William Pitt envoie une ambassade Ă PĂ©kin pour nĂ©gocier un accord sur les Ă©changes commerciaux, sur la base de cette situation nouvelle. Lâempereur, refusant de se laisser « forcer la main » Ă cause de lâopium, prĂ©fĂšre fermer son pays aux commerçants et aux missionnaires europĂ©ens.
RĂ©ponse des Chinois
Les Chinois tentent de réagir en interdisant de fumer l'opium.
PremiĂšres mesures de prohibition
La cour dĂ©cide de prohiber lâopium. En 1729, un premier Ă©dit, proclamĂ© par lâempereur Yong Zheng (1723â1736), promulgue lâinterdiction du trafic dâopium, le considĂ©rant dorĂ©navant comme un produit de contrebande.
Cependant le trafic continue, et en 1796, un nouvel Ă©dit, proclamĂ© par lâempereur Jiaqing (1796â1821), confirme lâinterdiction du trafic de lâopium, sous peine de mort. Cette fois, des sanctions contre les opiomanes sont Ă©galement prises.
En 1800, lâempereur proclame un troisiĂšme Ă©dit qui confirme Ă nouveau la prohibition de lâopium et interdit sa culture sur le sol chinois ; les dĂ©pĂŽts dâopium sont dĂ©placĂ©s Ă Huangpu.
En 1809, une mesure administrative est prise pour tenter dâentraver le trafic : les navires qui dĂ©chargent Ă Huangpu doivent fournir un certificat indiquant lâabsence dâopium Ă bord. La corruption rĂ©gnant parmi les fonctionnaires ne permet pas lâapplication stricte de ces mesures.
Rien ne semble pouvoir arrĂȘter ce commerce trĂšs lucratif : en 1813, une caisse dâopium indien se vend 2 400 roupies, alors que le prix de revient nâest que de 240 roupies. En 1821, un nouveau dĂ©cret chinois annonce que le commerce nâest plus possible Ă Huangpu. Le marchĂ© se dĂ©place Ă Lingding, oĂč il se dĂ©veloppe de 1821 Ă 1839. La Compagnie britannique des Indes orientales (en anglais : « East India Company ») dĂ©cide alors de contourner lâinterdiction et augmente ses ventes illĂ©gales dâopium en Chine ; elles passent de 100 tonnes vers 1800 Ă 2 600 en 1838. Le commerce des Britanniques en Chine devient enfin excĂ©dentaire. En 1835, il y a deux millions de fumeurs dâopium en Chine.
Guerre au trafic dâopium
Les autoritĂ©s chinoises rĂ©pondent alors de façon plus efficace. Lâempereur Daoguang (1820â1850) demande conseil Ă une dizaine dâexperts avant de prendre une dĂ©cision. Au sein de la cour, il existe des partisans et des adversaires de lâopium : certains veulent lĂ©galiser le trafic ou plutĂŽt la production chinoise, dâautres voient plutĂŽt le problĂšme financier posĂ© par la drogue. Un dĂ©bat de deux ans sâengage.
Un de ces rapports est prĂ©sentĂ© par le gouverneur gĂ©nĂ©ral des provinces de Hubei et du Hunan, Lin Zexu (1775â1850). Celui-ci est plutĂŽt partisan de lâouverture de la Chine au monde extĂ©rieur. Câest un farouche adversaire du trafic et son rapport soutient lâinterdiction de lâopium. Il propose une sĂ©rie de mesures pour en limiter le trafic et la consommation. Son texte se fonde sur sa propre pratique dans les deux provinces placĂ©es sous son autoritĂ© : confisquer les stocks de drogue et accessoires de lâopiomanie.
Canton est, Ă lâĂ©poque, le port par lequel transite la majoritĂ© de lâopium. Lâempereur nomme en dĂ©cembre 1838 Lin Zexu commissaire impĂ©rial de la province du Guangdong (Canton). Il est chargĂ© de mettre un terme Ă lâusage de lâopium.
Action de Lin Zexu
En , Lin Zexu arrive Ă Canton et Ă©tablit la liste de toutes les fumeries dâopium, de leurs tenanciers et des vendeurs.
Il confisque tous les stocks dâopium de la ville : il ordonne Ă leurs propriĂ©taires de venir remettre la drogue en Ă©change de thĂ©. Tous les propriĂ©taires Ă©tant Ă©trangers, ils doivent aussi renoncer par Ă©crit au commerce avec les Chinois.
Le surintendant du commerce britannique devra alors coopĂ©rer avec Lin. En , Lin fait parvenir Ă la reine du Royaume-Uni, Victoria, un message pour lui dire que la consommation dâopium est interdite en Chine et lui demande dâen faire cesser le trafic.
Le , la drogue saisie est dĂ©truite, soit 20 291 caisses contenant 1 188 t. Lin Ă©dicte un rĂšglement imposant la fouille des bateaux Ă©trangers entrant dans les eaux territoriales chinoises. Lâopinion publique se montre favorable Ă cette interdiction.
Au nom de la dĂ©fense du commerce, lord Melbourne, le Premier ministre de la reine Victoria, convainc le Parlement britannique dâenvoyer un corps expĂ©ditionnaire Ă Canton, dĂ©clenchant du mĂȘme coup la premiĂšre guerre de lâopium.
La tension monte
Au Royaume-Uni, environ trois cents sociĂ©tĂ©s commerciales britanniques demandent au gouvernement dâintervenir auprĂšs des autoritĂ©s chinoises. Certains veulent une intervention officielle des Britanniques pour quâon leur paie la marchandise dĂ©truite. Une campagne de presse est organisĂ©e pour dĂ©plorer tous ces incidents entre Britanniques et Chinois.
En Chine, les choses se tendent encore plus et il y a mĂȘme des affrontements armĂ©s entre navires britanniques et jonques chinoises : le premier a lieu en et le deuxiĂšme en . Lin Zexu interdit le port de Canton aux navires britanniques en ; lâempereur dĂ©cide de « fermer pour toujours » Canton aux Britanniques en .
Cette nouvelle parvient au Royaume-Uni. Un dĂ©bat a lieu en Ă la Chambre des communes entre les partisans dâopĂ©rations militaires pour la rĂ©paration des torts envers leurs commerçants et ceux qui veulent que le Royaume-Uni renonce Ă vendre de lâopium et, du mĂȘme coup, renonce Ă une guerre. Les premiers auront gain de cause.
Le , un incident met le feu aux poudres : un groupe de marins britanniques et amĂ©ricains dĂ©barquent Ă Kowloon oĂč ils trouvent un approvisionnement en alcool de riz dans le village de Tsim-sha-tsui. Dans lâĂ©meute qui en rĂ©sulte, les marins vandalisent un temple et tuent un homme. PrĂ©textant que la Chine nâa pas de systĂšme juridique constituĂ© dâun jury ou dâune audience probatoire (le magistrat Ă©tait Ă la fois le procureur, le juge, le jury et le futur bourreau), le gouvernement britannique et la communautĂ© britannique de Chine souhaitent que les sujets britanniques ne soient jugĂ©s que par les juges britanniques. Lorsque les autoritĂ©s chinoises exigent que les hommes soient remis Ă la cour pour le procĂšs, les Britanniques refusent. Six marins sont finalement jugĂ©s par les autoritĂ©s britanniques Ă Canton (Guangzhou), mais ils sont libĂ©rĂ©s dĂšs leur arrivĂ©e en Angleterre[17].
Dans une lettre Ă la reine Victoria de 1839, Lin Zexu, commissaire impĂ©rial extraordinaire, Ă©crit ceci : « (âŠ) Les lois interdisant la consommation de lâopium sont maintenant si sĂ©vĂšres en Chine que si vous continuez Ă le fabriquer, vous dĂ©couvrirez que personne ne lâachĂštera et quâaucune fortune ne se fera par lâopium. (âŠ) Tout lâopium qui est dĂ©couvert en Chine est jetĂ© dans lâhuile bouillante et dĂ©truit. Tout bateau Ă©tranger qui, Ă lâavenir, viendra avec de lâopium Ă son bord, sera mis Ă feu, et tous les autres biens quâil transportera seront inĂ©vitablement brĂ»lĂ©s en mĂȘme temps. Alors, non seulement vous ne parviendrez pas Ă tirer quelque profit de nous, mais vous vous ruinerez dans lâaffaire. Ayant voulu nuire Ă autrui, vous serez la premiĂšre Ă en souffrir. Notre Cour cĂ©leste nâaurait pas gagnĂ© lâallĂ©geance dâinnombrables pays si elle nâexerçait un pouvoir surhumain. Ne dites pas que vous nâavez pas Ă©tĂ© avertie Ă temps. Ă la rĂ©ception de cette lettre, Votre MajestĂ© sera assez bonne pour me faire savoir immĂ©diatement les mesures qui auront Ă©tĂ© prises (âŠ). »
La guerre
En , une armada britannique est mise sur pied : 16 vaisseaux de ligne, 4 canonniĂšres, 28 navires de transport, 540 canons et 4 000 hommes. Sous le commandement de lâamiral Elliot, ils arrivent au large de Canton en . Un croiseur britannique bombarde Canton et occupe lâarchipel voisin de Zhoushan (èć±±) (incident dâoĂč est tirĂ© le terme de « diplomatie de la canonniĂšre »). Les Britanniques attaquent Canton mais sans succĂšs, car Lin a fait planter des pieux retenus par des chaĂźnes dans le port pour empĂȘcher les bateaux dâaccoster. Il y a aussi une milice qui dĂ©fend la ville.
Les Britanniques conquiĂšrent Hong Kong (alors un avant-poste mineur) et en font une tĂȘte de pont. Les combats commencent rĂ©ellement en juillet, quand les HMS Volage (en) et HMS Hyacinth (en) dĂ©font 29 navires chinois. Les Britanniques capturent le fort qui gardait lâembouchure de la riviĂšre des Perles â la voie maritime entre Hong Kong et Canton.
La cour chinoise prend peur. Lin Zexu tombe en disgrĂące (condamnĂ© Ă lâexil) et il est remplacĂ© par un aristocrate, Qishan.
Des négociations ont lieu à Canton : Qishan fait démolir les fortifications de Lin, dissoudre la milice en et réduire le nombre de soldats.
Les Britanniques revendiquent :
- la reprise du commerce avec le Royaume-Uni ;
- le remboursement des stocks dâopium dĂ©truits ;
- la suzeraineté sur Hong Kong (anciennement ßles Victoria).
Qishan refuse. Les Britanniques tentent de le faire plier en attaquant et sâemparant de quelques ouvrages de fortification. Qishan prend peur et accepte les revendications : il signe avec Charles Elliot la convention de Chuanbi par laquelle Hong Kong est accordĂ© aux Britanniques ainsi qu'une indemnitĂ© de six millions de dollars. Elle ne sera jamais ratifiĂ©e. La cour chinoise pense que lâacceptation de Qishan ne concerne que la reprise du commerce. En apprenant que cela va beaucoup plus loin, lâempereur dĂ©cide de destituer Qishan (condamnĂ© Ă mort pour mauvais services, puis Ă lâexil) et dĂ©clare la guerre aux Britanniques le . Lâempereur remplace Qishan par Yishan.
En 1841, les forces britanniques occupent la région autour de Canton (province de Guangdong), puis prennent la ville de Ningpo (Ningbo, province de Zhejiang) et le poste militaire de Chinhai (district de Zhenhai, dont Ningpo est la préfecture).
Dans la province de Canton, les Britanniques se rendent vite maĂźtres des endroits stratĂ©giques. Yishan met plusieurs semaines Ă arriver Ă Canton ; lâassaut quâil lance contre les Britanniques est repoussĂ© et les Chinois se replient Ă lâintĂ©rieur de la ville. Yishan demande lâarmistice et une convocation dâarmistice (convention sur le rachat de Canton) est signĂ©e le . Cette convocation engage les Chinois Ă racheter Canton pour six millions de dollars aux Britanniques (dont un million le jour mĂȘme). Mais elle repose sur un double malentendu utilisĂ© par les diplomates britanniques : les Chinois considĂšrent cette action comme un prĂȘt commercial, alors que les Britanniques nâont renoncĂ© ni Ă lâindemnisation des stocks dâopium, ni Ă Hong Kong.
Capitulation chinoise
Les Britanniques veulent encore faire peur aux Chinois afin dâobtenir davantage avec une nouvelle nĂ©gociation. En , une escadre britannique remonte le Yangzi Jiang jusquâĂ Nankin, obligeant le gouvernement de lâempereur Daoguang Ă capituler et Ă signer le traitĂ© de Nankin le . Ce traitĂ© donne aux Britanniques le libre commerce de lâopium, la fin de lâobligation de nĂ©gocier uniquement avec les Co-hong et surtout la concession de l'Ăźle de Hong Kong qui sera reprise par la suite.
La victoire facile des forces britanniques, dirigées par le général Anthony Blaxland Stransham, affecte gravement le prestige de la dynastie Qing et a pu contribuer au déclenchement de la rébellion Taiping (1850-1862).
Les traités
Le , les reprĂ©sentants de la Cour signent Ă bord dâune canonniĂšre britannique le fameux traitĂ© de Nankin. Ce traitĂ© sera complĂ©tĂ© par la suite par deux autres traitĂ©s conclus le et le (traitĂ© du Bogue)[18]. Ces trois traitĂ©s reconnaissent aux Britanniques les droits suivants :
- 1re clause : la cession de Hong Kong qui deviendra une place militaire et Ă©conomique ;
- 2e clause : cinq ports sont ouverts, soit Xiamen, Canton, Fuzhou, Ningbo et Shanghai. Les Britanniques obtiennent le droit de sâinstaller dans ces ports et dây vivre avec leurs familles (pour les marchands). Le traitĂ© de Humen autorise la construction dâĂ©difices dans ces ports ;
- 3e clause : indemnités de guerre (frais + opium) de 21 millions de yuans[19], soit 1/3 des recettes du gouvernement impérial, à verser selon un échéancier de quatre ans ;
- 4e clause : douanes : les commerçants britanniques sont assujettis au paiement de droits sur les importations et exportations ; le montant est désormais fixé par les Chinois et les Britanniques ;
- 5e clause : droit de la juridiction consulaire : en cas de litige entre un Chinois et un Britannique, une juridiction britannique tranchera sur la base des lois britanniques ;
- 6e clause : clause de la nation la plus favorisée : si la Chine signe un traité avec une autre puissance, le privilÚge accordé à la nation en question sera également accordé au Royaume-Uni.
Dâautres nations (Ătats-Unis d'AmĂ©rique, France) demandent les mĂȘmes privilĂšges que ceux accordĂ©s au Royaume-Uni :
- Ătats-Unis : en 1842, revendiquent les mĂȘmes droits commerciaux et lĂ©gaux. En 1844, ils les obtiennent par le traitĂ© de Wangxia (village prĂšs de Macao) ;
- France : avant la guerre de lâopium, les Français Ă©taient mal placĂ©s commercialement, mais ils obtiennent eux aussi les mĂȘmes droits en par le traitĂ© de Whampoa. Ils obtiennent de plus le droit de construire des Ă©glises et d'Ă©tablir des cimetiĂšres. Quelques jours aprĂšs, ils obtiennent le droit dâĂ©vangĂ©liser.
Les consĂ©quences Ă©conomiques et sociales de la 1re guerre de lâopium
AprĂšs les traitĂ©s de Nankin, lâĂ©conomie chinoise sâouvre aux puissances Ă©trangĂšres et vice-versa. La Chine exporte plus de 100 millions de livres sterling de thĂ©, deux fois plus quâauparavant. De 12 000, les Chinois exportent dĂ©sormais 20 000 balles de soie en 1840, par le biais des Britanniques. Les commerçants Ă©trangers sâemploient Ă renforcer leur position et sâinstallent surtout Ă Shanghai (concession britannique en 1841, concession amĂ©ricaine en 1845, puis concession internationale). Shanghai devient une concession française en 1849 (enclave juridique avec ressemblance architecturale avec une ville française). Le commerce de lâopium continue de se dĂ©velopper. Il nâest toujours pas lĂ©gal mais tolĂ©rĂ©, passant de 40 000 caisses en 1838 Ă 50 000 en 1850, puis Ă 80 000 en 1863 (soit un doublement en vingt-cinq ans).
Conséquences financiÚres
Avant 1821, la caisse est vendue entre 1 000 et 2 000 reales (monnaie d'or mexicaine alors trĂšs apprĂ©ciĂ©e dans le commerce en Orient). AprĂšs 1838, entre 700 et 1 000 reales. La monnaie Ă©tait le liang (traduit par taĂ«l en français). Le liang correspond Ă un poids dâargent variable (37 g environ) et 1 liang = 1 000 sapĂšques (en cuivre). Les Chinois paient en liang. La monnaie dâargent se rarĂ©fie en Chine, sa valeur augmente au dĂ©triment de la monnaie en cuivre. Lâinflation monte :
- avant 1820, 1 liang = 1 000 sapĂšques ;
- en 1845, 1 liang = 2 200 sapĂšques.
Cette hausse se reflĂšte sur les Chinois qui nâont que des sapĂšques ; les impĂŽts doublent.
Conséquences sociales
Ă la campagne, les paysans sâendettent de plus en plus auprĂšs des propriĂ©taires fonciers. Les paysans mendient, se font bandits, rejoignent des sociĂ©tĂ©s secrĂštes.
En ville, le sort des artisans nâest guĂšre plus enviable. Les produits Ă©trangers (cotonnades et fils) peuvent se dĂ©verser sur le marchĂ© chinois. Tandis que certains connaissent le chĂŽmage, dâautres meurent de faim. Entre 1841 et 1849, on dĂ©nombre cent soulĂšvements populaires environ, comme la rĂ©volte des Taiping. Cette colĂšre populaire se dĂ©verse contre les Ă©trangers (mouvements dâhostilitĂ©) comme Ă Canton ou Ă Fuzhou.
La population se retourne aussi contre la cour, mais la rĂ©volte sera matĂ©e. En 1851, l'empereur Xian Feng accĂšde au trĂŽne, les nĂ©gociateurs des traitĂ©s tombent en disgrĂące et les Chinois cherchent Ă reprendre ce quâils ont consenti Ă donner sous la contrainte.
Notes et références
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Voir aussi
Bibliographie
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- Julia Lovell, La guerre de l'opium, Buchet-Chastel, 2017, 578 pages, traduit par Stéphane Roques.
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- James Polachek, The inner opium war, Cambridge, Harvard University Press, 1992.
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- Mao Haijian: The Qing Empire and the Opium War. The Collapse of the Heavenly Dynasty. Cambridge University Press, Cambridge 2016, (ISBN 1-107-06987-4).
- W. Travis Hanes III, Frank Sanello: The Opium Wars. The Addiction of one Empire and the Corruption of Another. Sourcebooks, Naperville IL 2002, (ISBN 1-4022-0149-4).
Articles connexes
Liens externes
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